DOSSIER Pr. Si Ahmed El Mahdi *, à Santé Mag le prélèvement d'organe à partir du donneur cadavérique est la meilleure réponse a un problème, réel, de santé publique Entretien réalisé par Fortas Nadjia Santé mag: Peux-t-on greffer tous les insuffisants rénaux, dont le nombre ne cesse de s'accroître? Pr Si Ahmed: Malheureusement, on ne peut greffer tous les malades, insuffisants rénaux. Il y a, d'abord, la disponibilité du greffon, qui demeure le grand frein à cette activité. Partout dans le monde, il existe des listes d'attente, du fait de l'inadéquation, entre le nombre de patients à greffer et les ressources en greffons. Il y a des limites médicales, qui concernent le patient candidat à la greffe (receveur), dont l’âge physiologique, beaucoup plus que l’âge physique, entre en ligne de compte. Des pathologies, qui peuvent coexister, comme une cardiopathie sévère; ce qui n’arrange guère les choses. Il y a, aussi, certaines affections congénitales, qui peuvent récidiver sur le greffon; des contre-indications temporaires, comme les infections virales. Tous ces facteurs objectifs font que l’on ne peut greffer tous les patients. La greffe rénale, à partir du donneur vivant, est-ce la solution? Dans notre pays, c’est, jusqu’à présent, la seule solution. La greffe, à partir du cadavre, n’a eu lieu qu’à titre 28 Santé-MAG N°16 - Mars 2013 exceptionnel. Une étude, réalisée au chu de Blida, a révélé que 10%, seulement, des malades, insuffisants rénaux, pouvaient aspirer à une greffe rénale, à partir d’un donneur vivant. Parmi les raisons évoquées figurent: - le frein psychologique, car soumettre un donneur vivant, donc quelqu'un qui se porte très bien, a une intervention chirurgicale n’est pas évident, malgré toutes les précautions et les bonnes conditions, qui président à cette opération. -Les maladies congénitales et donc, familiales, qui font que l’on ne trouve pas de donneurs, dans le cercle familial. - il y a, aussi, des donneurs qui sont écartés pour des raisons médicales, voire immunologiques, découvertes lors du bilan pré-greffe. - Il y a, également, des patients qui n’ont pas de donneurs du tout. A ce propos, Je voudrais rappeler, qu’en Algérie, le don d’organes, sur le plan légal, ne se limite point au cercle familial. Je ne comprends pas pourquoi certains confrères veulent donner une interprétation étriquée à notre législation, en la matière. Nous disposons d’une loi permissive que nous envient beaucoup de pays, dans ce domaine. La greffe, dite altruiste, peut se faire chez nous. Il suffit que le donneur soit en pleine possession de ses facultés intellectuelles; qu’il y ait deux témoins et l’accord des chefs de service et du directeur de l’hôpital. Toute transaction matérielle, ou immatérielle, entre le donneur et le receveur, demeurant prohibée. Au CHU de Blida, nous avons pratiqué des greffes rénales, au sein du couple (époux/épouse) et nous comptons mener, dans un proche avenir, une greffe entre amis. En fait, 90 % des patients risquent de ne jamais être greffés, si l’on s’en tient au donneur vivant; d’où, la nécessité de développer la greffe à partir du donneur cadavérique. Celle-ci permettra de réaliser des greffes de reins, mais aussi, la greffe d’autres organes et tissus, tels que le poumon, le foie, le cœur, la cornée, etc… DOSSIER Selon les estimations, dont nous disposons, il faudrait, annuellement, pour notre pays, environ 1500 greffes rénales, 200 greffes de poumon, 1500 greffes de cornée, 500 greffes hépatiques, pour n'évoquer que celles-ci... Le donneur cadavérique est, ici, la réponse de santé publique à un problème de santé publique. Qu'est ce qui bloque la généralisation de la greffe rénale? Il s'agit, là, d'une très bonne question. La greffe rénale relève, non seulement, d’une volonté individuelle, de la part des praticiens concernés, mais, aussi et surtout, d’une volonté administrative, pour ne pas dire politique, tant elle est soutenue par une organisation complexe, faisant appel à de multiples disciplines médico- chirurgicales, sollicitées dans leur excellence. Il existe, actuellement, en Algérie, une dizaine de centres de greffe, qui réalisent peu, ou prou, moins de 200 greffes rénales, par an. Nous sommes très loin des attentes de nos malades. A titre comparatif, la France compte 40 centres de greffe rénale, qui réalisent 3000 transplantations rénales, par an. Il est vrai que dans ce pays l'on a, surtout, recours aux donneurs cadavériques. Notre pays a intérêt à développer la greffe rénale. Les chiffres, actuels, de 16.000 insuffisants rénaux, en dialyse, s'élèveront à 25.000, à l’horizon 2020, selon la Société algérienne de néphrologie. Avec une incidence de 103 nouveaux cas, par million d'habitants, 3.500 a 4.000 nouveaux cas viennent s'ajouter, annuellement. INFO Si l’on continue ainsi, avec le toutdialyse, le budget de la santé risque de ne pas suffire, à moyen terme, pour prendre en charge les insuffisants rénaux chroniques. Au-delà de tous ces chiffres, il y va de la qualité de vie, voire de la survie de nos patients. La greffe rénale, à partir du donneur cadavérique une réalité ou un mythe? Il est impératif, pour toutes les raisons évoquées plus haut, que la transplantation rénale, à partir d’un donneur cadavérique (mort encéphalique), doit occuper une place prééminente, dans notre activité de greffe d'organes. L’organisation en est, certes, complexe, car elle fait intervenir de nombreux acteurs (donneur, famille du défunt, coordinateur de greffe, spécialistes en réanimation, laboratoire, radiologie, neurologie, chirurgie de greffe, médecine légale...) a un temps T, inprogrammable. Au-delà de cet aspect contraignant mais, néanmoins, possible, c’est, encore une fois, la véritable réponse de santé publique a un problème, réel, de santé publique. Quel est le rôle effectif de l'Agence des greffes, dans la transplantation d'organes, en Algérie? Nous avons, enfin, notre Agence nationale des greffes, qui est appelée à fédérer tous ces efforts, en vue de développer la transplantation d’organes, dans un cadre organisé. Nous avons tenu la première réunion de son Conseil scientifique, au mois de février. Plusieurs commissions ont été installées, dont celle du prélèvement d’organes, à partir du sujet en mort encéphalique. Cette agence va gérer une Liste nationale des patients en attente de greffe (foie, rein ou tout autre organe ou tissu); une gestion qui permettra un accès, juste, des malades a la greffe. Elle tiendra un Registre des refus, comme elle devra déterminer le mode d’expression de l’acceptation du don post-mortem. Elle devra promouvoir la greffe, à partir du donneur cadavérique et donc, contribuer, avec l’aide des soignants, des hommes du culte, des éducateurs au sein des établissements scolaires et des médias, à enraciner une culture du don d’organes, dans la société algérienne. Quoi qu’il en soit l’Agence nationale des greffes est un premier jalon. Elle s’inscrira, à terme, dans un cadre plus large, d'une agence de biomédecine, devant inspirer les législateurs, pour la future loi algérienne de bioéthique. Et celui des associations de patients? La société civile structure toute société. Elle a un rôle important, dans toute politique de santé. Les associations de malades sont un véritable levier, pour l'activité de transplantation d’organes. Aux USA, la fédération des insuffisants rénaux pèse dans l’échiquier politique et a son mot à dire, dans l’élection présidentielle. Les associations interpellent les médecins et les pouvoirs publics, sur le quotidien des malades. Elles aident et orientent les patients. Elles sont associées, dans l’élaboration des plans de prise en charge des malades et de la greffe * Pr Si Ahmed El Mahdi, Chef de service de chirurgie et transplantation, au CHU de Blida L’institut national de néphrologie sera opérationnel en septembre prochain BLIDA- L’institut national de néphrologie qu’abritera le CHU Frantz Fanon de Blida sera réceptionné en septembre prochain, a indiqué dimanche le chef du projet, Pr. Rayane Tahar. de procéder aux interventions chirurgicales en avril 2014, a précisé le même responsable. Ce projet dont la première pierre avait été posée par le président de la République en 2006, sera chargé des analyses et des consultations médicales avant Cette structure qui s’étend sur 18000 m², impulsera la recherche scientifique grâce aux moyens dont elle disposera notamment en matière de greffe rénale. Cet institut jouera un rôle phare dans le domaine des opérations chirurgicales, d’hémodialyse et de greffe d’organes. Pr. T. Rayane N°16 - Mars 2013 Santé-MAG 29