Négociations climat et modélisation prospective technico

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Négociations climat et modélisation
prospective technico-économique: enjeux et
interactions
Semaine Athens changement climatique et transition vers une société
bas carbone 18/11/2013
Christophe CASSEN
Centre International de Recherche sur l’Environnement et le
Développement (CIRED)
[email protected]
PLAN
Partie 1: Les négociations climatiques internationales de Rio à Varsovie
Partie 2: Place de la modélisation technico‐
économique dans les négociations climat
Les négociations climatiques internationales de Rio à Varsovie Les principales étapes • Mise à l’agenda des politiques internationales du changement climatique et premières initiatives (1985‐1990)
• Institutionnalisation du régime climatique (1990‐1997): échec de la mise en œuvre d’une taxe carbone internationale
• La mise en œuvre du Protocole de Kyoto (1997‐2005)
• Les négociations autour d’un futur régime climatique (2005‐….)
Mise à l’agenda des politiques internationales du changement climatique et premières initiatives (1985‐1990)
• 1979 : First World Climate Conference (WMO)
• 1985 : UNEP/WMO Conférence de Villach
• 1988 : G7 conférence (Toronto)
– Establishment of the IPCC
• 1989: La Hague summit
• 1990: Second World Climate Conference
Dominés par les scientifiques
Réponse Intergouvernmentale
Un enjeux de sécurité énergétique à l’origine •La position volontariste de Georges Bush sr et Thatcher à
Toronto (1988)
•…les effets pervers de la guerre du Golfe « Ce que le peuple américain a retenu de la guerre du Golfe, c’est qu’il est extrêmement plus facile et plus drôle d’aller botter les fesses des gens au Moyen‐Orient que de faire des sacrifices pour limiter la dépendance de l’Amérique vis‐à‐vis du pétrole importé..…Ceux qui me connaissent savent que je n’aurais jamais utilisé une phrase comme celle que je viens d’employer si elle n’était pas utilisée aux niveaux les plus élevés du gouvernement. » (James Schlesinger, 15e Congrès du Conseil Mondial de l’Energie, sept. 1992, Madrid) •« Le mode de vie américain n’est pas négociable » (G. Bush Sr.)
Institutionnalisation du régime climatique (1990‐1997)
les enjeux des négociations pré‐Rio
• Quels objectifs de réduction?
• Quelle répartition des efforts?
– Equité de la répartition des engagements
• Quels types d’engagements?
– Prix? Quantités? Politiques et mesures (PAM) ?
• Quelles règles d’observance?
– Quelle ‘concession’ de souveraineté nationale?
– Qu’est‐ce qu’un « legally binding commitment»?
• Quels Issue Linkages explicites? – Energie
– Commerce international (OMC)
– Gouvernance Mondiale
Rio (1992): la Convention cadre sur les changements climatiques
•
Pas d’objectifs quantifiés –
•
Le principe des responsabilités communes mais différenciées (CBDR)
–
•
•
Article 4 &2: « pays développés adoptent des politiques et mesures nationales afin de démontrer qu’ils prennent l’initiative de modifier les tendances à long terme des émissions anthropiques conformément à l’objectif de la convention, reconnaissant que le retour, d’ici à la fin de la présente décennie, aux niveaux antérieurs d’émissions (…) contribuerait à une telle modification (…) »
Article 3: « incombe aux parties de préserver le système climatique dans l’intérêt des générations présentes et futures, sur la base de l’équité et en fonction de leurs représentations communes mais différenciées et de leurs capacités respectives. Il appartient, en conséquence, aux pays développés Parties d’être à l’avant‐garde de la lutte contre les changements climatiques et leurs effets néfastes »
Distinctions entre pays de l’annexe 1 (OCDE, pays est‐
européens et ex‐URSS) et non Annexe 1 194 pays la ratifient, entre en vigueur en 1994 Responsabilités communes mais différenciées Une carte des émissions passées très contrastée: 80% vs 20%
De Rio à Kyoto: le débat autour des instruments • Le débat taxe vs quantité ou Europe vs USA
– Echec des projets de taxe: • taxe européenne mixte énergie/carbone
• Btu tax Clinton: application à tous les secteurs, vidée de son contenu par les lobbies
– Voie libre pour une approche par les quotas • Négociations annuelles dans les COP (conférences des parties)
Le Protocole de Kyoto: les compromis Nord‐Nord
•
Double confrontation:
– Niveau d’engagement : sans distinction pays industrialisés/non industrialisés (USA) vs refus de tout engagement de réduction (PED)
– Forme des engagements : objectifs chiffrés de réduction des émissions pour les pays Annexe I et des PAM (Europe) vs objectifs chiffrés et mécanismes de flexibilité (USA)
•
Compromis entre Europe et USA: – Objectifs de réduction contraignants pour es pays de l’Annexe I 2008‐2012 ( ‐5%/ 1990, EU 15 ‐8%/1990, USA ‐6%, Canada ‐7%, Allemagne ‐21%, Espagne +15%) Approche européenne – Mécanismes de flexibilité: temps, espace, moyens de la mettre en œuvre emission trading, JI Approche américaine
Les mécanismes de flexibilité du Protocole • Art 17: échanges de droits d’émissions entre Etats de l’annexe 1 ayant pris des engagements quantifiés –
Ces échanges doivent venir en complément de mesures nationales de réduction des émissions
• Art 6: application conjointe entre pays de l’annexe I
–
L’acquisition d’unités de réduction des émissions (URE) doit alors venir « en complément des mesures prises au niveau national »
• Art 12: mécanisme pour un développement propre
–
Investissements du Nord dans des projets de réduction des émissions dans les pays du Sud. En contrepartie de ces investissements (publics ou privés), ils pourront acquérir des unités de réductions certifiées d’émissions (URCE), qui viendront s'ajouter aux quotas qui leur ont été
alloués.
• Art 4: possibilité pour un ensemble de parties…de lier leurs engagements pour atteindre leurs objectifs, c’est‐à‐dire de former une bulle (cf l’UE)
Les mécanismes de flexibilité du protocole de Kyoto Marrakech (2001): accord sur les modalités de mise en place
• Accord sur les Puits de carbone
‒ Un mécanisme de flexibilité
supplémentaire
‒ Russie, Canada et Japon obtiennent des crédits généreux La mise en œuvre des MDP: une « usine à gaz »?
• Mise en place des MDP
‒ Règles, modalités
‒ Un système complexe Source: CDC Climat 2012
• Mise en place d’un système d’observance
‒ Comité de contrôle ‒ Applicabilité des sanctions limités Les impacts du retrait US…
•
Retrait US des négociations 2001
– Dès 1997, résolution Byrd Hagel
“The United States should not be a signatory to any protocol to…at negotiations in Kyoto in December 1997, or thereafter, which would‐ mandate new commitments to limit or reduce greenhouse gas emissions for the Annex I Parties, unless the protocol or other agreement also mandates new specific scheduled commitments to limit or reduce greenhouse gas emissions for Developing Country Parties within the same compliance period”
•
2005: adoption du Protocole de Kyoto après d’intenses négociations avec la Russie
– Le protocole couvre 50% des parties, 55% des émissions « Good first Step » ou « Flawed Process »?
• Minimisation des coûts de réduction des émissions dans les pays du Nord par des mécanismes de flexibilité
• Acceptation progressive par les PED d’objectifs de réduction des GES en échange des transferts de revenus provenant de l’exportation de quotas d’émissions
• Egalisation progressive du prix du carbone pour minimiser les risques de distorsions de concurrence industrielle Mais: • USA et pays en développement non impliqués • Effets pervers « narrow but deep approach »: fuites de carbone possibles vers les pays hors Kyoto, renforce trajectoires carbonées des PED
• Période d’engagement courte (2008‐2012)/problème de long terme
• Mesure de l’additionalité problématique pour les MDP
• Processus de vérification limité (compliance)
Les négociations autour d’un futur régime Climat: 2005‐…
• 2005: Montréal (COP11) relance des négociations climat
• Après le retrait US, l’Europe seul leader mais montée en puissance des BASICS
• Médiatisation de l’urgence climatique: – Rapport Stern: nécessaire d’agir vite pour éviter la catastrophe
– IVe rapport du GIEC: fenêtre d’opportunité réduite pour stabiliser les émissions
• Enjeux des négociations – Formulation de la cible de long terme
– Forme de l’accord à trouver à Copenhague
– Financements en faveur des PED pour l’adaptation, la mitigation et les transferts technologiques
– Formes et modalités des transferts technologiques
– Devenir des mécanismes de projet (MDP, MOC)
– Lien entre politique climatique et commerce
Les oppositions de principes entre les pays du Nord et du Sud Principes ‐ Responsabilités futures privilégiées
Engagements des PED d’ici 2020 ‐ Droit au développement avant tout Position des durable pays du Nord ‐ Finance carbone (investissement privé)
‐ Financement vs mesures mesurables, rapportables et vérifiables
‐ USA en faveur d’une architecture plus bottom up
Position des pays du Sud
‐ Principes de responsabilités communes mais différenciées
‐ Responsabilité historique/dette écologique des pays industrialisés
‐ Droit au développement juridiquement opposable
Source: Godard, 2011
Actions ‐ Refus de montants préalables de transferts en faveur de l’autofinancement des pays du Sud
‐ Fonds publics des pays industrialisés vers les PED ‐ Fonds vs la déforestation
‐ Accès privilégié aux technologies efficaces énergétiquement
‐ Engagement importants des pays du Nord en matière de réduction d’émission (40% en 2020, 95% en 2050 /1990)
Répartition des émissions de GES par habitant en 2004
Un rééquilibrage en matière d’émissions absolues vers les PED Les pays du Sud de plus en plus présents dans les groupes de négociations
Les pays de l’Ombrelle
(USA, Canada,
Australie, Japon,
Nouvelle-Zélande, Russie,
Ukraine et Norvège)
Négociations
CLIMAT
EU28
BASICS
Brésil, AFS, Chine, Inde
G77
pays en développement
et PMA
ALBA
AOSIS
petites îles
Bolivie, Cuba,
Venezuela, Equateur….
La feuille de route de Bali : 4 piliers
• Mitigation: – négociations parallèles: • KP: suite du Protocole de Kyoto • LCA: accord plus large avec les USA, les pays émergents et en développement.
•
•
•
•
Adaptation
Financement Transfert technologique
Bali Action Plan accepté par 192 pays, dont les Etats‐Unis …..on se met d’accord sur le fait que l’on se mettra d’accord en 2009 à Copenhague La montée en puissance des enjeux liés à l’adaptation
• Un thème dans les années 90 de second ordre
– Vision floue dans la Convention
– Partisans de l’adaptation accusés de « défaitisme » ou de climato‐septique • Spécificités: – Besoin de financement et d’anticipation dans les secteurs à
investissements à vie longue (eau, transports, énergie…)
• Porté par les PMA face aux lenteurs de la négociation climat
– Fonds pour l’adaptation mis en place à Marrakech
• Traitée à égalité avec l’atténuation depuis Bali
L’épineuse question du financement
• Débats sensibles autour du financement
– Dette des pays riches à l’égard des pays pauvres? – Aide à l’adaptation/aide au développement – Estimations limités des impacts
• Gestion du fonds pour l’environnement
– Institutions financières, fonds pour l’environnement mondial – 200 millions$/an jusqu’en 2012
– Critère d’éligibilité des projets: lien avec la vulnérabilité
La conférence de Copenhague (COP15,2009) : un échec apparent
• Un scénario prévisible
– USA loi Waxman Markley bloquée au Sénat
– Mauvaise gestion de la présidence danoise – Huit clos entre gouvernement: marginalisation de l’UE divisée, initiative des pays émergents
• Accord soutenu par 28 pays, non ratifié par l’assemblée générale
– Accord n’entre pas dans le cadre de l’UNFCCC, « prend en note »
seulement
La portée de l’Accord de Copenhague • L’objectif 2°C dans l’Accord mais engagements des parties peu clairs
• Une nouvelle vision « pledge‐and‐control »
‒ Engagement individuel des pays
‒ Adéquation entre la somme des engagements individuels et collectifs
non garantie • Soutien financier vers les pays en développement finance (pré‐2012): 30 milliards de dollars, pour l’adaptation et réduction des émissions (y compris déforestation)
‒ Engagement des pays industrialisés sur un objectif de financement post‐2012 visant à atteindre 100 milliards de dollars par an en 2020
‒
‘fast start’
Les pledges: attention aux targets! Efforts pour atteindre le 2°C
Cancun (2010, COP16): sauvetage du processus…
• Entérine, dans le cadre de l’UNFCCC
– L’objectif de 2ºC
– Les ‘pledges’ de Copenhague
• Met en place:
– Un registre des NAMAs (Nationally Appropriate Mitigation Actions), et un procédé de MRV (Measurement, Reporting and Verification)
– Un Green Fund pour financer atténuation et adaptation (100 milliards de dollars par an d’ici 2020) – Les premiers éléments pour les mécanismes d’aide à réduire la déforestation
• Confirme la poursuite des MDP, inclut les projets de CCS • Confirme le passage du “cap‐and‐trade” à “pledge‐and‐
review”
…un changement de paradigme des négociations ?
• “a paradigm shift towards building a low‐carbon society that offers substantial opportunities and ensures continued high growth and sustainable development” (UNFCCC, 2011)
• Equitable Access to Sustainable Development et la remise en question de la vision « partage du fardeau »? • La montée en puissance de la finance climat: trait d’union entre atténuation et enjeux de développement (financement des NAMAS) De Durban (COP 17, 2011) à Varsovie (COP19, 2013): vers un accord en 2020 ? •Mitigation: – Accord in extremis sur une 2e phase d’engagement du protocole de Kyoto (2013‐2020) à Doha (2012) mais retrait du Canada, Japon, Russie, NZ et ne concerne que 15% des émissions mondiales
– La “plateforme de Durban”: prépare un accord en 2015
– Enjeux de développement et d’équité restent une ligne de fracture •Adaptation
– Mécanisme de compensation des dommages pour les pays les plus vulnérables
•Technologies
– Blocage sur la question des transferts
•Finance
– Abondement insuffisant du Green Climate Fund
Conclusions • Trois dynamiques permanentes depuis 1992
– Au sein des pays industrialisés: défenseurs/opposants à des objectifs de réduction des émissions de GES contraignant : US vs EU
– Entre les pays industrialisés et les pays en développement autour de leur responsabilités vis‐à‐vis du Changement climatique – Au sein des pays en développement: partisans de politiques climatiques/partisans du développement et de la lutte contre la pauvreté
•Des incertitudes sur l’avenir du régime climatique
– Un serpent de mer: comment concilier équité, objectifs de réduction, d’adaptation et politiques nationales de développement ?
– Limites de la Convention à instiller un sens de la communauté
• Rôle clé des USA et de la Chine… l’Europe en spectateur? • Avancées en dehors de Kyoto (G8, Partenariat Asie Pacifique, Major Economies forum…)
– Un Kyoto élargi n’est pas garanti
• Vers une coordination décentralisée (à l’échelle nationale), segmentée (sectorielle) ?
• Quelle Articulation avec les enjeux de développement (objectifs du millénaire)?
Le calcul économique comme « langage de négociation » ?
• Un bien collectif pur global « chacun en a sa part et tous l’ont tout entier » (Victor Hugo) – Non exclusif
– Indivisible (non rival)
– Concerne l’humanité entière
• Les émissions de gaz à effet de serre = une externalité
négative
– Théorie économique justifie l’intervention publique dans le cas de biens publics: internalise les externalités négatives
• Instruments: quotas, taxes, normes
– A la recherche de l’efficacité économique (égalisation des coûts marginaux de réduction des émissions)
• Cadrage économique interagit avec des enjeux géopolitiques et stratégiques, contingences de la négociation
Place de la modélisation technico‐
économique dans les négociations climat
Développement de la modélisation intégrée
• Club de Rome (Meadows, 1972) – Critique de la vision angélique du développement
– Approche globale: première tentative de modélisation
mathématique des effets de la croissance sur le long terme au mondial (modèle WORLD)
• Développement modèles de prospective pour l’analyse du long terme
– Réponses au club de Rome, à la crise pétrolière puis au changement climatique – Intègrent science du climat, économie et dynamiques environnementales
– Ex: IMAGE, MESSAGE
• La révolution informatique et le développement exponentiel des scénarios modélisés dans les années 1990
Forrester, 1971
Source: base de données NIES
La permanence des « tribus de modélisation »
OPTIMISATION
Bottom Up
(detailed sectors and technologies models)
Sectorial
Optimization (e.g. MARKAL)
Top Down (global models , systemic effect)
Optimal Growth
(e.g. RICE)
SIMULATION
Partial equilibrium (e.g. POLES, TIMER, G‐CAM)
General equlibrium
multisectorial
(e.g. SGM, EPPA)
Emergence d’une communauté de modélisation
• Des pionniers: Koopmans (Cowles Foundation), Dantzig (Stanford), Manne et Nordhaus (IIASA)
• Echanges entre communautés – Mathématiciens – Économistes
– Energéticiens • Des forums d’expertise clés:
– AIE, IIASA, EMF (Energy Modeling Forum), GIEC…
Objectifs du GIEC
• Identifier – incertitudes et les recherches scientifiques sur le changement climatique
– informations nécessaires pour évaluer les politiques climatiques
• Evaluer les impacts du changement climatique • Evaluer les politiques de réduction des GES et d’adaptation
• Collaborer avec les autres agences de l’ONU et les gouvernements
Structure
• Bureau du GIEC • Trois groupes de travail – WGI : Scientific Assessment du CC
– WGII : Evaluation des impacts du CC
– WGIII : Les stratégies de réduction des émissions de GES
• SBSTA – Subsidiary Body for Scientific and Technological Advice (SBSTA)
– Interface entre l’IPCC et l’UNFCCC :
– Diffuse les conclusions du GIEC
– Assure le suivi du cahier des charges du GIEC L’élaboration du rapport du GIEC • Chaque groupe divisé en chapitre avec un coordinating, lead and contributing auteur
• Nomination stricte des experts
• Un processus d’écriture long: un travail bénévole! • Trois rapport: le rapport complet, le résumé
technique, et le résumé pour les décideurs (Summary for Policy Makers, SPM)
Interactions science‐décision dans la construction du problème climat: l’influence du GIEC
• 1er et 2e rapport du GIEC (1990, 1995), éléments clés du cadrage du problème climat ‐
‐
‐
‐
Distinction mitigation/adaptation
Action de court et long terme
Potentiels sectoriels Scénarios d’émission
• 4e rapport (2007): cadre les évaluations du 2°C
• En retour, les négociations influencent l’agenda scientifique: flexibilité des engagements, 2°C, pledge de Copenhague…
• Mais: Interfaces flous, dynamique propre des négociations, médiatisation d’autres rapports que le GIEC (McKinsey, Stern)
Premier enjeu : évaluer le coût du changement
climatique
• Convention climat de Rio « stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique […]dans un délai convenable pour que les écosystèmes puissent s’adapter naturellement […] et que le développement économique puisse se poursuivre de manière durable », (art.2, CNUCC). « les politiques et mesures prises pour faire face au changement
climatique devraient être coût efficace de manière à assurer des bénéfices globaux au plus bas coût possible. », (art.3, CNUCC).
2 grands types d’analyse
• Analyse coût/bénéfice: évaluation monétaire des dommages et des politiques de lutte contre le changement climatique
• Analyse coût/efficacité : simple évaluation des coûts des politiques d’atténuation du changement
climatique
Un exemple d’analyse coût/bénéfice: le rapport Stern (2006)
• Proche des travaux du GIEC par la méthode mais
pas de processus de peer reviewing
• 6 chapitres dont un sur les coûts du changement climatique • Scénarios éco scénarios d’émissions concentration
• Fonction de dommages pertes de conso/ scénario sans changement climatique (modèle PAGE) d’ici 2200
• Approche probabiliste: – incertitude sur les émissions, événements extrêmes
Une classification des impacts
Les messages du rapport Stern
• Sans action forte et rapide, risques de perturbations majeures
5% PIB (actuel)/an 14% PIB/an dommages sur la production et
exploitation des ressources
naturelles
+ rétroactions climatiques
(émissions de méthane du
permafrost, moindre absorption
des océans)
20% PIB/an + dommages sur les populations
les plus pauvres
• Pertes agrégées de bien être dépendent de l’actualisation (1,3%): aversion au risque et justice intergénérationnelle
• Coûts modérés des politiques de réduction et d’adaptation des émissions (2%/an coût de la prévention + dommages) si action précoce
Portée du rapport Stern • Forte médiatisation
– Stern n’est pas un écologiste
– Soutenu par Tony Blair qui part en « croisade » contre le changement climatique et veut entraîner les USA
• Publication « opportune » avant celle du IVe rapport du GIEC et la COP de Bali
• Débat intense au sein de la communauté des économistes:
– Accusé d’être trop pessimiste
• S’attache à l’étendue des possibles pour les dommages, prise en compte évts extrêmes
• Choix éthique: taux d’actualisation faible
Limites des analyses coûts/bénéfices
•
Possible d’évaluer des impacts mais pas l’impact du changement climatique: ‒ Incertitudes autour des impacts de la croissance des concentrations d’émissions sur la température puis sur les dommages
‒ Les évaluations d’impacts mettent en jeu des jugements de valeur sur lesquels il n’y a pas de consensus. Quelle est la valeur d’un paysage, d’une espèce animale? Quel poids accorder aux générations futures?
‒ Les méthodes économiques utilisées ne sont pas capable de prendre en compte des effets indirects des chocs, en particulier des catastrophes naturelles •
Analyses coûts/efficacité privilégiées
L’atténuation du changement climatique • Qu’est‐ce qu’un coût? ‒ Coût technique: coût de la technologie actualisé
‒ Coût macroéconomique: prise en compte des effets d’équilibre
général
• Optimisme des “ingénieurs” vs pessimisme des “économistes” (Grubb, 1993)
‒ Les modèles technico‐économiques (dits bottom‐up): détail des options technologiques, existence de potentiels d’abattement « à
coût négatif »
‒ Modèles macroéconomiques (top down) : prise en compte des effets d’équilibre général, « efficiency gap » réellement disponible plus modeste (Jaffe & Stavins, 1994) Courbe Mc Kinsey: 10Gt CO2eq à un coût technique négatif en 2030 Source: McKinsey 2009
Un optimisme technologique aussi présent dans le GIEC
Economic mitigation potential Potentiel in different sectors for different carbon prices in 2030, for all reference trajectories
Controverse autour du double dividende Premier dividende
(atténuation du changement climatique)
Utilisation optimale des revenus de la fiscalité carbone, allègement coûts de certaines taxes distorsives
Second dividende – au sens fort: amélioration de la situation économique par
rapport au scénario de référence
– au sens faible: amélioration de la situation économique
moindre qu'en l'absence de politique climatique.
Des coûts de stabilisation modérés: Quatrième rapport du GIEC ‐ 2007
« Une stabilisation entre 710 et 445 ppm équiv.‐CO2 en 2050 impliquerait, à
l'échelle de la planète, des coûts macroéconomiques moyens se situant entre une hausse de 1 % et une baisse de 5,5 % du PIB mondial. Cela équivaut à un ralentissement de la progression moyenne du PIB mondial de moins de 0,12 point de pourcentage par an. » (AR4 WGIII SPM Box 3)
Une transition rapide, des coûts de stabilisation modérés
t
Mais une grande dispersion des estimations • Facteurs de dispersions
– Scénarios de référence projetés
– Régimes de politiques climatiques considérés
– Caractéristiques structurelles des modèles (représentation du changement technique) – Prise en compte ou non des (co‐) bénéfices des réductions des émissions (réduction de la pollution locale notamment)
Effet sur le PIB mondial en 2030 des hypothèses des modèles pour une stabilisation à 450ppm CO2
Source : Barker et al. (2006)
Deuxième enjeu: timing de l’action
• IPCC Second Assessment Report (1995): WGIII
– Décision séquentielle : l’incertitude justifie l’action
• Le Protocole de Kyoto – Kyoto: engagement et mécanismes de flexibilité (CDM, JI) – Application à l’agenda des économistes et des modélisateurs: « The When, Where and What flexibility
strategies »
When flexibility?
• Timing de l’action : Early vs Delayed action
• Les alarmistes vs les partisans for a « a wait
and see » policy
– Coût d’un remplacement prématuré du capital vs risques de lock in dans des trajectoires carbonées en raison des inerties + fenêtre d’opportunité de construction d’infrastructures en particulier dans les PED – Changement technique « autonome » vs « induit »
Un exemple de fenêtre d’opportunité: la production d’électricité en Chine
Next 10 years are crucial:
CO2 Emissions from Coal-Fired Power Stations
built prior to 2015 in China & India
6 000
million tonnes of CO2
5 000
4 000
3 000
2 000
1 000
0
2006
2015
2030
Existing power plants
© OECD/IEA - 2007
2045
2060
2075
Power plants built in 2005-2015
Capacity additions in the next decade will lock-in technology
& largely determine emissions through 2050 & beyond
Source: WEO 2007
Le coût du report de l’action Plus on reporte l’action, plus le coût des politiques de réduction augmente
Source: Recipe 2009
Where flexibility?
• Potentiels de réduction différents entre secteurs et pays
‒ Coûts d’abattement < dans les PED / pays développés
‒ Différences également entre pays développés
‒ USA/Japon • Intense débats entre l’Europe et les USA: répartition des efforts entre importations de permis et politiques domestiques
Emissions de CO2 en fonction du produit intérieur brut Source Bernard, 2001
What flexibility
• Prise en compte des autres GES (Méthane (CH4), Oxyde nitreux (N2O), Hydrofluorocarbones (HFC), Hydrocarbures perfluorés (PFC), Hexafluorure de soufre (SF6))
• Débat autour des puits de carbone
• Co‐bénéfices potentiels: réduction de la pollution
Atténue le coût des politiques climatiques
Prix du carbone dans les scénarios de stabilisation multi‐gas (4.5 W/m2 ) /scénarios
CO2 uniquement CO2 (en %) Ensemble
de scénarios
Source: de la Chesnaye, Weyant, 2006
Un troisième enjeu: le partage des efforts
• Rarement formulé en termes économiques
• Options proposées entre deux règles – Répartition des quotas avec même droit à émettre par individu (Agarwal et Narain, 1991)
• Revendication majeure des PED
• Inacceptable pour les Pays Développés (transferts)
– Répartition Kyoto: Grand Fathering
• En fonction des tendances économiques passées • Inacceptable pour les PED (entérine les différences de revenus) Un exemple d’option: contraction and convergence
Source: Global Common Institute
Les enjeux du 2°C pour l’AR5
Les enjeux autour du 2°C
• D’un objectif en concentration à un objectif en température
– 550ppm 450ppm 2°C
– Un objectif politique: EU (1995 et 2005), G8 (2007)
• Correspond environ à une division par 2 des émissions en 2050, par 4 pour les pays industrialisés
Un objectif ambitieux
t/CO2
Pic des émissions en 2025
Négative emissions
Source: IAMC,2009
Les implications du 2°C • Une décarbonisation du système énergétique
• En particulier du secteur électrique
• Pénétration significative des ENR
• Disponibilité des technologies non carbonées
• Efficacité énergétique considérablement accrue
• Rôle clé des bioénergies et CCS (séquestration carbone)
• Changements structurels au niveau de la
demande
– Réduction de la mobilité privée
• Un prix du carbone élevé (>200$/tCO2 en 2050)
Les transformations du système énergétique Source: Recipe 2009
Des limites sur la faisabilité…
• Les obstacles au niveau de la demande
– Inertie des comportements, asymétrie d’information
– Pb d’acceptabilité sociale des technologies bas carbone (éolien, nucléaire) • Les obstacles au niveau de l’offre
– Maturité des filières (photovoltaïque, isolation bâti…)
– Subventions et effets d’aubaine
– Disponibilité des technologies (biomasse, CCS, VE…)
• Inerties dans les infrastructures (transport, formes urbaines)
– Risque de lock in dans les trajectoires carbonées • Les signaux contraires
– Les gaz de schiste: mirage ou réelle alternative?
– Crises économiques et investissements « verts »
Des coûts modérés dans un monde de premier rang « The most ambitious pathways [350‐450 ppm CO2] are possible » with a macroeconomic impact comprised between +0.5 and ‐3% of the GDP in 2030 with technologies currently known and a uniform carbon price between 5 and 80 $/tCO2 in 2030
… with a serious and ‘never read’ caveat : ‘Most models use a global least cost approach to mitigation portfolios and with
universal emissions trading, assuming transparent markets, no transaction cost, and thus perfect implementation of mitigation measures
throughout the 21st century.’ (AR4 WGIII SPM Box 3)
Une transition potentiellement coûteuse…
En particulier pour les pays en développement!
GDP variation w.r.t. the baseline
1%
0%
-1%2000
2025
2050
2075
-2%
-3%
-4%
-5%
-6%
-7%
-8%
-9%
-10%
Source: Imaclim CIRED
Annex 1
World
Non Annex 1
Une transition potentiellement coûteuse…
• Dépend des trajectoires d’émission de GES…à
l’heure actuelle cible semble hors de porté
• Une action retardée nécessite plus d’émissions négatives sur le long terme
• Disponibilité problématique de certaines technologies comme la la biomasse séquestrée ou les ENR • Besoin de politiques d’accompagnement pour limiter les coûts de transition
Conclusion finale • Messages principaux de la littérature
‒ Coûts relativement faibles de la transition
‒ Potentiels technologiques importants
‒ Flexibilité possible dans la mise en œuvre • Décalage entre les résultats de la modélisation et les attentes des décideurs
‒ Chocs de la transition sous estimés par les modèles ‒ Poids des intérêts géostratégiques et internes dans les décisions
‒ Construction du prochain rapport du GIEC, révélateur des tensions entre les PED et pays du Nord • Besoin d’articuler enjeux globaux et locaux pour repenser design des politiques climatiques ‒ Climat comme co‐bénéfice des politiques de développement et non l’inverse ? ‒ Besoin d’outils pour évaluer cette articulation
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