N°17/024 – 26 janvier 2017 CHINE – Conjoncture Une année de défis Le bilan 2016 n’est pas si mauvais. Une croissance très légèrement repartie à la hausse au quatrième trimestre, tout juste inférieure à celle de 2015 sur l’ensemble de l’année et, avant tout, tirée par la consommation côté demande, par les services côté offre. Il n’empêche que la dynamique de l’économie demeure fragile, baissière en tendance, et déséquilibrée. Elle est en partie la résultante d’un policy-mix expansionniste, et non de réformes économiques qui porteraient leurs fruits, et se nourrit d’une dette domestique de moins en moins soutenable, déséquilibre en soi en même temps qu’elle génère probablement d’autres déséquilibres dans l’économie réelle. 2017 se présente comme une année de défis et de risques de taille : entre la nécessité pour Pékin de maintenir la croissance à un niveau suffisant (probablement aux alentours de 6,5%), de préserver la stabilité financière, de contenir les sorties de capitaux et de faire face aux attaques de l’administration américaine. Puis, il y aura le renouvellement du comité permanent du bureau politique du PCC en fin d’année. Chine : contributions à la croissance % 10 8 6 4 2 0 -2 Q1 2013 Q1 2014 Q1 2015 consommation finale exportations nettes Source: NBS Q1 2016 Q1 2017 investissement PIB Côté secteurs, l’agriculture a généré 4% de la croissance l’an passé, l’industrie 36% et les services 59%, comparé à 4%, 41% et 54% en 2015. % Chine : contributions sectorielles à la croissance 5 4 3 En 2016… Le PIB a augmenté de 6,8% sur un an au dernier trimestre 2016. Il avait progressé de 6,7% au troisième, comme aux deux trimestres précédents. La croissance s’est ainsi établie à 6,7% sur l’ensemble de l’année passée, en léger recul par rapport à 2015 (6,9%). La consommation y a participé à hauteur de 73%, l’investissement de 38%, lorsque la demande extérieure nette a joué négativement, avec une part de -11% ; l’an passé, il avait été question respectivement de 62%, 34% et 5%. Études Économiques Groupe http://etudes-economiques.credit-agricole.com 2 1 0 Q1 2013 Q1 2014 industrie Source: NBS Q1 2015 services Q1 2016 Q1 2017 agriculture Par ailleurs, les chiffres de décembre indiquent que la production industrielle a progressé de 6% sur un an (après 6,2% en novembre), les ventes Chine – Conjoncture : Une année de défis Sylvain LACLIAS [email protected] au détail de 10,9% (contre 10,8%) et l’investissement de 8,1% (contre 8,3%). 20 25 Chine : profits et prix à la production % Chine : activité 10 20 15 0 10 -10 janv.-12 5 0 janv.-12 janv.-13 janv.-14 janv.-15 janv.-16 janv.-17 ventes de biens de consommation (nom, a/a, %) production industrielle (vol, a/a, %) investissement urbain (cumul, nom, a/a, %) Source : NBS Du côté de l’immobilier, la hausse des ventes se réduit pour le troisième mois consécutif, à 22,4% sur un an au lieu de 24,5% en novembre. Les nouvelles constructions et l’investissement, en revanche, ont crû un peu plus rapidement (toujours en décembre), de 8,7% et de 6,9%, comparé à des augmentations respectives de 7,9% et de 6,5% le mois précédent. 60 janv.-13 Source : NBS janv.-14 janv.-15 janv.-16 janv.-17 profits (cumul depuis janv., a/a) prix à la production Puis il faut encore évoquer l’évolution récente des prix à la production, qui sont en augmentation après quatre ans et demi de recul, de mars 2012 à août 2016. Le fait est que c’est de nature, pour les entreprises, à alléger le poids (relatif) de leur lourde dette, qui représente entre 165% et 170% du PIB (en incluant les véhicules de financement d’investissement des collectivités locales), et à améliorer leurs profits, donc à réduire quelque peu les problèmes de liquidité auxquels elles peuvent être confrontées ; même si le risque de défaut reste dans l’ensemble assez élevé. Chine : immobilier résidentiel Mais une croissance toujours fragile… 40 Cela dit, la croissance reste fragile. La très légère amélioration au quatrième trimestre 2016 ne doit pas faire oublier que l’activité économique est en partie portée depuis plusieurs mois par : 20 0 -20 -40 janv.-12 janv.-13 janv.-14 janv.-15 janv.-16 janv.-17 investissement (CNY courant, cumul, a/a, %) superficies vendues (m², cumul, a/a, %) nouvelles constructions (m², cumul, a/a, %) prix (moy. 18 premières villes, a/a, %) Source : NBS … quelques évolutions positives 2016 s’est donc terminée sur une note d’ensemble, en termes d’activité économique, plutôt rassurante. De plus, la composition de la croissance s’est révélée encourageante : plus portée par la consommation que par l’investissement, par les services que par l’industrie, et de façon plus marquée qu’en 2015. Bref, l’économie se rééquilibre de ce point de vue, même si l’investissement et l’industrie continuent de peser lourd dans le PIB, chacun un peu plus de 40%. une politique budgétaire expansionniste (le déficit pourrait s’être creusé à environ 5% du PIB en 2016), mais qui ne peut être maintenue sur cette tendance indéfiniment ; une politique monétaire accommodante, mais de plus en plus confrontée à ce dilemme, croissance versus surendettement et risques pour la stabilité financière ; l’immobilier, qui montre néanmoins des signes d’essoufflement et est probablement proche d’un haut de cycle. Cela conduit, en outre, à nuancer les quelques éléments positifs évoqués plus haut. L’activité a été portée par la consommation, certes celle des ménages, mais aussi celle du gouvernement, assez généreuse depuis plusieurs mois... En ce qui concerne les services, la dynamique récente n’est pas sans lien avec la très bonne tenue du secteur de l’immobilier, même si ce n’est bien sûr pas la seule explication. N° 17/024 – 26 janvier 2017 -2- Chine – Conjoncture : Une année de défis Sylvain LACLIAS [email protected] Chine : financements à l'économie 60 40 20 0 -20 janv.-13 janv.-14 janv.-15 janv.-16 janv.-17 financements totaux (cumul 12 mois, a/a, %) nouveaux crédits (cumul 12 mois, a/a, %) Source : PBoC … sur une tendance à la baisse et marquée par des déséquilibres Cela n’empêche pas non plus la croissance de demeurer orientée à la baisse, en tendance. Ce n’est certes pas anormal, lorsque la consommation et les services, générateurs de moins de gains de productivité, prennent le relais. Mais les pressions baissières dans l’« ancienne » économie restent fortes aussi, faute de réformes (pour réduire les surcapacités, améliorer l’efficacité des entreprises publiques…) avançant suffisamment vite ou allant assez loin ; ce serait plutôt « un pas en avant, un, voire deux, en arrière ». Sans compter que l’assainissement des bilans des banques et des entreprises est tôt ou tard inévitable (cf. cidessous). Chine : dette domestique 250 % du PIB 200 150 soutenir la croissance de demain. L’immobilier, encore lui, ou plutôt sa performance récente jusqu’à la surchauffe, le rappelle. Et on peut aussi évoquer ces zones aménagées pour accueillir des start-up, qui semblent avoir poussé très (trop ?) rapidement un peu partout en Chine ces derniers temps. Des déséquilibres naissant au sein même de composantes de l’offre et de la demande qui tendent à se rééquilibrer par rapport aux autres ? Ce n’est pas improbable… Une année de défis et de risques L’horizon de l’année 2017 n’est donc pas dégagé. Au contraire, les défis semblent croître et s’accumuler. On retiendra ceux-ci : maintenir la croissance aux alentours de 6,5% (probable objectif de Pékin, a fortiori en cette année importante sur le plan politique intérieur ; cf. ci-dessous), sans alourdir l’endettement de l’économie et tout en accélérant les réformes économiques ; préserver la stabilité financière alors que la soutenabilité de la dette interroge d’autant plus qu’une part non négligeable de cette dernière passe par des circuits peu transparents ; on pense entre autres ici au développement très rapide des wealth management products au cours du passé récent ; faire face aux sorties de capitaux qui demeurent importantes et compliquent un peu plus le pilotage de l’économie ; elles se sont vraisemblablement élevées à plus de 300 Mds USD l’an passé (après 382 Mds USD en 2015), entraînant dans leur sillage la baisse des réserves de change (ainsi tombée de 3 330 Mds USD fin 2015 à 3 011 Mds USD en décembre dernier) ; 100 Chine : flux de capitaux et réserves 100 50 4200 mds USD 4000 50 0 Q4 2006 Q4 2008 Q4 2010 Q4 2012 Q4 2014 Q4 2016 crédit obligations shadow banking "officiel" 3800 0 3600 Source : PBoC -50 Et cela n’empêche pas d’autres déséquilibres de se développer. On pense en particulier ici à l’endettement domestique, toujours plus lourd, passé de 201,7% du PIB fin 2015 à un peu plus de 210% du PIB en décembre (hors dette du gouvernement). Cette trajectoire de la dette, plus pentue que celle du PIB, laisse craindre une allocation de la liquidité pas toujours optimale ni portée sur des projets rentables et à même de 3400 -100 3200 -150 3000 janv.-12 janv.-13 janv.-14 janv.-15 janv.-16 janv.-17 réserves (dr.) Source : IIF, PBoC N° 17/024 – 26 janvier 2017 flux nets de capitaux -3- Chine – Conjoncture : Une année de défis Sylvain LACLIAS [email protected] s’accommoder des histoires de Trump (Trump en mer de Chine, Trump contre le principe d’une Chine unique, Trump et le yuan manipulé…) ou plutôt composer avec une nouvelle administration américaine, dont la politique commerciale pourrait altérer grandement les intérêts chinois et ajouter aux contraintes déjà multiples et de taille (comme vu précédemment) pesant sur l’économie chinoise et sa dynamique, dont la politique tout court risque de nourrir des tensions récurrentes sur les places financières mondiales et d’entretenir, si ce n’est d’aggraver, les sorties de capitaux, et dont le positionnement géopolitique est susceptible de générer de vives tensions entre Washington et Pékin ; sur ce dernier point, il faut tout particulièrement évoquer les propos laissant entendre une possible remise en question du principe d’une « Chine unique » ou encore ceux du probable futur secrétaire d'État américain, Rex Tillerson, précisant que « la construction d'îles (en Mer de Chine) doit s'arrêter » et que « l'accès à ces îles ne sera plus autorisé ». Puis, il faut sans doute encore évoquer le renouvellement en fin d’année de cinq des sept membres du comité permanent du bureau politique du PCC. Xi Jinping pourrait en profiter pour renforcer son autorité et concentrer encore plus de pouvoir. Ce serait sans grande conséquence à court terme, mais cela ajouterait probablement du risque politique à moyen terme, en crispant un peu plus les opposants au président chinois au sein du parti. Bref, une année 2017 qui s’annonce compliquée et pleine de risques... 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