TOPIC Décembre 2011 www.hec.fr/eurasia L’Asie tire (un peu mieux) son épingle du jeu Les perspectives de croissance du continent asiatique sont (plutôt) bonnes. Nous le subodorions : le rebond spectaculaire des économies asiatiques a atteint le sommet de sa trajectoire en 2010, pour retomber à nouveau en 2011. Le ralentissement de la demande intérieure, auquel s’ajoute un environnement extérieur inquiétant, ont assombri les perspectives du continent asiatique. L’impact de la récession occidentale, qui pourrait s’avérer encore plus rude que celle de 2009, devrait secouer l’atterrissage de 2011, et plus sévèrement encore les prévisions pour 2012. La Chine et l’Inde restent les moteurs de la croissance asiatique et mondiale. Sans surprise, la Chine caracole en tête, avec +9,1% de croissance prévus pour 2011, et +8,6% pour 2012. Mais la production manufacturière s’est contractée à l’automne pour la première fois en trois ans, signe d'un net ralentissement de l’économie. La priorité du gouvernement n'est donc plus la lutte contre l'inflation, qui a régressé d’un point à 5,5% en rythme annuel, mais bien le maintien de la croissance à tout prix. Signe avant-coureur d’une tendance qui La nouvelle priorité devrait se confirmer, les exportations de la Chine vers les Etats-Unis et l’Union du gouvernement européenne ont dans l’ensemble baissé. Sans surprise, la Chine caracole en tête. est désormais le maintien de la Les marchés financiers chinois sont moroses après une nouvelle croissance, au profit de l’inflation. déclaration laissant entendre que la politique monétaire de la Chine ne sera pas L’Inde connaît un ralentissement de son économie. assouplie de sitôt!... La priorité a été pendant onze mois de l’année la lutte contre l’inflation, principalement en resserrant le crédit bancaire. Mais la crainte d’une sévère baisse d’activité a inversé la vapeur : les autorités viennent de décider d’une baisse des taux d’intérêt (-0,25% pour commencer) pour relancer la machine. On trouve ensuite l’Inde, dont les perspectives de croissance pour 2011 sont certes de +7,5%, mais en nette baisse dans les dernières estimations, qui confirment un ralentissement de l’économie. Pour la première fois en deux ans, la croissance s’est tassée. Le poids de la politique monétaire et l’inquiétude des Mais les problèmes entreprises, aussi bien domestiques qu’étrangères, auront finalement eu raison de internes de réforme la performance économique du pays. Qui plus est, les autorités ont été incapables de freiner l’inflation qui ronge l’économie et frôle désormais les +10%. ou de politique économique jouent ici un rôle plus important que la conjoncture mondiale. De nombreux personnages politiques indiens accusent l’état de l’économie mondiale, et en particulier la crise de la zone euro comme responsable du ralentissement que subit le pays, généralement tiré par une économie domestique 1 robuste. Pour dynamiser le climat des affaires, des réformes ont été annoncées in extremis : à titre d’exemple, une loi facilitant les investissements étrangers dans le secteur de la grande distribution a été proposée. Elle aurait permis aux entreprises étrangères d’avoir un contrôle majoritaire (plus de 50%) des chaînes d’hypermarchés et de supermarchés du pays et aux enseignes monomarques de détenir la totalité de leurs activités. Les PME indiennes s’y sont immédiatement Fortement opposées, ce qui a contraint le gouvernement à reporter sine die son vote au dépendante de ses parlement. Les problèmes internes de réforme ou de politique économique exportations, la Corée du Sud perd semblent donc jouer un rôle beaucoup plus important que la conjoncture progressivement de mondiale. On en a un exemple avec la campagne anti-corruption qui a défrayé la chronique de 2011 (voir TOPIC octobre 2011). l’élan… On a d’autres surprises ailleurs en Asie. Il est encore trop tôt pour savoir de combien l’économie sud-coréenne va se tasser, mais les objectifs de croissance du gouvernement de +4,5% sur 2011 paraissent aujourd’hui irréalistes. Les économistes mises davantage sur un taux compris entre +3,5 et +4%. Fortement dépendante de ses exportations, la Corée du Sud perd progressivement …tandis que la Thaïlande subit de de l’élan, tandis que des indicateurs, tels que la production manufacturière, se plein fouet l’impact contractent d’un mois sur l’autre. Les mesures récentes de la Banque de Corée et de ses inondations. du ministère des Finances reflètent le pessimisme général qui règne dans le pays. L’ensemble du sud-est asiatique (Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam) devrait afficher une croissance de +5 % en 2011. Mais la Thaïlande occupe une place à part cette année. L’impact des inondations qui paralysent le pays depuis juillet 2011 a été sévère. Les prévisions de croissance pour 2011 sont passées de +4% à +1,5% seulement depuis la Le montant des catastrophe. On estime à plus de 21 milliards de dollars le montant des dégâts dégâts matériels et matériels, et à 14,5 milliards de dollars le manque à gagner en termes de le manque à gagner croissance (tourisme compris). 700 morts, des centaines de milliers de sans-abris, en termes de ainsi que de personnes désormais sans emploi… le bilan s’alourdit de jour en jour. croissance se compte en milliards A l’instar du Japon, les chaînes de production thaïlandaises ont été fortement perturbées, notamment dans les secteurs de l’automobile et de l’électronique, mais de dollars. ce sont tous les secteurs de l’économie qui en pâtissent. Près de 20% de la capacité de production totale du pays a été arrêtée (parcs industriels entiers fermés ou cernés par les eaux) – ce sont les grands groupes, notamment japonais, qui sont le plus frappés. L’année 2011, qui s’annonçait davantage politique avec l’arrivée au pouvoir d’un nouveau gouvernement en août, restera désormais dans les annales du pays comme l’une des pires depuis le tsunami de 2004. La croissance devrait néanmoins se redresser grâce aux efforts de reconstruction. Singapour s’en sort bien cette année, mais les perspectives se gâtent en 2012. Cependant, la croissance devrait rapidement se redresser (entre +4,5 et +5,5%) en 2012, grâce notamment aux efforts de reconstruction. La nouvelle Première ministre, Mme Yingluck Shinawatra, a proposé qu’un budget de 4,2 milliards de dollars soit débloqué pour les infrastructures, ainsi que pour les victimes. Elle a également annoncé la création de comités pour développer un plan de gestion de l’eau sur le long-terme d’une valeur estimée à 21 milliards d’euros. Des opérations de grand nettoyage ont d’ores et déjà commencé. Avec +5% de croissance prévue en 2011, Singapour tire son épingle du jeu. Le succès de l’île-pays repose essentiellement sur ses exportations, ses finances et son tourisme – des secteurs grâce auxquels le pays a pu maintenir un des taux de PIB/habitant les plus élevés au monde. Mais les estimations pour 2012 sont nettement moins encourageantes : entre +1 et +3%. Les analystes prévoient une contraction progressive de l’économie. Le pays a revu à la baisse son taux 2 Taiwan souffre de la baisse de ses exportations, mais a mis en place un plan de sauvetage d’envergure. d’exportations, dont la croissance serait comprise entre +2 et +3%. Suite à sa plus forte contraction depuis 2009, Taiwan a dû revoir à la baisse ses prévisions de croissance à +4,4% environ pour 2011 et +3% pour 2012. La production taïwanaise se contracte depuis quelques mois, suite à une baisse considérable des commandes en provenance de ses principaux partenaires commerciaux. Taiwan vient de mettre en place un plan de sauvetage destiné à protéger davantage le pays contre les chocs mondiaux. Le gouvernement a fait part de son intention de stabiliser le système financier, de surveiller l’inflation et de dynamiser ses exportations, ainsi que la consommation intérieure. L'Indonésie fait partie des rares pays à encore afficher un net taux de Grâce à une forte croissance. Pour l'ensemble de l'année 2011, on prévoit un PIB en hausse de consommation des +6,6%, et de +6,5% pour 2012. Son secret : une forte consommation des ménages et le maintien d'investissements privés conséquents. En effet, la consommation ménages et le intérieure, qui représente près de 60% de l'activité économique du pays, demeure maintien d'investissements robuste. Les ventes de voitures ont le vent en poupe, tandis que les encours de privés, l’Indonésie crédit ne cessent de grimper. Parallèlement, les exportations indonésiennes fait partie des rares affichaient en fin d’année un bond de +45% sur un an. Le pays est le premier pays a encore exportateur mondial de charbon thermique, d'huile de palme et d'étain. afficher un net taux de croissance. Malgré un taux de croissance important, le Vietnam a des problèmes de fond auxquels il doit faire face. Après les désastres du 11 mars, le Japon retrouve progressivement le chemin de la croissance. Avec des prévisions de croissance de +6% environ sur 2011 (et 2012), le Vietnam est un des meilleurs élèves de la classe asiatique cette année. Néanmoins, les problèmes financiers du pays persistent. L’objectif du gouvernement, cibler la croissance à tout prix aux dépens de la stabilité, a fini par creuser les inégalités sociales, favoriser l’inflation et une monnaie instable, et nourrir les craintes d’une crise bancaire. Le Vietnam souffre d’une hausse des prix parmi les plus élevées du continent : son taux d'inflation devrait s'élever à +19% sur l’année en cours, au-delà de l’objectif du gouvernement. Enfin le Japon, à l’instar de la Thaïlande, aura beaucoup souffert des catastrophes naturelles. Mais cette fin d’année a été encourageante pour l’économie nippone, qui retrouve progressivement le chemin de la croissance. Entre juillet et septembre 2011, le PIB japonais a crû de +1,5% par rapport au trimestre précédent, un progrès associé en partie à la reprise des chaînes de production fortement affectées par le tremblement de terre et le tsunami du 11 mars 2011 (voir TOPIC de mars 2011). Les autres moteurs de la reprise, la demande intérieure (+1%) et les exportations (+0,5%), restent modestes. La reprise a été plus rapide que prévue, mais les analystes maintiennent que le Japon reste très vulnérable à la situation économique mondiale et ne misent que sur une croissance de l’ordre de +0,5% en 2011. La fragilité de la balance des paiements est très nouvelle et potentiellement inquiétante pour l’avenir. Logiquement, les pays de la région les plus dépendants des exportations (Hong Kong, Singapour, Taïwan, Malaisie, Corée du Sud et Thaïlande) seront les plus exposés à une aggravation des conditions économiques mondiales. Mais même les pays disposant d'un vaste marché intérieur (Chine, Indonésie, Inde) ne pourront échapper aux conséquences d’un environnement extérieur dégradé. E.L A NOTER SUR VOTRE AGENDA « L’ASIE EN 2012 » Le 2 février 2012 à la Maison des Centraliens 3 L’Asie tire (un peu mieux) son épingle du jeu +0,5% +3,5% +9,1% +4,7% +7,5% +1,5% +6% S+5% +6,6% Comparaisons : prévisions de croissance des pays développés (%) 2011 2012 Etats-Unis 1,7 2 Allemagne 3 0,6 Italie 0,7 0,5 Angleterre 0,9 0,5 France 1,6 0,3 Source : OCDE, 2011 4