Whipple (maladie de) La maladie de Whipple a été décrite par George Whipple en 1907 chez un homme de 36 ans sous le nom de « lipodystrophie intestinale ». L’origine bactérienne de cette maladie était déjà suspectée du fait de la présence de bâtonnets prenant la coloration argentique dans les cellules de l’intestin grêle malade. Alors qu’elle était d’évolution fatale en 5 à 20 ans, cette maladie a pu être traitée avec succès par antibiothérapie dès les années 1950. Les bâtonnets ont été identifiés comme des bactéries en microscopie électronique en 1961, et en 1992, les techniques de biologie moléculaire ont permis de décrire une nouvelle espèce bactérienne, apparentée aux bactéries à Gram positif à haut contenu en guanine et cytosine et plus particulièrement aux actinomycétales, sous le nom de Tropheryma whippelii puis Tropheryma whipplei. La culture de la bactérie n’a été réalisée qu’en 2000 sur une lignée de cellules fibroblastiques humaines. Elle croît très lentement (temps de doublement 17 jours) et jamais sur milieu axénique. T. whipplei n’est pas systématiquement pathogène. C’est une espèce bactérienne qui peut être retrouvée dans l’environnement, et plus précisément dans l’eau. Elle a pu également être retrouvée chez des patients sains, en particulier au niveau de la salive et du liquide gastrique. La pathogénie de l’infection est caractérisée par une infiltration massive des tissus atteints par des macrophages PAS+ colorés par l’acide périodique de Schiff (PAS) et correspondant à l’accumulation de bactéries phagocytées ou de débris bactériens, dans le cadre d’un déficit de l’immunité cellulaire peut-être spécifique. La plus grande fréquence du groupe tissulaire HLA-B27 (28 %), la forte prédominance masculine (80 %) et une répartition mondiale des cas très hétérogène (prédominance caucasienne) suggèrent la responsabilité d’un terrain génétique favorable. La maladie de Whipple atteint plutôt l’homme d’âge moyen (35–65 ans) de race blanche et se caractérise principalement par une perte de poids associée à des arthralgies, à une diarrhée chronique et à des douleurs abdominales. Une fièvre au long cours avec sueurs nocturnes est souvent présente, parfois associée à des adénopathies. La séquence arthralgies chroniques, intermittentes, migratoires, non destructrices, séronégatives, puis diarrhée puis perte de poids, qui peut s’étaler sur plusieurs années (en moyenne 8 ans), est très en faveur d’une maladie de Whipple. Les manifestations cliniques liées au syndrome de malabsorption sont présentes tardivement : stéatorrhée, anémie, hypo- albuminémie, hypocalcémie. D’autres organes peuvent être concernés, parfois isolément : cœur (endocardites), système nerveux central (ataxie, démence, etc.), œil (uvéite), poumon (toux chronique). L’absence d’atteinte digestive, dans 15 à 20 % des cas, ou le début par une atteinte neurologique pure peuvent compliquer le diagnostic. Le traitement repose sur l’utilisation de triméthoprimesulfamétoxazole (Bactrim®), avec une correction de la diarrhée en quelques jours, des atteintes articulaires en 1 mois. Les rechutes sont fréquentes malgré une durée préconisée du traitement de 6 mois à 1 an. Le diagnostic biologique reposait encore récemment uniquement sur l’histologie et sur la présence d’une infiltration macrophagique PAS+ sur une biopsie duodénale basse. Cette recherche est préconisée même en absence de signes digestifs. Seules trois autres situations cliniques peuvent permettre de rencontrer ce type d’infiltration : infection à Mycobacterium aviumintracellulare chez un patient atteint de sida, histoplasmose systémique et macroglobulinémie. L’utilisation d’une PCR spécifique permet maintenant de détecter l’ADN de T. whipplei dans les tissus ou le sang périphérique, en amplifiant de façon spécifique le gène de l’ARN ribosomique 16S, la région intergénique 16S-23S ou le gène RpoB. Le prélèvement à tester sera choisi en fonction du contexte clinique : biopsie duodénale le plus souvent et toujours en cas de signes digestifs, LCR en cas de signes neurologiques isolés, liquide ou biopsie synoviale en cas d’atteinte articulaire, biopsies autres. L’association de la recherche par PCR à l’histologie permet de gagner en sensibilité et en spécificité ; en effet, T. whipplei a pu être retrouvé dans l’eau et dans la salive ou le liquide gastrique de patients sains. L’interprétation d’une positivité isolée en PCR demandera donc beaucoup de prudence. L’ADN bactérien peut être retrouvé dans les leucocytes du sang périphérique, mais cette détection n’est pas systématique, malgré la diffusion systémique de la bactérie. La PCR peut rester négative dans le sang malgré sa positivité dans différents organes. Cette négativité ne permet donc pas d’éliminer à elle seule une suspicion de maladie de Whipple, et la recherche d’ADN de T. whipplei dans le sang n’est préconisée qu’en association à une recherche tissulaire. Il n’existe pour l’instant pas de test sérologique disponible. ( Collet C, Sanson Le Pors MJ, Raskine L. Trophyrema Whipplei. Aspects cliniques et biologiques. Feuillets Biol 2004 ; 45/257 : 11-19. Marth T, Raoult D. Whipple’s disease. Lancet 2003 ; 361 : 239-246.