Note sur l`hospitalité eucharistique

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Note sur l'hospitalité eucharistique
par la Commission épiscopale pour l'unité des chrétiens
(1983)
Présentation officielle
En 1964, le Concile du Vatican (Décret sur l’œcuménisme) et en 1967 le Secrétariat romain
(Directoire pour les questions cecuméniques, complété dans les années suivantes par diverses Notes)
ont fixé pour l'Église universelle (N.D.L.R. : entendre ici l'Eglise catholique romaine dans son
ensemble) les normes de la pastorale œcuménique, que les évêques ont la charge d’appliquer dans la
vie concrète des diocèses.
La présente Note de la Commission épiscopale (française) pour l'unité des chrétiens, approuvée par
le Conseil permanent le 14 mars 1983, relève de ce souci. Elle veut éclairer les prêtres et fidèles
catholiques sur un point très précis : l'hospitalité eucharistique avec les chrétiens des Églises issues
de la Réforme (N.D.L.R. : il ne s'agit donc pas des Orthodoxes ni même des Anglicans, mais des
frères Luthériens, Réformés, etc.)
On peut à cet égard souligner trois aspects importants
1. En ce domaine très délicat, la Commission a la triple préoccupation de l'Église universelle, de la
conjoncture présente en France (vie concrète des Églises et questions posées par les catholiques) et
de ce qui se cherche dans d'autres Eglises particulières (référence au Synode allemand).
2. Par la force des choses, le libellé de la Note est complexe, mais son sens est donné par deux
affirmations (qu'on ne saurait séparer I’une de l'autre sans trahir le sens du texte), exprimées par les
deux sous-titres :
- l'hospitalité eucharistique ne peut pas être habituelle
- elle peut être envisagée dans certains cas exceptionnels.
3. Interpréter cette Note en termes d’ouverture ou de blocage serait en méconnaître l'esprit. Elle veut
favoriser un discernement juste de cas particuliers, dans une dynamique d'émulation spirituelle, à
partir du dialogue de fond qui est engagé avec les Églises de la Réforme en France, comme le
souligne le dernier paragraphe.
Texte de la note
Depuis quelques années, les cas d'hospitalité eucharistique entre catholiques et chrétiens des
Églises issues de la Réforme en France tendent à devenir plus nombreux. Le désir légitime de
l'avancée œcuménique ne peut cependant faire oublier qu'ils posent à la conviction de l'Église
catholique des problèmes non seulement disciplinaires, mais encore de l'ordre de la foi. C'est pourquoi
la Commission épiscopale pour l'unité des chrétiens estime opportun de répondre à des questions
souvent posées à leur sujet par les réflexions suivantes:
1. Pourquoi l'hospitalité eucharistique ne peut pas être habituelle ?
1. Parce que l'eucharistie est le repas du Seigneur, et qu'elle ne nous appartient pas. Le Nouveau
Testament nous montre qu'elle est partagée par ceux qui ont reçu le même baptême et vivent dans la
communion visible de la même foi (Ac. 2, 42-47). De même, Paul rappelle vigoureusement aux
Corinthiens (1 Co, 11, 17-34) le lien nécessaire entre la communion vécue dans l'assemblée ecclésiale
et la fraction du pain. Le « discernement du corps du Seigneur » concerne à la fois son corps
eucharistique et son corps ecclésial. Pour sa part, la tradition de l'Église indivise a toujours fait de la
communion à la même foi ecclésiale la condition de la participation à la même eucharistie.
2. Parce que la communion eucharistique et la communion ecclésiale sont indissociables : l'Église
fait l'eucharistie et l'eucharistie fait l'Église. Le corps eucharistique du Christ est ordonné à la
construction de son corps ecclésial. La communion à la même eucharistie engage donc la communion
à la même Église, de même qu'elle suppose le partage de la même foi.
La question de l'hospitalité eucharistique ne peut donc être abordée dans la seule perspective des
besoins spirituels individuels ou des liens de fraternité existant entre des groupes limités. Seule la
réconciliation entre les Églises aujourd'hui divisées peut rendre normal l'accueil mutuel à la table de
l'eucharistie qu'elles célèbrent.
3. Parce que ce n'est pas seulement la foi en l'eucharistie qui est engagée à ce propos, mais
l'ensemble de la foi. Or, malgré les substantielles avancées doctrinales actuelles, dont nous nous
réjouissons, des points sérieux de contentieux dans la foi demeurent ; en particulier, certains aspects
de la doctrine eucharistique (présidence par un ministre ordonné ; permanence de la présence
sacramentelle) et des ministères (leur rôle propre dans la structure de l'Église ; l'ordination), la place et
le sens de la sacramentalité dans la vie chrétienne et plus globalement la compréhension du mystère
de l'Église, signe du salut et don de Dieu aux hommes. Concrètement, nous ne pouvons pas ne pas
constater aussi que certaines décisions et pratiques récentes de l'Église Réformée de France
contredisent l'orientation actuelle des documents œcuméniques sur la doctrine des ministères. Des
questions pressantes avaient été posées dans ce domaine par Mgr Le Bourgeois lors de son
intervention à l'Assemblée du protestantisme français. Elles n'ont pas reçu jusqu'à ce jour de réponse
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autorisée .
4. Parce que la multiplication des hospitalités eucharistiques donnerait à penser que les problèmes
posés pour l'unité de l'Église sont déjà résolus et que le statu quo confessionnel actuel est une forme
valable de l'unité telle que le Seigneur la désire. Une telle multiplication relâcherait les liens de foi et de
solidarité de chaque fidèle avec sa propre Église. Elle constituerait une solution de facilité qui ne ferait
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pas progresser la marche vers l'unité .
2. A quelles conditions cependant certains cas exceptionnels d'hospitalité eucharistique
peuvent-ils être envisagés ?
1. Étant donné ce qui vient d'être dit, seuls des cas exceptionnels d'hospitalité eucharistique peuvent
être envisagés dans la situation actuelle de division avec les Églises de la Réforme. Pour qu'ils soient
vécus dans la vérité comme des « moyens de grâce » (Décret sur l'œcuménisme, 8) et pour qu'ils
contribuent à faire l'Église une, plusieurs conditions sont à respecter, selon le discernement exercé par
le Directoire des questions cecuméniques et les autres documents qui font autorité dans toute l"Église
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catholique .
2. Dans le cas où des prêtres et des fidèles catholiques accueillent des frères protestants à la table
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eucharistique, une hospitalité authentique suppose de la part de ces derniers un « réel besoin » ou un
désir spirituel éprouvé, des liens de communion fraternelle profonds et continus avec des catholiques
(tels qu'ils sont vécus dans certains foyers mixtes et dans quelques groupes œcuméniques durables),
une foi sans ambiguïté quant à la dimension sacrificielle du mémorial, quant à la présence réelle et à
la relation entre communion eucharistique et communion ecclésiale, enfin un engagement actif au
service de l'unité que Dieu veut.
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Première question : Quelle est donc actuellement la consistance de la doctrine proposée par certaines Églises de la
Réforme en France ? Deuxième question : Quelle est la conviction protestante en 1975 sur l’Église ? Troisième question :
Quelle est la volonté œcuménique réelle du protestantisme français ?
A l'interpellation protestante concernant l'hospitalité eucharistique, des instances catholiques compétentes répondent de plus
en plus fréquemment par des gestes d'ouverture, tout en faisant valoir la question de foi qui est pour nous, comme pour nos
frères orthodoxes, la raison fondamentale de notre position et de notre réserve en ce domaine. Entendez-vous cette question ?
Vous ne pouvez faire comme si ces gestes d'ouverture entérinaient purement et simplement vos propres positions doctrinales
et disciplinaires (8 novembre 1975, La documentation catholique 1975, p. 1028-1029). N.D.L.R. : sur les questions de Mgr Le
Bourgeois, cf. l'article de René Beaupère, « Vocation du protestantisme », dans Foyers Mixtes n° 58 p. 11-13.
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Nous employons ici l'expression d'« hospitalité eucharistique » qui appartient au vocabulaire reçu, mais qui n'est pas sans
ambiguïté. Car, en l'occurrence, l'impossibilité d'accorder cette « hospitalité » ne saurait être comprise comme un manque de
charité ou le refus d'accueillir des frères.
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Cf. Vatican II, Décret « Unitatis redintegratio » sur l'oecuménisme, 8 ; Secrétariat pour l'unité des chrétiens, Directoire pour
l'exécution de ce que le Ile Concile du Vatican a promulgué concernant l'œcuménisme (La documentation catholique 1967, pp.
1074-1090) ; Note du Secrétariat pour l'unité des chrétiens sur l'application du Directoire œcuménique (La documentation
catholique 1968, pp. 1860-1861) ; Déclaration sur la position de l'Église catholique en matière d'eucharistie commune entre
chrétiens de différentes confessions (La documentation catholique 1970, p. 113-115) ; Instruction sur les cas d'admission des
autres chrétiens à la communion eucharistique dans l'Église catholique (La documentation catholique 1972, p. 708-711) ; Note
sur certaines interprétations de l'instruction sur les cas particuliers d'admission des autres chrétiens à la communion
eucharistique dans l'Église catholique (La documentation catholique 1973, p. 1005-1006).
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Cf. Intervention du cardinal Willebrands au Synode des évêques sur la famille (Foyers Mixtes n° 51, p. 33-35).
3. La décision qui sera prise en conscience doit avoir été soumise au discernement de l'évêque,
responsable du ministère de l'unité (ou des prêtres délégués par lui pour les relations cecuméniques
et à qui il aura confié ce discernement en collaboration avec lui). Elle doit veiller à ne pas provoquer le
scandale ni même l'étonnement chez ceux qui en seront normalement les témoins.
4. Au nom de la dynamique œcuménique de réciprocité, la communion des fidèles catholiques à la
sainte cène protestante est aujourd'hui l'objet de demandes pressantes, en particulier chez les foyers
mixtes. Une telle démarche, redisons-le, ne correspond pas, pour les catholiques, au lien qu'ils
confessent entre eucharistie et communion ecclésiale. Elle préjuge aussi de la compréhension
commune du ministère ordonné. De plus, pour l'Église catholique, la forme plénière du ministère
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ecclésial fait défaut au ministre protestant qui préside .
5. Nous constatons cependant qu'un certain nombre de catholiques estiment pouvoir communier à la
sainte cène protestante, que ces cas ont tendance à se multiplier et que l'opinion se fait jour de les
considérer comme normaux. Nous ne pouvons pas ne pas rappeler que cette évolution est
objectivement contraire aux dispositions actuellement en vigueur dans l'Eglise catholique, dont le
fondement est d'ordre doctrinal. La multiplication de ces cas fait également grandir le risque qu'ils
soient interprétés par les communautés protestantes non comme le désir de participer à une réalité de
grâce qui est le secret de Dieu, mais comme la reconnaissance de fait de la pleine sacramentalité de
leur célébration.
6. Aux catholiques qui estimeraient toujours en conscience pouvoir communier à la sainte cène,
nous disons donc ce que les évêques allemands ont dit à leurs fidèles sur ce même point : « Le
Synode ne peut pas actuellement approuver la participation d'un catholique à la sainte cène. Il ne peut
être exclu qu'un catholique - suivant sa propre conscience - puisse trouver, dans la situation
particulière qui est la sienne, des raisons qui lui font apparaître sa participation à la sainte cène
comme spirituellement nécessaire. Il devrait alors penser qu'une telle participation ne correspond pas
au lien entre eucharistie et communion ecclésiale, particulièrement pour ce qui concerne la
compréhension du ministère. S'agissant de la décision qu'il sera amené à prendre, il ne devra pas
mettre en péril son appartenance à sa propre Église et sa décision ne devra pas non plus équivaloir à
un reniement de sa propre foi et de sa propre Église, pas plus qu'elle ne devra apparaître ainsi aux
yeux d'autrui » (Synode des diocèses allemands de Würzburg, 1976, n. 5.5 du texte sur le culte).
7. Nous sommes conscients que ces orientations pourront blesser ou choquer. Nous partageons
nous-mêmes la souffrance de ne pouvoir communier ensemble à l'eucharistie. Mais nous demandons
à tous ceux que cette Note concerne de s'interroger eux-mêmes. Ces orientations prennent en compte
les problèmes de fond tels qu'ils se posent aujourd'hui : elles n'entendent pas être définitives. Mais
l'évolution que nous espérons de ces positions dépendra pour une part de la manière dont les Églises
issues de la Réforme recevront les questions que nous avons rappelées ici. Nous avons à vivre en ce
domaine crucial une émulation spirituelle qui nous permette de nous ouvrir les uns et les autres et les
uns par les autres à toutes les exigences de l’Évangile.
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En termes techniques le Décret sur l'œcuménisme, 22 parle de defectus ordinis. On se référera avec intérêt à la
compréhension de cette expression donnée par Le ministère dans l'Église, rapport de la Commission mixte catholique romaine
- évangélique luthérienne, numéro 76-77 (dans F. M. n° 60, p. 41).
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