Usage des quantificateurs en mathématiques Rappels : (1) N = {0, 1, 2, 3, 4, . . . }, Z = {. . . , −3, −2, −1, 0, 1, 2, 3, 4, . . . }. Les éléments de N sont appelés les nombres naturels, ceux de Z sont les entiers. (2) Le symbole R désigne l’ensemble des nombres réels. Un nombre réel t est positif s’il satisfait t > 0; il est négatif si t < 0. Donc 0 n’est ni positif ni négatif. Si le nombre t satisfait t ≥ 0, on dit qu’il est non-négatif. L’ensemble des nombres réels positifs est noté R+ ou (0, ∞). 1. Quantificateurs Le quantificateur existentiel Le symbole ∃ est appelé le quantificateur existentiel ; une expression du type ∃a∈A ( . . . ) se traduit en français par: Il existe au moins un élément a de A qui satisfait la condition ( . . . ). 1.1. Exemple. L’expression ∃x∈N (x est pair) (1) se lit Il existe au moins un élément x de N qui satisfait: “x est pair”. On peut simplifier cette phrase pour qu’elle soit plus agréable à lire et plus facile à comprendre : (2) Il existe au moins un élément de N qui est pair. La phrase (2) est une bonne traduction de (1). Une des raisons qui font que (2) est agréable et claire est qu’on a évité de nommer “x”. Remarquez aussi que la phrase (2) est vraie, donc (1) est vraie. ∃n∈N (n est pair) 1.2. Exemple. La traduction française de Autrement dit, les expressions ∃x∈N (x est pair) et est encore la phrase (2). ∃n∈N (n est pair) ont la même signification. Elles ont aussi la même valeur de vérité: les deux sont vraies. 1.3. Exemple. L’expression (3) ∃x∈N (x < 0) se traduit par : (4) Il existe au moins un élément de N qui est inférieur à 0. La phrase (4) est évidemment fausse, donc (3) est fausse. 1 2 Le quantificateur universel Le symbole ∀ est appelé le quantificateur universel ; une expression du type ∀a∈A ( . . . ) se traduit en français par l’une des phrases suivantes: Pour tout élément a de A, la condition ( . . . ) est satisfaite. Pour chaque élément a de A, la condition ( . . . ) est satisfaite. Quel que soit l’élément a de A, la condition ( . . . ) est satisfaite. Tout élément a de A satisfait la condition ( . . . ). Chaque élément a de A satisfait la condition ( . . . ). 1.4. Exemple. L’expression ∀x∈Z (x2 ≥ 0) (5) se traduit par: Pour tout x ∈ Z, la condition x2 ≥ 0 est satisfaite. Autre possibilité : Chaque x ∈ Z satisfait la condition x2 ≥ 0. Rappelez-vous que les éléments de Z sont appelés des entiers, donc on peut aussi traduire par : (6) Le carré de tout entier est non-négatif. Notons que la phrase (6) est vraie, donc la formule (5) est V. 1.5. Exemple. La formule ∀x∈Z (x2 > 0) (7) se traduit par: Pour tout x ∈ Z, la condition x2 > 0 est satisfaite. Ou encore, par (8) Le carré de tout entier est positif. Puisque 0 est un entier dont le carré n’est pas positif, la phrase (8) est fausse, donc (7) est F. Variantes Remarquez la différence entre les phrases suivantes : ∀x∈A ϕ : tout élément de A satisfait la condition ϕ, ∀x ϕ : tout objet de l’univers satisfait la condition ϕ. Donc les formules ∀x∈A ϕ et ∀x ϕ ont des significations différentes, et similairement, les formules ∃x∈A ϕ et ∃x ϕ ne sont pas équivalentes. On remarque cependant que les deux formules suivantes disent la même chose : ∀x∈A ϕ : tout élément de A satisfait la condition ϕ, ∀x (x ∈ A ⇒ ϕ) : pour tout objet x, si x ∈ A alors x satisfait la condition ϕ. Remarquez aussi que les deux formules suivantes disent la même chose : ∃x∈A ϕ : il existe au moins un élément de A qui satisfait la condition ϕ, ∃x (x ∈ A ∧ ϕ) : il existe au moins un objet x qui satisfait les conditions x ∈ A et ϕ. On a donc les équivalences suivantes : ∀x∈A ϕ ≡ ∀x (x ∈ A ⇒ ϕ) ∃x∈A ϕ ≡ ∃x (x ∈ A ∧ ϕ). Notez bien que dans le cas de ∀ on utilise ⇒, et dans celui de ∃ on utilise ∧. Par exemple, ∀x∈N (x ≥ 0) ≡ ∀x (x ∈ N ⇒ x ≥ 0), ∃x∈N (x ≤ 0) ≡ ∃x (x ∈ N ∧ x ≤ 0). 3 Négation d’un quantificateur Il n’y a que deux règles: ¬ ∀x∈A ϕ ≡ ∃x∈A ¬ ϕ ¬ ∃x∈A ϕ ≡ ∀x∈A ¬ ϕ . et Voici quelques exemples. (1) La négation de la formule ∀x∈R (x2 > 0) est: ¬ ∀x∈R (x2 > 0) ≡ ∃x∈R ¬(x2 > 0) ≡ ∃x∈R (x2 ≤ 0). Pour obtenir la dernière formule, on a utilisé que la négation de a > b est a ≤ b. Remarquez: ¬(a > b) ≡ a ≤ b, ¬(a < b) ≡ a ≥ b, ¬(a ≥ b) ≡ a < b, ¬(a ≤ b) ≡ a > b. Notez que la formule ∃x∈R (x2 ≤ 0) est V, car x = 0 est un nombre réel et satisfait la condition x2 ≤ 0. On conclut que la formule ∀x∈R (x2 > 0) est F. (2) La négation de ∀x∈Z (x2 > 1 ⇒ x2 > 2) est : ¬ ∀x∈Z (x2 > 1 ⇒ x2 > 2) ≡ ∃x∈Z ¬(x2 > 1 ⇒ x2 > 2) ≡ ∃x∈Z (x2 > 1 ∧ x2 ≤ 2) ≡ ∃x∈Z (1 < x2 ≤ 2), où on a utilisé l’équivalence ¬(X ⇒ Y ) ≡ (X ∧ ¬ Y ). Variables liées et variables libres 1.6. Exemple. Dans l’expression ∃x∈N (x < y), (9) le quantificateur ∃ s’applique à x mais pas à y (autrement dit, ∃ affirme que x existe mais ne dit rien au sujet de l’existence de y). On dit alors que la variable x est liée par le quantificateur ∃. Puisque y n’est pas liée par un quantificateur, on dit que y est une variable libre. La valeur de vérité de (9) dépend de la valeur numérique de y (par exemple, si y = 0 alors (9) devient ∃x∈N (x < 0), qui est F ; mais avec y = 4 on obtient ∃x∈N (x < 4), qui est V). Dans cette situation, on dit que la valeur de vérité de (9) n’est pas définie. C’est parce qu’il existe une variable libre que la valeur de vérité de (9) n’est pas définie. On peut traduire (9) par il existe au moins un élément x de N qui satisfait “x < y”; si on évite de nommer la variable liée x, on obtient une meilleure traduction: (10) il existe au moins un élément de N qui est inférieur à y. 1.7. Exemple. Dans la formule (11) ∀x∈N (x > y), x est une variable liée et y est une variable libre. La formule est V pour certaines valeurs de y mais est F pour d’autres. Ainsi, la valeur de vérité de (11) n’est pas définie. Voici une traduction française de (11) : (12) Tout élément de N est plus grand que y. 4 Remarque. Lorsqu’on traduit une formule en français, • les variables libres doivent toujours être nommées dans la traduction française • si possible, on évite de nommer la variable liée (mais ce n’est pas obligatoire, et c’est parfois mieux de la nommer). 1.8. Définition. Un énoncé est une formule qui n’a aucune variable libre. Remarque. Tout énoncé a une valeur de vérité bien définie (un énoncé est soit V, soit F). 2. Formules ayant plusieurs quantificateurs 2.1. Exemple. La formule ∃x∈N ∃y∈N (x > y) (13) est un énoncé, donc a une valeur de vérité bien définie. Cette formule doit être interprétée de la manière suivante: Il existe au moins un x ∈ N pour lequel la formule ∃y∈N (x > y) est vraie. Cette phrase est V, car (par exemple) x = 3 est élément de N et la formule ∃y∈N (3 > y) est vraie. Donc (13) est V. Voici une autre traduction de (13) : Il existe au moins un x ∈ N et au moins un y ∈ N qui satisfont x > y. ou, si on veut une phrase moins lourde, (14) Il existe des éléments x, y de N qui satisfont x > y. 2.2. Exemple. La formule ∀x∈Z ∀y∈Z (x + y ≤ xy) (15) ne contient aucune variable libre, donc est un énoncé. Celui-ci doit être interprété de la manière suivante: Pour chaque x ∈ Z, la formule ∀y∈Z (x + y ≤ xy) est vraie. Ou encore: Pour chaque x ∈ Z et pour chaque y ∈ Z, la condition x + y ≤ xy est satisfaite. Ou encore: (16) Pour tout choix de deux entiers x, y, la condition x + y ≤ xy est satisfaite. Ou encore, si on veut éviter de nommer les variables liées: (17) La somme de deux entiers quelconques est inférieure ou égale à leur produit. Remarquons que ceci est faux. En effet, x = 1 et y = −1 sont deux entiers mais x + y = 0 est plus grand que xy = −1. Ainsi, (15) est F. 5 Ordre des quantificateurs Si P (x, y) est une condition, alors on a les équivalences ∃a∈A ∃b∈B P (a, b) ≡ ∃b∈B ∃a∈A P (a, b) ∀a∈A ∀b∈B P (a, b) ≡ ∀b∈B ∀a∈A P (a, b). Voici un exemple : les deux formules ∀x∈Z ∀y∈Z (x + y ≤ xy) et ∀y∈Z ∀x∈Z (x + y ≤ xy) disent la même chose (les deux ont la même traduction française (17)). Ainsi, dans les cas ci-dessus, l’ordre des quantificateurs n’est pas important. La situation est différente lorsqu’une formule contient ∃ et ∀. Les deux exemples suivants montrent que les formules: ∀x∈R ∃y∈N (x < y) et ∃y∈N ∀x∈R (x < y) ne sont pas équivalentes. 2.3. Exemple. L’énoncé ∀x∈R ∃y∈N (x < y) (18) doit être interprété de la manière suivante: Chaque x ∈ R satisfait la condition ∃y∈N (x < y). (19) À son tour, la formule ∃y∈N (x < y) peut être traduite par: il existe au moins un nombre naturel plus grand que x ; ou encore par: x est inférieur à au moins un nombre naturel. Donc on peut remplacer (19) par: Chaque x ∈ R est inférieur à au moins un nombre naturel. Ou encore: (20) Chaque nombre réel est inférieur à au moins un nombre naturel. La phrase (20) est une bonne traduction de (18). Notons que (20) est V, donc (18) est V. 2.4. Exemple. L’énoncé ∃y∈N ∀x∈R (x < y) (21) doit être interprété de la manière suivante: Il existe au moins un y ∈ N pour lequel la formule ∀x∈R (x < y) est V. La formule ∀x∈R (x < y) peut être traduite par: tout nombre réel est inférieur à y ; ou encore, y est plus grand que tous les nombres réels. Ainsi, (21) se traduit: Il existe un nombre naturel qui est plus grand que tous les nombres réels. Cette phrase est F, donc (21) est F. Conclusion : les formules (18) et (21) ont des significations différentes, bien que la seule différence entre les deux soit l’ordre des quantificateurs. 2.5. Notation. ∃x,y∈A (. . . ) est une abbréviation de ∃x∈A ∃y∈A (. . . ). ∀x,y∈A (. . . ) est une abbréviation de ∀x∈A ∀y∈A (. . . ). 6 2.6. Exemple. La formule ∃x,y∈N (x > y) (22) est équivalente à (13), donc (14) est une traduction de (22). Notez que, dans (22), le quantificateur ∃ s’applique aux deux variables x, y, donc (22) n’a aucune variable libre. 2.7. Exemple. L’énoncé ∀x,y∈Z (x + y ≤ xy) (23) est équivalent à (15), donc (16) et (17) sont des traductions de (23). 2.8. Notation. ∃!x∈A P (x) se traduit en français par l’une ou l’autre des phrases : • il existe un unique élément x de A qui satisfait la condition P (x) • il existe exactement un élément x de A qui satisfait la condition P (x) • il existe un et un seul élément x de A qui satisfait la condition P (x). La notation ”∃!” est commode, mais pas indispensable. En effet, (24) ∃x∈A P (x) ∧ ∀x1 ,x2 ∈A (P (x1 ) ∧ P (x2 )) ⇒ x1 = x2 exprime la même idée que ∃!x∈A P (x). Négation d’une formule ayant plusieurs quantificateurs On a déjà vu les règles: ¬ ∀x∈A ϕ ≡ ∃x∈A ¬ ϕ et ¬ ∃x∈A ϕ ≡ ∀x∈A ¬ ϕ . Voici quelques exemples. (1) La négation de (22) est: ¬ ∃x,y∈N (x > y) ≡ ¬ ∃x∈N ∃y∈N (x > y) ≡ ∀x∈N ¬ ∃y∈N (x > y) ≡ ∀x∈N ∀y∈N ¬(x > y) ≡ ∀x,y∈N ¬(x > y) ≡ ∀x,y∈N (x ≤ y). (2) La négation de (23) est: ¬ ∀x,y∈Z (x + y ≤ xy) ≡ ¬ ∀x∈Z ∀y∈Z (x + y ≤ xy) ≡ ∃x∈Z ¬ ∀y∈Z (x + y ≤ xy) ≡ ∃x∈Z ∃y∈Z ¬(x + y ≤ xy) ≡ ∃x,y∈Z ¬(x + y ≤ xy) ≡ ∃x,y∈Z (x + y > xy). (3) La négation de (18) est: ¬ ∀x∈R ∃y∈N (x < y) ≡ ∃x∈R ¬ ∃y∈N (x < y) ≡ ∃x∈R ∀y∈N ¬(x < y) ≡ ∃x∈R ∀y∈N (x ≥ y). 7 2.9. Exemple. Supposons qu’on a une fonction f : R → R. Dans un cours d’analyse, on apprend que la signification précise de la phrase f est continue en x = 3 est : (25) ∀>0 ∃δ>0 ∀x∈R |x − 3| < δ ⇒ |f (x) − f (3)| < . Remarquez que ∀>0 signifie ∀∈(0,∞) , où (0, ∞) = {t ∈ R | t > 0} est l’ensemble des nombres réels positifs. Similairement, ∀δ>0 signifie ∀δ∈(0,∞) . La phrase “f est discontinue en x = 3” est la négation de (25), donc c’est ¬ ∀>0 ∃δ>0 ∀x∈R |x − 3| < δ ⇒ |f (x) − f (3)| < ≡ ∃>0 ¬ ∃δ>0 ∀x∈R |x − 3| < δ ⇒ |f (x) − f (3)| < ≡ ∃>0 ∀δ>0 ¬ ∀x∈R |x − 3| < δ ⇒ |f (x) − f (3)| < ≡ ∃>0 ∀δ>0 ∃x∈R ¬ |x − 3| < δ ⇒ |f (x) − f (3)| < ≡ ∃>0 ∀δ>0 ∃x∈R |x − 3| < δ ∧ |f (x) − f (3)| ≥ . On conclut que la signification précise de la phrase “f est discontinue en x = 3” est : ∃>0 ∀δ>0 ∃x∈R |x − 3| < δ ∧ |f (x) − f (3)| ≥ . Exercices (1) Donnez la valeur de vérité. (a) ∀x∈Z ∃y∈Z (x + y = 0) (b) ∃y∈Z ∀x∈Z (x + y = 0) (2) Écrivez la négation de chacune des formules suivantes: (a) ∀x∈Z ∃y∈Z (x + y = 0) (b) ∃y∈Z ∀x∈Z (x + y = 0) (3) Soit R+ = (0, ∞) l’ensemble des nombres réels positifs et soit N+ = {1, 2, 3, 4, 5, . . . } l’ensemble des entiers positifs. Traduire en logique: (a) Quels que soient les nombres réels positifs x et y, il existe un entier positif n satisfaisant nx > y. (b) Quel que soit le nombre réel positif x, il existe un entier positif n tel que n1 < x. (c) Quel que soit le nombre réel positif x, il existe un entier positif n tel que n1 < xn . (4) Écrivez la négation de chaque formule logique que vous avez obtenue à la question (3). (5) Écrivez la négation de la formule logique (24). 8 3. Preuve de ∃x∈A ϕ Pour prouver ∃x∈A ϕ , on doit prouver qu’il existe au moins un élément de A qui satisfait la condition ϕ. La meilleure manière de prouver qu’un tel élément existe, c’est de montrer un élément qui satisfait la condition. Dans ce cas, on dit qu’on a une preuve constructive. Voici deux exemples de preuves constructives. 3.1. Proposition. ∃n∈N n2 − n 2 = 60 Preuve. Prenons n = 8, alors n2 − n 2 = 82 − 8 2 = 64 − 4 = 60. 3.2. Proposition. Il existe une matrice A de format 2 × 2 qui satisfait A 6= 0 et A2 = 0. Preuve. Soit A = ( 00 10 ). Alors A 6= 0 car ( 00 10 ) 6= ( 00 00 ), et A2 = 0 car A2 = ( 00 10 ) ( 00 10 ) = ( 00 00 ) . Il n’est pas toujours possible de faire un preuve constructive. Parfois, on peut prouver qu’un certain objet existe même si on est incapable de montrer cet objet. On a alors une preuve non constructive. Voici un exemple. √ 3.3. Proposition. Il existe un nombre irrationnel x tel que x 2 ∈ Q. √ √2 √ Preuve. On sait que 2 est irrationnel, mais on ne sait pas si 2 est rationnel ou irrationnel. Examinons les deux cas. √ √ √2 √ Si 2 est rationnel, alors x = 2 est un nombre irrationnel tel que x 2 ∈ Q. √ √2 √ √2 Si 2 est irrationnel, alors x = 2 est un nombre irrationnel tel que √ √2 √ √ 2 √ (√2·√2) √ 2 2 x = 2 = 2 = 2 ∈ Q. = 2 Nous pouvons donc affirmer avec certitude qu’un des deux nombres √ √ √2 2, 2 satisfait la condition demandée, mais nous ne savons pas lequel. Exercices (1) Prouvez qu’il existe deux matrices A, B de format 2 × 2 telles que AB 6= BA. (2) Prouvez : ∃a,b∈Z 1,9b2 < a2 < 2b2 9 4. Preuve de ∀x∈A ϕ Pour prouver ∀x∈A ϕ , on doit prouver que chaque élément de A satisfait la condition ϕ. Une telle preuve commence souvent par la phrase: “Soit x ∈ A” qui est une forme abrégée de: “Soit x un élément quelconque de A”. Cette phrase est alors suivie d’un raisonnement qui montre que l’élément x considéré satisfait la condition ϕ. Ce raisonnement doit être valable quel que soit l’élément x de A. Assertion: ∀x∈A ϕ Preuve. Soit x ∈ A. .. . . . . donc x satisfait la condition ϕ. Voici quelques exemples. 4.1. Proposition. ∀x∈R (x2 > 2 ∨ x < 2) Preuve. Soit x ∈ R. Il est clair que ce nombre x satisfait x < 2 ou x ≥ 2. On procède par séparation des cas : • Si x < 2, alors évidemment (x2 > 2 ∨ x < 2) est V. • Si x ≥ 2, alors x2 ≥ 4, donc x2 > 2, donc (x2 > 2 ∨ x < 2) est V. Donc x satisfait la condition (x2 > 2 ∨ x < 2). 4.2. Proposition. ∀x∈(0,∞) ∃n∈N 1 x+n < x. Remarque. L’assertion du théorème est: Pour tout nombre réel positif x, il existe un nombre 1 naturel n qui satisfait x+n < x. Preuve. Soit x ∈ (0, ∞). À partir de maintenant, on considère que la valeur de x ne change plus: on traite x comme une constante. On doit montrer que ce nombre x satisfait la condition (26) ∃n∈N 1 x+n < x. 2 Remarquez en particulier que x 6= 0. Donc 1−x est un nombre réel bien défini. Or, on sait que x si r est un nombre réel alors il existe au moins un n ∈ N qui satisfait n > r. Choisissons donc un n ∈ N qui satisfait (27) n> 1−x2 x . 1 On va montrer que ce n satisfait aussi x+n < x. En effet, en multipliant (27) par le nombre 2 positif x on obtient nx > 1 − x , donc 1 < x2 + nx = x(x + n). Puisque x + n > 0, on obtient 1 enfin x+n < x. Donc x satisfait la condition (26) et la preuve est terminée. Remarque. Le fait qu’il existe un n ∈ N qui satisfait (27) est l’étape cruciale de la preuve ci-dessus, puisque c’est à cet endroit qu’on voit que n existe. C’est parce qu’on traite x comme une constante qu’on peut trouver un n qui satisfait (27). 10 Exercice. Prouvez les affirmations suivantes: n (1) ∀n∈N n+1 < n+1 n+2 x2 +1 (2) ∀x∈R ∃n∈N n+1 < 12 5. Réfutation de ∀x∈A ϕ Réfuter un énoncé P signifie prouver que P est faux (ce qui revient à prouver que ¬ P est vrai). L’énoncé ∀x∈A ϕ se lit: Tout élément de A satisfait la condition ϕ. Donc pour réfuter ∀x∈A ϕ il faut montrer qu’il existe au moins un élément de A qui ne satisfait pas la condition ϕ. En effet, la négation de ∀x∈A ϕ est ∃x∈A ¬ ϕ. Remarquez bien : • Pour réfuter ∀x∈A ϕ il suffit de donner un exemple d’un x ∈ A qui ne satisfait pas ϕ. • Pour prouver que ∀x∈A ϕ est vrai, il ne suffit pas de donner un ou plusieurs exemples d’éléments de A qui satisfont ϕ. 5.1. Exemple. Pour réfuter ∀n∈N (n2 ≤ 2n ) il suffit de dire que n = 3 est un élément de N tel que n2 > 2n . Exercices (1) Pour chacune des assertions suivantes, • prouvez l’assertion si vous croyez qu’elle est vraie; • réfutez-la si vous croyez qu’elle est fausse. 3n+4 95 (a) ∃n∈N 4n+3 < 124 (b) ∀x∈R 1 2x2 +3 ≤ 3 10 (c) ∀x∈R 1 x2 +1 ≤1 (2) Soient A et A0 les sous-ensembles de R2 définis par A0 = (x, y) ∈ R2 x ≤ y 2 A = (x, y) ∈ R2 y ≥ 0 et x ≤ y 2 , et on considère l’addition usuelle des vecteurs dans R2 : (x1 , y1 ) + (x2 , y2 ) = (x1 + x2 , y1 + y2 ). On se demande si A et A0 sont fermés sous l’addition de R2 . Montrez que l’assertion ∀v1 ,v2 ∈A (v1 + v2 ∈ A) est vraie, mais que ∀v1 ,v2 ∈A0 (v1 + v2 ∈ A0 ) est fausse. (3) Si (x1 , y1 , z1 ) et (x2 , y2 , z2 ) sont deux points de R3 alors on définit (x1 , y1 , z1 ) ∗ (x2 , y2 , z2 ) = (x1 + x2 , y1 + y2 , x1 + 2z1 + z2 ). (a) Réfutez l’assertion ∀v1 ,v2 ∈R3 v1 ∗ v2 = v2 ∗ v1 . (b) Soit L = {(x, y, z) ∈ R3 | 2y − z = 3 et x + 2y = 8} (L est une droite dans R3 ). Prouvez ou réfutez l’assertion suivante : ∀v1 ,v2 ∈L v1 ∗ v2 = v2 ∗ v1 .