Science politique générale

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Science politique générale.
Introduction.
La science politique, telle quʼelle est définie dans le dictionnaire, est la discipline qui a
pour vocation dʼétudier et mettre en relation les différentes dimensions de la vie politique :
idéologies, théories, valeurs, institutions, organisations, comportements politiques...
La science politique a fait son entrée dans les facs de droit en 1954. Cʼest une matière qui
diffère de ce quʼon peut trouver dans ces fac. Lʼobjet de la discipline peut poser problème,
dans le sens où cet objet, lʼétudiant a lʼimpression de déjà le connaître. Cʼest ce quʼon
appelle lʼillusion du savoir immédiat.
1. Lʼillusion du savoir immédiat.
Ce quʼon appelle aussi les prénotions (Durkheim), que dʼautres ont pu également appeler
la connaissance vulgaire, le sens commun (opposition entre savoir savant et savoir
spontané (Bourdieu). Il suffirait dʼobserver avec attention un phénomène pour faire oeuvre
scientifique. Or ce nʼest pas lʼobjet qui fait la science, mais le choix des méthodes. Pour
faire de la science politique il faut être en mesure de distinguer lʼobservation scientifique
de lʼobservation intuitive. Il faut aussi être en mesure de distinguer la science politique du
journalisme politique (attention : pas de jugement de valeur), même si il y a aujourdʼhui
une confusion certaine entre les deux (Alain Duhamel, Olivier Duhamel).
Nous avons des convictions héritées de notre histoire familiale, personnelle : nous avons
été socialisés. Nous partageons tous, de façon plus ou moins consciente, une certaine
idéologie, nous sommes détenteurs dʼune certaine culture politique.
2. La socialisation politique.
Processus dʼinculcation de normes et de valeurs qui va permettre à une société dʼintégrer
ses membres.
Braud : Sociologie politique (plutôt ouvert à lʼécole bourdieusienne)
Jean Baudouin : Introduction à la sociologie politique (plutôt hostile)
A consulter en parallèle. Deux points de vue différents.
Braud : «Processus dʼinculcation de normes et de valeurs qui organise les perceptions par
les agents sociaux du pouvoir politique (dimension verticale) et du groupe (dimension
horizontale).»
En France, Annick Percheron et Anne Muxel ont travaillé sur la socialisation politique.
Cette socialisation permet lʼintériorisation de normes et de croyances collectives. Elle est
utile aux gouvernants et aux gouvernés. Aux gouvernants, pour légitimer leur pouvoir
auprès des gouvernés. Ce qui signifie obtenir leur consentement à lʼobéissance. Elle est
utile également aux gouvernés, dʼun point de vue psychologique. Parce quʼelle leur donne
lʼimpression quʼen obéissant aux gouvernants ils conservent leur liberté. Parce quʼen
définitive par ce mécanisme ils ont lʼimpression dʼobéir non pas à la personne des
gouvernants mais à un principe supérieur. Selon les régimes, obéir à la volonté générale,
à la Loi, au principe de la Justice, à la Nation, à la Patrie, bref quelque chose qui les
dépasse. Ce travail de socialisation politique est effectué par divers vecteurs quʼon divise
en deux : des milieux, et des agents de socialisation.
Les milieux.
La famille (voir Percheron et Muxel). On a une identité dans le choix électoral
enfant-parent de 50%. Cette identité est encore plus forte que 50% si lʼaccord sur le
choix électoral est exprimé devant lʼenfant. Les amis, les groupes dʼamis, les
voisins aussi (surtout dans les pays anglo-saxons, en France cʼest moins vrai sauf
peut-être en banlieue). Lʼécole est un milieu important de socialisation aussi, la
classe sociale également (même si le concept nʼest plus très tendance...), les
associations, les syndicats, les Eglises, et les communautés locales et nationales
via le discours porté par les médias.
Les agents.
A lʼintérieur de chacun de ces milieux sociaux, on trouve des agents de
socialisation. A lʼécole, lʼinstituteur va être un agent de socialisation. Il relaie,
consciemment ou non un certain discours qui va être plus ou moins représentatif de
lʼautorité. Quelle autorité? La sienne, celle des parents, des ministres qui ont défini
le programme? On sait pas mais en tout cas il représente une autorité. Mais ce
nʼest pas le seul : il est en présence dʼélèves leaders qui vont plus ou moins
contester son discours. On peut aussi citer le rôle des leaders dʼopinion à lʼintérieur
des associations, y compris celles qui nʼont a priori aucune vocation politique. Et à
fortiori dans les partis, qui sont des associations (en France). Dans la famille, il y a
aussi des leaders dʼopinion. Dans la famille «traditionnelle», le père et la mère, ou
juste le père, ou juste la mère. Ou un oncle ou une tante, si on est en relation de
confiance avec lui et quʼil y a des problèmes avec les parents.
Ensemble de croyances et de valeurs qui influences nos comportements individuels :
idéologie et comportements politiques.
3. Le concept dʼidéologie
Il y a autant de concepts dʼidéologie que dʼauteurs. Trois grands types de définitions.
• Dʼabord, les définitions péjoratives ou non basées sur les critères du vrai ou du faux.
On trouve de type dʼapproche chez Marx, le jeune Marx : cʼest la vision déformée,
inversée de la réalité. Lʼidéologie nʼest pas la réalité. Cʼest la camera obscura, qui
donne une image renversée. Marx appelle ça la conscience fausse de la réalité.
Raymond Aron (voir Les étapes de la pensée sociologique) appelle idéologie «les
idées de mon adversaire».
• Deuxièmes définitions : les définitions instrumentales, de sens commun. Lʼidéologie
est dans ce cas lʼensemble des idées, doctrines ,croyances propres à une époque,
une classe, ou à une société. Bref : cʼest un système de croyances (les croyances
sont organisées dans un ensemble cohérent).
• Troisièmes définitions : les définitions savantes. Définition de Raymond Boudon : les
idéologies sont des doctrines plus ou moins cohérentes qui combinent à dose
variable des proposition prescriptives et des propositions descriptives. Ex :
socialisme, libéralisme, écologisme... Exemple de lʼidéologie marxiste. Proposition
descriptive : le capitalisme organise la domination dʼune classe. Proposition
prescriptive : il faut faire la révolution. Autre définition Braud : ensemble structuré de
représentations du monde social qui fonctionne à la croyance politique et à la
violence symbolique (à distinguer de la violence visible ; il sʼagit des rapports de
domination etc...)
4. La notion de culture politique.
Cʼest un terme qui peut prêter à confusion. En science politique, la culture politique ce
nʼest pas la masse de connaissances que lʼon accumule sur la chose politique. Ce nʼest
pas le fait de connaître la liste des présidents de la Ve république, ou les membres du
conseil constitutionnel... Ca, cʼest la dimension cognitive de la culture. Tout le monde
véhicule une certaine culture politique. Nous avons tous, consciemment ou non, un certain
système de représentation qui filtre notre perception du réel, notre rapport au champ
politique.
Par culture politique, les spécialistes entendent généralement «lʼensemble des attitudes,
croyances et sentiments qui donnent un ordre et un sens à un processus politique».
(Lucian Pye). (voir le chapitre sur la culture politique dans le traité de Grawitz et Lecas).
Seconde définition, celle de Philippe Braud. «Lʼhéritage de savoirs, croyances et valeurs
qui donnent sens à lʼexpérience routinière que les individus ont de leurs rapports au
pouvoir qui les régit, et aux groupes qui leur servent de références identitaires». Que
signifie «référence identitaire»? En sociologie, il y a une distinction entre le groupe
dʼappartenance et le groupe de référence. Appartenance : lʼâge, le sexe, la profession, la
religion, la nationalité, lʼethnie. Référence : les jeunes, les seniors, le centre, la droite, la
gauche en politique, travailleur, wasp, afro américain, latino aux Etats Unis. En France, les
classes moyennes.
Pourquoi toutes ces définitions avant de rentrer dans le vif du sujet? Dʼabord parce que la
politique, c'est le domaine des émotions, de la violence, domaine qui rime avec rapport de
force. On peut donc difficilement se comporter, en science politique, comme un géologue
face à ses pierres. Ca nécessite donc de savoir de quoi on parle, et de ne pas confondre
deux logiques : la logique du savant, et la logique du militant (voir Weber, le savant et le
politique). Deux logiques qui sont incompatibles. La logique du savant est le dévoilement
de la vérité, alors que la vocation du militant cʼest le dévouement à la cause. Dans les
deux cas, on retrouve lʼobjet politique, quʼon a tous lʼimpression de connaître plus ou
moins a priori.
5. La notion de politique.
BURDEAU : la politique a cessé dʼêtre un domaine spécialisé car elle englobe toute la vie
humaine.
LECOMTE & DENI : caractère POLYMORPHE de cette notion & POLYSEMIQUE du
terme.
Notion chargée et surchargée sémantiquement.
« Equivoque et instable, la pol fait partie de ces notions à la fois singulières et familières
qui, saturées de sens, brillent mais nʼéclairent pas. »
Réalités différentes pour « pol »
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Etymologie : cité
#
Approche aristotélicienne : art de gouverner les hommes en société
#
Mais autres significations moins neutres.
#
P. Valéry : art dʼempêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde.
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Puis + : art de décider les gens sur ce quʼils nʼentendent pas.
#
Puis conceptions péjoratives de la politique.
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Mensonges
#
Débat stérile
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Profit
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Magouille
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Trahisons
#
Démagogie
#
Corruption « mains sales » Sartre
Les professionnels de la politique & leur langage.
#
« Administration, gestion des intérêts de la cité.
#
Et ceux qui font de la politique, ce sont les adversaires, car idéologie. »
#
= contradiction avec eux-mêmes, antipolitisme
« un fin politique »
= stratège, diplomate
= qualité
-
LES politiques = acteurs
Couleur politique, sensibilité,
La politique « africaine » = domaine
Politique réactionnaire, libérale, = orientation
Prisonnier politique = x de droit commun, solution politique = x militaire = option
Politique du gouvernement = stratégie
Politique de protection de lʼenvironnement = politiques publiques
POLICY : produits de lʼaction gouv.
Càd les programmes, les décisions, les lois, les règlements
Càd différentes politiques publiques
Càd OUT PUT (en analyse systémique) = politiques produites
POLITICS : processus liés à lʼexercice et à la conquête du pouvoir politique.
= LA politique
Pour localiser la sphère politique, les auteurs ont joué sur le genre du mot.
BRAUD :
• Le politique : «champ social de contradictions dʼintérêts (réels ou imaginaires),
matériels ou symboliques. Mais aussi de convergences et dʼagrégations partielles et
régulé par un pouvoir disposant du monopole de la coercition légitime. »
• La politique : «la scène où sʼaffronte les individus et les groupes en compétition pour
conquérir le pouvoir dʼEtat (et ses démembrements) ou pour lʼinfluencer directement. »
Jean LECA :#
• La politique : «ensemble des normes, mécanismes et institutions attribuant lʼautorité,
désignant les leaders, réglant les conflits qui menacent la cohésion de lʼensemble
intérieur et faisant la guerre à lʼextérieur ; ou encore lʼinstance où sʼarticule depuis le
début les rapports de commandement-obéissance (le droit) et de domination-soumission
(la force)».
• Le politique : «le politique se repère essentiellement par sa fonction qui est la régulation
sociale, fonction elle-même née de la tension entre le conflit et lʼintégration dans une
société.»
>>>>>>>
Monarchomaques ///////
Il y a autant de définition du politique que dʼauteur. Définir cʼest toujours un moyen de
sʼapproprier.
Lagroye (Sociologie politique) définit le politique
phénomènes tenus pour politique. Plus loin, il
politique ce que chacun reconnaît comme
domaine politique. Il donne pour mission
sociologie politique la mission dʼanalyser
est politique. La sociologie politique doit
expliquer tous les phénomènes sociaux
q u e l c o n q u e i n fl u e n c e s u r l e
comme lʼensemble des
nous dit quʼest
relevant du
à
la
tout ce qui
«saisir et
ayant une
politique».
Vaste
programme
La politique nʼest pas une essence. Certains auteurs refusent la différenciation la/le
politique. Tous les politistes sont dʼaccord pour dire que la politique nʼest pas une essence,
et quʼemployer cette distinction signifierait quʼil y a le politique, dans sa pureté, et la
politique qui serait un avatar, une forme dégradée et corrompue. Cʼest une vision idéaliste.
Le politique, cela relève de lʼanalyse des faits sociaux. Pour le politiste il va sʼagir de
montrer comment le politique est produit, déterminé par la société et comment le politique
impose en retour sa marque sur la société. Le politique constitue cette société, il la
structure, il lʼinstitue (livre célèbre : lʼinstitution imaginaire de la société). La société produit
le politique, le politique institue la société, il lʼinfluence. Pour le politiste il va sʼagir dʼétudier
les interactions entre politique et société. Certains auteurs, lecomte et denis, insistent sur
le fait que le champ politique «nʼa pas dʼautre frontières que celles que lui donne
lʼorganisation collective des groupes humains qui le déterminent». Pas de frontière rigide
entre la sociologie générale et la sociologie politique. On peut dire que cʼest une façon de
nier la spécificité du politique. Cʼest une négation complète de la science du politique. Ceci
pour dire quʼon trouve beaucoup dʼexpressions synonymes qui montrent quʼon est dans
un domaine imprécis. Les sociologues sʼen occupent, les historiens, les juristes. Il nʼy a
pas dʼaccord sur les appellations, sur les frontières, sinon pour les transgresser. On est
confronté à différents vocables, tous révélateurs dʼun parti pris, conscient ou non. Dʼabord,
le fait de mettre «les» sciences politiques au pluriel. Cʼest très symptomatique. Cʼest une
façon de nier un domaine, une spécialité académique. Ca veut dire quʼil y a une sociologie
politique, une histoire politique, une histoire politique etc.. On dit aussi sociologie politique.
Certes cʼest une grosse partie de la science politique mais ça nʼen est quʼune partie. Il y a
aussi la sociologie DU politique, pratiquée par des sociologues qui nient la spécificité du
politique. Il y a aussi science du politique. Voilà. Lʼhomme est un animal social, pour le
meilleur et pour le pire.
Titre 1 : Une approche sociologique des phénomènes
politiques.
#
On a dit a juste titre que la science politique était la petite dernière des sciences
sociales. On a dit que cʼétait la plus imprécise des sciences de lʼimprécis. Sa jeunesse
relative nʼa pas empêché à la science politique de sʼimposer comme une science à part
entière. (scientificité de la science politique : voir Pierre Fabre). Scientificité, cela signifie
que la science politique va imposer son territoire. Lʼétablir. Cʼest jamais fini, la concurrence
est permanente. Soucieuse aussi de se spécialiser : revues, laboratoires... Soucieuse de
se professionnaliser (parcours spécifiques, diplômes. Voire, pour certains, volonté de
rivaliser en rigueur, en précision, avec les sciences de la nature (chapitre entier dans le
Traité de science politique sur des trucs mathématiques avec des diagrammes). Comme
toute science, elle suppose des concepts, des méthodes spécifiques.
Chapitre 1 Les ambitions dʼune science sociale.
On verra ce que nʼest pas la science politique. Ce nʼest pas la science de la politique. Puis
on verra ce quʼelle est.
Section 1 La science politique nʼest pas la science de la politique
La science politique nʼest pas destinée à expliquer la meilleure façon de conquérir le
pouvoir politique, de lʼexercer et de le conserver. La bonne gouvernance, expression
technocratique et passe partout. Elle nʼa pas pour vocation de fournir aux acteurs
politiques des techniques, recettes pour conserver le pouvoir. Les ouvrages quʼon appelait
des Traités, des manuels de conduite politique, tels quʼon pouvait les trouver chez les
grecs anciens (Plutarque, les Préceptes du politique, 1er siècle ; Machiavel, Le Prince,
1513), ne relève pas de la science politique au sens actuel du terme. Une science qui
permettrait aux acteurs politiques dʼinscrire leur action dans un cadre scientifique
NʼEXISTE PAS. Si cette science existait Machiavel aurait pu échapper au destin quʼil a
connu. Quelquʼun dʼautre avait cette conception, Thomas Hobbes (Le Léviathan). Dans sa
pensée, lʼhomme est considéré comme un mécanisme quʼil conviendrait de régler pour
que la société fonctionne bien. Cela procède dʼune vision à la fois positiviste,
mathématique et mécaniste de la société. Mais cʼest illusoire. On retrouve enfin cette idée
chez Saint Simon (entre le XVIIIe et le XIXe siècle). Cʻest le précurseur de la pensée
technocratique. Il dit « la politique est la science qui a pour objet lʼordre des choses le plus
favorable à tous les genres de production économique». Pour lui lʼéconomie est prioritaire
par rapport à la question des institutions. Lui plaide en faveur dʼun gouvernement de
techniciens. Chez Saint Simon il y a cette idée quʼil faut trouver un régime où, selon la
formule célèbre à une époque, «lʼadministration des choses remplacerait le gouvernement
des hommes». En réalité cʼest une vision scientiste, technocratique. (question de la
filiation avec le totalitarisme. La réponse est non, pas de filiation)
Section 2 La science politique ne se résume pas à la sociologie politique
On a pu dire (des politistes) que la science politique était la fille incestueuse de lʼhistoire et
du droit. On peut lui donner dʼautres parents putatifs. Lagroye dit que la sociologie
politique est une tentative de mise en perspective (des interprétations données par toutes
les sciences qui étudient la dimension politique des faits sociaux). La philosophie politique,
lʼanthropologie (Balandier, Clastres), lʼéconomie, la géographie. Avec cette approche là, on
voit mal ce qui pourrait différencier la sociologie politique de la science politique. Mais
Lagroye dit : si on élargit trop le champ de la sociologie politique on risque dʼoublier quʼelle
nʼest pas TOUTE la science politique. Certains auteurs emploient de manière délibérée le
terme de sociologie politique en lieu et place de «science politique». Lʼopération nʼest pas
innocente, il sʼagit de montrer que le politique nʼest quʼun aspect de la société globale que
la science politique nʼest pas une science carrefour mais bien une branche de la
sociologie. Il sʼagit surtout de montrer que le premier devoir du sociologue cʼest de
rattacher les faits sociaux (et les faits politiques sont des faits sociaux) à la totalité sociale.
Le message implicite, cʼest quʼil est impossible dʼétudier le politique en soi. Dans le même
sens, toute la sociologie de Pierre Bourdieu est construite sur le refus dʼune science
autonome du champ politique. Les frères ennemis que sont les publicistes et les
sociologues, que tout oppose, sont unis dans le rejet dʼune science autonome du politique.
Or il y a bien une science autonome, divisée en plusieurs secteurs : théorie politique
(histoire des idées, philosophie politique) ; sociologie politique ; politiques publiques ;
relations internationales. Selon Jean Baudouin, parler de science politique au lieu de
sociologie politique peut signifier que lʼanalyse du politique proprement dite doit être
dissociée de lʼanalyse du social. Tout est question de point de vue, au sens de Weber.
Braud est le représentant de cette idée quʼil nʼy a pas de spécificité du politique.
Chapitre 2 Une science en quête dʼobjectivité
Section 1 Le principe de neutralité axiologique (Weber)
Neutralité axiologique : neutralité sur le terrain des valeurs. Weber a eu un prof qui passait
ses cours à faire de la propagande politique et cʼest de ça que lui est venue sa théorie de
la neutralité axiologique. Mais par quel miracle le politiste échapperait aux mécanismes
quʼil décrit? Comment ne serait-il pas lui aussi historiquement et socialement situé?
Comment nʼaurait-il pas des intérêts pratiques de statut social, dʼargent, de pouvoir?
(le travail de toutes ces sciences, cʼest de sʼentendre sur les mots, les définitions ?)
Non seulement lʼéquation personnelle du politiste intervient dans son champ de
recherche, mais en outre il va élaborer sa théorie explicative sur la base dʼun paradigme
particulier quʼil va choisir à lʼintérieur des paradigmes en vigueur dans la communauté
scientifique. (le paradigme, cʼest un ensemble de propositions conventionnellement
accepté dans tout ou partie de la communauté savante à partir duquel se construit une
tradition de recherche. Voir Braud pour ce genre de définitions basiques) Ca ne signifie
pas que ces recherches vont être le reflet de ces intérêts pratiques, mais le savant ne peut
prétendre échapper par miracle aux déterminations sociales et aux croyances
idéologiques qui affectent tous les acteurs sociaux. En dʼautres termes, la validité de la
science repose sur le fait que le savant ne va pas projeter dans sa recherche ses
jugements de valeur. Le fait que les préférences du chercheur sʼexpriment dans
lʼorientation de sa curiosité nʼexclue pas la validité des sciences sociales et historiques. Ce
que ces sciences tentent de faire : elles essaient de fournir des réponses universelles à
des questions qui sont légitimement orientées par nos centres dʼintérêt et par notre
curiosité. Cette difficulté, quelquʼun en science politique a tenté de la surmonté, cʼest Max
Weber avec son principe de neutralité axiologique. Cʼest lui qui a pris toute la mesure de
cette question. Pour lui les sciences sociales doivent rester neutres au plan éthique. Ce
principe de neutralité axiologique peut se comprendre de deux façons. Il peut se
comprendre comme la prohibition de tout jugement de valeur. Ou bien essayer dʼopérer
une séparation rigoureuse entre dʼun côté les propositions descriptives et de lʼautre des
propositions normatives. Des propositions descriptives, ce serait dire : «dans cette salle, il
y a plus de filles que de garçons». Proposition normative : les filles sont plus intelligentes
que les garçons. Cʼest un jugement de valeur. Sur le plan politique, dire «la droite a gagné
les dernières élections» cʼest une proposition descriptive. Dire «la droite est meilleure pour
diriger un Etat, la gauche est meilleure pour protéger le social», cʼest normatif. Faire cette
distinction, ça relève de la neutralité axiologique. Ces deux interprétations de la neutralité
sont acceptées par les politistes. De manière générale la science politique nécessite une
certaine prise de distance par rapport à lʼobjet de recherche. Le politiste ne peut pas
ignorer les catégories des acteurs sociaux quʼil étudie, et ne pas les ignorer, ça veut dire
que si il étudie le militantisme dans un parti, il est bien obligé de connaître les valeurs
partagées par ces militants, mais connaître ces valeurs ça veut pas dire les épouser. Or
on voit des chercheurs travailler sur le parti socialiste alors quʼils étaient militants au parti
socialiste : ça pose problème. De la même façon le politiste nʼa pas à vouloir se substituer
aux acteurs sociaux pour leur dicter leurs choix politiques.Lʼobservation participante a été
une école (touraine, lapeyronie) active dans les luttes féministes et autres... Avec ce type
de méthode, le sociologue est à la fois observateur et acteur. Il faut quand même dire, et
cʼest un point de vue communément partagé, ce nʼest pas de dicter aux acteurs sociaux
leurs choix politiques. Ca cʼest le rôle de lʼhomme politique, du moraliste. Mais dire cela,
cʼest DÉJA un jugement de valeur. Les théoriciens de lʼécole de Frankfort nʼétaient pas
dʼaccord avec ça. Adorno, Horkheimer, Marcuse plus tard... Et de manière générale les
auteurs marxistes ne seraient pas dʼaccord. Leo Strauss, spécialiste de lʼhistoire de la
philosophie politique, également. Il considérait que Weber était le plus grand sociologue
du XXe siècle, mais en même temps il était en désaccord avec cette neutralité
axiologique. Il considérait que ce dernier avait une phobie des jugements de valeur qui
pouvait le conduire, lui et ses lecteurs, au nihilisme. Weber était un pur relativiste. Strauss
disait que si on fait comme Weber, si on se prononce pas sur la valeur des valeurs, si il
nʼexiste pas en soi de système de valeurs, de hiérarchie, si tout se vaut, alors la science
sociale perd toute son utilité selon Strauss. Opinion partagée par Bourdieu et ses
disciples, qui avaient adopté le point de vue opposé à celui de Weber. Plus la sociologie
devient scientifique, plus elle devient politiquement pertinente, et efficiente. Pour Bourdieu
il y a une mission politique du sociologue, qui est de changer la société. Gramsci insistait
sur le caractère éminemment politique de la science. Mais la position majoritaire,
orthodoxe, chez les politistes, on la trouve exprimée chez Philippe Braud. La science
politique doit adopter un point de vue purement clinique : elle doit se contenter dʼobserver,
de décrire, de comprendre. Et non pas de dire comment elle devrait fonctionner.
A propos du détournement des idées scientifiques. Jacques Ellul qui prônait la non
puissance (au delà de la non violence) a inspiré le unabomber.
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Section 2 La voix discordante de la théorie politique.
Des gens comme Lefort, Castoriadis, Clastres, réhabilitent la notion de régime, disent quʼil
faut dire quʼun régime est préférable à un autre. La théorie politique conteste un certain
nombre de propositions quʼon a exposées jusquʼà présent.
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A lʼintérieur de la science politique dʼautres voix se font entendre pour refuser cette
dichotomie qui oppose une science politique normative, à la recherche du meilleur régime
politique, à une science politique qui serait purement clinique, qui viendrait décrire
seulement le fonctionnement de la machine. La théorie politique va à lʼencontre du
théorème dominant. La théorie politique sʼinterdit de dissocier lʼexploration du sens et la
détection des mécanismes. Ce quʼon peut dire plus simplement : la théorie politique ne
veut pas se limiter à la question du comment, elle sʼintéresse aussi à la question du
pourquoi. En science politique il y a un consensus sur un minimum de détachement par
rapport à lʼobjet politique, mais il y a désaccord sur le degré de distance. Le point de vue
de lʼobservateur qui avec ses catégories construit ses objets de recherche et revendique
un degré de connaissance. (on est au niveau de lʼepistèmé). Le point de vue de la théorie
qui est celui du participant qui part des problèmes de la cité pour se hisser ensuite à des
propositions plus générales. (on est au niveau de la doxa, lʼopinion partagée). Hannah
Arendt trouve légitime au départ de partir de notions de sens commun de despotisme, ou
tyrannie (nazisme, stalinisme). Elle trouve que ces notions sont impuissantes à rendre
compte du caractère inédit de ces deux régimes, elle en vient à créer la notion nouvelle de
totalitarisme. La théorie politique nʼa pas pour vocation de rompre avec le sens commun,
elle peut lʼéclairer, «lʼhabiller dʼun accoutrement plus rigoureux» (Baudouin). Cette théorie
politique avoue explicitement sa dépendance initiale à lʼégard de la cité. Elle dit que les
questions quʼelle doit affronter sont celles de ses membres, celles des gouvernés, comme
les questions doivent affronter celles des gouvernants. Bref on revendique une posture
citoyenne, et donc forcément militante. Aujourdʼhui à quoi sʼintéresse la théorie politique?
Aux questions que se posent les gouvernants et les gouvernés. La balance entre égalité
et liberté, la question de lʼuniversel et du particulier, la balance sécurité liberté, la relation
homme nature... La théorie politique avoue sans rougir sa dépendance initiale à lʼégard
des problèmes que se pose la téci. Elle est confrontée aux mêmes problèmes que les
gouvernants et les gouvernés. Le discours des acteurs sociaux que tous les citoyens sont
nʼest a priori ni mystificateur ni transparent. Cʼest toute la difficulté : la recherche de
lʼentre-deux. La théorie politique va essayer dʼavoir la position du traducteur
interprète.PAS CONFORTABLE. Cette théorie politique réprouve dʼun côté la neutralité
axiologique telle quʼelle est prônée par Weber et ses successeurs, qui considèrent que la
science nʼa pas à se prononcer sur le contenu des valeurs, sur la valeur des valeurs. Elle
condamne aussi lʼautre position, lʼillusion positiviste qui consisterait à croire que la science
peut nous dire ce qui est bien, juste, position dʼEmile Durkheim et, plus récemment, de
Pierre Bourdieu. Pour la théorie politique, le Vrai relève uniquement de la science alors
que les catégories du bien et du juste relèvent du politique. Ca veut pas dire pour autant
que la science politique soit inapte à éclairer la décision politique, mais ce quʼil ne faut pas
confondre, insistent les représentants de la théorie politique, ceux qui veulent interpréter le
monde, les scientifiques, et ceux qui veulent modestement le rendre viable. Cʼest la tâche
des hommes politiques.
#
Mais le vrai différend entre sociologie politique et théorie politique nʼest pas là. La
sociologie politique place le politique à lʼintérieur du social, alors que pour la théorie
politique, cʼest au contraire le politique qui va être lʼinstituteur privilégié du social. Pas le
seul, mais le plus important. Castoriadis parle de «lʼinstitution imaginaire de la société». A
la base, cʼest la religion, les mythes, qui modèlent blabla. Pour Claude Lefort, il faut
refuser ce quʼil nomme lʼopération de connaissance qui fait surgir lʼobjet en le séparant
dʼautres objets définissables. Il sʼen prend à la sociologie politique dominante qui fait un
travail de découpage. Sociologie illustrée par Braud. Pour ces auteurs, la science politique
découpe dans la chair du social une classe dʼobjets particuliers, et va les étiqueter comme
politiques ou non politiques. Elle sépare, et en même temps elle délimite, circonscrit le
politique, le religieux, le domestique, lʼéconomique etc... A chaque fois on a lʼimage dʼune
sphère politique qui est située à lʼintérieur du social. Indépendamment de toutes ces
écoles. Si on les prend par ordre chronologique : chez Weber le politique va être référé à
un ordre de domination légitime, au monopole de la contrainte physique légitime. Une
école plus contemporaine, lʼécole fonctionnaliste de Parsons, voit le politique comme un
sous système du social, au même titre que lʼéconomique etc... La fonction de ce sous
système est de réguler la distribution du pouvoir. Pierre Bourdieu, avec sa théorie du
champ, présente un champ politique, qui coexiste avec dʼautres, économique, culturel...
Pour la théorie politique, ce qui sépare ces écoles est moins important que ce qui les
réunit. Tous sont dʼaccord pour dire que le politique est à lʼintérieur du social. Cette volonté
dʼassigner un lieu au politique a une conséquence majeur : ça débouche sur le refus de
prendre en compte la notion de régime politique et refus de différencier les régimes. Lefort
le dit explicitement : la science politique est née de ce refus de pratiquer une
différenciation entre les sociétés, entre les régimes. (le prof dit non, la sociologie politique,
une certaine sociologie politique, peut être, mais pas la science politique).
#
Si on sʼintéresse aux objets de la science politique, on a dʼabord le politique,
rapporté au pouvoir. Cʼest lʼapproche dominante dans la sociologie américaine. Vision
reprise par un auteur comme Robert Dahl, lʼauteur de la , poids lourd de la sociologie
américaine, qui vont définir la politique par lʼexistence de trames persistantes, de rapports
de pouvoir dans la société. Le risque de cette approche ; que toute relation sociale soit
considérée comme politique. Ce nʼest pas le cas. Autre approche : le politique érigé en
système. Cʼest lʼapproche dʼun autre poids lourd, David EASTON (LʼAnalyse Systémique).
Ca vient dʼabord de la biologie, de la thermodynamique, de la cybernétique puis ça a
atteint la science po dans les 70s. Suppose quʼil y a un ensemble inter-relié dʼéléments qui
résistent aux chocs de lʼenvironnement. Dans sa version la plus simplifiée :
Input
La boite noire
Output
Lʼexécutif,
les assemblées,
lʼAdministration
etc...
Feedback
Ignore la structure interne de lʼautorité au profit de la relation quʼelle noue avec son
environnement social. Lʼanalyse systémique est considérée comme en progrès car elle
prend en compte lʼallocation autoritaire des valeurs (au sens, également, des choses de
valeur), et insiste sur la régulation des conflits sociaux, le travail de pacification. Mais,
reproche de la théorie politique, elle refuse de hiérarchiser et fait de la politique une simple
affaire de gestion. Le reproche plus général cʼest que ce type dʼapproche ignore ce qui fait
le caractère spécifique du politique.
#
Il y a un autre objet, cʼest le politique confondu avec la domination. Weber, ses
héritiers, définissent le politique comme la capacité dʼun groupement politique, à
concentrer en ses mains les moyens de la coercition physique légitime. Le terme légitime
est important. Cette coercition est consentie par les dominés. Weber valorise les procédés
de légitimation au détriment des principes générateurs des sociétés politiques. Rappel sur
les trois types de domination légitime selon Weber. Le type de domination traditionnel, le
type de domination charismatique (charisma, la grâce, un don des dieux, ça ne se travaille
pas), le type de domination légal-rationnel. Selon la théorie politique, dans cette approche
le politique va être réduit à la domination légitime, puisque on a vu que lʼargument
commun cʼétait de trouver un type de domination. Lʼidée cʼest que chaque régime peut
avoir un trait de chaque type de domination. Exemple : le régime gaulliste. Il y a un
élément charismatique, un élément légal-rationnel. Et un élément traditionnel? Oui, les
«barons» du régime, qui ont brillé sous la résistance. Bref? Avec ce type dʼapproche, on
réduit tout le politique à une affaire de domination. Avec ce type de démarche, pour la
théorie politique, on met dans le même sac tous les régimes. On nʼaccorde pas la place
quʼon devrait accorder aux différences entre les régimes.
#
Selon la théorie politique, le politique nʼest pas un simple secteur à lʼintérieur de la
société. Au contraire, cʼest le politique qui va instituer le social (voir Castoriadis). Il y a une
sorte de renversement de lʼapproche sociologique. Elle sʼoppose à ce quʼelle appelle la
vulgate durkheimienne. Cette approche fait du politique un dérivé de la vie en société. Au
contraire pour la théorie politique cʼest le politique qui est le pôle symbolique où la société
va se nommer, se représenter et le pôle grâce auquel elle sʼinstitue (on retrouve lʼanalyse
de Clastres). A la base de la théorie politique on retrouve le refus de lʼautosuffisance du
social. Pour la théorie politique, une société sʼinstitue dʼabord dans lʼordre symbolique de
la représentation. Le politique, cʼest bien lʼindice dʼune division originaire de la société. Si il
nʼy avait pas de différence, de divisions entre les groupes, il nʼy aurait pas de politique. Le
politique cʼest le lieu qui opère la figuration de lʼespace social, et en même temps qui
avoue lʼexistence dʼun divorce entre son être empirique et sa représentation symbolique.
Lʼêtre empirique, cʼest la pluralité, lʼinégalité entre les groupes. La représentation
symbolique est faite dʼunité, grâce à la fiction de lʼégalité des citoyens. Alors que dans la
pratique, au plan empirique, on a des individus, une pluralité. Cette ambivalence est
encore plus perceptible dans un régime démocratique. Pourquoi? Parce que la démocratie
est le régime qui entend donner une forme à tout ce qui divise la société, de façon
normale, pas pathologique. Dans un régime démocratique, le politique cʼest ce dialogue
public qui peut être conflictuel, bruyant, que la société entretient de façon pacifique avec
elle même. Ce dialogue, cʼest ce qui permet aux sociétés de faire leur propre histoire.
Autre point que soulève la théorie politique : pour elle, le politique a trait à lʼuniversel. Le
politique permet à la société de sʼauto-représenter et lui permet de gérer les tensions entre
deux ordres irréductibles, deux pôles, ce qui est de lʼordre du général, et ce qui est de
lʼordre du particulier. La théorie politique rappelle sa dette envers la philosophie antique.
Cʼest la grande leçon dʼAristote. Celui qui croit pouvoir se passer des autres doit être soit
une brute soit un dieu. Vivre politiquement, ça veut dire vivre humainement, vivre avec les
autres, et si possible en amitié. Parce que livré à elle même, la société peut favoriser
lʼexacerbation de tous les particularismes. Toutes les formes de revendications
identitaires, qui vont être à la source de tensions violentes. Cʼest ce que Kant appelait
«lʼinsociable sociabilité de lʼhomme». Cʼest au politique de faire en sorte que le droit des
individus à exprimer leur singularité puisse se concilier avec la nécessité de vivre
ensemble, de faire société. Cʼest ce que Castoriadis appelait lʼinstitution imaginaire de la
société. Le politique, cʼest à la fois ce qui permet à une société de représenter, mais il est
aussi action, et, surtout, institution de la société. Il permet à la société de se penser, de se
constituer. Pour la théorie politique, le politique précède le social. Il nʼest pas à lʼintérieur
de la société, car la société nʼadvient à elle même que par le détour de son institution. Il
nʼest pas non plus en dehors de la société puisquʼil en est sa condition dʼexistence. Toute
société a son origine dans des ordres de représentation qui ne sont pas accessibles à la
connaissance scientifique, nous dit Claude Lefort. Pour illustrer son propos il évoque les
idées dʼégalité et de liberté, qui sont au coeur des régimes démocratiques. Ce ne sont pas
des objets externes quʼil faudrait construire. Ce ne sont pas non plus des hypothèses
quʼon peut soumettre au critère de Karl Popper : la falsifiabilité ou réfutabilité.
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La théorie politique nʼest pas liée par un strict devoir de neutralité axiologique.
Même si elle ne pose pas au départ une idée du Juste, du meilleur régime, elle est
dʼaccord pour accepter un certain relativisme méthodologique. Mais ce relativisme
méthodologique doit être quand même combiné avec un certain engagement critique. La
théorie politique est dʼaccord avec Socrate pour aller sur la place du marché : à la fois
observer les comportements, lʼaction politique, et en même temps les juger. La théorie
politique refuser dʼinstaurer des cloisons étanches entre le descriptif, le prescriptif, le
normatif. Normatif: ce qui pose un souverain bien. Prescriptif : cʼest le rôle des
programmes politiques, et des philosophes, des moralistes. Bref. Mettre des cloisons
étanches ne peut aboutir quʼau nihilisme. Cloisons posées et imposées par le positivisme
sociologique, qui, avec Durkheim et ses héritiers, pense quʼon peut trouver Le bon régime
politique de manière scientifique. Et pourtant les jugements de valeur ne sont pas toujours
où on les croit. Quand Braud dit que la majorité des politistes sʼintéressent à comment la
machine politique fonctionne (et non au pourquoi), il sous entend que lʼunivers politique
est essentiellement un monde de moyens, et accessoirement un monde de fins. Dire ça,
cʼest un jugement de valeur implicite. Cʼest un parti pris métaphysique. Si les sciences
sociales peuvent parfois paraître sombrer dans le nihilisme, cʼest en partie à cause des
mots quʼelle emploie. Dolorisme, blablablabla. En conclusion, il faut surtout distinguer le
relativisme dogmatique, qui peut déboucher sur une sorte dʼagnosticisme, et un
relativisme méthodologique indispensable pour lʼanalyse politique. Ce relativisme
méthodologique ne conduit pas automatiquement au nihilisme. Ce relativisme nʼaura pas
la même signification dans toutes les sociétés. Dans un régime démocratique, ce
relativisme peut favoriser le déclin de lʼesprit critique. Mais pour un étudiant chinois, ce
relativisme sera une chance dʼarriver à prendre une certaine hauteur vis à vis de son
régime.
Titre II Lʼobjet de la science politique.
Chapitre 1 Une science de lʼEtat? #
Pour un nombre important de politistes, la science politique cʼest la science de lʼEtat.
Olivier Duhamel parle, au sujet de notre régime, de monocratie dʼopinion, et cite Prelot :
«nous parlerons de politologie chaque fois que nous viserons la connaissance
systématique de lʼEtat». Cette approche a été dominante au sein des premiers travaux de
la science politique.
Section I Portée de cette approche
Avantages : ça donne un cadre simple et précis pour lʼobjet de la science politique. On va
étudier le gouvernement, son organisation, son fonctionnement, les différents rouages de
la machine étatique, lʼappareil administratif. On a là une statologie. Conception
aristotélicienne : étudier lʼEtat aujourdʼhui, cʼétait, hier, étudier la cité, le cadre spatial de la
relation gouvernants-gouvernés. Cette approche nʼa pû quʼêtre renforcée par le triomphe
de lʼEtat nation. Partout dans le monde on a voulu faire coïncider Etat et Nation. LʼEtat est
le cadre majeur de lʼaction politique. Le cadre IMPOSÉ. Il semble donc légitime de le
prendre comme objet dʼétude.
Section II Limites de cette approche
On passe de la statologie à la statolâtrie. LʼEtat est devenu le cadre exclusif, le seul cadre
légitime de lʼexercice du pouvoir politique. Et donc, on risque de tomber dans ce quʼon
appelle lʼinstitutionnalisme. Priorité donnée à lʼorganisationnel, on va expliquer les
phénomènes sociaux et politiques par les normes juridiques, alors quʼil sʼagit précisément
de faire lʼinverse. Ce sont les sociétés qui se donnent des règles juridiques, les règles
juridiques sont un produit de la société. Ne pas tomber dans lʼillusion juridique. Cette
approche est forcément réductrice. Elle nous empêche dʼétudier les sociétés qui nʼont pas
encore dʼEtat, ou qui nʼen veulent pas. Les sociétés contre lʼEtat, pour reprendre
lʼexpression de Pierre Clastres. LʼEtat nʼest quʼune des manifestations historiques du
pouvoir politique. Celle qui correspond au mouvement de rationalisation de la civilisation
moderne (Max Weber et Norbert Elias). Mais société sans Etat, cela ne veut pas dire
société sans pouvoir politique. Le pouvoir politique a un caractère universel, mais on ne
peut en dire autant de lʼEtat. les anthropologues nʼont fait que confirmer ce point de vue.
Même dans des sociétés étatiques, lʼEtat nʼest pas le site exclusif du pouvoir politique.
Comment prétendre étudier un pays comme le Liban si lʼon sʼen tient à la seule analyse de
lʼEtat. Dans ce cas-là, on laisse de côté le poids des familles, des clans, des milices, des
partis, des mouvements religieux. De même que dʼétudier le Liban sans étudier lʼinfluence
des 2 pays voisins, Israël et la Syrie, ça confine à lʼabsurde. On est en présence dʼun pays
à Etat faible. Mais même dans les régimes dotés dʼun Etat puissant, lʼEtat nʼest pas le seul
site dʼexercice du pouvoir politique. Dans certains cas ce nʼest pas le site principal. En tout
cas, ce nʼest pas le seul qui intervient sur le champ politique. Un Etats fort cʼest un Etat
capable dʼassurer la sécurité à lʼintérieur et à lʼextérieur. Même dans ces Etats il y a
dʼauteurs acteurs.
Il faut étudier les partis politiques, les médias, qui les détient, les Eglises, les lobbies, les
ONG, les syndicats, les associations. Cʼest pour répondre à ces insuffisante quʼune
grande partie de la science politique a affirmé quʼil fallait un objet dʼétude plus général. Ce
quʼil faut étudier, cʼest le pouvoir.
Chapitre 2 : Une science du pouvoir ?
Un auteur de référence en science politique disait que la sociologie politique est la
branche des sciences sociales qui étudie les phénomènes de pouvoir. Cette optique est
représentative. Elle a été partagée par des poids lourds de la science politique. Du côté
américain, il y a Robert Dahl, Charles Meriam, Harold Lasswell. Côté français, on retrouve
tous les poids lourds de la science politique, Maurice Duverger, Raymond Aron, Vedel.
Section 1 : Portée de cette approche
Lʼensemble de ces auteurs sʼaccorde pour assimiler la politique à lʼexercice du pouvoir. Ils
vont définir la science politique comme la science du pouvoir. Ce type dʼorientation, on la
retrouve parfaitement chez Robert Dahl. Il dit quʼun système politique consiste en une
trame persistante de rapports humains qui implique une mesure significative de pouvoir,
de domination ou dʼautorité. Il parle de la notion de système, mais surtout il arrive à parler
du politique sans parler dʼEtat. On passe à un courant qui fait disparaître purement et
simplement lʼEtat de son champ dʼobservation.
Lʼavantage de ce type dʼapproche est de rompre avec la sacralisation de lʼEtat. Cʼest
important car, si il a existé dans le passé et encore aujourdʼhui des sociétés sans Etat
voire contre lʼEtat, le phénomène de pouvoir est universel. Comme le dit lʼanthropologue
français Georges Balandier, toutes les sociétés humaines produisent du politique. Ce point
de vue, on le retrouve chez lʼensemble des anthropologues, par exemple chez Lucie Mair
quand elle déclare « le pouvoir politique est inhérent à toutes les sociétés ». Avec cette
approche, lʼEtat nʼest quʼune des modalités possibles de lʼexercice du pouvoir. Ce nʼest
pas la seule, ce nʼest pas nécessairement la plus importante. Lʼintérêt de cette approche
est quʼelle a une portée universelle. Prendre pour objet le pouvoir va permettre à la
science politique dʼintégrer dans son objet des acteurs ou des secteurs non étatiques qui
sont pourtant décisifs en matière de contrôle, dʼexercice du pouvoir politique. Ex : les
idéologies. Elles doivent être étudiées par le politiste. Plus généralement, ce quʼon appelle
les systèmes de représentation, les systèmes de valeur, de croyance, doivent être
analysés. On doit, avec cette approche, intégrer par exemple les phénomènes de
communication politique, les politiques publiques (on préfère parler dʼaction publique).
Mais si toute politique suppose une lutte pour le pouvoir, toutes les formes de pouvoir ne
sont pas nécessairement de nature politique. En dʼautres termes, on peut se demander si
cette approche par le pouvoir ne recouvre pas une définition trop large de lʼobjet de la
science politique. Est-ce quʼon est pas dans lʼadage « qui trop embrasse mal étreint ».
Section 2 : Limites de cette approche
Ou bien le pouvoir est compris au sens étroit, cʼest-à-dire que quand on parle de pouvoir,
cʼest le pouvoir institutionnalisé, que certains auteurs emploient avec une majuscule. Dans
ce cas-là, ça renvoie au gouvernement, à lʼEtat, on retombe dans le premier cas,
lʼinstitutionnalisme ou la statologie. Ou bien à lʼinverse le pouvoir est compris au sens
large, cʼest-à-dire le pouvoir comme relation. Dans ce cas, la science politique risque de
se confondre avec la sociologie générale car elle va être obligée de rendre compte de
tous les phénomènes de pouvoir dans la société. Le pouvoir est présent partout : dans la
famille, à lʼécole, dans lʼentreprise, dans une relation médicale, dans tous les groupes
sociaux. La famille nʼest pas une structure démocratique, cʼest une structure verticale, il y
a des relations de pouvoir. Mais ce ne sont pas des relations de pouvoir politique. Dans
une relation de patient à médecin, il y a une relation de pouvoir. On va appeler pouvoir la
capacité de A de faire faire à B une action quʼil nʼaurait pas faite sans sa relation avec A.
Quand on va chez un médecin, on va recevoir un certain nombre de prescription. On va le
voir car on lui reconnaît un savoir. Il y a une relation de pouvoir, mais pas de pouvoir
politique. Il ne faut pas confondre le pouvoir politique avec les relations dʼautorité. Ces
relations dʼautorité sont liées à des rôles sociaux. En prenant pour objet dʼétude lʼétude du
pouvoir, on déplace le problème au lieu de le résoudre.
Lʼapproche de David Easton : on ne veut plus parler dʼEtat. Il dit « La science politique
cʼest la science de lʼallocation autoritaire des valeurs dans une société ». Il faut
comprendre valeur au sens dʼobjet de valeur. Ce type de définition, ça risque de nous
amener à la confusion.
En réalité, lʼidentification de lʼobjet de la science politique bute toujours sur une définition
de la notion de politique. La science politique nʼest-elle pas simplement une science du
politique.
Chapitre 3 : Une science du politique
On lʼa vu, ce nʼest pas la science de la politique. En revanche on peut la concevoir comme
la science de lʼunivers politique, du champ politique, des phénomènes politiques, bref la
science du politique. Si lʼon adopte cette approche, il faut repérer les contours du politique
avant de le définir.
Section 1 : Repérer le politique
On a dit que repérer le politique était une énigme protéiforme, quelque chose qui se
transforme sans cesse. On a pu dire aussi que plus quʼune question, cʼest un problème
permanent. Plus fondamentalement, on a dit quʼil nʼy avait pas dʼobjet politique
théoriquement constitué. Ça veut dire quʼon ne définit pas de façon générique le politique.
Mais il nʼy a pas non plus de telle définition du mathématique, du biologique, etc., ce qui
nʼempêche pas des spécialistes de travailler dans ces domaines.
En revanche, ce quʼon peut faire, cʼest tenter de localiser, de repérer, ce qui relève du
politique et ce qui nʼen relève pas. On est dans le domaine des sciences humaines et
sociales, on ne peut donc pas avoir la même rigueur que pour les sciences dures. On peut
considérer comme politique ce qui est considéré comme politique par une société donnée
à un moment donné. Ce nʼest pas la même chose tout le temps. le cas contraire
reviendrait à dire que le politique est une essence. Il faut bien avoir en tête que le politique
nʼest pas une essence. Cʼest plutôt une propriété caractéristique de la vie en société. Cʼest
un produit de la vie en société. Le politique est un effet de la vie en société, mais en
retour, le politique détermine lʼorganisation, le fonctionnement de cette société et même il
la constitue, il lʼinstitue. Cʼest un phénomène dʼinteraction entre les deux. Les
phénomènes politiques sont des faits sociaux. Il nʼy a pas de fait politique par essence.
Certaines interactions sociales vont être politiques parce quʼelles vont subir un processus
de codage.
Le terme politique désigne une qualité que peut revêtir nʼimporte quelle relation sociale et
non pas un type particulier de faits sociaux. Ce qui fait que tel fait va devenir politique,
cʼest le rapport de force objectif entre des acteurs sociaux ou entre des groupes dʼacteurs
sociaux, impliqués dans une relation, relation quʼils vont qualifier subjectivement de
politique ou de non politique, qui va permettre à lʼobservateur ensuite dʼen déterminer sa
nature. Sont politiques dans une société les phénomènes qui sont tenus pour politiques,
les relations sociales qui sont considérées comme politiques par les acteurs.
Jean Leca dit « lʼunivers politique relève dʼun type de relations et non de faits ; Le
problème fondamental cʼest dʼapprécier la densité de politique dont se charge une relation
sociale pour devenir une relation politique ». Cʼest quelque chose de tout à fait relatif dans
le temps et dans lʼespace. Une grève dans une entreprise en raison dʼun licenciement,
cʼest un fait social. Mais cette grève peut ou non se transformer en question politique. Il y
a des grèves qui de bout en bout ont été des grèves politiques. Ça suppose un certain
type de revendication, de médiatisation. Exemple : un quartier insalubre dans le Paris du
XIXe siècle, cʼest perçu comme une question sociale. Personne ne pense à lʼépoque
demander à la puissance politique dʼintervenir sur ce type de question, alors
quʼaujourdʼhui, cela relève du politique. Les questions liées à lʼenvironnement : que ce soit
la construction de centrales nucléaires, le traitement des déchets, le tracé des autoroutes,
cʼest politique. les questions liées à la sécurité et lʼinsécurité, les retraites, la sécurité
alimentaire, ce sont des questions politiques. elles ne le sont pas par essence, mais à un
moment donné, dans un contexte donné et une société donnée. Les questions liées à
lʼIVG. A priori cela relève de la sphère privée. Loi Veil de 1975 : droit à lʼavortement.
Lʼopposition à ce droit est devenu politique, à lʼorigine il était religieux. Dans ce débat, rien
nʼest neutre. Le choix des mots est politique. On est pour le droit des femmes à disposer
librement de leur corps ou on est pour la vie. En Espagne, il y a un projet de libéralisation :
ça fait descendre dans la rue 1M de personnes. Cʼest politique. la politisation dépend du
contexte économique, social, culturel. Elle dépend dʼun certain nombre de circonstances.
Le politique se repère pas sa fonction, qui est la régulation sociale, fonction qui est née de
la tension entre le conflit et lʼintégration dans une société.
Exemple donné par deux auteurs pour voir comment marche un processus de codage. En
1989, affaire du foulard (Idjab). Les deux auteurs disent 3 cas de figures. 1° si ce foulard
est porté par des collégienne nord américaines, cette conduite sera considérée comme
une simple fantaisie vestimentaire, un effet de mode. 2° si ce foulard est porté par des
élèves de culture islamique, cette conduite va être interprétée comme un fait religieux, y
compris par des non musulmans. 3° depuis 1989, si ce foulard est porté dans un
établissement public en France et que le directeur du collège lʼinterdit au nom du principe
de la laïcité, cette décision dʼinterdiction si elle est relayée par les médias va susciter un
débat politique avec la Q du respect de la laïcité de lʼenseignement dʼun côté et de lʼautre
le droit dʼexercer sa religion. Cʼest une situation politisée de bout en bout.
Dans ce raisonnement il y a le présupposé que les nord américains ne peuvent être
musulmans, or aux USA, il y a plus de 5M de musulmans. Il faudrait dire des collégiennes
non musulmanes. Dans le 3e cas, processus de politisation.
La démarche des collégiennes nʼétait pas strictement religieuse. 3e côté, les associations
islamistes. Lʼislamisme, cʼest lʼinstrumentalisation de la religion pour des fins politiques. En
1994, circulaire Bayrou qui prohibe les signes ostentatoires dʼappartenance religieuse. Ce
nʼest pas suffisant. En 2004, une commission parlementaire puis une loi qui reprend
lʼinterdiction des signes ostentatoires. Cet exemple montre que la politisation dépend du
contexte, pas de la chose en soi.
Section 2 : Définir le politique
Il nʼy a pas de définition faisant lʼunanimité. On peut quand même essayer de repérer les
critères communs.
Pierre Bourdieu refuse de traiter le politique comme une catégorie à part. Il parle
systématiquement de problématique politique ou de champ politique.
Lagroye à lʼinverse définit le politique comme ce qui se rapporte directement au
gouvernement dʼune société dans son ensemble, gouvernement au sens des actes qui
tendent à diriger et organiser la vie en société.
Selon Philippe Braud, le politique cʼest le champ social de contradiction dʼintérêts mais
aussi de convergence et dʼagrégation partielle et régulée par un pouvoir disposant du
monopole de la coercition légitime. Braud précise également lʼobjet de la science
politique : cʼest lʼétude des modes de production des injonctions socialement légitimes.
On peut donner encore une autre définition, celle proposée par Lecomte et Denni. Ils
définissent le politique comme le système de régulation indispensable à la vie dʼune
société tissée de relations conflictuelles. Cette notion, cette fonction de médiation,
dʼarbitrage est soulignée par nombre dʼauteurs. Idée que cet arbitrage est plus ou moins
contraignant.
Dʼune certaine façon, on se rend compte quʼil y a une référence implicite mais majeure à
Max Weber dans tous les cas de figure. Weber définit la politique comme lʼensemble des
efforts accomplis en vue de participer au pouvoir ou dʼinfluencer la répartition du pouvoir
soit entre les Etats, soit entre les divers groupes à lʼintérieur dʼun même Etat ». Le
politique, il nʼen donne pas une définition stricte. Il définit le politique par son moyen. Ce
moyen cʼest la violence physique et pour lʼessentiel la violence physique légitime. On en
veut pour preuve ses deux définitions de lʼEtat : « lʼEtat moderne est un groupement de
domination de caractère institutionnel qui a cherché, avec succès, à monopoliser, dans les
limites dʼun territoire, la violence physique légitime comme moyen de domination et qui
dans ce but a réuni dans les mains des dirigeants les moyens matériels de gestion ».
Définition dʼEconomie et société « Nous entendons par Etat une entreprise politique de
caractère institutionnel dont la direction administrative revendique avec succès dans
lʼapplication de ses règlements le monopole de la contrainte physique légitime ».
On retrouve un ordre de domination qui renvoie à la différentiation gouvernants/
gouvernés, des injonctions régulatrices, une assise territoriale, une organisation
administrative, mais surtout un pouvoir de coercition avec lʼidée de monopole. Enfin, ce
pouvoir de coercition est légitime. Ça veut dire que la médiation politique est acceptée par
ceux à qui elle sʼapplique. Les gouvernés consentent à obéir aux gouvernants. On peut
retenir la définition de Weber comme hypothèse de travail car ses principales
caractéristiques ont influencé les définitions modernes.
Mais il faut souligner son caractère trop ethnocentrique. Ce critère du monopole de la
violence physique légitime, il sʼapplique parfaitement à lʼEtat moderne occidental. Mais il
nʼest pas universel. Le pouvoir ne peut pas se limiter à lʼEtat et le politique ne se réduit
pas non plus à la coercition. Si on veut chercher une définition universelle, et non pas
simplement occidentale, du politique, elle doit pouvoir intégrer les sociétés sans Etat. cʼest
pour cette raison quʼon peut compléter Weber par un auteur canadien, Lapierre, quand il
propose de nommer secteur politique les décisions régulatrices et directrices dʼaction
collective qui assurent une certaine coordination entre les systèmes sociaux dʼune société
globale. Référence aux sociétés amérindiennes, sans Etat mais pas sans politique.
Titre III : Les méthodes (la tradition sociologique)
Il y a une façon dʼéchapper à lʼillusion du savoir immédiat : cʼest dʼutiliser les méthodes.
Ce nʼest pas lʼobjet qui fait la science, mais la méthode. Il faut avoir en tête quʼune
observation attentive, minutieuse de tous les faits politiques, ne serait jamais suffisante en
soi si elle ne passe pas par le choix de méthodes scientifiques parce que le fait
scientifique nʼest pas constaté. Il est conquis, il est construit. Parmi ces méthodes
dʼobservation scientifique du politique, on peut retenir trois grandes écoles : lʼécole
empiriste, lʼécole positiviste et enfin lʼindividualisme sociologique.
Ces trois grandes traditions nʼont pas disparues, elles coexistent aujourdʼhui.
Chapitre 1 : Empirisme et Behaviorisme
Lʼempirisme est la théorie selon laquelle toutes nos connaissances sont issues de
lʼexpérience. Le behaviorisme, basé sur le comportement, issu de la psychologie et des
sciences comportementalistes. Très vite, cette approche a été utilisée par les politistes
américains à partir des années 20 jusquʼaux années 50. Cette tradition a connu son heure
de gloire, popularisée par une expérience, lʼexpérience Milgram. Le behaviorisme vise
lʼobservation systématique des comportements politiques. Les représentants de ce
courant sont Charles Edward Merriam (1874 - 1954), Harold Dwight Lasswell (1902 1978) et Paul Lazarsfeld (1901 - 1976) (école de Chicago). Le mot dʼordre du
behaviorisme pourrait être « les faits, rien que les faits, mais tous les faits ». Au point
quʼon a pu parler de religion des faits.
Section 1 : La religion des faits
Pour les behavioristes, tout se ramène à un slogan, alors que si on remonte à ce qui peut
être considéré comme le père fondateur de lʼempirisme, Francis Bacon (fin XVIe), on voit
quʼil nʼa pas cette obsession. Il compare lʼempirisme à la fourmi en disant que la fourmi se
contente dʼamasser les provisions (faits), de les collecter et par la suite. Le philosophe
dogmatique, il le compare à une araignée : cʼest quelquʼun qui tourne en circuit fermé,
lʼaraignée tire sa toile de sa propre substance. Ni la méthode de la fourmi ni la méthode
plus dogmatique ne sont bonnes. Le véritable philosophe va se comporter comme une
abeille, qui butine sur des fleurs et par un art qui lui est propre, elle va travailler cette
matière première et donner du miel. Bacon dit que le véritable philosophe, le véritable
savant cʼest celui qui se comporte comme une abeille. Ça veut dire que chez Bacon, il y a
un appel à concilier lʼexpérience, mais aussi la raison. Chez les lointains héritiers de
Bacon, cet appel à la conciliation, à mettre un peu de raison dans la collecte des faits, va
disparaître. Dans lʼécole empiriste, on va sʼen tenir principalement à cette idée que pour
faire œuvre scientifique, il faut, de la façon la plus complète possible, décrire le réel. On va
donc tomber dans ce quʼon a pu présenter comme de lʼhyper factualisme. On a, chez les
behavioristes, multiplié les études de détail, on a cherché à procéder à lʼaccumulation
maximale de données factuelles. On a fait tout cela non seulement sans théorie globale
pour interpréter cette collecte des données, mais avec une grande défiance à lʼégard de
tout système théorique. Dans cet héritage de lʼempirisme que constitue lʼécole
behavioriste, il sʼagit simplement de décrire les faits, de procéder à une observation
systématique, minutieuse. Tout ce qui relève du conceptuel, dʼune quelconque théorie
générale, cʼest renvoyé dans le registre de la spéculation métaphysique. Cʼest non
seulement inutile, mais superflu et dangereux. Lʼambition des behavioristes, cʼest de faire
de la science politique une science qui nʼait pas à rougir face aux sciences dites exactes,
du point de vue méthodologique. Il sʼagit de rompre avec la conception traditionnelle de la
science politique. On est dans la période des années 20-50, la conception traditionnelle de
la science politique : la philosophie politique.
À la toute fin des années 1950, ça ne signifie pas quʼil nʼy avait pas des empiristes avant,
ni quʼil nʼy en ait plus aujourdʼhui. À la fin des années 1950, un auteur américain, Stanley
Hofmann, notamment spécialiste des mouvements poujadistes (défense des petits
commerçants et artisans, sous la IVe). Poujade ne combat pas la république, il veut la
ramener à ses origines. Hofmann résume la science politique de ces années-là en la
division entre deux camp. Un qui fonde le raisonnement sur la vérification méthodique des
hypothèses, de lʼanalyse quantitative, la chasse de toute préoccupation morale. De lʼautre
côté ceux qui restent sceptiques à lʼégard de la possibilité même de créer une science
sociale qui soit comparable en rigueur aux sciences physiques et naturelles et qui vont
donc refuser dʼopérer une distinction radicale entre ce qui est et ce qui devrait être.
Pour les behavioriste, la priorité cʼest la description la plus rigoureuse possible des faits.
Pour cela, la priorité va être de trouver des techniques dʼobservation, des méthodes de
recherche. Ça a pour conséquence que le moyen qui va être la méthode, va finir par
devenir plus important que la fin. Lʼinstrument de la connaissance va finir par dicter le
choix de ce qui est et de ce qui nʼest pas à connaître. On eut parler dʼune véritable
tyrannie de lʼinstrument.
Section 2 : La tyrannie de lʼinstrument
« De la méthode avant toute chose ». Pour bien marquer la rupture avec des approches
considérées comme philosophico morales, qui sont considérées comme dépassées les
behavioristes vont utiliser des méthodes dʼinvestigation réputées scientifiques. Ce qui va
être recherché, cʼest des éléments fichés, toutes les dimensions quantifiables du
comportement politique. Les behavioristes utilisent les méthodes quantitatives, la
statistique. Cette obsession de tout enregistrer, de tout mesurer, de tout calculer, va finir
par déterminer les sujets dʼétude. Ça va être le recours systématique aux sondages, aux
enquêtes dʼopinion. En 1938, Jean Steuzel fonde lʼIFOP. Aux USA, cʼest Gallop en 1936.
Recours aux panels. Panel : on cherche à mesurer le changement, donc on part dʼun
échantillon quʼon interroge plusieurs fois et de mesurer lʼimpact de telle ou telle
campagne. Cette technique a été utilisée par Lazarsfeld dans la compagne présidentielle
américaine de 1940. On utilise aussi les interviews en profondeur, ainsi que les analyses
de contenu (qui parle le plus vite, richesse du vocabulaire, etc.). Les behavioristes se sont
donc intéressé en priorité à tout ce qui pouvait se mesurer : comportement électoral,
lʼimpact des campagnes, structure de lʼélectorat, la participation électorale, lʼopinion
publique, les partis politiques, les groupes de pression, les processus de prise de décision.
Cʼest notamment ce quʼa pu faire Robert Dahl (qui gouverne). Avec ces behavioristes, on
a lʼimpression que tout ce qui compte, cʼest ce qui peut se compter. Toute la réalité
politique est réduite à ce qui peut se chiffrer. On va très vite voir apparaître des critiques
concernant cette obsession de la classification. On va dénoncer cette véritable
quantofrénie, testomanie. Avec ces behavioristes, on voit quʼun objet qui ne se mesure
pas nʼa pas dʼexistence scientifique. Inversement, tout ce qui peut se mesurer devient
scientifique. En bref, ce sont les questions qui sʼadaptent aux méthodes alors que ce
devrait être lʼinverse.
Cette approche a des limites, mais elle a fait malgré tout progresser notre connaissance
du politique. Apport nécessaire, mais insuffisant. Etude publiée en 1949, « Le soldat
américain ». Cette étude a le mérite de nous mettre en garde contre les dangers de la
sociologie spontanée, le gros bon sens. Cette étude est dirigée par Lazarsfeld, Merton.
Elle a porté sur 500.00 soldats, dont certains étaient stationnés en Allemagne, sur la
période 1942-1945. Elle a permis de déboucher sur un certain nombre de propositions. On
va assortir de commentaires tirés du gros bon sens : « Les soldats qui avaient un niveau
dʼinstruction élevé présentaient plus de troubles de la personnalité que ceux qui avaient
fait peu dʼétude ». « Pendant leur service militaire, les soldats qui provenaient dʼun milieu
rural avaient généralement un moral meilleur que ceux qui provenaient des villes ». 3e
proposition « les soldats originaires du Sud des USA, qui avaient été envoyés dans les
îles du pacifique, ont mieux supporté le climat chaud qui régnait dans le pacifique que les
soldats issus des Etats du Nord ». « les soldats américains qui étaient stationnés en
Europe étaient plus impatients dʼêtre rapatriés pendant quʼils combattaient quʼaprès la
défaite de lʼAllemagne ». Aucune de ces propositions nʼest en réalité exacte. Ce quʼa
révélé lʼenquête de Lazarsfeld, cʼest quʼau contraire les soldats les moins instruits étaient
les plus sujets aux névroses, les soldats citadins avaient un meilleur moral que les ruraux,
les soldats du Sud ne sʼadaptaient pas mieux que ceux issus du Nord à la chaleur
tropicale, les soldats supportaient encore plus mal lʼinaction, lʼoisiveté, que les dangers de
la guerre. De multiples enquêtes dʼopinion et de sociologie électorale sont venus par la
suite apporter des démentis cinglants à des propositions fausses, véhiculées soit pour des
considérations idéologiques, soit dictées par le sens commun. En France, on a longtemps
affirmé que les femmes françaises votaient majoritairement plus souvent à droite que les
hommes et on y voyait lʼinfluence de lʼEglise catholique. On a dit et on dit encore quʼen
France, les pauvres votent majoritairement à gauche. Or plusieurs travaux de sociologie
électorale menées en France ont montré quʼil nʼy avait pas de lien direct entre le niveau de
revenu et lʼorientation du vote. On a pu montrer dès le 1e tour de lʼélection présidentielle
de 1988 que 51% des pauvres ont voté pour Jacques Chirac ou Raymond Barre.
Lʼapport de ces méthodes a été de contraindre les politiques dʼaller sur le terrain. Mais
lʼapport du behaviorisme doit être nuancé. Testomanie, au détriment de lʼétude qualitative.
En réalité, les critiques qui ont été portées à lʼencontre de lʼécole behaviorisme lʼont été
par Charles Wrightmills, dans Lʼimagination sociologique, a fait la synthèse de tous les
reproches que lʼon peut faire. Il dit que ces recherches empiriques sont souvent des
recherches extrêmement localisées, pour lʼessentiel aux USA, études qui sont très
fragmentaires et qui vont donner une image extrêmement réductrice de la réalité politique.
Ce sont souvent ce quʼon nomme des monographies. Ex : lʼétude dʼun système de prise
de décisions dans une ville américaine. Un des ouvrages typiques, cʼest Qui gouverne, de
Robert Dahl, sur New Haven qui correspond à lʼuniversité de Yale est qui est une ville
moyenne. Apprend-on quelque chose de portée universelle. Ça peut être lʼétude dʼun
scrutin électoral, dʼun parti politique. Wrightmills a une formule sévère : « tout revient à
étudier des statistiques par des points de détail et les points de détail par des
statistiques ». Il fait également des reproches dʼordre idéologique. Il considère que ce
courant méthodologique, mais aussi porté par des auteurs ayant des convictions, nʼest-il
pas étonnant ou contradictoire de voir les pionniers dʼune science neutre et objective se
convertir en chantres (partisan) de la démocratie américaine et également de les voir se
mettre au service des généraux, des assistantes sociales et des directeurs de
pénitenciers. En effet, ce sont des éléments dʼintégration sociale. Des études
behavioristes ont servi très précisément à constituer des équipes dans des sous-marins. Il
y a également des critiques dʼordre épistémologique. Ce qui est reproché à ce courant
dʼétude, cʼest de ne pas fournir un véritable cadre conceptuel qui va permettre de donner
un sens aux données qui vont être collectées. En réalité, le reproche qui est fait à ce type
dʼétude cʼest dʼêtre trop empirique, de ressembler à une somme de données, sans
problématique de départ, sans cadre théorique interprétatif. Ces données sont
insuffisantes pour comprendre le réel, ce qui veut dire que les faits ne parlent pas dʼeuxmêmes, il faut les faire parler avec un système interprétatif. Quand Wrightmills écrit quʼil
faut abandonner le fétichisme de la méthode, cʼest le moment où sont nées toute une
série dʼapproches théoriques en sciences politiques, plus sophistiquées les unes que les
autres (fin des années 1950).
Lʼanalyse systémique (David Easton) issue du modèle de Norbert Winer. Idée de
mise en relation dʼun système et de son environnement. Boite noire, input (demandes,
soutiens positifs ou négatifs apportés) qui passe par la boite noire, puis output. Processus
de feedback, boucle de rétroaction qui fait quʼon va avoir de nouvelles demandes et de
nouveaux soutiens. Autorégulation. Les output vont être des décisions, des lois, des
règlements, qui vont entraîner de nouvelles demandes, soutiens, oppositions.
Lʼanalyse cybernétique. Modèle défendu par Karl Deutsch, plus utilisé en matière
de théories internationales. science du pilotage de la machine, des organisations.
Extrêmement voisin, plutôt aux RI. Ce qui va être considéré comme système, cʼest le
système international.
Lʼanalyse fonctionnelle (Parsons).
Lʼanalyse structurelle fonctionnelle. Quelles sont les fonctions dʼun parti donné dans
un régime politique donné. Fonctions de conversion des demandes : une population
exprime un certain nombre de demandes mais pas de façon traitable politiquement par la
machine. Le parti va faire en sorte que cette demande puisse déboucher sur une
proposition politique. Fonction dʼagrégation des intérêts. Comment le parti politique peut
porter des demandes plus ou moins confuses dans lʼopinion, comment il peut réunir
différents secteurs de la population. Concourir au jeu électoral, peser sur le système
politique, sʼemparer du pouvoir, exercer le pouvoir. Fonctions manifestes des partis
politiques, mais au-delà, il existe des fonctions latentes, comme fonctionner comme centre
dʼaide, de services sociaux déguisés, pourvoyeur de ressources (symboliques ou
matérielles), « un parti ça sert dʼabord à se tenir au chaud » Régis Debray.
Parmi tous ces auteurs et courants, il y a Parsons, chef de fil de lʼanalyse fonctionnelle. Il
a comme particularité dʼavoir subi lʼinfluence du sociologue français Durkheim.
Chapitre 2 : Positivisme et sociologie durkheimienne
Lʼambition de Durkheim se situe en droite ligne de celle dʼAuguste Comte (2e moitié du
XIXe), apporter aux sciences sociales la même rigueur que celle trouvée dans les
sciences exactes, les sciences de la nature. Positivisme juridique : tout se réduit au droit
existant à un moment donné dans une société donnée. Ça signifie quʼon sʼen tient à ce qui
est écrit, la loi telle quʼelle est écrite, on se préoccupe peu de la façon dont elle est
appliquée ni de la façon dont elle a été produite. Le positivisme de Comte, cʼest la
croyance quʼen appliquant des méthodes réputées scientifiques, on va parvenir à une
connaissance non biaisée du réel, on va pouvoir appréhender la totalité de la réalité
sociale, sans biais dû à lʼobservation. La préoccupation de Comte, cʼest de rompre avec
toute étude métaphysique des sciences sociales. Cʼest lʼinventeur du mot sociologie. Le
terme de sciences sociales date de la Révolution française. Lʼhistorien Ipraldoun, au XIVe,
aurait utilisé un terme équivalent à sociologie.
Même chez Comte, lʼobservation des faits si elle nʼest pas précédée dʼun cadre théorique,
est complètement oiseuse. La science se compose de lois et non pas de faits. Pour lui, il
faut prendre en compte les faits pour rechercher des lois, mais il parle toujours de
spéculation préliminaire, cʼest donc avoir un cadre théorique. Comte va essayer de
concilier cette réflexion théorique avec la recherche dʼélément empiriques.
Durkheim sʼinscrit dans la même perspective. Il nʼaime pas quʼon le traite de positiviste, il
préfère le terme de rationaliste. Son objectif est de faire en sorte quʼon puisse appliquer à
la conduite humaine le même type de démarche quʼon applique pour étudier la nature. La
particularité de Durkheim, cʼest cette obsession dʼexpliquer le social par le social, alors
que ses contemporains expliquent le social par le psychologique.
Section 1 Durkheim et les règles de la méthode
Le premier cours de sociologie dispensé dans une Faculté française lʼa été à la faculté de
lettre de Bordeaux en 1887. On peut retenir trois aspects essentiels de sa méthode : la
définition du fait social et que le fait social doit être considéré comme une chose et enfin
les trois règles principales pour étudier le fait social.
Quʼest-ce quʼun fait social ?
Durkheim « Le tout est différent de la somme des parties ». Méthode holiste. Ça veut dire
quʼon ne peut expliquer une société par le comportement individuel de chacun. Cʼest la
totalité sociale qui prime. La société préexiste à lʼindividu et non lʼinverse. Cʼest lʼidée que
la mentalité des groupes sociaux nʼest pas la même que la mentalité des individus. Les
faits sociaux consistent en des manières dʼagir, de penser et de sentir extérieures à
lʼindividu et qui sont douées dʼun pouvoir de coercition en vertu duquel il sʼimpose à lui.
Les faits sociaux proviennent de la structure matérielle et symbolique de la société et
certainement pas de la conscience individuelle de chacun de ces membres. La société est
un ensemble autonome dans le sens où cette société est différente de la somme des
individus qui la composent. Cette société a des caractères propres, des caractères qui lui
sont spécifiques. Ce pouvoir de coercition, de contrainte sont la morale, le droit, les
normes, les valeurs quʼune société se donne. Les modes, lʼart sont des faits sociaux.
La proposition selon laquelle les faits sociaux doivent être traités comme des choses a
beaucoup choqué, au point quʼil a du se justifier dans la seconde préface des Règles de la
méthode sociologique. Un fait social nʼest bien sûr pas une chose matérielle, mais on doit
adopter vis-à-vis de ces faits sociaux une certaine attitude pour les connaître, de façon
distanciée, déconsidérée, non pas comme lʼidée que nous nous faisons de telle ou telle
chose, non pas les appréhender sous la forme dʼun concept, mais de les appréhender
dans leur organisation concrète, dans leur fonctionnement. Si on veut étudier la justice, du
point de vue de Durkheim, ça ne va pas être « quelle est notre représentation de la notion
de juste », mais « quelle est lʼorganisation des tribunaux, quel est le fonctionnement de la
justice dans tel ou tel pays à un moment donné ». Est chose tout ce qui sʼimpose à
lʼobservation. Il faut considérer les phénomènes sociaux en eux-mêmes, détachés des
sujets conscients qui se les représentent. Ça veut dire quʼil faut les étudier du dehors. Ces
faits sociaux ne sont pas un produit de notre volonté, bien au contraire. Cʼest eux qui la
déterminent du dehors. Durkheim nous recommande de respecter trois règles principales
pour étudier les faits sociaux.
Les règles dʼétude des faits sociaux
La première règle consiste à écarter systématiquement toutes les prénotions, les
fausses évidences, tout ce qui peut relever de la sociologie spontanée, du sens commun.
La deuxième est que le chercheur doit commencer par définir les choses dont il
traite. Cʼest la première et la plus indispensable condition de toute preuve et de toute
vérification. Il peut sembler superflu de définir des notions aussi évidentes que lʼEtat, le
pouvoir, le politique. Nécessité de construire lʼobjet de la recherche. La définition
correspond à la construction de lʼobjet.
La troisième, le sociologue doit écarter les données sensibles qui risquent de lui
être trop personnelles. Cʼest-à-dire que pour Durkheim, on peut faire avec les
comportements humains la même chose quʼen météo, cʼest-à-dire remplacer les notions
subjectives (il fait froid, il fait chaud) par une notion précise (il fait 15°C). Pour expliquer le
comportement humain, on peut utiliser la même démarche, débarrasser lʼanimal humain
de toute sa subjectivité. Il y a un souci dʼobjectivité. Cette 3e règle équivaut à cette notion
commune à tous les chercheurs en science politique : se méfier de ses propres
présupposés si on a la prétention de faire de la science. Le politiste doit se méfier de ses
passions, de ses propres intérêts qui risquent de conditionner ses observations. Cʼest
lʼexact opposé du point de vue de la théorie politique. Ça va aussi à lʼencontre de
lʼélément majeur de la sociologie de Weber qui est une sociologie compréhensive,
sociologie pluraliste qui reconnaît la légitimité de la pluralité des points de vue. Il y aura
autant de point de vue que de chercheur. Ce nʼest pas le règne de lʼarbitraire. Chez
Weber, à la différence de Durkheim, il nʼy a pas de connaissance complète et définitive du
réel. Chez les positivistes comme Durkheim, une fois que lʼon a rempli ces trois conditions,
on est objectif. Ça nʼexiste pas chez Weber : si on veut arriver à une connaissance
approximative du réel, il faut observer en tenant compte des autres points de vue. Le
savoir est forcément relatif, approximatif. Chez Durkheim, on peut arriver à la
connaissance objective.
Sa méthode, il lʼa illustrée dans Le suicide. Dans Les règles de la méthode sociologique il
donne le mode dʼemploi. Il fait une typologie du suicide. Il distingue les catégories sociales
(couple, célibataire, homme, femme, etc.). Ce qui prémunit du suicide ce nʼest pas le
couple cʼest le fait dʼavoir des enfants. Distinction en fonction de la religion (Catholiques se
suicident moins que les Protestants). Distinction en fonction de lʼappartenance politique.
La courbe des suicides sʼarrête brutalement au moment où la crise se noue (intensité de la
vie politique = déclin des taux des suicides). Analyse multi variée. Concomitance ne veut
pas forcément dire causalité.
Chapitre 3 : Weber
La domination charismatique repose sur la personne dʼun chef, dʼun personnage
extraordinaire. Par définition provisoire.
La domination traditionnelle, repose sur le respect de la coutume, de la tradition.
Correspond aux monarchies dʼAnciens Régime. Ex : lʼArabie Saoudite.
La domination légale-rationnelle, repose sur des lois, des règlements qui font que les
autorités gouvernantes exercent leur pouvoir dans un cadre consenti et elle est rationnelle
car repose sur la présence dʼune bureaucratie, une organisation administrative composée
de fonctionnaires recrutés par concours et protégés par un statut.
Ces trois types de domination sont des types idéaux.
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