New York fait ville pleine contre le réchauffement climatique Le Monde.fr | 22.09.2014 à 08h13 | Par Laurence Caramel (New York, envoyée spéciale) Les organisateurs de la « Marche du peuple pour le climat » ont réussi leur pari en faisant de cet événement le plus grand rassemblement contre le changement climatique de l'histoire. Plus de 300 000 personnes, trois fois plus qu'’ annoncé, ont envahi les rues de New York, dimanche 21 septembre au matin, pour un défilé pacifique porté par un message simple « Messieurs les chefs d’ 'Etat, agissez ! ». A l'’ invitation du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, qui espère redonner ainsi un élan politique aux négociations internationales menées dans le cadre de la convention sur le climat, ceux-ci doivent se réunir, mardi 23 septembre, pour un sommet extraordinaire. Lire notre reportage à Paris : Marche pour le climat à Paris : « Chefs d'Etat, agissez ! » « Les solutions sont là, les impacts du réchauffement se multiplient et les gouvernements ne font pas assez », dénonce Winnie Byanyima, directrice d’ 'Oxfam international. Dans le cortège, les musiciens d'’ une chorale new-yorkaise défilent en noir en moquant « la stupidité des climato-sceptiques ». Plus loin, des naufragés, bouées orange autour du cou pour survivre à la montée des eaux, ironisent sur le slogan du président Barack Obama en scandant : « Oui, nous pouvons. Mais nous ne faisons pas ! » Des réfugiés climatiques brandissent des tentes de fortune devenues leur nouveau foyer. Plus de deux cents artistes ont travaillé ces derniers jours dans l’ 'Art Center de Brooklyn pour donner à la manifestation ces expressions colorées. « NE FRACTUREZ PAS NOS VIES ! » Battant le pavé le long de Central Park où d'’ autres font leur footing dominical, ils sont venus de toute l'’ Amérique et se sentent réconfortés de se voir si nombreux. Le dérèglement climatique n'’ est pas une réalité lointaine que la première puissance mondiale pourrait ignorer. Les victimes de l'’ ouragan Sandy sont là pour en témoigner : « Nous ne voulons pas de fausses solutions », lance sous les applaudissements Elisabeth Yeampierre, la directrice d’ 'Uprose, l’ 'une des associations venues en aide aux victimes. Celles de Louisiane, où l’ 'ouragan Katrina s’ 'est abattu en 2005, sont également présentes : « L'’ eau monte le long des côtes et sur nous aussi » miment un groupe de jeunes venus de La Nouvelle-Orléans. Dans le flot des citoyens anonymes se dressent des pancartes hostiles à l’ 'exploitation des gaz de schiste : « Ne fracturez pas nos vies » est-il écrit sur l’ 'une. « Nous devons laisser les énergies fossiles sous terre si nous voulons éviter les pires impacts du réchauffement », répète Sandra Steingraber, à la tête du mouvement Anti-fracking qui a réussi à convaincre les autorités new-yorkaises d'’ adopter un moratoire sur la fracturation hydraulique. Sur Broadway avenue où s’ 'engouffre le cortège, la fatalité n'’ est pas de mise. « Les Américains peuvent prendre le contrôle de leur système énergétique et changer. Il est possible d'’ alimenter la totalité des foyers en énergie renouvelable », affirme l’ 'acteur Mark Ruffalo, membre du mouvement Solutions project : « Nous ne sommes plus au moment où nous nous demandions ce qu'’ il fallait faire et cela donne beaucoup d’ 'espoir. » C'’ est certainement l’ 'une des grandes différences avec l'’ atmosphère qui régnait avant la Conférence sur le climat de Copenhague en 2009. Si les militants américains réclament à Barack Obama d'’ agir davantage contre le changement climatique et de signer un traité international, ils semblent en attendant surtout faire confiance à leur capacité à s'’ organiser localement : « Nous ne devons plus attendre. La population doit faire pression pour que les élus locaux s'’ engagent dans la transition énergétique », défend Michael Leon Guerrero, le coordinateur national de Climate Justice Alliance. BAN KI-MOON EN TEE-SHIRT ET CASQUETTE Aux côtés des Américains marchent d'’ autres citoyens du monde. Témoins des petites îles du Pacifique menacées par la montée des eaux. Indiens de l’ 'Amazonie chassés de leurs terres par l’ 'avancée de la déforestation ou l'’ exploitation pétrolière. Polonais aussi, qui comme perdus dans cette marée humaine, s'’ accrochent à une pancarte réclamant « Une énergie propre pour la Pologne ». Tout occupés à faire entendre leur voix, c'’ est à peine si les manifestants savent qu'’ à leur tête marche le secrétaire général des Nations unies. En tee-shirt et baskets, casquette sur la tête, Ban Ki-moon est lui aussi descendu dans la rue pour dire aux chefs d'’ Etat « qu'’ il n'’ y a plus de temps. Il n'’ y a pas de planète B ». Le ministre péruvien de l’ 'environnement, Manuel Pulgar-Vidal, et les ministres français – Laurent Fabius, Ségolène Royal, Annick Girardin − qui devront mener à bon port les négociations internationales jusqu’ 'à la Conférence de Paris, en décembre 2015, où les 195 pays de la convention sur le climat se sont donné rendez-vous pour signer le premier accord mondial juridiquement contraignant, l'’ accompagnent. Les présidents de Nauru et de Palau, deux petites îles du Pacifique sont là aussi. « Notre place est ici, car nous serons les premiers à disparaître si rien n'’ est fait pour contenir le changement climatique. La pression de la société civile est la seule chose qui puisse obliger les Etats à agir », déplore Tommy Remengesau, le président de Palau. Il est près de 13 heures. Les manifestants s’ 'apprêtent à faire retentir trompettes, cloches et tambours pour sonner « l'’ alarme de l'action ». Ban Ki-moon est sur le point de s’ 'éclipser. Juste avant, il glisse : « Après avoir marché avec ses hommes et ces femmes, je me sens maintenant le secrétaire général du peuple. » Lire aussi : Climat : « Il faut que les Etats aient peur de revenir chez eux les mains vides »