Risque xénozoonotique viral et xénotransplantation

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!
L. Bélec 1, 2, A. Szalat 2
Risque xénozoonotique viral
et xénotransplantation
a xénotransplantation, ou
L
transplantation
d’organes, de tissus
ou de cellules
d’une espèce à une
autre (i.e. de primates non humains
ou du porc à
l’homme), est considérée comme une solution possible
pour pallier le déficit d’organes disponibles en allotransplantation. La xénotransplantation possède, a priori, certains
avantages par rapport à l’allotransplantation (1) :
" elle offre une source d’organes virtuellement inépuisable ;
" elle permet de planifier parfaitement la
transplantation, sans attendre la disponibilité aléatoire du don d’organe ;
" elle n’utilise que des animaux sources
d’organes connus, sélectionnés et contrôlés, sur les plans génétique, immunologique et surtout infectieux ;
" elle permet d’offrir des organes non
humains réfractaires à l’infection par des
virus humains, comme le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) ou le
virus de l’hépatite B, ce qui pourrait
constituer un avantage, voire une solution
thérapeutique élégante pour certaines
pathologies.
Cependant, la xénotransplantation n’a
pas encore franchi le stade expérimental
des protocoles de recherche préthérapeutiques, car de nombreux problèmes,
notamment éthiques, immunologiques
(risque de rejet hyperaigu) et infectieux,
ne sont encore que partiellement résolus.
En effet, comme pour l’allotransplanta1
Service de microbiologie, hôpital européen
Georges-Pompidou, 75015 Paris.
Unité INSERM U430, hôpital Broussais,
75014 Paris.
2
tion, le succès de la xénotransplantation
réside dans l’instauration d’une immunodépression suffisante pour assurer
l’absence de rejet, tout en évitant ou
contrôlant le risque infectieux. Or, la
xénotransplantation réalise une situation
très particulière de court-circuit radical
entre les barrières cutanéo-muqueuses
humaines et animales, ce qui abolit les
défenses inter-espèces naturelles, et réalise une situation quasiment expérimentale d’inoculation à l’homme d’agents
infectieux d’origine animale. De plus, en
xénotransplantation, le risque de contracter une infection ou de développer une
maladie clinique chez le receveur est, a
priori, plus élevé qu’en allotransplantation, car l’immunosuppression médicamenteuse nécessaire à la tolérance de
l’organe greffé doit être plus importante ;
l’immunodépression induite favorisera
indirectement l’adaptation du virus à son
hôte. L’expression de gènes humains
introduits chez des porcs transgéniques
pourrait également faciliter l’adaptation
des virus animaux aux tissus humains de
façon anticipée. Enfin, les conséquences
infectieuses de la xénotransplantation ne
sont pas seulement individuelles : elles
présentent également une dimension collective, qui laisse profondément dubitatif (2-7). En effet, l’émergence chez
l’homme de nouvelles maladies infectieuses virales ou apparentées est généralement due au passage d’agents pathogènes du réservoir animal naturel à
l’homme (8). Des exemples récents, frappants et spectaculaires, sont l’émergence
de l’épidémie d’infection à VIH, ou
encore de cas de maladie de CreutzfeldtJakob à nouveau variant. À ce titre, de
nombreuses anthropozoonoses potentielles pourraient émerger du réservoir de
virus abrité par la forêt tropicale. Le passage d’un virus à l’homme est un événement rare, car il existe de puissantes barrières d’espèces naturelles. Une fois
28
passé à l’homme, le virus s’adapte à la
niche écologique, pour devenir rapidement un nouvel agent pathogène de l’espèce humaine, possédant ses propres
voies de transmission interindividuelle.
La probabilité de passage à l’homme
d’un agent pathogène animal dans le cas
de la xénotransplantation est infiniment
plus élevée que celle d’émergence d’une
zoonose inédite à partir d’un virus présent au sein de la forêt intertropicale. En
effet, dans ce contexte très particulier, les
barrières naturelles inter-espèces sont
abolies, les défenses de l’hôte sont
diminuées durablement (immunodépression iatrogène) et le nombre de virus animaux potentiellement xénozoonotiques,
notamment les rétrovirus endogènes
(RVE), est énorme. En conclusion, tout
laisse à penser que le risque infectieux
potentiel lié à la xénotransplantation
pourrait être supérieur à celui lié à l’allotransplantation.
Le risque infectieux en xénotransplantation concerne, d’une part, les agents
infectieux classiques présents chez le
receveur, qui développent une virulence
de nature opportuniste, comme en allotransplantation, et, d’autre part, les agents
infectieux, connus ou inconnus, propres
à l’espèce animale source d’organe, qui
passent chez le receveur. La transmission
inter-espèces d’agents infectieux de l’animal à l’homme dans des conditions naturelles est à l’origine de nombreuses zoonoses bien connues (comme la rage, la
fièvre jaune, les infections à Monkeypox
ou à hantavirus), ou inédites (comme
celle associée au nouveau variant de la
maladie de Creutzfeldt-Jakob). La transmission d’agents infectieux de l’animal
à l’homme au cours de la xénotransplantation, qui n’est pas une situation de zoonose naturelle, est à l’origine de “xénozoonoses”, dont les xénozoonoses virales
sont les plus fréquentes (1, 9, 10).
Le Courrier de la Transplantation - Volume I - n o 1 - avril-mai-juin 2001
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Les xénozoonoses virales montrent
d’emblée des caractéristiques préoccupantes, comme la possibilité de persistance virale, les facultés de dérive génétique et d’adaptation à l’hôte, la
transmission interindividuelle et verticale
et le manque de thérapie réellement efficace. Les xénozoonoses virales peuvent
être schématiquement classées en trois
catégories : les xénozoonoses virales
classiques de l’animal à l’homme, les
xénozoonoses à micro-organismes animaux qui ne sont pas impliqués dans une
zoonose naturelle et les xénozoonoses à
micro-organismes inconnus, émergents
ou inédits.
Nous détaillerons par la suite les xénozoonoses virales au cours des greffes à
partir d’organes du porc, qui sont les animaux représentant actuellement la
meilleure source potentielle d’organes
pour l’homme, et à partir du babouin, en
insistant sur la problématique des infections rétrovirales endogènes.
XÉNOZOONOSES À AGENTS
ZOONOTIQUES CONVENTIONNELS
Elles sont occasionnées par des agents
infectieux d’origine animale associés à
des zoonoses naturelles. Les conséquences cliniques et biologiques de ces
infections sont connues chez l’animal
comme chez l’homme, et des techniques
de diagnostic validées sont souvent disponibles. En pratique, il est possible de
sélectionner les animaux sources d’organes en xénotransplantation, indemnes
de ces agents infectieux, selon des recommandations très précises mises à jour
régulièrement (11).
Les principaux agents infectieux en cause
chez le porc sont le virus herpétique porcin, le virus influenza, le virus de la peste
porcine. Le virus de l’hépatite E porcine
(HEVP), appartenant à la famille des
Caliciviridae, est de découverte récente.
Chez le porc, ce virus est latent et asymptomatique. Il constitue un agent zoonotique (12). En effet, il se transmet à
l’homme, soit de façon latente et asymptomatique, soit en provoquant une hépatite virale. À Taiwan, le HEVP pourrait
constituer un réservoir d’infection pour
l’homme, et la transmission inter-espèces
pourrait expliquer la forte prévalence de
la séropositivité vis-à-vis des antigènes
du virus de l’hépatite E dans la population générale (13). Chez deux malades
vivant aux États-Unis, les HEVP
(souches US-1 et US-2) présentaient
97 % d’homologie génétique avec le
virus de l’hépatite E (12). La transmission inter-espèces de l’HEVP est prouvée, et pourrait aussi avoir lieu en cas de
xénotransplantation.
Chez le singe, le Simian Immunodeficiency Virus (SIV) est capable d’infecter in vitro les lymphocytes et macrophages humains ; in vivo, deux cas de
contamination asymptomatique chez
des laborantins ont été rapportés (14).
L’imputabilité du SIV dans l’émergence
de l’épidémie d’infection à VIH est
actuellement une des hypothèses les plus
solides qui ferait du sida une zoonose,
puisque la souche SIVcpz serait à l’origine du VIH de type 1, et que la souche
SIVsm serait à l’origine du VIH de
type 2. Ces observations indiquent clairement que la transmission du SIV lors
d’une xénotransplantation est susceptible d’aboutir à une xénozoonose virale
grave. Le Simian T-Lymphotropic Virus
de type 1 (STLV-1) est génétiquement
apparenté au Human T-Lymphotropic
Virus ; les transmissions inter-espèces
entre singes, et du singe à l’homme, du
STLV-1 sont prouvées. Ainsi, les SIV et
STLV sont des virus potentiellement
transmissibles lors d’une xénotransplantation : ils doivent être systématiquement dépistés chez l’animal donneur
d’organe. La prévalence du Simian
Foamy Virus (SFV), un virus de la sousfamille des Spumaviridae, est importante chez les primates non humains :
elle est de l’ordre de 90 % dans les colonies de babouins capturés et placés en
élevage. Il s’agit d’un agent zoonotique
transmis fréquemment chez les individus exposés professionnellement aux
primates non humains. Bien que l’infection à SFV chez l’homme soit
bénigne à court terme, l’apparition tardive d’une maladie spécifique n’est pas
29
exclue. Les xénotransplantations utilisant des organes de babouins infectés
par le SFV transmettraient probablement le virus, avec un risque ultérieur
d’expression clinique qui demeure
inconnu.
XÉNOZOONOSES À AGENTS
ZOONOTIQUES POSSIBLES
Il peut s’agir d’infections occasionnées
par des micro-organismes pathogènes
(comme le cytomégalovirus porcin ou le
cytomégalovirus du babouin) ou non
pathogènes (comme le circovirus porcin),
considérés comme spécifiques de leur
hôte animal naturel, mais qui seraient
susceptibles d’acquérir un caractère virulent pour l’homme. Il s’agit, de fait, d’une
pseudo-spécificité d’espèce, avec un
risque de développement et de dissémination de zoonose chez le receveur de
xénotransplant.
Xénozoonose associée
aux rétrovirus endogènes
du primate et du porc
Le risque de contamination du receveur
par un rétrovirus endogène provenant du
greffon animal constitue le risque infectieux lié à la xénotransplantation dont les
conséquences pourraient être des plus
graves.
Les RVE constituent des génomes rétroviraux fossiles, secondaires à d’anciennes
infections des cellules de la lignée germinale (15). Des RVE sont intégrés dans
le génome de tous les mammifères sous
la forme d’un provirus à ADN. Ils sont
hérités de façon permanente et transmis
verticalement de façon mendélienne, des
parents aux enfants. Les RVE sont soumis à la même fréquence de mutations
que les gènes cellulaires. Chaque espèce
de mammifère en abrite plusieurs centaines. Les RVE représentent, par
exemple, environ 2 % du génome
humain. Les RVE proviennent d’une
transmission inter-espèces qui s’est produite à des moments différents selon l’espèce concernée, de sorte que, sur le
plan génétique, les RVE peuvent être
distingués en RVE anciens, insérés au
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sein d’une même région du génome de
tous les individus d’une espèce donnée,
et en RVE récents, qui présentent une
grande hétérogénéité quant à leur zone
d’insertion dans le génome des différents
individus d’une même espèce. L’hôte
d’un RVE a développé des mécanismes
variés de résistance, ce qui a pour conséquence une expression clinique généralement silencieuse des RVE chez leurs
hôtes naturels. Soulignons que les RVE
de type C ont un pouvoir oncogène en
activant des proto-oncogènes en cis après
leur intégration. Les RVE peuvent se
répliquer au sein de leur hôte, et être à
l’origine d’une virémie mesurable.
La présence de RVE dans le génome
des mammifères a des conséquences
variables pour l’hôte, notamment en ce
qui concerne sa sensibilité vis-à-vis des
rétrovirus exogènes. Ainsi, les RVE peuvent conférer une résistance de leur hôte
vis-à-vis de rétrovirus exogènes apparentés, par exemple grâce à l’expression
de leur protéine d’enveloppe codée pour
le gène env, qui bloquerait l’interaction
entre le virus exogène et son récepteur
cellulaire. Par ailleurs, un RVE peut devenir exogène dans certaines conditions, la
transmission inter-espèces d’un RVE
entraînant une modification de son potentiel pathogénique. Par exemple, le RVE
de type C de la souris Mus caroli est
directement à l’origine du Gibbon Ape
Leukemia Virus (GALV), un rétrovirus
exogène de type C des primates ; le
GALV est responsable d’une leucémie
pour son hôte secondaire, alors que le
RVE parental est non pathogène pour la
souris (16).
Au cours d’une xénotransplantation,
l’existence de RVE fait craindre la possibilité de recombinaisons génétiques
entre les génomes de RVE des deux
espèces, avec l’apparition de virus inédits
éventuellement pathogènes pour le receveur. Le passage inter-espèces des RVE
existe naturellement. Comme les conditions associées aux xénotransplantations
sont, a priori, très permissives par rapport
aux conditions naturelles, il est licite de
penser qu’un RVE du singe ou du porc
passera aisément chez l’homme trans-
planté. De plus, le pouvoir pathogène du
RVE xénotransplanté, très souvent (mais
pas toujours) bénin pour son hôte animal
naturel, pourrait être modifié chez son
hôte secondaire. Actuellement, aucune
contamination humaine par un RVE de
babouin ou de porc n’a pu être identifiée,
bien que ces deux espèces animales renferment un grand nombre de RVE. Ces
constatations ne doivent pas faire sousestimer le risque de passage d’un RVE
animal à l’homme ou de la sélection de
variants recombinés en cas de xénotransplantation à l’homme d’organes de
babouin ou de porc. Nous allons par la
suite analyser les données récentes
concernant les RVE du babouin et du
porc, afin d’évaluer le risque potentiel
associé aux xénozoonoses rétrovirales
endogènes, si la xénotransplantation
devait être utilisée en thérapeutique
humaine.
! Rétrovirus endogènes du babouin
(BaEV, SERV, PcEV). Au moins trois
RVE ont été identifiés chez le babouin.
Le Baboon Endogenous Retrovirus
(BaEV) est un rétrovirus endogène de
type C présent chez de nombreuses
espèces de primates du vieux monde. Le
BaEV est bénin pour son hôte naturel, et
aucun virus analogue humain n’a été
identifié (17). Cependant, ce virus est
capable de se répliquer in vitro dans les
cellules humaines, suggérant un potentiel infectieux chez l’homme (18, 19). De
plus, plusieurs observations in vivo suggèrent que le BaEV possède un potentiel
de transmission inter-espèces (virus
amphotropique). En premier lieu, deux
génotypes de BaEV ont été identifiés au
sein d’espèces simiennes différentes, ce
qui suggère que la transmission entre différentes espèces de singes habitant la
même région géographique existe (17).
En second lieu, le RD114, un RVE du
félin, est phylogénétiquement très proche
du BaEV, tout en étant éloigné des autres
REV des félins, ce qui suggère une transmission inter-espèces d’un ancêtre du
BaEV au félin il y a plus de 3 millions
d’années (20). Ces observations suggèrent que la xénotransplantation à partir
d’organes de babouins pourrait être associée à la transmission à l’homme de RVE
30
ayant un tropisme pour les cellules
humaines, donc potentiellement pathogènes, voire oncogènes, et dont la transmission intra- comme inter-espèces est
possible.
Le Simian Endogenous Retrovirus
(SERV) de type D, jusqu’alors trouvé
uniquement chez les macaques atteints
du syndrome d’immunodéficience
acquise simienne, a été identifié chez les
babouins destinés à la recherche biomédicale (21). Le SERV précède phylogénétiquement le BaEV, et lui a fourni une
partie du gène env. Le SERV pourrait être
transmissible à l’homme au cours de la
xénotransplantation, puisqu’il présente
une charge provirale élevée chez le
babouin infecté, et que près de 5 % des
babouins d’élevage en sont infectés (22).
Enfin, un autre rétrovirus de type C, le
Papio Cynocephalus Endogenous Retrovirus (PcEV), a été récemment décrit
chez le babouin (23) ; ce virus ferait
partie des “ancêtres” du BaEV.
En conclusion, de nombreux RVE ont été
trouvés chez le babouin. Il en existe certainement d’autres. Si leur caractère
transmissible à l’homme est probable,
leur caractère pathogène pour l’homme
n’est pas connu. Le babouin a été désormais écarté des protocoles de xénotransplantation, notamment en raison
des risques infectieux potentiels pour
l’homme, surtout ceux associés aux RVE.
! Rétrovirus endogènes du porc
(PERV)
" Infection in vitro de cellules
humaines par les PERV. Le porc apparaît comme l’animal le plus adapté pour
la xénotransplantation, pour des raisons
à la fois économiques (coût raisonnable)
et physiologiques (adaptation des organes
transplantés à la physiologie humaine).
Ce choix pourrait être remis en question
du fait de la découverte de nombreux
RVE porcins, encore dénommés
“PERV”, et de la démonstration récente
que les PERV pouvaient infecter les cellules humaines in vitro (24, 25). Ainsi, le
“PERV-PK”, un RVE de type C isolé à
partir des lignées cellulaires PK15 de rein
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porcin, a un tropisme pour les cellules
humaines (caractère amphotropique).
Deux variants du PERV-PK (PERV-A et
PERV-B), divergeant dans le gène env,
sont ainsi capables d’infecter productivement in vitro des cellules humaines,
incluant des lymphocytes B et T. Ces
deux variants sont ubiquitaires, présents
dans les lignées cellulaires porcines de
cœur et de rein. De plus, les cellules
mononucléées périphériques sanguines
de porc répliquent activement le PERV in
vitro ; le virus produit est capable d’infecter les cellules de rein embryonnaire
humaines U293 (photo) et les cellules de
lignée Hela (26). Les cellules endothéliales aortiques porcines produisent des
particules de PERV (27). Enfin, des ARN
messagers des PERV-A et -B peuvent être
mis en évidence au sein des cellules
endothéliales aortiques porcines, et aussi
au sein des hépatocytes et des cellules
épithéliales pulmonaires provenant de
plusieurs espèces de porcs élevés dans
des conditions différentes et en des lieux
différents, ce qui démontre le caractère
ubiquitaire de l’infection à PERV chez le
porc. Mentionnons que le PERV-MP
(PERV-C), un autre RVE génétiquement
proche du PERV-PK, n’infecte que les
cellules d’origine porcine (caractère écotropique).
La présence de PERV au sein des cellules
endothéliales aortiques porcines est
importante à considérer, puisque l’endo-
thélium du réseau vasculaire du tissu porcin greffé constituera la principale interface avec les lymphocytes du receveur,
ce qui pourrait constituer une source de
RVE porcins chez le receveur. Notons
que la xénotransplantation de cellules
endothéliales aortiques porcines au
babouin ne semble pas être associée à la
transmission de PERV, même en cas de
forte immunosuppression ; de fait, les
expérimentations in vitro ont montré que
les lignées lymphocytaires du babouin
sont résistantes aux PERV (10).
d’une allogreffe : il n’existait pas de cellules porcines circulantes, ni d’évidence
d’une séroconversion en anticorps spécifiques dirigés contre des antigènes de
PERV chez les deux malades dialysés
(29). Ces deux observations ne correspondent cependant pas à une véritable
xénotransplantation : non seulement les
deux malades n’étaient pas immunodéprimés, mais, de plus, les contacts transitoires entre tissus porcins et tissus
humains furent relativement courts (15 à
65 minutes).
" Études in vivo du pouvoir pathogène
pour l’homme des PERV. Le caractère
pathogène in vivo des PERV est un élément fondamental à prendre en considération pour évaluer le risque associé à ces
virus en xénotransplantation. Chez le
porc, les PERV sont orphelins de maladies identifiées ; cependant, le développement de lymphomes est corrélé au
niveau de réplication des RVE de type C,
en cas d’irradiation de l’animal. D’une
façon générale, les RVE de type C ont un
potentiel oncogène, comme certains RVE
génétiquement proches des PERV associés à des tumeurs myéloïdes chez leur
hôte naturel (28).
Heneine et al. n’ont rapporté aucun
stigmate d’infection à PERV chez
10 malades diabétiques, près de 7 ans
après qu’ils aient reçu des cellules pancréatiques provenant de porcs non transgéniques, et malgré l’immunodépression
iatrogène (30). En particulier, la détection en PCR de deux séquences des gènes
gag et pol spécifiques des PERV demeurait négative dans les lymphocytes sanguins 4 à 7 ans après la xénotransplantation. Les marqueurs de réplication du
PERV (activité transcriptase inverse et
détection de l’ARN génomique par
amplification génique) étaient négatifs
dans le plasma prélevé précocement (3 à
180 jours) ou tardivement (4 à 7 ans)
après la greffe.
Chez l’homme, l’utilisation d’organes de
porc en xénotransplantation semble théoriquement moins risquée que celle d’organes de babouin en termes de transmission de RVE, le babouin étant plus proche
de l’homme que le porc.
Cependant, il existe encore
trop peu d’informations à ce
sujet.
Patience et al. n’ont pas mis
en évidence d’infection à
PERV chez deux personnes
ayant été mises en contact
par dialyse avec un rein porcin avant de bénéficier
Paradis et al. ont évalué la possibilité de
transmission inter-espèces de PERV
chez 160 malades âgés de 2 à 77 ans
ayant été en contact pendant un temps
variable (de quelques minutes à plus de
450 jours) avec différents tissus ou
organes porcins au cours d’une perfusion
hépatique extracorporelle (n = 1), de perfusions rénales extracorporelles (n = 2),
d’utilisations de foies bioartificiels
(n = 28), de greffes d’îlots de pancréas
(n = 14), de greffes de peau (n = 15) et
de perfusions spléniques extracorporelles (n = 100) (31). Des échantillons de
Photo. Particules de rétrovirus endogène porcin (PERV-A) bourgeonnant à partir
d’une culture de cellules rénales embryonnaires humaines.
31
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sang et de salive ont été analysés jusqu’à
12 ans après la fin de l’exposition aux
tissus porcins. L’infection à PERV
a été recherchée par PCR détectant
l’ADN proviral, RT-PCR détectant le
génome viral ARN, et Western-Blot à la
recherche d’anticorps spécifiques contre
le PERV. Aucun de ces marqueurs ne
s’est révélé positif, même chez les
malades immunodéprimés. Cependant,
l’ADNmt porcin et des séquences centromériques porcines pouvaient être
identifiés par PCR dans les cellules
mononucléées circulantes de 23 des
100 malades ayant bénéficié d’une
circulation splénique extracorporelle,
incluant un malade pour lequel l’intervention avait eu lieu plus de 8 ans auparavant. Ces observations témoignent
d’un microchimérisme (i.e. de la présence de cellules porcines chez le receveur), d’autant plus inattendu qu’aucun
des malades n’avait reçu de traitement
immunosuppresseur, et probablement lié
à la persistance de cellules porcines, dendritiques ou précurseurs d’origine splénique connues pour exprimer un moindre
niveau de l’antigène de surface αGal.
Si les trois études précédentes sont rassurantes sur le risque de transmission à
l’homme de PERV, les travaux publiés
en 2000 par van der Laan et al. relancent
les inquiétudes concernant le risque
infectieux lié aux PERV en xénotransplantation (32). En effet, ces auteurs ont
démontré pour la première fois qu’un
PERV pouvait se transmettre in vivo
d’une espèce à une autre, et se répliquer
activement chez son nouvel hôte. Ainsi,
des îlots de Langerhans porcins ont été
greffés chez des souris SCID (Severe
Combined Immunodeficiency) non
obèses et diabétiques. Ces îlots porcins
étaient infectés par le PERV ; ils étaient
capables d’infecter in vitro les cellules
humaines U293. La production de PERV
a été évaluée 18 à 56 jours après une
xénogreffe sous-capsulaire d’îlots de
Langerhans porcins. La production
d’ARN messagers viraux secondaires à
la transcription de l’ADN proviral était
décuplée in vivo au décours de la transplantation, avec un pic au septième jour,
de façon parallèle à l’expression de la
protéine de core p30 de PERV. De plus,
un microchimérisme existait chez 70 %
des souris transplantées, non seulement
dans le tissu transplanté, mais aussi dans
d’autres tissus. Cette étude confirme que
les PERV peuvent infecter des cellules
cibles humaines. Elle démontre que les
PERV sont transmissibles in vivo après
xénotransplantation de tissus porcins
chez la souris SCID, donc dans une autre
espèce, et que plusieurs tissus de la souris greffée, en dehors du site de transplantation, s’infectent progressivement
au cours du temps, probablement par
propagation de proche en proche à partir de cellules infectées. Ces résultats
constituent un modèle animal de xénotransplantation dont les principales
conclusions ne sont pas obligatoirement
applicables à l’homme. Il n’est pas exclu,
en effet, que la souris soit naturellement
plus réceptive à l’infection à PERV que
l’homme.
" Conclusion : PERV et xénotransplantation. La question du risque de
xénorétrovirozoonose à PERV demeure
controversée. La seule étude prouvant la
transmission inter-espèces de PERV in
vivo concerne la souris. Les trois études
rétrospectives in vivo évaluant le risque
de transmission de l’infection à PERV
chez l’homme tirent des conclusions
négatives, ce qui ne prouve pas l’absence
de risque. De fait, le risque d’infection
humaine à PERV au décours d’une xénotransplantation est réel pour plusieurs
raisons (10, 15) :
– Les différents variants de PERV sont
capables d’infecter in vitro les cellules
humaines.
– Les PERV sont difficiles à éradiquer du
porc, malgré la constitution d’élevages
exclusivement destinés à la xénotransplantation, en raison de leur caractère
stable et de leur transmission mendélienne.
– Les PERV sont ubiquitaires dans les
organes, tissus ou cellules à transplanter.
– Le diagnostic de l’infection à PERV
reste difficile, l’optimisation de techniques de dépistage fiables est nécessaire
pour le suivi des malades exposés à ce
virus, tout en sachant qu’il est difficile de
faire la part entre le microchimérisme
32
(identification de PERV secondaires à la
présence de cellules porcines xénogreffées) et l’infection des cellules humaines.
– Les RVE de type C sont potentiellement oncogènes.
– La transmission horizontale et verticale
des RVE est possible.
– Enfin, l’identification d’une infection
productive à PERV chez un patient xénotransplanté pourrait n’être possible qu’à
distance du contage.
D’autres études prospectives de suivi de
malades xénogreffés avec des organes ou
tissus porcins seront nécessaires pour
évaluer avec précision le risque de transmission des PERV à l’homme ainsi que
leur pathogénicité éventuelle. Des
modèles animaux (souris, rat, chien ou
vison, sans inclure les primates, dont les
cellules sont dépourvues de récepteurs
pour les protéines env des PERV) pourraient également être utilisés pour évaluer expérimentalement la transmissibilité et la pathogénicité des PERV.
Le passage à l’homme des PERV pourrait avoir des conséquences délètères.
D’une part, l’infection humaine à PERV
pourrait être pathogène pour le receveur,
directement ou par la sélection de
variants recombinants inédits. D’autre
part, l’infection humaine à PERV pourrait s’accompagner d’une transmission
horizontale et verticale de PERV ou de
variants adaptés parmi les sujets contacts.
Le risque d’infection humaine à PERV
pose donc non seulement le problème du
risque individuel pour les malades xénotransplantés, mais aussi le problème
encore plus fondamental des risques collectifs pour les personnes en contact avec
les malades, voire pour l’ensemble de
l’humanité (33). Seule une approche à la
fois scientifique et éthique permettra de
résoudre cette quadrature de l’évaluation
du risque de transmission à l’homme des
RVE au décours des xénotransplantations.
Xénozoonoses associées
aux Herpetoviridae
De nombreux herpèsvirus sont décrits
chez les primates et le porc ; de nombreux autres restent à découvrir. Si cer-
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R echerche
tains virus peuvent être associés à des
zoonoses, il est difficile de prévoir le
pouvoir pathogène des herpèsvirus animaux chez l’homme. Ainsi, la spécificité
d’espèce des ß-Herpetoviridae comme
le cytomégalovirus n’est que relative, et
le passage inter-espèces semble possible.
Par exemple, le cytomégalovirus du
babouin est transmissible à l’homme au
cours d’une xénogreffe (34). Par ailleurs,
le pouvoir pathogène chez l’homme de
ces herpèsvirus devenus xénozoonotiques, susceptibles de réaliser une infection persistante chez le receveur, est, en
fait, très difficile à prévoir, en particulier
à long terme. L’exemple de l’herpèsvirus simien B du macaque est démonstratif pour prouver la difficulté à prédire
le pouvoir pathogène chez l’homme des
herpèsvirus présents chez les espèces
destinées à la xénotransplantation.
Cet α-Herpetoviridae est bénin pour
son hôte naturel, alors qu’il est létal
pour l’homme. Dès lors, tout herpèsvirus présent chez un animal donneur d’organe devrait être considéré comme
potentiellement létal, ou tout au moins
dangereux, jusqu’à preuve du contraire.
En pratique, il paraît difficile de prédire
le caractère pathogène des herpèsvirus
d’origine animale chez un receveur
humain, surtout s’il est immunodéprimé.
Ces virus devraient être considérés
comme “relativement spécifiques d’espèce” : ils seraient donc tous potentiellement pathogènes, et constituent un
risque de xénozoonose virale à considérer systématiquement en cas de xénotransplantation.
Autres xénozoonoses virales
potentielles
Parmi les très nombreuses xénozoonoses
virales potentielles, difficiles à systématiser, citons, chez le porc, le virus Coxsackie porcin, les entérovirus porcins
(dont huit types sont connus), l’astrovirus porcin, les Paramyxoviridae porcins,
le parvovirus porcin, les Adenoviridae
porcins, etc., et, chez le babouin, le cardiovirus des primates, le réovirus du
babouin, les Papovaviridae du babouin
(Poliomavirus papionis de types 1 et 2 ;
virus SV40), le Yaba Monkey Tumor
Virus de la famille des Poxviridae, les très
nombreux Adenoviridae du babouin,
dont une trentaine de souches ont été isolées.
Majoration du risque de xénozoonose
virale en xénotransplantation
Ces agents infectieux xénozoonotiques
potentiels pourraient devenir pathogènes
pour l’homme, à cause de la perte du
contrôle immunitaire liée à la forte immunosuppression induite chez le receveur,
ou encore à la suite de mutations génomiques ou de recombinaisons génétiques
avec d’autres génomes viraux au sein de
l’environnement humain.
Les manipulations génétiques pour créer
un animal donneur d’organe “humanisé”
dans le but de réduire le rejet hyperaigu
du greffon pourraient également augmenter le risque de transfection des cellules du receveur par des RVE. En effet,
l’homme, comme les primates de l’ancien monde (à l’inverse du porc), n’exprime pas les antigènes de surface galactose-α(1-3)galactose ou αGal. Puisque
de nombreuses bactéries intestinales
expriment l’antigène αGal, l’homme produit systématiquement des anticorps
naturels contre αGal, susceptibles de
reconnaître l’endothélium porcin au
cours des xénogreffes. Plusieurs possibilités existent pour contourner l’expression des antigènes αGal chez le porc. La
première serait de créer des porcs
knockout pour le gène de l’enzyme
α(1-3)galactosyl-transférase, qui synthétise la majorité des xénoantigènes αGal.
Dans cette situation, la protection conférée par les anticorps naturels anti-Gal13Gal humains contre les RVE de type C
(35) pourrait disparaître, ce qui favoriserait l’infection du receveur par les PERV.
Une autre approche est de réaliser des
porcs transgéniques qui expriment des
protéines membranaires humaines,
comme le CD55 (Decay Accelerating
Factor), le CD46 ou le CD59, qui sont
capables d’inhiber la cascade des événements associés à l’activation du complément. Or, les molécules CD46 et CD55
sont des récepteurs spécifiques de virus
humains pathogènes comme le virus de
la rougeole pour le CD46, le virus Coxsackie B et l’Echovirus pour le CD55, et
33
leur expression chez les cellules du donneur animal pourrait se traduire par l’infection possible des cellules xénotransplantées par des virus humains. Enfin,
l’expression de ces molécules de surface
chez les porcs transgéniques permettrait
à de nombreux virus porcins (notamment
des morbilivirus et des entérovirus porcins) de s’adapter aux récepteurs humains,
leur conférant un nouveau potentiel pathogène pour l’homme (36).
XÉNOZOONOSES
À MICRO-ORGANISMES INCONNUS
ET ÉMERGENTS
Ces xénozoonoses pourraient être occasionnées par des agents infectieux encore
inconnus chez l’animal source d’organe,
comprenant par exemple des RVE, des
virus persistant de façon latente et cryptique, ou encore des virus émergents
inédits, produits de recombinaisons génomiques entre plusieurs virus présents
simultanément chez le receveur de xénogreffe. La transmission d’un agent transmissible non conventionnel, ou prion,
lors de xénotransplantations a été évoquée, et doit être considérée comme un
risque théorique. En effet, l’existence de
prions chez le babouin n’est pas connue,
même si cet animal est omnivore, et si
certains élevages ont pu utiliser des
farines animales dans le passé. Chez le
porc, il n’existe pas de maladie à prion
connue à ce jour ; si l’encéphalopathie
spongiforme bovine est transmissible par
voie parentérale, aucun cas naturel n’a
jamais été rapporté.
Le passage à l’homme de micro-organismes inconnus, non pathogènes pour
l’animal, et non diagnostiqués, pourrait
constituer un risque majeur lors d’une
xénotransplantation. Par exemple, de
nombreux virus encore inconnus existeraient chez le babouin, l’ensemble des
virus du babouin découverts à ce jour ne
constituant qu’une faible proportion de
ceux existant (9). Une analyse similaire
concerne les virus encore inconnus du
porc, d’autant plus que quatre virus jusqu’alors inconnus et responsables d’épizooties ont été décrits dans l’espèce porcine en trente ans (le virus de la
Le Courrier de la Transplantation - Volume I - n o 1 - avril-mai-juin 2001
R echerche
gastro-entérite transmissible porcine en
1971, le coronavirus respiratoire porcin en
1984, le circovirus porcin de type 2 en
1995 et le virus du syndrome respiratoire
et reproducteur porcin, un Arteriviridae,
rapporté en 1997). Très récemment, de
nouveaux PERV ont été identifiés,
définissant désormais cinq groupes de
γ-rétrovirus (dont le groupe γ1 correspondant aux PERV-A, -B et -C, et quatre nouveaux groupes, γ2 à γ5) et quatre nouveaux
groupes de β-rétrovirus (β1 à β4) (37).
Actuellement, “l’hypothèse d’un virus
latent, capable d’infecter silencieusement
un grand nombre de personnes avant
d’être découvert, est très certainement
l’hypothèse théorique majeure du risque
pour la collectivité” (38). Les déterminants de cette hypothèse joueront un rôle
crucial pour déterminer la place future
des xénogreffes en transplantation
humaine. De fait, le risque de xénozoonose est, en pratique, associé à tous les
micro-organismes propres aux espèces
animales, qu’il conviendra de recenser de
la façon la plus exhaustive possible, tout
en sachant que le nombre d’agents infectieux inconnus demeurera probablement
non négligeable dans chaque espèce. Il
est tout aussi fondamental de considérer
avec attention le risque de sélection de
virus émergents potentiellement pathogènes, produits de la recombinaison
génétique de virus connus, mais également encore inconnus, existant chez
l’animal donneur et chez l’homme.
CONCLUSION : RISQUE INFECTIEUX
ET XÉNOTRANSPLANTATION
L’évaluation du risque infectieux en
xénotransplantation est avant tout fondée
sur l’appréciation de risques théoriques
(1, 9, 10).
" La mise en contact direct de microorganismes réplicatifs chez l’animal
donneur d’organe avec les cellules du
receveur humain dans un climat d’immunosuppression iatrogène constitue un
risque significatif de xénozoonose,
puisque cette situation quasi expérimentale rompt la barrière d’espèce naturelle.
" L’immunosuppression induite en
xénotransplantation, plus importante
qu’en allotransplantation, majorera tout
à la fois le risque d’infections opportunistes classiques et celui d’infections
xénozoonotiques, même pour les agents
infectieux a priori considérés comme non
pathogènes pour l’individu immunocompétent.
" De nombreux micro-organismes
inconnus à ce jour pourraient se révéler
pathogènes une fois transmis à l’homme,
ou encore être responsables de manifestations cliniques d’étiologie non reconnue.
" Les techniques de diagnostic microbiologique actuellement disponibles
manquent encore de fiabilité.
" Le diagnostic médical d’une infection
xénozoonotique dans le contexte d’une
transplantation d’organe est en soi difficile.
" Enfin, les micro-organismes transmis
à l’homme à partir de l’organe greffé
pourraient acquérir un nouveau phénotype à la suite de mutations génomiques
ou de recombinaisons génétiques au sein
de l’hôte, pouvant aboutir à une expression clinique nouvelle, initialement
absente.
Le risque infectieux xénozoonotique
associé à la xénotransplantation est
désormais étayé par des évaluations expérimentales in vitro ; il est, de plus,
confirmé par certaines observations de
xénozoonoses virales avérées in vivo. Un
des risques majeurs réside certainement
dans l’émergence possible de xénozoonoses inconnues à ce jour. S’il existe peu
d’arguments objectifs pour confirmer
cette crainte, il est facile d’admettre que
les conséquences infectieuses de la xénotransplantation pour l’individu transplanté ainsi que pour la collectivité ne
peuvent guère être prédites, surtout à
longue échéance. De fait, la complexité
de l’analyse du risque infectieux lié à la
xénotransplantation se conjugue en
termes de “prise de risque” individuelle
et collective, dans la mesure où la xénotransplantation pourrait être la première
étape de l’émergence d’un nouveau virus
contaminant d’abord un seul individu (le
malade receveur de la xénogreffe), puis
34
tout ou partie de l’humanité. Cette perception du risque justifie les inquiétudes
de la communauté scientifique et médicale, ainsi que le moratoire actuel sur les
essais cliniques de xénotransplantation.#
R
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un encadrement de ces pratiques. Établissement
français des greffes 1998 ; 39-68.
! Auryan Szalat est l’auteur d’une thèse
de médecine sur :
Les aspects physiologiques, immunologiques,
infectieux, socioculturels et bioéthiques
de la xénotransplantation !
A genda
# VIth Congress of the International
Xenotransplantation Association, du
29 septembre au 3 octobre 2001 à Chicago.
Informations : http://www.ixa2001chicago.com/
# Le Congrès annuel de la Société française d’immunologie (SFI) aura lieu
cette année conjointement avec celui de
la Société française de transplantation
(Congrès francophone de transplantation), du 21 au 23 novembre, à l’Institut
Pasteur, Paris.
Thème : “Tolérance immunitaire”.
L’annonce du congrès se trouve sur le
site Web de la SFI. Page d’accueil :
http://www.inserm.fr/servcom/sfi.nsf
35
SITE À NE PAS MANQUER
# ASSIM,
Association des enseignants
d’immunologie de langue française :
http://www.assim.refer.org/accueil.htm
Le Courrier de la Transplantation - Volume I - n o 1 - avril-mai-juin 2001
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