Je crois en Dieu le Père tout puissant créateur du ciel et de la terre Je crois en Dieu… En qui je crois commande à ce que je crois : la foi est d'abord une question de confiance et ensuite une question d'opinion et de croyance. Quand je dis que je crois en Dieu, je dis que j'ai confiance en lui. En matière de foi, rien ne peut nous dispenser de l'a priori d'une décision personnelle, d'un pari initial. Aucune théorie philosophique ou scientifique ne nous permettra de trancher la question de l'existence de Dieu, d'un dieu ou de dieux. L'insoluble question de l'existence de Dieu ménage dans ma raison et dans ma conscience un vide salutaire qui les empêche de se refermer sur elles-mêmes. Avant même de dire qui est Dieu, ce qu'il est ou ce qu'il fait, bref de décliner les opinions diverses que j'ai sur lui, j'ai confiance en lui. Le Père… Qui d'entre nous n'a pas eu de comptes à régler avec son père ? Et avec Dieu ? Test ADN ou pas, la paternité reste une question de confiance. Dans la relation entre la mère et l'enfant, le père est le premier intrus, le premier autrui ; concurrent, mais aussi libérateur. Il est celui qui ouvre, qui fait sortir, qui sépare, qui émancipe. Position fragile puisqu'il n'existe en tant qu'autre que s'il est reconnu comme tel par la mère. Dieu est notre Père parce qu'il n'existe pour nous qu'à partir du moment où nous le reconnaissons comme cet Autre sans le vis-à-vis duquel nous ne serions nous-mêmes qu'un élément indifférencié du troupeau humain, qu'une molécule d'ADN qui se survit, que de la poussière d'étoile, mais personne de vraiment autre. Tout-puissant… La toute-puissance est un privilège dont la divinité autant que l'humanité peuvent se passer sans pour autant se résigner à l'impuissance : ce que l'humanité et la divinité ont à espérer ou à craindre l'une de l'autre n'est pas de l'ordre du tout ou rien. Il suffit peut-être de croire que Dieu a toujours en réserve pour nous de la puissance d'amour, de pardon et de patience, sans se soucier de savoir si cette réserve est infinie ou non. La relation avec autrui (avec ou sans grand A) peut se décliner autrement qu'en termes d'infériorité et de supériorité, de soumission et de domination, de menace et de séduction. Imaginer notre relation avec Dieu sur un pied d'égalité ne met pas en cause la différence qualitative infinie qui nous distingue l'un de l'Autre. La relation avec Dieu peut-être autre chose qu'obéissance. Créateur du ciel et de la terre La terre est ronde et le ciel l'englobe de sa vacuité comme une promesse et une menace. L'humanité s'échappe de la terre, mais constate qu'elle est si petite et si fragile. Il n'y a plus ni haut ni bas ; tout est relatif ; notre univers s'explique sans qu'il soit besoin de faire appel à l'hypothèse Dieu ; rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Voire ! Que l'évolution de notre univers soit aléatoire n'implique pas forcément que le bilan instantané des gains et des pertes y soit toujours nul. Si l'émergence de la vie, puis celle de l'espèce humaine, sont le fait du hasard, alors le hasard fait bien les choses. Que l'évolution de notre univers soit un progrès ou non, encore faut-il que le hasard dispose du jeu nécessaire à tout mouvement. Que notre univers soit en projet et que l'ouverture vers le futur qui a présidé à sa naissance soit renouvelée nanoseconde après nanoseconde, sans pour autant que rien ne soit décidé à l'avance de ce qui adviendra ou non, cela s'appelle la création et suppose un créateur autre. Que notre espèce jouisse d'une place privilégiée dans l'accomplissement de ce projet, cela s'appelle la Promesse et suppose quelqu'un qui la prononce et y reste fidèle. Le surcroît de puissance que, forte de cette promesse, notre humanité a su développer en quelques millénaires ne la place pas en position de concurrence coupable avec la divinité, mais plutôt de partenariat responsable : co-créatrice et pleinement participante au dynamisme créateur de Dieu. Je crois en Jésus Christ son fils unique notre Seigneur Jésus Avec Jésus, Dieu prend nom, se laisse nommer et s'offre ainsi à notre humanité. Jésus, c'est non seulement Dieu avec nous, mais Dieu pour nous. Avec Jésus, Dieu s'incarne : il n'est plus une idée générale mais tellement abstraite, un idéal généreux mais tellement inaccessible mais quelqu'un d'autre, quelqu'un(e) de concret, quelqu'un de vivant avec qui nous pouvons entrer en relation : être “à tu et à toi”. Avec Jésus, Dieu renonce à la toute puissance de l'incognito : il renonce au pouvoir de voir sans être vu, d'appeler sans être appelé, de nommer sans être nommé. Il accepte de se laisser appréhender par son nom. Il s'expose aux risques de cette nomination. Christ Ce faisant, je confesse que Jésus est Christ, c'est-à-dire celui que Dieu a choisi en le marquant de son onction selon la tradition royale juive antique. Dans mon histoire et dans l'Histoire dans laquelle mon histoire s'enracine, Jésus se présente à moi comme Le christ : en lui le minimum vital de relation avec le divin dont j'ai besoin est satisfait. Son fils Ce que Jésus me montre, ce à quoi il m'introduit ou me réintroduit, c'est à une relation avec le divin remise dans le bon sens et sur le bon mode. Du Créateur vers la création et vers la créature ; de la grâce rayonnée à la grâce reçue puis partagée. Qui d'entre nous peut se vanter d'avoir réussi à établir une relation d'adulte à adulte avec ses parents. C'est pourtant ce niveau de relation entre l'humanité et la divinité que Jésus incarne et à laquelle il nous ouvre. Sur les pas de Jésus, nous pouvons nous comporter comme des héritiers majeurs et responsables. Si tant est que l'univers dans lequel nous sommes plongés soit une création, alors, en Jésus, nous sommes appelés à accueillir le dynamisme et la générosité créateurs de Dieu et à les prolonger par notre propre créativité. Unique Contre toute logique, je crois que l'universalité du divin ne s'offre à nous que par la médiation du particulier, du singulier, dans le temps et dans l'espace. C'est ce que Dieu fait avec Jésus. Du coup, il me faut accepter que la divinité puisse aussi s'offrir dans la pluralité. Il me faut arriver à concevoir qu'elle s'offre totalement à nous en Jésus et en même temps qu'elle peut se donner à nommer et à rencontrer, totalement ou partiellement à d'autres, ailleurs et autrement sans que cela porte atteinte au caractère universel de ce qu'elle fait en Jésus. Notre Seigneur Ce qui unit en une communauté le je personnel au nous de celles et ceux qui ont foi en Jésus peut s'exprimer autrement qu'en termes de subordination, d'obéissance ou de soumission. Les rapports de confiance qui unissent les êtres humains aussi bien entre eux qu'avec la divinité peuvent s'exprimer sur un autre mode que celui antique et médiéval de l'allégeance du vassal à son suzerain. Cela aussi est en marche et reste encore à créer dans le quotidien de l'écoute de la parole et de la prière. Il a été conçu du Saint Esprit, il est né de la vierge Marie Il y a quelque chose de dérisoire à tenter de sauver par une interprétation symbolique ce dont nos prédécesseurs dans la foi affirmaient la réalité brute. Au pied de la lettre, cela signifie que Jésus est un héros, comme la mythologie grecque en compte quelques-uns parmi lesquels le célèbre Hercule. La préoccupation dont ces conceptions et ces naissances héroïques témoignent a-t-elle pour autant cessé de hanter notre humanité ? Qu'attendons-nous de notre relation avec Dieu ? Finitude et ouverture Je crois qu'établi dans les frontières matérielles de l'espace et du temps, l'univers dans lequel nous sommes plongés n'est pourtant pas un système clos refermé sur lui-même. Il reste ouvert au souffle de la Parole qui l'a appelée à être et qui, par cette ouverture même, l'appelle toujours à nouveau à croître et à se diversifier. Établie elle-même dans les frontières corporelles de la naissance et de la mort pour participer à cette dynamique créatrice, notre humanité se laisse sans cesse enfermer dans ces limites, par défiance, par désespoir, ou par orgueil. Elle stérilise ainsi pour elle-même et pour le monde la créativité dont elle a hérité. Je crois qu'avec Marie, la Parole de Dieu prend corps en Jésus au sein de notre humanité. En dépit de leur fermeture, elle vient habiter les limites corporelles dans lesquelles nous sommes établis pour les ouvrir à nouveau à l'aventure de la confiance, de l'espérance et de l'amour. Marie est le prototype et la figure d'une humanité qui accueille la Parole de Dieu et au coeur de laquelle cette Parole se donne à engendrer et à naître. Je crois que l'innocence de cet accueil est une étape majeure de l'évolution de notre Univers et de l'histoire de notre Humanité. Avec Marie et en Jésus, notre humanité est définitivement ouverte au souffle de la Parole qui l'a appelée à être et qui, par cette ouverture même, l'appelle à participer à la croissance et au développement de la création. Il a souffert sous Ponce Pilate, Il a été crucifié, il est mort, Il a été enseveli, Il est descendu aux enfers ; Le troisième jour, il est ressuscité des morts ; Il est monté au ciel, Il siège à la droite de Dieu le Père tout-puissant ; Il viendra de là pour juger les vivants et les morts. Le mystère d’une humanité adulte, responsable et créatrice Mythe et réalité Sa conception et sa naissance miraculeuses nous l’ont déjà signalé, sa descente aux enfers, sa résurrection et son ascension nous le confirment : Jésus est le héros d’un mythe dont le symbole des apôtres nous livre le mystère, c’est-à-dire tout simplement le récit. Depuis plus d’un siècle qu’il a été établi, il n’est plus possible aujourd’hui d’esquiver ce constat. En conclure pour autant que la personne de Jésus n’a jamais existé serait tout aussi ridicule. Il n’y a pas de fumée dans feu ! Et quel feu : trois siècles après que les événements qu'il raconte se soient déroulés, le mythe du Christ crucifié et ressuscité a embrasé tout l'empire romain : la pierre qu'avaient rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre angulaire. Et depuis, en dépit des oppositions et des persécutions, des infidélités et des trahisons, l’incendie d’espérance qu’il avait allumé s'est propagé sur toute la planète. Cela au moins est historiquement incontestable. En récitant le symbole des apôtres, nous reconnaissons que le mythe du Christ crucifié et ressuscité organise nos existences et notre manière de comprendre le monde et de nous y orienter. La fondation du monde Nombreux sont les héros mythologiques qui souffrirent, moururent, descendirent aux enfers et en remontèrent. Mais leurs sagas se perdent dans la nuit des temps. Le mythe du Christ crucifié et ressuscité est un mythe dans l’histoire, planté en plein cœur de la mémoire réelle de notre humanité. En attachant le nom du préfet romain tortionnaire à celui du Christ torturé et exécuté, le mystère de la passion, de la croix et de la résurrection de Jésus vient ancrer le mythe fondateur du christianisme dans la réalité de l’histoire universelle et des cruels jeux de pouvoir qui l’animent. Dans le symbole des apôtres, le mythe du Christ crucifié et ressuscité occupe la place centrale. Mais il occupe aussi la place centrale dans la conception du monde qu’il instaure. Quand il nous parle du Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, il ne fait référence à rien qui lui soit extérieur. Comme le suggèrent aussi à leur manière les premiers versets de l’Évangile de Jean, la passion, la croix et la résurrection du Christ Jésus nous disent comment le Père crée et ce qu’il en est de sa toute-puissance. La puissance du dieu de Jésus-Christ est toute patience. Et c’est dans la chair de notre humanité qu’avec Jésus, le dynamisme créateur du Père trouve son expression, son image, la plus accomplie. La vérité du mythe Notre humanité naît avec la conscience de se savoir mortelle. Faute de consentir aux limites de sa condition, elle resterait enfermée dans une enfance aussi rêveuse qu’innocente, nos projets sans échéances, notre univers un théâtre d’ombres, nos existences sans prise sur la réalité. L’histoire singulière de Jésus, fils de Marie, vient rejoindre la réalité de nos existences là où elle s’impose à nous de la façon la plus incontestable : la souffrance et la mort au prix desquelles se monnaye notre créativité humaine. Notre humanité naît de se savoir responsable de sa condition. Les enfers sont le lieu où se recueille, au risque de s’y perdre ou de s’y figer, la mémoire définitive de nos vies achevées. Ils nous placent devant la perspective d’avoir à répondre, d’une manière ou d’une autre, mais de façon globale, de la valeur de nos existences. Mais répondre de quoi et devant qui ? dans le tout est accompli où se joue le mystère de la Croix, Jésus répond non pas de son destin, mais de sa vocation ; non pas devant la mort, mais devant le Dieu qui lui a adressé vocation d’être à son image. Notre humanité naît enfin de protester contre le tragique de sa condition. C’est son honneur que cette protestation ne cède jamais le pas devant la résignation à la fatalité. Comme ces mythes de résurrection dont il est l’héritier, le mythe du Christ crucifié et ressuscité exprime la conviction qu’en dépit de tout ce qui peut lui être opposé de barrières, la dynamique créatrice de la vie est plus forte que la mort, que nos existences ne sont pas soumises à la fatalité, mais assujetties à une vocation qui les ouvre sans cesse vers de nouveaux possibles. Cette conviction, le mystère de la passion, de la croix et de la résurrection de Jésus fait mieux que l’exprimer : il l’incarne dans le vif de la réalité ordinaire de notre humanité ; il la réalise. Sur le chemin du consentement, de la responsabilité et de l’ouverture au possible, Jésus nous rejoint, nous devance et nous conduit. Pour lui, le premier, sur la croix, tout est accompli dans l’abandon et la confiance. Il est le premier né d’une humanité adulte, responsable et créatrice. Je crois en l'Esprit-Saint Dieu est relation Un monde désenchanté Le peuple des esprits qui enchantaient ou hantaient autrefois nos campagnes les a depuis longtemps déserté et n’existe plus guère qu’au cinéma. Ils ont laissé progressivement la place à des forces dont nous pensons prosaïquement qu’elles sont régies par des lois accessibles à la puissance de l’esprit humain. De la à penser que l’écheveau extraordinairement complexe de ses lois n’est pas seulement le pur produit de notre créativité, mais qu’il constitue la face immatérielle, et pour ainsi dire spirituelle, de notre univers, il n’y a qu’un pas que le pragmatisme foncier de la tradition biblique nous interdit de franchir. Constatons simplement l’efficacité pratique des productions du génie humain. Gardons-nous, sous couvert de spiritualité, de remplacer par une idole de chiffres les idoles de mots ou de bronze qui ont asservi notre passé proche ou lointain. Une spiritualité sans maître L’invocation de la divinité comme esprit répond à un besoin vieux comme notre humanité : celui de nous sentir submergés par une puissance qui nous imposerait d'en haut des preuves définitives, une conviction rationnelle, ou une omnipotence recréatrice ; de nous soumettre à un maître incontestable dont les décrets nous permettraient de couper court aux aléas et au risque de la délibération morale ; de nous allier à un partenaire invincible qui nous fournirait des garanties objectives et irréfutables quant à notre identité ou au sens de notre vie. Il faut nous y résoudre : cette puissance, ce maître et ce partenaire là sont définitivement morts sur la croix. Qu’ils soient de nature religieuse, idéologique, philosophique ou scientifique, les temples au sein desquels nous tentons désespérément de nous les concilier sont des tombeaux vides. En Jésus-Christ crucifié et ressuscité, la divinité a définitivement déserté le piédestal de toute puissance où nous l’avions assigné. Aucune réalité supérieure, fut-elle d’ordre spirituel, n’est désormais en mesure de nous offrir la liberté en échange de notre soumission. Ouverture et libération de l’esprit humain Nous ne sommes pas seuls pour autant Le Saint-Esprit, c’est Dieu en tant non seulement qu’il entre en relation, mais qu’il est relation. L’univers et la relation que nous entretenons avec lui sont nés et naissent toujours à nouveau de la relation que Dieu entretient avec eux. Cette relation est une relation d’ouverture et de libération : ouverture de ce qui, sans le maintien de cette relation, se refermerait inéluctablement sur soi-même, libération sans cesse renouvelée d’un à-venir riche de possibilités inédites et diversifiées. Le dynamisme créateur de Dieu consiste en cette ouverture sans cesse restaurée de notre univers fini vers de nouvelles possibilités créatrices. Si Dieu ne peut pas tout pour nous, il peut encore beaucoup. Si l’esprit humain a considérablement développé son pouvoir de connaître et d’agir, celui-ci était, est et restera toujours limité et soumis à la menace permanente d’un fermeture mortelle sur soimême. Quant à l’alliance de la divinité et de l’humanité, elle ne saurait avoir pour objectif l’achèvement d’une quelconque plénitude, mais au contraire le maintien d’une ouverture créatrice dans la relation que nous entretenons avec l’univers. Le Saint-Esprit est la personne de Dieu en tant qu’elle entre en relation avec nous. Mais ça n’est ni pour que nous en soyons possédés, ni pour que nous le possédions. C’est pour qu’à la suite du Christ crucifié et ressuscité, la relation créatrice que nous entretenons avec l’univers soit toujours à nouveau ouverte à l’aventure féconde de la vie. Je crois en la sainte Église universelle, en la communion des saints La foi en réseau Ma foi n'existe qu'à être soutenue par la foi des autres et à soutenir la leur en retour. Ma foi ne naît et ne vit qu'à s'enraciner dans une tradition. On n'est pas chrétien, ni même tout simplement croyant, tout seul. Les liens de foi qui unissent ceux qui ont cru et qui croient en Jésus-Christ dessinent un réseau dans l'espace et le temps. L'Église est “sainte” : son réseau ne remplit ni tout l'espace ni tout le temps, mais s'y distingue par sa vocation propre. L'Église est universelle : son réseau est appelé à s'étendre jusqu'aux limites de l'espace et du temps. Il y a place dans l'univers pour d'autres réseaux de foi. Communion L'Église est un réseau vivant : elle évolue et se développe en se diversifiant. Seule la confiance fondamentale en Jésus-Christ en garantit la cohésion. Mais les croyances par lesquelles cette confiance s'exprime évoluent et varient en fonction des circonstances, des temps et des lieux. Les relations qui unissent les membres de ce réseau ne sont pas des relations de conformité ou d'uniformité, mais de communion et de reconnaissance : personne ou communauté, chaque membre y reçoit vocation singulière à réaliser la foi commune dans des croyances et des actes spécifiques. Église et Bible La Bible, dans son unité comme dans sa diversité, est le témoin initial de la constitution de l'Église en réseau. Elle est née de l'Église autant que l'Église est née d'elle. Par l'héritage de la Bible juive qu'elle reprend à son compte, la Bible chrétienne enracine l'Église dans une tradition qui remonte aux origines de l'histoire humaine. Par la façon originale dont elle rassemble les expressions initiales de la foi commune dans leur variété et, parfois, leurs contradictions, la Bible s'impose comme le garant de la communion de l'Église dans l'espace et dans le temps. Église et institution Comme beaucoup d'autres religions encore pratiquées ou déjà mortes, le christianisme est une réalité sociale et historique. D'une époque à l'autre, la vitalité et la créativité de ce réseau humain qu'est l'Église se concrétisent et s'actualisent dans diverses institutions plus ou moins pérennes. Il n'y a pas d'autre réalité de l'Église que celle constituée par leur réseau vivant, c'est-à-dire évolutif, diversifié et parfois conflictuel. Il n'y a d'unité et d'universalité concrètes de l'Église que dans l'entretien constant d'un dialogue fraternel entre elles. La seule chose qui distingue les Églises des autres institutions, c'est leur participation à la vocation commune qui leur est adressée : annoncer l'Évangile de Jésus-Christ. Cette vocation ne leur donne aucun privilège à l'égard des autres institutions sociales, économiques, politiques, etc. La rémission des péchés, la résurrection de la chair, et la vie éternelle Choisir la vie Où trouver la force de rebondir Qu’elle soit ou non inscrite sur nos visages, sur notre curriculum vitae, sur notre casier judiciaire ou dans nos romans familiaux, qu’elle soit consciente ou inconsciente, la mémoire des échecs, des erreurs et des fautes dont nous sommes héritiers ou responsables nous marque et nous poursuit. Elle mine la confiance que nous pourrions avoir en nous-mêmes et nous place dans l’incapacité de soutenir le regard des autres et de Dieu sur notre personne. Certes, la peur du gendarme, ou la crainte de Dieu, peuvent nous dissuader de faire le mal et nous empêcher de glisser toujours plus bas sur la pente savonneuse où nous nous sommes engagés. Mais, que nous ayons ou non la volonté d’en sortir, les échecs, les erreurs et les fautes font tache et nous retiennent du coté du mal. Leur mémoire nous prive des moyens de renouer par nous-mêmes avec la confiance en soi et dans la vie sans lesquelles il n’est pas de bien possible, ni pour soi-même, ni pour les autres. Séparation ou opposition Le Dieu de la Bible crée en séparant. Cela se traduit par une dynamique de diversification, de croissance et de multiplication. Notre séparation d’avec Dieu et la large part d’autonomie et de créativité propre qui en résultent sont la condition initiale de notre existence en particulier et de la vie en général. Sur le fond de cette séparation fondamentale, l’histoire de Dieu et des hommes se joue en permanence en termes de proximité et d’éloignement. Dieu peut être proche ou lointain, mais dans tous les cas l’humanité et la divinité restent radicalement autres : séparées. Dans cette mesure, le péché, c’est autant désirer une union fusionnelle avec la divinité que redouter son approche comme une menace ou lui faire reproche de son éloignement comme d’un abandon. C’est être opposé à Dieu. Prédateur ou créateur Dans Bible, Dieu s’approche rarement de l’univers et de l’humanité. L’une des traces les plus fréquentes qu’il laisse de son passage, c’est la Loi. Les dix commandements sont à cet égard exemplaires : ils circonscrivent de façon claire la marge d’autonomie et de créativité que Dieu libère pour l’humanité et en précisent rigoureusement les conditions d’existence et les modalités d’exercice. En s’adressant personnellement à leur auditeur, que celui-ci soit un individu ou un peuple, en instaurant d’office avec nous une relation à tu et à toi, ils nous constituent individuellement ou collectivement en sujets responsables. En ne prescrivant aucune norme positive*, les dix commandements nous laissent totalement libres et responsables de la création de nos vies personnelles et de l’organisation de notre vivre ensemble. Dieu n’y dit pas ce qu’est le Bien, il n’y dit même pas ce qu’est le mal : il y interdit le Bien d’autrui, que cet autrui soit lui-même (les quatre premiers commandements) ou mon prochain (les six derniers). Notre liberté n’y est pas définie comme un ensemble de normes éthiques ou morales positives dont la mise en œuvre conforme nous garantirait l’accès au bonheur individuel et à la paix civile. Notre liberté y est ouverte comme une invention à notre initiative dont le commandement du respect dû aux parents nous dit que la responsabilité en incombe à chaque génération. La seule condition mise par les dix commandements à l’exercice par l’humanité de sa liberté est de renoncer à sa tendance naturelle à la prédation et de retrouver confiance dans les capacités propres de création dont elle a été dotée. Pour que ça marche Pour que ça marche, c’est-à-dire pour que la prédation ne s’impose pas comme la seule stratégie rationnelle de survie, il faut que le monde dans lequel nous sommes plongés soit organisé pour ça. Il faut que l'univers ne soit pas un champ de bataille clos ou ce que l’un gagne ne peut qu’être perdu par l’autre, mais une création en permanent devenir et toujours ouverte vers de nouveaux possibles. Il faut que la sueur de mon front suffise à me procurer le pain dont j’ai besoin pour vivre. Il faut que la richesse des uns puisse s’acquérir autrement qu’au prix de l’aliénation des autres. Etc. Il suffit pour cela que la vie soit à peine plus forte que la mort. Pour nous autres chrétiens, il est, en plus de la Loi, une autre trace du passage de Dieu : c’est l’Évangile de la Croix et de la résurrection du Christ Jésus. Si, pour que nous puissions renoncer à notre tendance instinctive à la prédation au profit d’une confiance dans nos capacités de création, il suffit que la vie soit à peine plus forte que la mort, c’est cet « à peine » qu’incarnent pour nous la passion, la croix et la résurrection du Christ, nous signifiant que l’espérance s’accompagne d’une certaine dose de patience, de pâtir et de passion. Amen J’ai confiance Quand la mémoire de nos échecs, de nos erreurs et de nos fautes nous attire vers le fond, choisir malgré tout la vie, c’est d’abord attendre qu’une parole extérieure rétablisse notre confiance en nous-mêmes et dans la vie. C’est être prêt à placer malgré et avant tout notre confiance dans cette parole. Pour nous autres chrétiens, Jésus-Christ est celui qui porte cette parole et l’incarne. En lui, Dieu s’approche de nous et nous l’adresse personnellement. Avec lui et par lui, Il nous fait passer outre tout ce qui nous retenait du côté de l’obscurité, du mal et de la mort. Il nous offre la vie. Octobre 2006 à février 2007