La mécanique quantique selon Omnes - Reseau

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LA SCIENCE CONTEMPORAINE
III - LES CONTRIBUTIONS À LA
PHYSIQUE CONTEMPORAINE
1 - La mécanique quantique selon Roland Omnes
par Henri Duthu introduction et textes précédents => ICI
LE CARACTÈRE TOUT PARTICULIER DU
c2. Le sens du mot individualité
POSTULAT QUANTIQUE
Chez Bohr, il signifie « indivisibilité ». Il
s'agit de la non-autonomie du phénomène
atomique par rapport à l'instrument d'observation, énoncée à la fin du passage cité.
c1. Le postulat quantique…
…qui, selon Bohr, exprime « l'essence de
la théorie » quantique, énonce que « tout processus atomique présente un caractère de discontinuité, ou plutôt d'individualité, complètement étranger aux théories classiques, et caractérisé par le quantum d'action de Planck. »
(Le quantum d'action, c'est la constante de
Planck h). Ce postulat, poursuit Bohr, « nous
oblige à renoncer à une description à la fois
causale et spatio-temporelle des phénomènes
atomiques. Car dans notre description ordinaire
des phénomènes naturels, nous admettions en
dernière analyse que l'observation d'un phénomène ne lui causait aucune perturbation essentielle. (…) Le postulat quantique (...) exprime
que toute observation des phénomènes atomiques entraîne une interaction finie avec
l'instrument d'observation ; on ne peut par
conséquent attribuer ni aux phénomènes ni à
l'instrument d'observation une réalité physique
autonome au sens ordinaire du mot. »
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L'idée que la description causale et description spatio-temporelle des phénomènes
atomiques ne sont pas compatibles semble à
première vue paradoxale. N'est-ce pas précisément la tâche de la physique de décrire les
phénomènes physiques, quels qu'ils soient,
dans l'espace et le temps, et de montrer comment chaque phénomène résulte d'une ou
plusieurs causes ? Kant avait analysé cette
double exigence : pour lui l'espace et le temps
sont des « formes de l'intuition sensible », et
par conséquent des « conditions de l'existence
des choses comme phénomènes ». La description spatio-temporelle est donc inévitable,
puisque sans elle les choses ne peuvent pas
devenir des phénomènes, c'est-à-dire nous apparaître. De même la causalité est pour lui
une condition nécessaire de la connaissance
empirique des phénomènes ; ceux-ci ne sont
eux-mêmes possibles que dans la mesure où
ils se produisent « suivant la loi de liaison de
la cause et de l'effet ».
mis en ligne en 10/ 2016
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c3. L’ambiguïté du mot phénomène
Kant (et les philosophes en général) l'utilisent
dans son sens étymologique : le phénomène
est ce qui apparaît. Les physiciens, au contraire,
(y compris Bohr, du moins dans le texte cité)
ont fait du mot phénomène un synonyme de
processus : un phénomène est quelque chose
qui arrive. (Nous verrons que par la suite Bohr
se rapprochera de la définition des philosophes).
Les processus atomiques sont-ils des phénomènes au sens des philosophes ? Si la question
a un sens, la réponse est d'abord négative : un
atome est trop petit pour être vu, entendu ou
touché. Certes l'activité d'une bonne partie
des laboratoires de physique consiste précisément à étudier expérimentalement des objets
microscopiques (des électrons ou des neutrons,
des noyaux atomiques ou des atomes…). Mais
cela n'est possible que grâce à des dispositifs
du type de celui qui a été décrit sous le nom
de chambre de Wilson. L'objet microscopique
y joue le rôle de l'étincelle qui met le feu aux
poudres, ou du chuchotement qui déclenche
une avalanche : un système macroscopique
est dans un équilibre si instable qu'un processus
microscopique suffit à le faire changer d'état.
(Dans le cas de la chambre de Wilson, le système en équilibre instable est le gaz contenu
dans le cylindre, qui devient sursaturé d'humidité dès qu'on a diminué la pression en
tirant le piston).
Chambre de Wilson
Classement > 7A24
Nous commençons ainsi à comprendre un
peu ce que dit le postulat quantique : à
l'action exercée par le processus microscopique sur le dispositif qui permet de le déceler
correspond une réaction de ce dernier sur le
processus. Cette réaction est « finie », ce qui
veut dire qu'elle n'est pas infiniment petite :
elle ne peut pas être inférieure à un certain
seuil. Par suite l'analyse ne peut pas séparer
légitimement le processus microscopique et
l'instrument d'observation : celui-ci fait partie,
d'une façon essentielle et inamovible, de la
définition de celui-là. L'incompatibilité affirmée
par Bohr entre les descriptions causale et
spatio-temporelle tient alors à ceci : chacune
de ces descriptions n'a de sens que si le processus est défini par un certain dispositif expérimental ; or les dispositifs exigés par les
deux descriptions sont incompatibles.
LA RÉGION QUANTIQUE
ET SON ONTOLOGIE
Un troisième essai d'éclairage philosophique
fera saisir encore mieux, peut-être, l'originalité
de Bohr en même temps que sa parenté cachée
avec Husserl. Wheeler rapportait récemment
une conversation entre Bohr et Harald Hoffding
(1843-1931), le vieux philosophe qui avait été
un ami de son père et dont il a reconnu l'influence sur sa pensée. Hoffding l'interrogeait
sur une expérience du type de celle de la
figure ci-dessous (fentes de Young) où le rayonnement traverse un diaphragme muni de deux
fentes et va ensuite former une figure d'interférence sur une plaque photographique.
« Entre la fente et la plaque photographique,
demande Hoffding, où peut-on dire qu'est le
photon ? – Où il est ? répond Bohr, où il est ?
Qu'est-ce que cela veut dire, être ?»
mis en ligne en 10/ 2016
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Voilà la question, en effet. Les philosophes
se la posaient au moins depuis Aristote ; ils
avaient inventé le mot ontologie pour désigner
le savoir sur l'être. Husserl a fait une percée
décisive en posant qu'il y a des régions de la
réalité, et que (pour reprendre encore une expression de Lévinas) « être ne signifie pas la
même chose pour chacune de ces régions ».
L'ontologie générale ne suffit donc pas : il faut
des ontologies régionales.
Galilée, dit Husserl, a découvert l'ontologie
de la nature : c'est la géométrie. Cela signifie
simplement ceci : les objets matériels ont pour
essence d'être des « choses étendues » et d'avoir
à chaque instant une position déterminée. Mais
si on lit Galilée à la lumière des analyses de
Bohr, il faut à mon avis ajouter que l'ontologie
galiléenne comprend aussi un second principe,
aussi important que le premier : les objets physiques sont détachables des conditions de leur
manifestation ; ils existent indépendamment
d'elle, et peuvent donc être étudiés (au moins
théoriquement) comme tels. Pour imposer ce
principe, Galilée a combattu ceux qui refusaient
de croire à la réalité des satellites de Jupiter et
des montagnes de la Lune, en arguant que ces
objets n'étaient visibles qu'à travers une lunette
astronomique et n'étaient donc que des créations
de cette lunette, des artefacts purs et simples.
L'importance de ce principe n'est pas diminuée
par le fait qu'il découle du premier.
La portée de la mécanique quantique, telle
que Bohr l'a comprise, apparaît maintenant
plus clairement. Le postulat quantique signifie
que le second principe de l'ontologie galiléenne
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ne vaut pas pour les objets quantiques : ceuxci ne sont pas détachables des conditions matérielles de leur manifestation, ils y adhèrent
au contraire plus ou moins complètement.
Comme le second principe galiléen découle
du premier, sa fausseté implique celle du premier : les objets quantiques ne sont pas des «
choses étendues », en ce sens qu'ils n'ont pas
nécessairement à chaque instant une position
déterminée. Bohr a précisé ce qu'il faut entendre
par là dans ses analyses sur la complémentarité
des descriptions causale et spatio-temporelle.
L'interprétation husserlienne de la découverte
méthodologique de Galilée comme la formulation d'une ontologie régionale nous conduit
donc tout naturellement à deux conclusions,
– l'une générale (a),
– l'autre concernant la mécanique quantique
selon Bohr.
(a) La thèse générale, due à Husserl, est que
chaque science s'occupe d'une région déterminée, et que par suite elle doit être fondée
sur l'ontologie régionale correspondante.
D'où une conséquence polémique dont
l'importance s'est accrue depuis Husserl : « La
vraie méthode est commandée par la nature
des objets de la recherche et non par nos préjugés et nos anticipations ». Les disciplines
qui poussent comme des champignons ces
derniers temps, et qui se bornent à copier les
méthodes de la physique (par exemple la psychologie « scientifique » déjà dénoncée par
Husserl), sans s'être jamais demandé si la
région qu'elles étudient relève vraiment de
l'ontologie galiléenne – ces disciplines usurpent
le nom de sciences.
(b) La thèse concernant la mécanique quantique
découle, je crois, des analyses qui précèdent :
on a découvert au XXe siècle une nouvelle rémis en ligne en 10/ 2016
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gion du monde physique, la région quantique,
pour laquelle l'ontologie régionale de Galilée
ne vaut plus. Le postulat quantique de Bohr
exprime le fondement ontologique de la mécanique quantique, il définit l'ontologie quantique. Le principe fondamental de cette ontologie est que les objets quantiques sont adhérents aux conditions de leur manifestation.
Le caractère ontologique de la différence
entre physique classique et physique quantique
explique pourquoi il était si difficile de comprendre la mécanique quantique au moment
de sa création, et pourquoi cela reste aujourd'hui
(même si quelques physiciens le nient peutêtre) tout aussi difficile. En effet, les fondements
ontologiques de la physique classique s'obtiennent à partir de l'ontologie du monde réel
par deux opérations :
– Il faut d'abord amputer le monde réel, non
seulement des « qualités secondes » des objets
(couleur, odeur, goût…), comme l'expliquait
Galilée dans le passage cité plus haut, mais
plus généralement de leurs propriétés usuelles
(par exemple leur utilité ou leur danger) et des
valeurs qui leur sont attachées (importance,
beauté, désir, crainte…).
– Il faut ensuite préciser ce qui reste : l'exactitude
absolue inhérente à la géométrie est étrangère
au monde réel.
Amputer et préciser sont certes des opérations
qui n'ont rien d'anodin ; mais il reste quand
même des traits communs importants entre le
monde réel et celui des physiciens classiques :
– D'abord, dans le monde réel aussi nous
avons affaire à des objets spatiaux.
– Ensuite, s'il est vrai que dans le monde réel
les conditions de la manifestation d'une chose
ne sont pas des détails dont on peut faire abstraction (comme le physicien, quand il théorise,
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fait abstraction de la procédure expérimentale
qui lui a permis de mettre en évidence l'objet
de son étude) – s'il est vrai que les modes
d'apparaître d'une chose réelle « font son existence même » (selon l'expression de Lévinas
commentant Husserl).
– il n'en reste pas moins qu'à travers ces modes
d'apparaître, à travers le flux des sensations
constamment changeantes, la conscience atteint
une chose unique, identique à elle-même ; si
différentes que soient les images de la cathédrale
de Rouen aux différentes heures du jour qu'a
peintes Monet, nous savons pourtant – sans
quitter pour autant le monde réel, sans devenir
physiciens un seul instant – que ces images
sont celles d’un objet unique, celui précisément
que désignent les mots « cathédrale de Rouen ».
L'ontologie de la physique classique, si différente soit-elle de celle du monde réel (du
monde de la vie, comme disait Husserl), est
donc encore proche, en un sens, de celle-ci.
Cette relative proximité, cette parenté du monde
de la vie et du monde de la physique classique
est le fondement de l'illusion des physiciens,
qui croient dur comme fer que ces deux mondes
n'en font qu'un. (Comme nous vivons à « l'âge
de la science », les illusions des scientifiques
sont partagées par beaucoup d'autres gens).
Mais cette même parenté permet aussi d'utiliser
en physique classique bien des intuitions formées
par l'expérience du monde de la vie.
Par contre la région quantique a des propriétés
bien plus paradoxales, bien plus contre-intuitives
que la région de la physique classique. Son
ontologie bat carrément en brèche celle du
monde réel. L'effort que nous tentons spontanément pour constituer, à partir de plusieurs
résultats d'expérience, un objet unique (une «
cathédrale de Rouen »), échoue ; il est définitivement voué à l'échec, pour les raisons qu'a
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découvertes Bohr et que nous avons tenté
d'expliciter ici en parlant de la région quantique.
C'est bien cela que désignait Bohr au début,
quand il parlait de l'« irrationalité » de la théorie
quantique. Il se rendit compte par la suite que
ce terme était impropre et cessa de l'utiliser.
Et en effet, ce qui est irrationnel c'est bien
plutôt de vouloir à toute force étendre l'ontologie de la physique classique au-delà de sa
région de validité, sans autre justification que
l'affirmation bovine : « c'est scientifique ».
Vouloir l'étendre à la région quantique, c'est
se condamner à ne jamais comprendre celleci. Vouloir l'étendre aux sciences biologiques,
c'est parfois remporter de brillants succès
(pensez à la structure de l'ADN et à tout ce
qui en découle) ; mais c'est aussi méconnaître,
voire détruire, toutes les faces des sciences
biologiques qui ne se prêtent pas à ce genre
de réduction, comme le montre brillamment
Ernst Mayr dans son Histoire de la biologie.
Vouloir étendre l'ontologie galiléenne aux
sciences humaines, c'est créer des disciplines
qui portent le nom de sciences, présentent
les apparences sociales des sciences (chercheurs, crédits, revues…) – mais qui sont dépourvues de fondement. Ce qui ne les empêche
pas nécessairement d'être efficaces, car on
peut agir sur les hommes par bien des moyens,
y compris la magie. Vouloir enfin étendre
l'ontologie galiléenne au monde de la vie,
c'est se donner les moyens de dévaster la vie,
au double point de vue matériel (désastre
écologique) et moral.
Il aura fallu quelques décennies pour que
l'on mesure à quel point l'article d'Einstein,
Podolsky et Rosen était une critique profonde
et rigoureuse de la mécanique quantique du
point de vue de l'ontologie galiléenne. Mais
Einstein a aussi parlé, dans sa correspondance,
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des aspects existentiels de son opposition à la
conception de Bohr. Il dit que son refus de la
mécanique quantique lui est dicté par son instinct scientifique, ou par sa voix intérieure ; il
fait état de son malaise. (Heureuse époque où
un chercheur pouvait écouter sa voix intérieure
sans perdre ses moyens de recherche ou d'existence ! Il est vrai qu'il s'appelait Einstein…)
On peut dire, sans exagération, qu'Einstein
a vécu l'avènement de la mécanique quantique
comme un tremblement de terre : le sol se dérobait sous ses pieds. Car le sol sur lequel
s'appuie notre vie (pas seulement la vie théorique, mais aussi la vie tout court) est d'abord
un sol ontologique. (Ce sol-là est-il ce qu'il y a
de plus profond, ou repose-t-il lui-même sur
une couche plus fondamentale ? Ce n'est pas
ici le lieu d'en discuter). Les principes de l'ontologie galiléenne ont un rapport d'analogie
profonde avec les évidences de base du monde
de la vie. C'est pourquoi leur formulation explicite peut donner l'impression d'un jeu gratuit
et bizarre ; c'est aussi pourquoi leur ébranlement
donne le mal de mer.
Mais si la difficulté d'accepter l'ontologie
quantique est d'abord une difficulté pour ainsi
dire corporelle, elle est d'autre part grandement
renforcée par la tradition intellectuelle de
l'Occident. Il est vrai que Lévinas a pu repérer
chez Platon, Aristote, Descartes une thèse qui
« aurait dû servir de fondement à une philosophie pluraliste où la pluralité de l'être ne s'évanouirait pas dans l'unité du nombre, ni ne
s'intégrerait en une totalité ». Mais la tendance
qui affirme ou sous-entend la validité d'une
ontologie unique et rejette la notion même
d'ontologies régionales a largement prévalu.
– Chez Einstein on peut voir comment l'influence
de Spinoza, en même temps que la passion de
la géométrie, l'ont poussé vers le monisme.
mis en ligne en 10/ 2016
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– Par contre la formation philosophique de
Bohr, l'influence de Hoffding et sa passion de
jeunesse pour Kierkegaard le prédisposaient à
se sentir à l'aise dans les ruptures, à accepter
le pluralisme.
Dans la lettre-préface des Principes de la
philosophie, Descartes écrivait : « Ainsi toute
la philosophie est comme un arbre dont les
racines sont la métaphysique, le tronc est la
physique, et les branches qui sortent de ce
tronc sont toutes les autres sciences, qui se
réduisent à trois principales, à savoir la médecine, la mécanique et la morale ». Cette
conception de la physique comme science
centrale et science modèle, cent fois réfutée,
est aujourd'hui plus puissante que jamais ;
elle va de pair avec la thèse de la validité
universelle de l'ontologie galiléenne. Il est
donc très digne d'attention que la mécanique
quantique soit venue – si l'on veut bien accepter la lecture selon Bohr qui vient d'en
être proposée – démentir ces vieilles erreurs
de l'intérieur même de la physique. Avec
Bohr la physique elle-même s'est ouverte à
la pluralité de l'être.
La recherche du sens
La recherche du sens était apparue, dans
l'article fondateur d'Einstein sur la relativité
restreinte (1905), comme le moyen essentiel
de la « révision radicale » des concepts d'espace
et de temps, dont il avait compris la nécessité.
Leibniz, dans son débat avec les newtoniens,
puis Kant, avaient discuté la nature de l'espace
et du temps.
Einstein (influencé en particulier par Ernst
Mach) abordait le problème d'une façon
nouvelle. Les concepts spatiaux et temporels
n'ont de sens que par les opérations effectives
de mesure des longueurs et des durées : tel
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était le fil conducteur de sa démarche. En le
suivant, Einstein montrait que le temps absolu
de Newton, qu'on s'était habitué à prendre
pour une chose, n'était qu'une abstraction,
juste dans des conditions déterminées, mais
dont les découvertes nouvelles de la physique
faisaient apparaître les limites. Quelques années plus tard (1915), la relativité générale
allait encore plus loin dans la même direction.
Dès lors, on comprend mieux pourquoi Bohr,
se réfère avec insistance à la relativité générale. Tandis qu'Einstein raisonne désormais,
s'agissant de physique quantique, sur la
réalité physique sans s'interroger sur les
moyens de lui donner un sens, Bohr refait à
chaque pas la même démarche : quel est le
sens de la coordonnée (ou de la quantité de
mouvement) ? Pour le savoir, il ne faut pas
seulement chercher par quels procédés matériels on mesure ces grandeurs, mais aussi
comment on peut « dire à d'autres hommes
ce que nous avons fait et ce que nous avons
appris ».
Ici encore la convergence avec Husserl est
frappante. Lisons par exemple L'origine de la
géométrie : Husserl y montre la géométrie
comme « tradition devenue vide de sens »,
faute de la « réactivation des activités originaires enfermées dans les concepts fondateurs ». De plus, il montre comment les idéalités géométriques, d'abord surgies dans la
conscience du « premier inventeur », atteignent
à une objectivité idéale grâce à la médiation
du langage : l'humanité est d'abord communauté de langage ; le monde objectif, dans la
mesure où tout ce qu'il contient peut être
nommé, présuppose les hommes et leur langage universel, qui de son côté se rapporte
au monde.
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