Éditorial Hématologie 2012 ; 18 (5) : 264-5 Plasticité épigénétique et réponse immunitaire innée Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Epigenetic plasticity and innate immunity E n cette année 2012, plus personne ne doute de l’intérêt de la reprogrammation nucléaire permettant de conférer à des cellules somatiques la pluripotence. Issue des travaux pionniers de Yamanaka et Takayashi [1], la création de cellules souches pluripotentes induites (iPS) a ouvert la voie à des travaux majeurs pour la compréhension de phénomènes impliqués tant dans le développement des organismes que dans la différenciation cellulaire. Cette reprogrammation est basée sur le transfert de facteurs de transcriptions (usuellement Oct4, Sox2, Klf4 et c-Myc). La plupart des protocoles utilisent la transduction rétrovirale, qui permet d’obtenir le phénomène avec une efficacité adaptée à de nombreuses stratégies de recherche expérimentale (0,1-1 %). Dès la description initiale, la possibilité d’utiliser cette approche à des fins de thérapie cellulaire et régénératrice chez l’homme a été envisagée. Elle se heurte toutefois à des préoccupations de sécurité liées, entre autres, au transfert stable de facteurs oncogéniques dans certains contextes (par exemple c-Myc) et à l’utilisation de rétrovirus exposant à des phénomènes d’oncogenèse insertionelle. De nombreux groupes ont tenté de remplacer le transfert viral par le transfert temporaire des protéines codées par les facteurs de transcription [2, 3]. Toutefois, l’efficacité des protocoles devient alors extrêmement faible (en général de l’ordre de 0,001 %) et les expériences difficiles à reproduire. C’est dans ce contexte que des chercheurs de l’université de Stanford et d’Atlanta ont découvert, au hasard des expériences, que l’efficacité du transfert rétroviral pour l’obtention des iPS tenait en grande partie à l’activation des réponses cellulaires de l’immunité innée par le transfert de matériel génétique [4]. Ne pouvant reproduire les expériences de transfert protéique, les auteurs ont eu l’idée de comparer les profils transcriptionnels de cellules transduites par des rétrovirus et par des protéines. Ils ont découvert que l’expression des gènes cibles des facteurs de reprogrammation nucléaire est plus importante et plus précoce lorsque la transduction rétrovirale est utilisée. Ils démontrent que ce phénomène n’est pas lié à l’intégration dans le génome et s’orientent vers un rôle possible des voies de signalisation des TLR (Toll-like receptors), dont on sait qu’elles sont activées par les ARN double brins (dsRNA) en réponse à certaines infections virales (via TLR3). Ils confirment cette hypothèse par diverses expériences utilisant des ARN interférents et démontrent que l’acide polyinosinique-polycytidylique (poly-I:C), analogue synthétique des dsRNA, est capable de mimer l’efficacité du transfert rétroviral lorsque les cellules sont traitées par ces agents et subissent un transfert direct des protéines codées par les facteurs de reprogrammation. Enfin, ils s’intéressent aux mécanismes d’action de la voie des TLR dans ce contexte et suggèrent la mise en œuvre d’un mécanisme épigénétique qui favoriserait l’action des facteurs de reprogrammation et dépendrait de l’activation de la voie de signalisation NFkB, facteur de transcription de l’activation de TLR3. Ces expériences soulignent le rôle que peut avoir la réponse inflammatoire dans la plasticité épigénétique des cellules et n’excluent pas que Hématologie, vol. 18, n o 5, septembre-octobre 2012 Pour citer cet article : Sigaux F. Plasticité épigénétique et réponse immunitaire innée. Hématologie 2012 ; 18 (5) : 264-5 doi:10.1684/hma.2012.0739 doi:10.1684/hma.2012.0739 264 François Sigaux Rédacteur en chef RÉFÉRENCES 1. Takayashi, Yamanaka. Cell 2006 ; 126 : 663-76. 2. Yang WC, Patel KG, Lee J, et al. Biotechnolog Bioeng 2009 ; 104 : 1047-58. 3. Zhou H, Wu S, Joo JY, et al. Cell Stem Cell 2009 ; 4 : 381-4. 4. Lee J, Sayed N, Hunter A, et al. Cell 2012 ; 151 : 547-58. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. d’autres acteurs de la réponse inflammatoire, comme les interférons, puissent avoir des effets analogues. Au-delà du protocole efficace de génération d’iPS par transfert direct de protéines qu’ils proposent, ces travaux pourraient ouvrir d’autres sujets de recherche importants. Il n’a pas échappé aux auteurs que cette plasticité épigénétique pourrait être impliquée in vivo, dans des phénomènes de transdifférenciation ou de transformation tumorale. 265 Hématologie, vol. 18, n o 5, septembre-octobre 2012