PRESSE Vendredi, 18 mai 2012 Comment fonctionne le système des réseaux de soins soumis au peuple le 17 juin? Réponse avec le réseau Delta composé de médecins indépendants, installés dans leur cabinet privé ou dans des centres médicaux dans les cantons de Genève et Vaud. Les 100 000 patients affiliés doivent s’adresser à un médecin de premier recours. Ce dernier joue le rôle de «porte d’entrée» dans le réseau et oriente le patient vers les prestataires de soins les plus pertinents et les moins coûteux. Pour les inciter à faire le pas, les assurés bénéficient d’un abattement de prime maladie de 20% à 25%. «Delta a collaboré d’emblée avec les assureurs selon le système de la coresponsabilité budgétaire», explique Marc-André Raetzo, cofondateur du réseau. En cas de vote positif le 17 juin, le patient pourra garder son médecin de famille pendant une période transitoire de trois ans. Ensuite, il devra rejoindre un réseau ou, s’il veut rester auprès de son médecin, qui lui-même veut rester indépendant, il devra payer un surplus de prime. Delta, pionnier des soins intégrés Santé Le réseau genevois constitue un cas exemplaire et encore isolé en Suisse romande - Il regroupe 365 médecins de premier recours et plus de 100 000 assurés - Son cofondateur, le docteur Marc-André Raetzo, milite pour un oui lors de la votation du 17 juin Marc-André Raetzo est un pionnier. Le médecin interniste installé à Onex, près de Genève, est à l’origine du réseau Delta, premier réseau de soins intégrés de Suisse romande. Créé en 1991, il est le seul à avoir réellement trouvé son public de ce côté-ci de la Sarine: il regroupe aujourd’hui 365 médecins de premiers recours entre Genève et La Côte vaudoise et prend en charge plus de 100 000 assurés. C’est 25 fois plus qu’il y a vingt ans. Ce succès est le fruit d’une démarche qualitative et participative. A l’origine, l’objectif de Marc-André Raetzo et de son associé, Philippe Schaller, était de s’adapter à l’évolution de la société: avec une population vieillissante, la médecine générale est confrontée à un nombre toujours plus grand de malades chroniques dans un système de santé conçu pour résoudre des problèmes aigus. «La plupart de nos patients de plus de 70 ans ont une ou deux maladies chroniques, détaille le praticien. Aujourd’hui, le médecin de famille n’a pas toujours les moyens de coordonner les différents traitements prescrits, que ce soit par des spécialistes et des hôpitaux. Cette fragmentation constitue un danger pour les patients et elle est peu économique. Avec des médecins rémunérés à l’acte, le système valorise la maladie plutôt que la santé.» Les patients affiliés au réseau Delta sont contraints de recourir à un médecin de premier recours. Ce dernier joue le rôle de «porte d’entrée» (gatekeeper) dans le réseau et oriente la consommation vers les prestataires de soins les plus pertinents et les Tél. : 022 879 50 55 E-mail : [email protected] Adresse : Réseau de soins Delta 3 route de Loex - 1213 Onex PRESSE moins coûteux. Pour les inciter à faire le pas, les assurés bénéficient d’un abattement de prime maladie de 20% à 25%. «Delta a collaboré d’emblée avec les assureurs selon le système de la coresponsabilité budgétaire, précise Marc-André Raetzo. Une enveloppe financière est négociée chaque année (prépaiement par capitation). Quand nous n’utilisons pas l’entier du montant versé, un tiers est investi pour la formation continue au sein du réseau et deux tiers pour des programmes de prévention.» Les médecins du réseau se réunissent chaque semaine dans un des cercles de qualité animés par une vingtaine de médecins formés, dont Marc-André Raetzo. Objectif, qui apparaît dans la charte du réseau: améliorer le suivi des patients et réduire les coûts en valorisant «les bonnes pratiques médicales». Selon une l’étude de l’Institut de médecine sociale et préventive (IMSP) de l’Université de Genève, la prise en charge intégrée fait augmenter le prix des consultations mais réduit les coûts techniques comme la radiologie, les examens de laboratoire, les prescriptions de médicaments, les consultations en urgence et les hospitalisations. Les cercles de qualité ont une autre vertu plus inattendue: ils permettent aux praticiens de mieux affronter une pression toujours plus forte. «Entre médecins, on apprend à gérer son angoisse et du coup on gère mieux celle des patients, explique Marc-André Raetzo. On communique mieux et on est plus efficace. C’est un long processus de croissance pédagogique commun.» Fort de son expérience, Marc-André Raetzo soutient la révision de la Loi sur l’assurance maladie (LAMal) dite du Managed Care. Un oui du peuple suisse le 17 juin – les chances semblent limitées au vu du premier sondage (LT du 12.05.2012) – entraînerait la généralisation des réseaux de soins dans un délai de trois ans. De quoi, assure le médecin, «améliorer la prise en charge de premier recours et réduire les coûts supportés par l’assurance de base». Le nouveau cadre légal ne changerait pas grand-chose pour le réseau Delta. «Mais c’est un outil indispensable pour favoriser le développement des réseaux, estime le médecin genevois. La loi remet les assureurs à leur place. Elle leur interdit d’être directement des prestataires de soins, comme c’est le cas aujourd’hui avec les centres Swica en Suisse alémanique (lire ci-dessous). Elle impose aussi un renforcement de la compensation des risques avec des critères d’évaluation plus fins que les seuls critères d’âge et de sexe. De quoi limiter de manière significative la chasse aux bons risques.» Le docteur Raetzo regrette que cette péréquation financière entre caisses n’ait pas incité le Parti socialiste à soutenir le projet. «Leur opposition est tactique. Avec la redistribution qui est prévue, ils ne pourraient plus dire que les caisses maladie se comportent comme des gangsters. Cela les priverait de leur principal argument pour promouvoir leur projet de caisse unique.» Le médecin jette un regard tout aussi sévère sur les opposants de droite qui Tél. : 022 879 50 55 E-mail : [email protected] Adresse : Réseau de soins Delta 3 route de Loex - 1213 Onex PRESSE défendent la liberté de contracter. «Aujourd’hui déjà, beaucoup de médecins sont dans des réseaux, les patients ne sont pas captifs. Et le choix du spécialiste subsiste largement. Au réseau Delta, nous n’en avons pas à l’interne. On décide du spécialiste avec le patient.» Autre avantage important du Managed Care, selon Marc-André Raetzo: il formalise la coresponsabilité budgétaire entre le réseau de soins et les assureurs. «Sans cela, on ne peut pas parler de réseau de soins intégrés», estime-t-il. L’objectif du partage de responsabilité est de rendre le financement évolutif, adaptable d’année en année. «Avec 100 000 assurés, nous avons un certain poids dans la négociation.» La coresponsabilité budgétaire offre en outre des possibilités aux médecins en réseau qu’ils n’ont pas en pratique individuelle. Cela nous a donné les moyens de fournir des prestations qui ne sont pas remboursées par le LAMal, détaille le médecin. Nous avons par exemple engagé une infirmière qui assure le suivi des sorties d’hôpital de nos patients. Cela nous donne une marge de manœuvre plus importante.»Un modèle appelé à se développer, que le Managed Care soit adopté ou non le 17 juin. «Pour certains actes médicaux bien protocolés, les infirmières font très bien le travail, souligne le docteur Raetzo. Il faut y penser: c’est une alternative intéressante pour lutter contre la pénurie des médecins généralistes qui s’annonce.» Pierre-Emmanuel Buss Le projet vu du patient En cas d’acceptation, la réforme de la loi sur l’assurance maladie (LAMal) soumise au peuple le 17 juin aura d’importantes incidences sur l’accès aux soins. Petite revue de détail du point de vue de l’utilisateur. Vers une médecine à deux vitesses? Chacun sera libre de rejoindre ou non un réseau. Les personnes intéressées devront conclure un contrat de un à trois ans avec un assureur maladie. Ils payeront une quote-part de 10% des frais engagés jusqu’à un maximum de 500 francs par année une fois leur franchise atteinte, contre 700 francs aujourd’hui. Pour continuer à bénéficier du libre choix du médecin, la participation grimpera à 15% avec un plafond à 1000 francs. Ces 300 francs supplémentaires constituent un des principaux motifs d’opposition de la gauche. Les adhérents des réseaux bénéficient en outre de primes d’assurance maladie à prix réduit (jusqu’à 30%). Le Managed Care peut-il faire baisser les coûts de la santé? Les différentes études menées sur la question mettent en évidence que les réseaux de soins engendrent des économies de 8% à 20% par rapport au modèle du libre choix. Cette fourchette fait l’objet d’un débat acharné, sans réponse définitive. Les adversaires du Managed Care soulignent que les réseaux attirent en priorité les bons risques. La coresponsabilité budgétaire et la nouvelle compensation des risques Tél. : 022 879 50 55 E-mail : [email protected] Adresse : Réseau de soins Delta 3 route de Loex - 1213 Onex PRESSE prévues par la réforme de la LAMal sont censées corriger le tir. Ai-je la garantie de pouvoir garder mon médecin de famille? Pendant la période transitoire de trois ans qui suit l’entrée en vigueur de la loi, il n’y aura aucun changement. Au terme de ce délai, cela dépendra de votre médecin: s’il rejoint un réseau, vous l’intégrerez avec lui; s’il reste indépendant, vous devrez payer la quote-part supplémentaire. Ou changer de médecin. S’il n’y a pas de réseau dans votre région au terme de la période transitoire, vous n’aurez pas à payer la quote-part supplémentaire. Puis-je quitter le réseau si je ne suis pas satisfait? Il est possible de résilier son contrat à la fin de chaque année. Si vous avez signé un contrat de deux ou trois ans, vous devrez payer une pénalité comprise entre 1% et 5% de la prime annuelle, soit un montant compris entre 40 et 200 francs. Il est bien sûr possible de changer de médecin de premier recours à l’intérieur du réseau. Les réseaux à la merci des assureurs? Le nouveau système de compensation des risques prévoit une péréquation financière entre caisses qui évite qu’un réseau soit déstabilisé financièrement par la présence de nombreux malades chroniques. Les éventuelles pertes seront assumées en partenariat. Dans les réseaux actuels, les dépassements du budget sont assumés par le réseau jusqu’à 3% et par l’assureur au-delà. Les réseaux peuvent en outre conclure des réassurances pour les cas cliniques très onéreux. P.E.B Thurgovie, paradis des réseaux Depuis 2000, le canton compte quatre réseaux de soins régionaux A part à Genève, les réseaux de soins ont pris pied avant tout en Suisse alémanique. La Thurgovie est le canton le plus favorable à cette forme de prise en charge. Roman Buff, médecin interniste à Arbon et président de l’Association de Managed Care de la Suisse orientale (300 000 assurés) explique pourquoi: «Le premier réseau a vu le jour en 1995 en Thurgovie en réaction aux plans de la caisse Swica d’ouvrir des centres de santé. La population a suivi très rapidement. Nous sommes un canton rural où les patients ont l’habitude de consulter d’abord leur médecin de famille.» La Swica a quand même fini par ouvrir trois centres employant des médecins dans le canton. Et a confirmé avec ses pratiques une partie des craintes que le corps médical entretient envers des cabinets gérés par les assureurs. Le Blick révélait l’an dernier que les médecins dans ces centres sont incités financièrement à traiter le plus grand nombre possible de patients. Le praticien reçoit des bonus variant selon le nombre de points du tarif de prestations Tarmed. «Une aberration contraire à la philosophie des réseaux», relève Roman Buff. En cas de «oui» le 17 juin prochain, la Swica, comme Tél. : 022 879 50 55 E-mail : [email protected] Adresse : Réseau de soins Delta 3 route de Loex - 1213 Onex PRESSE les autres assureurs, n’aurait plus le droit d’employer des médecins et devrait fermer ses centres. Depuis 2000, la Thurgovie compte quatre réseaux de soins régionaux. Particularité, les spécialistes peuvent être les médecins de premier recours. «C’est une condition que nous posons lors des négociations avec les assureurs. Selon les affections, cela fait beaucoup de sens qu’un psychiatre ou que le spécialiste d’une maladie chronique soit l’interlocuteur privilégié du patient», explique Roman Buff. Dans le canton de Zurich, MediX, réseau lancé en 1998, enregistre chaque année une augmentation de près de 15% des patients affiliés à un modèle Managed Care. Soit, entre-temps, quelque 65 000 personnes. «La popularité du modèle ne cesse de croître dans le canton de Zurich. Au point que nous allons bientôt avoir de la peine à trouver des médecins de premier recours», constate Felix Huber, un des fondateurs de MediX. Les médecins travaillant pour MediX sont en grande majorité des femmes, qui ont souvent des enfants en bas âge et travaillent à temps partiel. Felix Huber insiste: «Les praticiens n’ont pas de rapports directs avec les caisses. Une entreprise externe fait ce travail pour nous.» On trouve en effet dans tous les cantons où les réseaux sont entrés dans les mœurs des sociétés de management pour réseaux qui se sont spécialisées dans la négociation des contrats avec les caisses. Catherine Cossy Tél. : 022 879 50 55 E-mail : [email protected] Adresse : Réseau de soins Delta 3 route de Loex - 1213 Onex