Après-midi de formation du 24 novembre 2012

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Après-midi de formation du 24 novembre 2012 – Le Thor
Quelle Europe ? Par François Riether
Intro
✔ Tous ceux qui ont voté NON en 2005 et qui refusent le TSCG sont d'accord pour critiquer
l'UE libérale. Mais quel projet ?
✔ Bien distinguer UE et Europe : l'UE est un produit politique datant de la guerre froide.
✔ Il y a deux grandes « familles », deux types de réponse à la crise actuelle :
- Sapir, M'PEP et les Chevènementistes, Dupont-Aignan, POI et une partie du PC et du NPA
veulent « se débarrasser de l'euro » (M'PEP) et en finir avec une UE « inamendable ».
- Attac, Copernic, Harribey, l'appel des économistes http://appeldeseconomistes.fr :
plus d'Europe, harmonisation, politique économique commune, et donc accepter des
transferts de souveraineté.
1. Critique historique de la notion de nation
D'abord sur l'Europe (et non l'UE), produit historico-culturel datant de sa domination récente, voir
cartographie à partir de la fin XVème (grandes découvertes) :
–
pas de réalité géographique, pas de frontière à l'est = extrémité ouest de l'Asie
–
le monde grec ignorait le nord et incluait l'Asie mineure (Ionie = Turquie, guerre de Troie,
Ephèse, Alexandrie) et l'Empire romain = mare nostrum (y compris le Maghreb)
–
dans l'Antiquité, Europa était une princesse phénicienne (Tyr), c.àd. Libanaise !
Europe-continent et UE sont des constructions (≠ des « essences » éternelles), il en va de même
pour les nations et le sentiment d'appartenance nationale.
Rapide survol historique :
Le sentiment national est une construction qui date essentiellement du XIXème siècle, pour créer et
entretenir une idée d'appartenance commune et d'unité nationale (Michelet, Lavisse...). Pour ce
faire, il fallait créer des mythes nationaux à travers des personnages dont on sait aujourd'hui qu'ils
sont loin d'avoir eu l'importance que ce récit national (l'Histoire telle qu'on nous l'a enseignée à
l'école) leur attribue.
Récits mythiques dans toute l'Europe : Ossian, Kalivala et sagas scandinaves, en Allemagne
Arminius et le Niebelungenlied, etc.
Dans la France jacobine, il fallait éradiquer le régionalisme, exalter la France éternelle face à ses
ennemis héréditaires et fabriquer une continuité Gaulois – Mérovingiens – Carolingiens – Capétiens
Vercingétorix, Clovis, Jeanne d'Arc, etc.,
Un des meilleurs exemples : Charles Martel n'était pas français => ça ne voulait rien dire
Fils de Pépin de Herstal, Maire du Palais en Austrasie, c.àd. la région d'Aix la Chapelle - Testry 687
Il n'a pas « vaincu les arabes » (raid berbère et pas du tout une invasion), en 733, et pas à Poitiers !
Pour mémoire, il a ensuite ravagé la Provence (740), alliée des Narbonnais, c.àd. des Maures
Les habitants des provinces de l'époque (chute de l'Empire romain jusqu'à la révolution française et
aux guerres napoléoniennes) subissaient avec indifférence les changements de suzerain, se fichaient
pas mal d'être sujets du roi de France, d'Angleterre ou de l'Empereur. Ça changeait tout le temps
avec les guerres et les mariages. On changeait de maître ou de suzerain, les guerres étaient affaires
de professionnels. Frontières mal définies et peu gardées, le sentiment d'un destin partagé s'arrêtait à
la Paroisse, tout au plus à l'appartenance au même seigneur.
Enclaves nombreuses voir Provence, Avignon et le Comtat, 3 évêchés (Metz, Toul, Verdun)
Premier changement : la Réforme (de 1517 à 1648) = développement de l'État
Martin Luther -personnage central de l'histoire telle qu'elle est enseignée en Allemagne- avec ses 95
propositions (1517) remet tout en question :
✔
la légitimité du Pape, « seul représentant de Dieu sur terre », et de l'Église romaine, « Hors
de l'Église, point de salut » ≠ « Rome, nouvelle Babylone »,
✔
et donc tout l'édifice de la souveraineté médiévale et en particulier celle de l'Empereur
(Charles Quint), qui reposait depuis la fin de l'Empire romain sur une religion unique, catholique
romaine, le Pape déléguait aux empereurs, rois et princes . Voir le « testament de Constantin », faux
apocryphe d'après lequel l'empereur Constantin (mort en 337) aurait légué la souveraineté sur
l'Orient à l'empereur de Byzance, et sur l'Occident au Pape.
Avec la Réforme (Luther, Calvin), on a plusieurs religions => situation de conflit, plus d'un siècle
de guerres de religion qui ravagent toute l'Europe (sauf l'Espagne, unifiée depuis le mariage des
« rois catholiques » Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon 1469, fin de la Reconquista en 1492)
– en France, « fille aînée de l'Église », État déjà développé depuis les Capétiens et centralisé
depuis François 1er (édit de Villers-Côteret 1539), renforcement de l'État central avec les
Bourbons : Richelieu et le siège de La Rochelle (1628), « Pré carré » de Vauban (fin des
enclaves et territoire national protégé par des forts).
Un État fort, incarné dans la personne du Roi [Louis XIV : « L'État c'est moi »] ;
des sujets, mais ni citoyens ni sentiment national. Appartenance à la Province.
– En Angleterre, fondation de l'Église anglicane par Henry VIII Tudor (1534), puis unification
Angleterre – Écosse qui deviennent la Grande-Bretagne au retour des Stuart (mort
d'Elisabeth I en 1603). Profond clivage religieux.
– Dans le Saint-Empire Romain-Germanique, guerre de 30 ans, peu étudiée chez nous, qui se
termine par le Traité de Westphalie (1648, Louis XIV avait 10 ans) : « cujus regio, ejus
religio » c.àd. le peuple embrasse la religion de son prince. Développement de la notion
d'État et de frontières et formation d'une mosaïque de principautés dans le Saint Empire .
1648, c'est aussi La Fronde en France, Cromwell et la décapitation de Charles I en GrandeBretagne, l'indépendance des Provinces-Unies au détriment de l'Espagne, etc.
==> Ça craque de partout !
2ème changement : Révolution française et guerres napoléoniennes = apparition de la nation
En France : Conscription, Valmy, « la Patrie est en danger » ; la nation se superpose à l'État.
En Allemagne : Fichte « discours à la nation allemande » alors qu'il n'y a pas d'État allemand.
En France (+ Grande-Bretagne et Espagne), l'État a précédé la nation => jacobinisme
En Allemagne (et dans les futurs États de l'Empire), la nation a précédé l'État => fédéralisme
La notion de nation est très différente en France et en Allemagne :
✔
Allemagne = BLUT / BODEN / SPRACHE (sang / sol / langue)
✔
France républicaine (RENAN « plébiscite de tous les jours », valeurs partagées)
conception abstraite et lointaine, résiste mal face à la montée des communautarismes.
Puis 1848 et l'échec du « Printemps des Peuples », première tentative de se débarasser des
Empires. Construction des unités italienne (Cavour, Garibaldi) et allemande (Bismarck) et
développement des puissances industrielles impérialistes et colonialistes.
Opposition pan-germanisme / pan-slavisme
Sentiment national de destin partagé qui se construit autour de grands récits historico-mythiques et
de la haine de l' « ennemi héréditaire » : Alsace-Lorraine, ligne bleue des Vosges .
Rôle de l'école, interdiction des langues régionales.
Déroulède (Ligue des Patriotes), Boulanger, montée en puissance des Ligues, affaire Dreyfus.
Nationalismes exacerbés qui mènent à la guerre mondiale. Voir Françoise Héritier et la tendance
anthropologique à priver de leur humanité ceux du groupe d'en face, en les traitant de « barbares »,
de « sales boches » (idem de l'autre côté). À qui ça profite ?
« On croit se battre pour la Patrie, on meurt pour des industriels » Anatole France.
Mon grand-père alsacien -né allemand en 1886- a changé 4 fois de nationalité
au cours de sa vie et se fichait pas mal d'être allemand ou français.
Il détestait autant les nazis que les collabos.
Traité de Versailles (1919) , les 14 points de Wilson et « liberté des peuples à disposer d'euxmêmes » – chaque peuple a droit à un État-nation - (éclatement des empires ottoman et austrohongrois et les conséquences dramatiques encore aujourd'hui -Palestine, Yougoslavie), la chute du
IIème Reich (créé en 1871 dans la Galerie des Glaces de Versailles – Guillaune I et II) et le
bricolage d'une improbable République de Weimar qui ne tiendra que 14 ans, et surtout le stupide
cocardisme de Clémenceau, avec sa volonté de « faire payer » l'Allemagne, préparant ainsi la
montée du nazisme... et la triste suite.
« l'Histoire universelle n'est pas le lieu de la félicité » (Hegel).
Voir Keynes à Versailles et « Les conséquences économiques de la paix ».
En même temps, création de l'URSS et travaux de Lénine sur les nations qui la composent.
Pour la suite, construction européenne et le rôle des « pères fondateurs », voir Marc.
2. Propositions
– Sortir de l'euro ? Déclaration de Duisenberg (1er gouverneur de la BCE) au moment de
Maastricht (1992) : « Avec la monnaie unique et l'impossibilité de dévaluer, la seule variable
d'ajustement entre les pays de la zone euro est le coût du travail ».
Mais sortir de l'euro serait catastrophique (dévaluation et donc augmentation de la dette,
spéculation sur le franc comme en 1992). Donc rester dans l'euro, mais en redéfinissant la
statut et les missions de la BCE [pas seulement défendre les intérêts des banques et des
rentiers et combattre l'inflation, mais aussi soutenir la croissance (cf. FED) – renoncer au
dogme de l'euro fort – prêter directement aux États et aux régions], ce qui suppose un
nouveau traité.
– Rester dans l'UE, car nos pays sont trop petits pour faire face aux grandes puissances (USA,
Chine, Inde, Asie du Sud-Est), mais mettre en chantier une constitution avec une vraie
assemblée constituante, formée de citoyens, de syndicalistes, de'experts, d'élus, etc., un peu
comme en Islande. De nouvelles institutions européennes, plus démocratiques et ayant pour
valeurs centrales non plus la « concurrence libre et non faussée » et la compétitivité, mais la
coopération et l'harmonisation vers le haut.
– Lutte sérieuse contre la spéculation et les Paradis fiscaux ; une vraie TTF
– Harmonisation fiscale et sociale vs « démarche ouverte de coordination » et
« reconnaissance mutuelle » exemple Bolkestein, mutualiser la finance => union bancaire,
union budgétaire.
– Augmenter le budget de l'Union (1,24 %!) [menace de veto de Cameron et réticence de
l'Allemagne à propos du budget 2014/2020 qui doit être décidé fin 2012] et lancer de grands
travaux, notamment en vue de la transition énergétique (l'échelle européenne est la seule
pertinente).
– Renforcer les fonds structurels (1986, J. Delors – Grèce Espagne, Portugal) pour mettre à
niveau les PECO et ne plus les considérer comme des réservoirs de main-d'oeuvre bon
marché (réticence nationale de l'Allemagne), et donc péréquation au niveau européen et non
plus seulement au niveau national qui n'en a plus les moyens.
– création d’un « fonds européen de développement social et écologique » financé par un
impôt européen (et non par une pseudo taxe sur les transactions).
– Politique économique commune, GOPE.
Faut-il se réjouir de l'échec de la fusion EADS – BEA Systems ?
– Assouplir les possibilités de coopérations renforcées.
– Crise de la dette : avantages et inconvénients de l'inflation, du défaut collectif.
Conclusion (Habermas, Zarka)
La nation est-elle le niveau pertinent face à des enjeux qui ignorent les frontières ?
Le cadre national – limité dans le temps et fauteur de crises et de guerres - dans lequel se sont
construits aux XIXème et XXème siècles les mouvements ouvriers et les systèmes de protection
sociale (Bismarck, Beveridge, CNR) n'est plus pertinent.
Les sociétés transnationales avec leurs prix de transfert, l'intégration mondiale de la production, la
montée en puissance des pays émergents, l'impératif écologique (le nuage de Tchernobyl n'a pas
respecté les frontières!) n'existaient pas lorsque nos démocraties se sont formées.
Dissymétrie des forces financières : les marchés peuvent mobiliser des sommes très supérieures au
PIB des « grands pays » (cf. 1992, puissance de Goldman Sachs), la contrainte extérieure est
devenue prédominante.
I. Ramonet, 1.11.2012 « Les marchés financiers sont devenus les acteurs principaux de l’actuelle conjoncture
économique en Europe.Le vrai pouvoir – jusqu’à présent détenu par les politiques – est passé entre les mains des
spéculateurs boursiers et d’une cohorte de banquiers tricheurs.
Chaque jour, les marchés mobilisent des sommes colossales. Leur action collective peut renverser des
gouvernements, imposer des décisions politiques et soumettre des peuples. Ces nouveaux « maîtres du monde » ne
s’embarrassent de nul souci du bien commun. La solidarité n’est pas leur problème. Encore moins la préservation
de l’Etat providence. Une seule rationalité les motive : l’appât du gain. Ils agissent dans une totale impunité. »
L'UE est un objet politique non identifié, ni confédération, ni fédération, ni empire, et en plus dans
un contexte inédit face à des enjeux nouveaux (mondialisation, pays émergents, monde fini).
Dépasser l'opposition souverainisme / fédéralisme, créer de nouveaux concepts, inventer de
nouvelles formes politique et de nouveaux lieux de délibération collective.
Créer un sentiment national européen, en vue d'une démocratie parlementaire européenne.
Le réseau des Attac d’Europe propose 7 principes pour sortir de l’Europe de la crise démocratique, sociale et démocratique :
­ Soustraire les Etats de la mainmise des marchés financiers : permettre un financement direct des banques centrales aux gouvernements, sous contrôle démocratique ; ­ Sortir du piège de la dette : mettre un terme aux politiques d’austérité et organiser des audits de la dette, qui débouchent sur des annulations de dettes publiques. Banques et acteurs financiers devant accepter leur part de pertes ;
­ Une politique fiscale redistributrice : Harmoniser par le haut les taxes sur le patrimoine (la richesse) et sur les profits, mettre un terme à l’évasion fiscale notamment par l'interdiction des transactions avec les paradis fiscaux et judiciaires.
­ Désarmer la finance et les banques : interdire les mécanismes spéculatifs les plus dangereux (trading à haute fréquence, vente à découvert, spéculation sur les produits dérivés, marchés de gré à gré...), et imposer une taxe sur l’ensemble des transactions financières à un taux de 0,1% ; réguler strictement les banques (séparation entre banques de dépôt et banques d'investissement, démantèlement des banques « trop grosses pour faire faillite »)
­ Un financement public et démocratique de l’économie : Construire un pôle public et coopératif financier sous contrôle démocratique pour financer les besoins sociaux et la transition écologique, le rétablissement et le développement des services publics. Les politiques commerciales doivent être révisées conformément à ces objectifs.
­ Une Europe pour les peuples, pas pour les profits : Mener des politiques économiques et sociales coordonnées à l'échelle européenne pour réduire les déséquilibres commerciaux, favoriser la transition écologique de l’économie, développer l’emploi et les droits sociaux et fondamentaux (santé, éducation, logement, transport, alimentation, énergie, eau, information, culture, protection sociale…). ­ La démocratie, maintenant : engager un processus constituant pour démocratiser tous les niveaux de décision ; mettre en œuvre un débat démocratique sur les politiques alternatives à l’échelle européenne.
À propos de l'Union Budgétaire :
OUI s'il s'agit d'organiser des transferts pour s'attaquer aux déséquilibres entre régions et pays (cf. Fonds structurels) => convergence, solidarité, harmonisation
Voir Union bancaire, s'il s'agit de contrôler les banques, et non de les recapitaliser à fonds perdus.
NON s'il s'agit de prescriptions économiques vers l'austérité, sous prétexte de compétitivité, PAS, reprise des grandes lignes du Pacte pour l'euro + (Conseil européen des 24­25 mars 2011)
3 grandes lignes du pacte euro + :
✗ diminuer le coût de la main d'oeuvre
✗ assouplir le droit du travail (flexibilité, réduction des charges fiscales et sociales)
✗ assainir les finances publiques ►privatiser protection sociale (sécu...) et services publics.
Le tout piloté par la Troïka, au mépris de la démocratie
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