REPÈRES

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REPÈRES
LIBRAIRIE
Lévi-Strauss, Malinowski, Sahlins,
Evans-Pritchard), à la sociologie
(Veblen, Schutz, Becker, Tarde, Halbwachs) et à l’économie (Keynes, Hicks,
Sraffa, Jevons, Kuznets, Friedman,
Marshall), ils démontrent que la
consommation est bien davantage que
l’acquisition d’un bien, c’est une forme
de communication et par conséquent
d’interaction. Ainsi, en consommant,
l’individu se socialise. « L’alimentation, écrivent-ils, est donc affaire de
petits rituels et d’occasions de socialisation qui appellent certaines composantes et certains types de combinaisons. » Ils reprochent aux économistes de ne pas nous renseigner sur
le pourquoi de l’acte d’achat. Ils rendent hommage à Duesenberry de
rompre avec l’orthodoxie économiciste
et d’introduire un peu de sociologie
dans les mécanismes pseudopsychologiques des consommateurs (l’épargne,
l’anticipation, la constitution d’un
patrimoine…) et de rejoindre ceux qui
pensent que « le monde est construit
socialement ». Ils considèrent que les
« biens sont porteurs de sens, mais
aucun en lui-même » et que, par conséquent, le consommateur doit à la fois
satisfaire un « besoin » et émettre une
« information », d’où un langage des
biens consommés, mais aussi de leur
périodicité, de leur renouvellement, de
leur accord avec le milieu social
ambiant. Plusieurs études montrent
que des amis qui boivent un verre au
pub le consomment à la même vitesse.
Non seulement, ils sont ensemble, mais
font un ensemble, par l’adoption quasi
spontanée du même rythme. Ce sont les
Mary Douglas, Baron Isherwood
POUR UNE ANTHROPOLOGIE
DE LA CONSOMMATION.
Le monde des biens
Traduit de l’anglais par
Manuel Benguigui, présentation de
Benoît Heilbrunn
Paris, Institut français de la mode/
Éd. du Regard, 2008, 234 p., 24 €
The World of Goods paraît en 1979,
signé par une anthropologue, Mary
Douglas (1921-2007) auteur du célèbre
ouvrage De la souillure1, et un économiste. Ils apportent un regard ethnographique sur une réalité économique
qui contribue à changer profondément
toutes les sociétés contemporaines, au
point de les uniformiser, peu ou prou,
en une « société de consommation ».
Pour la plupart des économistes, l’acte
de consommer relève du marché, c’està-dire du jeu autorégulé entre une offre
et une demande. Pour les économistes
dissidents, plus ou moins marxistes, la
consommation est l’autre mot pour dire
« aliénation », c’est-à-dire manipulation des consommateurs, à qui l’on
vend plus de rêve que de satisfaction !
Ce qui intéresse les auteurs ne concerne pas la soi-disant rationalité de
l’homo oeconomicus, mais les fondements anthropologiques des échanges,
marchands ou non, monétarisés ou non.
Empruntant leurs exemples à la littérature (Henry James, Anthony Trollope), à l’anthropologie (Bourdieu,
1. Mary Douglas, De la souillure, Paris, Maspero, en 1971.
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Novembre 2008
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