Géopolitique du Maroc: un nouveau positionnement

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Géopolitique du Maroc: un nouveau
positionnement dans un monde qui change
Jawad Kerdoudi publie aux éditions Al Madariss un ouvrage dans lequel il revient
sur la place du Maroc dans le monde. Au Maroc, il a créé l'Imri, un think tank
généraliste qui s'intéresse aux relations internationales, notamment dans la région
méditerranéenne.
Jawad Kerdoudi est un ancien dirigeant de l'OCE (Office de commercialisation
des exportations). Il est l'un des premiers Marocains diplômés d'HEC Paris et
ancien membre de l'Ifri (Institut français des relations internationales). Le think
tank qu'il a créé est composé de professeurs universitaires, de chefs d'entreprises
et de représentants des professions libérales.
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En ce début de XXIème siècle le monde a beaucoup changé. Sur le plan politique, le
monde fragmenté et inégalitaire est devenu multipolaire. L'hyperpuissance américaine a
laissé la place à plusieurs pôles de puissance dont les BRICS (Brésil, Russie, Inde,
Chine, Afrique du Sud). L'Europe ne joue plus le premier rôle qu'elle détenait au XIXème
siècle. Alors que les organisations régionales se renforcent de plus en plus, les
institutions internationales perdent de leur influence et de leur efficacité. L'ONU est
incapable de régler les conflits de la planète, paralysée par le droit exorbitant de vote
accordé à cinq pays permanents suite à la seconde guerre mondiale.
ur le plan économique, on assiste toujours à de grandes disparités entre les pays les
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plus riches et les plus pauvres. Encore aujourd'hui, un milliard de personnes ne mangent
pas à leur faim, et les PMA (pays les moins avancés) ont fait peu de progrès. Le système
financier mondial est défaillant, et a été la cause d'une grave crise économique mondiale
en 2008-2009 qui a failli être systémique. Heureusement le G20 a pu sauver la situation,
mais une réforme du système monétaire international est toujours nécessaire. En tous
cas, les nouvelles sources de croissance économique ne proviennent plus de l'Occident,
mais des pays hors OCDE.
es grandes organisations économiques internationales ne sont pas à la hauteur des
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défis mondiaux. La Banque mondiale peine à éradiquer la pauvreté dans le monde.
L'OMC n'a pas été capable de promouvoir les échanges commerciaux multilatéraux et de
finaliser le cycle de Doha. Le FMI de son côté n'a pas pu prévenir la grave crise
financière internationale 2008-2009 et n'a pas les moyens de lutter efficacement contre
les paradis fiscaux.
ays d'importance moyenne tant par la surface, la population et le PIB, le Maroc a
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l'avantage d'une position géographique stratégique avec la proximité de l'Europe, de
l'Afrique sub-saharienne et de la région Mena. Baigné par deux mers, l'océan Atlantique
et la mer Méditerranéenne, il contrôle le Détroit de Gibraltar. Sur le plan politique, le
Maroc bénéficie de la stabilité grâce à une monarchie millénaire qui fait le consensus de
la population. Dès l'indépendance, notre pays a opté pour le multipartisme et l'économie
de marché.
e processus démocratique a fait de grandes avancées grâce à la Constitution de juillet
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2011, mais beaucoup d'efforts sont encore nécessaires pour approfondir la démocratie.
D'ailleurs le Maroc a traversé le Printemps arabe sans trop de dégâts, à tel point qu'on a
parlé « d'exception marocaine ».
ur le plan économique, le Maroc dispose des plus grandes réserves du monde en
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phosphates, mais souffre d'une pénurie de ressources énergétiques notamment les
hydrocarbures. Pour y pallier, il a mis en œuvre une ambitieuse politique de
promotion des énergies renouvelables, basée sur l'éolien et le solaire. L'économie
marocaine est assez diversifiée, mais manque de compétitivité, ce qui explique la
faiblesse de nos exportations.
es plans ont été lancés dans plusieurs secteurs économiques qui ont donné des
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résultats probants. Il y a lieu maintenant de les évaluer, les rectifier si nécessaire, et
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surtout assurer leur convergence. Enfin, le Maroc souffre d'un grave déficit des finances
publiques auxquels il faut pallier dans les plus brefs délais, et d'un déficit social du fait
qu'une importante frange de la population continue de souffrir de la pauvreté.
Sur le plan extérieur, le Maroc bénéfice d'une bonne image du fait des réformes
politiques, économiques et sociales qu'il a entrepris durant cette dernière décennie. Ses
objectifs principaux en politique étrangère sont la question du Sahara et le
développement économique et social. En effet, la question du Sahara est prioritaire, dans
la mesure où les provinces sahariennes représentent un tiers du territoire national, que le
Maroc y a dépensé pour les développer plus de 100 milliards de dirhams, et que
l'instauration d'une entité sahraouie sous influence algérienne au sud serait
catastrophique. L'autre objectif de la politique extérieure est le développement de nos
exportations et l'attrait des investissements directs étrangers dans notre pays.
orce cependant est de constater que tant sur plan politique qu'économique, l'action
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extérieure du Maroc est surtout orientée sur l'Europe. Alors que nous disposons de 26
ambassades en Europe, il n'en y a que 13 en Asie et 10 en Amérique.
e plus, notre économie est orientée aux deux tiers sur l'Europe, tant qu niveau du
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commerce extérieur, que des investissements, du tourisme, et des transferts des RME.
Or comme il a été indiqué, le monde a beaucoup changé en ce début de XXIème siècle,
et un nouveau positionnement du Maroc est nécessaire dans ses relations
internationales. Il ne s'agit pas certes d'abandonner nos positions en l'Europe, qui
demeure la première puissance commerciale du monde. Il faut au contraire consolider
nos parts de marchés en l'Europe, notamment en ouvrant de nouveaux marchés outre la
France et l'Espagne qui sont nos principaux partenaires. Pour cela, il y a lieu de mettre
en œuvre le Statut avancé, notamment par l'harmonisation de la législation
marocaine avec l'acquis communautaire, afin d'intégrer le marché unique européen.
L'Afrique doit être une priorité pour notre action extérieure, étant donné que ce continent
peuplé d'un milliard d'habitants, qui regorge de ressources naturelles, a d'énormes
besoins que notre pays peut contribuer à satisfaire. Il y a lieu tout d'abord de tout mettre
en œuvre pour la dynamisation de l'UMA (Union du Maghreb Arabe) et pour le
développement des efforts déjà entrepris en Afrique Sub-saharienne.
'Asie doit être également une priorité du fait qu'elle inclut deux grands pays des
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BRICS : l'Inde et la Chine, et qu'elle va devenir de plus en plus la source de la croissance
économique mondiale. D'ailleurs, le Maroc y a déjà fait une percée grâce à ses
exportations sur l'Inde des phosphates et dérivés, pays avec lequel notre balance
commerciale est excédentaire.
nfin l'Amérique doit constituer la troisième priorité, aussi bien les Etats-Unis qui vont
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conclure un Accord de libre-échange avec l'Union européenne, que le Canada qui recèle
de grandes opportunités. Il ne faut pas négliger non plus l'Amérique latine, où grâce
encore une fois à l'OCP, le Brésil est devenu le troisième client du Maroc avec une
balance commerciale bénéficiaire pour notre pays.
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En conclusion, le Maroc doit impérativement réorienter ses relations internationales et
adopter un nouveau positionnement dans un monde qui change. Pour cela, il y a lieu de
concevoir et de mettre en œuvre une nouvelle stratégie à moyen et long terme, qui
passe par une nouvelle répartition de nos représentations diplomatiques, de nos bureaux
et agences économiques, et de notre système éducatif qui doit privilégier l'apprentissage
outre le français, de l'anglais et l'espagnol qui sont les langues les plus parlées en
Amérique et en Asie.
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