Où placer votre argent dans un contexte incertain?

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Où placer votre argent
dans un contexte incertain ?
C. F.
On croyait le plus dur derrière nous.
Le mot reprise était sur les lèvres de tous
les économistes. Mais la Grèce a menacé
de faire banqueroute, imposant à ses voisins
de mettre la main au porte-monnaie
pour endiguer la plus grande catastrophe
qu’aurait connue la zone euro depuis sa
création. Si les établissements financiers
étaient montrés du doigt depuis le début
de la crise, le nouvel ennemi s’appelle
désormais dette souveraine. Un ennemi suffisamment préoccupant pour assombrir les perspectives
de reprise. Comment dans ce contexte
incertain placer son argent ? Des spécialistes livrent
au Commerce du Levant leur analyse des marchés.
40 - Le Commerce du Levant - Août 2010
annonce avait de quoi réjouir :
début juillet, le Fonds monétaire
international (FMI) a relevé dans
ses “Perspectives de l’économie mondiale”
sa prévision de croissance pour 2010 de 4,2
à 4,6 %, grâce notamment à la croissance
des pays asiatiques. Ayant fait face à des
crises dans un passé récent, ils peuvent
s’appuyer sur leurs importantes ressources
naturelles », remarque Albert Letayf, qui dirige le cabinet Levant Finance. Les poids
lourds que sont la Chine, les États-Unis et
l’Allemagne devraient ainsi afficher de
meilleures performances que prévu, entre
0,2 et 0,5 %. Pour 2011, la prévision du
grand argentier mondial reste inchangée à
4,3 %. Il met néanmoins les pays développés en garde contre « les risques de dégradation (…) sur fond de nouveaux remous
sur les marchés ». Les experts concluent
que « dans ces conditions, les nouvelles prévisions dépendent de l’exécution de mesures
visant à rétablir la confiance et la stabilité ».
Car le président Obama l’admettait récemment : si la croissance est de retour aux
États-Unis, elle est beaucoup plus timide que
prévue. La contraction de la vente de détail
et des prix des importations, couplée aux
taux bas de la Fed, soulignent ce ralentissement. Il n’en fallait pas plus pour inquiéter
les investisseurs, qui dictent aux marchés
financiers leurs humeurs changeantes
depuis quelques mois. Face à ces rebondissements, une seule certitude : « La majorité des classes d’actifs montre une forte volatilité », constate Frédéric Lamotte, responsable des investissements de la banque privée de Crédit agricole suisse. Pourtant beaucoup parlent d’éclaircie, notamment depuis
l’annonce des résultats des entreprises
américaines, qui ont affiché des profits
semestriels encourageants.
Cet enthousiasme s’éteint dès qu’il est
question de moyen terme. Dans la publication Survey of Fund Managers de Bank of
America-Merrill Lynch du mois de juillet, 12 %
des professionnels penchent pour une détérioration de l’économie au cours des 12 prochains mois, contre 24 % d’avis positifs un
mois plus tôt. C’est l’avis le plus négatif
depuis février 2009. Les investisseurs prévoient la contraction des profits des entreprises au second semestre, et donc se tournent vers les liquidités et réduisent leur
exposition au risque. « Les prévisions de
croissance et de profits sont mauvaises »,
explique Michael Hartnett, spécialiste des
marchés chez Merrill Lynch Global Research.
Les nouvelles sont nettement moins L’
41 - Le Commerce du Levant - Août 2010
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Toufic Aouad : « Une fois que la nervosité des marchés
se calmera, la faiblesse des taux d’intérêt favorisera
une reprise de la spéculation. »
Frédéric Lamotte : « L’attention se concentre
sur la consommation des pays émergents qui maintient
à flots de nombreuses entreprises occidentales. »
Pour Tarek al-Ahdab, l’intérêt des obligations d’entreprises
par rapport aux bons d’État se justifie d’abord par
les politiques d’austérité pratiquées par les États.
sombres du côté des pays émergents d’Asie
et d’Amérique latine, considérés comme le
chevalier blanc de la reprise. « L’attention
se concentre sur la consommation des pays
émergents, note Frédéric Lamotte, qui maintient à flots de nombreuses entreprises occidentales. » Le FMI a ainsi relevé ses perspectives de croissance de 6,3 % en avril à
6,8 %. Les projections concernant le MoyenOrient restent inchangées, avec 6 % de croissance au Liban. Si la croissance (à 10,3 %) de
la Chine a été légèrement en dessous des prévisions au second trimestre, le pays vient
d’annoncer un vaste programme de développement d’infrastructures qui « tire la
reprise et engendre une forte demande en
matières premières », précise Albert
Letayf. Le Brésil affiche également une
bonne santé économique.
Mais c’est en Europe que les inquiétudes se
concentrent. Dégradation de la note de la
dette du Portugal de AA2 à A1, dette record
en Italie à 118 % du PIB, procédures pour
déficit excessif contre Chypre, la Finlande, le
Danemark et la Bulgarie : le Vieux Continent
va mal. Pourtant de cette série noire pointent
quelques signes encourageants : les appels
aux marchés de trois des cinq pays dont la
dette souveraine est sérieusement menacée
(la Grèce, le Portugal et l’Italie) ont rassuré
les investisseurs. La BCE a également
annoncé le ralentissement dans son programme d’achat de dette des pays de la
zone euro, signe d’une accalmie des tensions sur les marchés. Les Américains tentent eux de gérer le surplus généré par leur
politique monétariste. « Aujourd’hui, les
États-Unis tentent de canaliser l’expansion
monétaire, notamment avec une nouvelle loi
qui vise à interdire les activités spéculatives
des banques. Cela permettrait d’injecter la
création monétaire dans l’économie et non
dans le secteur financier », explique Albert
Letayf.
ment à 1 %. Les professionnels n’attendent
donc pas de hausse des taux, ni de la Fed ni
de la BCE, avant mi-2011 selon la parution
Survey of Fund Managers de Merrill Lynch.
Mais les scénarios catastrophes ne sont pas
encore totalement mis de côté par les financiers. « On peut encore assister à une crise
souveraine aux États-Unis, des États comme
la Californie et l’Illinois sont en mauvaise
santé financière. Dans ce cas, de nouvelles
liquidités vont être injectées qui généreront
une inflation significative, qui serait renforcée par la politique actuelle de maintien des
taux bas », projette Youssef Kamel.
Pour Toufic Aouad de la banque privée AudiSaradar, « une fois que la nervosité des marchés se calmera, la faiblesse des taux d’intérêt favorisera une reprise de la spéculation alimentée par l’effet de levier, ce qui provoquera
également un gonflement des prix des actifs
financiers ». Une hausse des prix qui touchera également les biens réels selon le banquier,
du fait de l’aggravation des déficits budgétaires des pays développés qui entraîne une
dévalorisation de leurs monnaies et donc une
dépréciation du pouvoir d’achat. « C’est pourquoi, il nous semble indispensable que les
investisseurs se protègent contre l’inflation et
contre la dépréciation du pouvoir d’achat des
monnaies, ceci en augmentant leur allocation
en biens réels, en matières premières et en
actions, et en réduisant leurs positions en obligations et en cash », conclut Toufic Aouad.
Un positionnement que partage Youssef
Kamel. « L’inflation comme accroissement de
la masse monétaire augmente en moyenne de
10 à 12 %. Si un investisseur n’arrive pas à
gagner plus de 12 % sur ses placements, en
réalité il perd de l’argent », ajoute-t-il. C COMMENT GÉRER SON PORTEFEUILLE ?
« La bonne nouvelle, c’est que tout le monde est
en train de se redresser. La mauvaise, c’est que
le redressement prendra du temps », résume
David Wyss, chef économiste chez Standard &
Poor’s. Alors face à ce mélange d’enthousiasme et de frilosité, comment bien placer son
argent ? Pour Youssef Kamel, qui dirige Future
Trend Capital Fund avec Edmond Asseily, il faut
avant tout « identifier les conditions monétaires,
expansionnistes ou restrictives, pour déterminer
quand prendre des risques et quand réduire la
voilure ». Si les conditions monétaires sont
expansionnistes, « miser sur davantage de leverage, de volatilité sur certains marchés ». Dans
le cas de conditions monétaires restrictives, « se
concentrer sur les actifs moins risqués et
conserver des liquidités en dollars ».
SPECTRE DE L’INFLATION
La crise des liquidités appelle logiquement le
spectre de l’inflation. Une crainte qui n’est
pourtant pas à l’ordre du jour, selon les économistes. La zone euro est même en dessous des niveaux anticipés : Eurostat a
annoncé 1,4 % en juin contre 1,5 % attendu. Le phénomène n’est pourtant pas à
écarter, mais ne devrait pas atteindre le plafond fixé par la BCE à 2 %. La Fed américaine s’inquiète même du taux d’inflation particulièrement bas aux États-Unis, actuelle42 - Le Commerce du Levant - Août 2010
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