Traitement court : remplaçons les croyances par des faits !

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POUR OU CONTRE ?
UNE ANTIBIOTHÉRAPIE PLUS COURTE
POUR LES INFECTIONS OSTÉO-ARTICULAIRES
ÉDITORIAL
Traitement court : remplaçons
les croyances par des faits !
Short treatment: let’s replace beliefs by facts
“
L
es infections ostéo-articulaires sont de nature très variable (aiguës
ou chroniques, avec ou sans matériel). Malgré cette hétérogénéité, la durée
de traitement antibiotique est en général identique, et souvent davantage
liée aux habitudes de prise en charge du centre qu’aux données scientifiques.
Alors pourquoi une telle ambiguïté sur la durée
de traitement et de telles croyances ?
Louis Bernard
Service de médecine interne et maladies
infectieuses, CHRU Bretonneau, Tours.
Il faut remonter aux travaux de Norden dans les années 1980 (1). Le modèle
utilisé était l’ostéite du lapin à staphylocoque doré. Les tibias infectés n’étaient
presque jamais stériles à 28 jours. Les meilleurs succès étaient obtenus avec la
rifampicine, point de départ de son utilisation larga manu dans l’infection ostéoarticulaire, en l’absence d’essai clinique réellement convaincant à ce jour.
La première publication de Francis Waldvogel, en 1970 dans le prestigieux
New England Journal of Medicine, affirmait à partir d’une petite série très hétérogène
d’infections ostéo-articulaires qu’il fallait traiter longtemps (2). À la suite de cela,
la littérature n’a fait qu’amplifier les mêmes avis d’experts, qui ne reposaient
jamais sur des études randomisées. De fait, les recommandations sur les durées
de traitement sont variables suivant les pays − de 3 à 6 mois − pour les prothèses
totales de genou (3). En France, depuis quelques années, nous sommes plutôt portés
vers la réduction des durées de traitement (4).
Quelles sont les données de la littérature ?
L’auteur déclare ne pas avoir de liens
d’intérêts en relation avec cet article.
Dans une étude concernant 144 infections de prothèses orthopédiques
(hanche et genou, avec différentes stratégies chirurgicales), nous n’avons
pas retrouvé une efficacité supérieure si le traitement était prolongé au-delà
de 6 semaines (5). L’élément associé à un meilleur succès en analyse multivariée
était le changement de l’implant orthopédique. Une autre étude rétrospective ne
retrouvait pas de différence en termes d’efficacité entre des durées d’antibiothérapie
de 4 à 6 semaines versus 1 semaine, après une ablation de prothèse de hanche
infectée chez 100 patients (6).
6 | La Lettre de l'Infectiologue • Tome XXXI - n° 1 - janvier-février 2016
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Références bibliographiques
1. Norden CW, Keleti E. Treatment
of experimental staphylococcal
osteomyelitis with rifampin
and trimethoprim, alone and in
combination. Antimicrob Agents
Chemother 1980;17(4):591-4.
2. Waldvogel FA, Medoff G,
Swartz MN. Osteomyelitis: a review
of clinical features, therapeutic
considerations and unusual
aspects (second of three parts).
N Engl J Med 1970;282(5):260-6.
3. Osmon DR, Berbari EF, Berendt AR
et al. Diagnosis and management
of prosthetic joint infection: clinical
practice guidelines by the Infectious
Diseases Society of America. Clin Infect
Dis 2013;56(1):e1-e25.
4. Haute Autorité de santé.
Recommandation de bonne pratique
− Prothèse de hanche ou de genou :
diagnostic et prise en charge de
l’infection dans le mois suivant
l’implantation, mars 2014
(www.has-sante.fr/portail/upload/
docs/application/pdf/2014-04/rbp_
reco2clics_protheses_infectees.pdf)
5. Bernard L, Legout L, Zürcher-Pfund L
et al. Six weeks of antibiotic treatment
is sufficient following surgery for septic
arthroplasty. J Infect 2010;61(2):125-32.
Les résultats de DATIPO (durée de l’antibiothérapie des infections
sur prothèses orthopédiques), une étude randomisée qui a comparé
6 semaines d’antibiothérapie versus 12 semaines, seront disponibles en 2017.
À propos des spondylodiscites, un essai français, récent, multicentrique,
prospectif, randomisé, a montré que 6 semaines de traitement antibiotique
étaient équivalentes à 12 semaines dans les spondylodiscites documentées
à pyogènes, chez les patients non immunodéprimés, en l’absence de matériel (7).
L’analyse de l’antibiothérapie prescrite retrouvait une efficacité identique,
que le patient soit traité plus ou moins de 7 jours par un antibiotique
parentéral, mais cet élément n’était pas randomisé.
Alors, que faire ?
La durée de traitement des infections ostéo-articulaires
ne semble pas devoir être prolongée au-delà de 6 semaines (4, 7).
Mais il est indispensable de mener des essais prospectifs randomisés
de non-infériorité avec de larges effectifs, qui incluent une population
hétérogène, et sur une durée de suivi suffisante.
Les difficultés de ces études sont multiples :
➤ ➤ taille insuffisante de l’effectif ;
➤ ➤ difficultés à caractériser la réponse au traitement ;
6. Hsieh PH, Huang KC, Lee PC,
Lee MS. Two-stage revision of infected
hip arthroplasty using an anti­
biotic-loaded spacer: retrospective
comparison between short-term and
prolonged antibiotic therapy. J Antimicrob Chemother 2009;64(2):392-7.
➤ ➤ réticences des prescripteurs et des patients à participer à une étude
évaluant une durée de traitement inférieure à la durée habituelle ;
7. Bernard L, Dinh A, Ghout I et al. Antibiotic treatment for 6 weeks versus
12 weeks in patients with pyogenic
vertebral osteomyelitis: an open-label,
non-inferiority, randomised, controlled
trial. Lancet 2015;385(9971):875-82.
C’est ainsi, en avançant collectivement dans la recherche, que nous serons
à même de déterminer les durées optimales du traitement antibiotique
des IOA, en se fondant sur des études récentes et de qualité, ce qui devrait
permettre d’en finir avec nos vieilles croyances !
➤ ➤ difficulté des prescripteurs à participer à la recherche clinique ;
➤ ➤ non-financement de ce type d’étude par l’industrie du médicament.
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