Ischémie myocardique et troubles métaboliques

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N F O R M A T I O N S
Ischémie myocardique et troubles métaboliques
e jeudi 10 juin 2004 était organisé par le service de cardiologie de l’hôpital européen Georges-Pompidou de
Paris un symposium portant sur l’ischémie myocardique
et les troubles métaboliques. Le premier sujet, présenté par le Pr
Grimaldi (hôpital de la Pitié-Salpêtrière), était la prise en charge
du patient diabétique au cours d’un syndrome coronarien aigu,
d’après les résultats apportés par l’étude DIGAMI. Le Dr Benamer
(hôpital de la Roseraie) a ensuite exposé les problèmes rencontrés
chez les patients coronariens insuffisants rénaux chroniques.
L
HYPERGLYCÉMIE ET ISCHÉMIE MYOCARDIQUE
(Pr Grimaldi)
La présence d’un diabète, connu ou non, chez les patients présentant un syndrome coronarien aigu est fréquente. En effet,
parmi les patients hospitalisés pour infarctus du myocarde, 15 à
20 % ont un diabète connu, 5 à 10 % un diabète méconnu, et 20 à
30 % ont une intolérance aux hydrates de carbone.
Le traitement de l’hyperglycémie au cours des syndromes coronariens aigus a fait l’objet de l’étude DIGAMI, comparant une
prise en charge conventionnelle à une “infusion insulinique” pendant 24 heures, relayée par une insulinothérapie sous-cutanée
pendant 3 mois. Cette étude n’a pas montré de différence significative pendant l’hospitalisation pour les événements suivants :
infarctus, troubles du rythme, insuffisance cardiaque (figure 1).
Par contre, l’infusion insulinique entraînait un bénéfice net en
termes de mortalité à 1 et 3 ans (figure 2).
Quatre hypothèses ont été émises pour tenter d’expliquer ces
résultats :
1. Le bénéfice de l’arrêt des sulfamides hypoglycémiants. En
effet, il a été démontré chez l’animal que le traitement par glibenclamide inhibe le préconditionnement ischémique par son
action sur les canaux potassiques SUR2a mitochondriaux
(figure 3). Mais cela n’est pas vrai pour le gliclazide ni pour le
glimépiride.
2. L’amélioration de la prévention secondaire par une insulinothérapie sous-cutanée intensive. Mais la différence d’HbA1C était
seulement de 0,5 point, et le bénéfice le plus net était obtenu dans
le sous-groupe à faible risque cardiovasculaire.
3. La cardiomyoprotection par infusion insulinique. L’insuline,
en diminuant la lipolyse, diminue la concentration en acides gras
libres, donc la bêta-oxydation, et augmente la gluco-oxydation.
Elle permet ainsi une épargne en oxygène myocardique (figure 4).
●
(Diabetes 2002;51:808 - JCEM 2003;88:521)
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●
Durant l’hospitalisation : pas de différence (récidive IdM trouble du rythme - insuffisance cardiaque)
●
À la sortie et à 3 mois : pas de différence de mortalité
= 12,4 % (ii) versus 15,6 % (c) ns
(traitement cardiologique = 50 % thrombolyse, 80 % aspirine,
70 % bêtabloquants, 31 % IEC)
Figure 3. Toxicité cardiovasculaire du glibenclamide.
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Figure 1. Résultats à court terme de l’étude DIGAMI.
Mortalité à 1 an = 18,6 % (ii) versus 26,1 % (c) (p = 0,027)
●
Mortalité à 3 ans = 33 % (ii) versus 44 % (c) (p = 0,011)
(traitement cardiologique = angioplastie, pontage)
Figure 2. Résultats à moyen terme de l’étude DIGAMI.
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Étude prospective non randomisée (Mayo Clinic) =
↑ mortalité hospitalière après angioplastie pour IdM 24 %
chez 67 DB SH+ versus 11 % chez 118 DB SH–, p = 0,02
(JACC 1999;33:119)
ii : infusion insulinique, c : traitement conventionnel.
●
Études randomisées : le glibenclamide aggrave l’ischémie
secondaire après un premier stress ischémique (ballon dipyridamole)
critères = susdécalage de ST - angor - FEV - contractilité
segmentaire - ↑ lactate
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●
Insuline => ↑ eNo synthase => ↑ production NO =>
antiapoptotique
=> anti-inflammatoire (↓ NF-κB)
=> anti-oxydant
=> profibrinolytique (↓ PAI 1)
Effets semblables observés avec les agonistes PPAR γ et α
(↓ taille IdM) (FASEB 2002;16:1027)
Mais effets ambivalents de l’insuline (hypothèse de
Draznin) et effets strictement inverses provoqués par
l’hyperglycémie (Diabetes Care 2003;26:516)
Figure 4. Les vertus de l’insuline.
La Lettre du Cardiologue - n° 380 - décembre 2004
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De plus, la présence d’acides gras libres augmente le risque de
fibrillation ventriculaire après infarctus et le risque de mort subite.
Cette hypothèse a entraîné la réalisation de plusieurs études sur
le modèle GIK (glucose-insuline-potassium), mais ces études de
méthodologies très variées ont eu des résultats contradictoires.
4. La cardiomyoprotection par la baisse de l’hyperglycémie. En
effet, dans l’étude DIGAMI, il a été montré une corrélation entre
la mortalité et les taux de glycémie et d’HbA1C à l’admission
(figure 5). Cette hypothèse a déjà été démontrée en neurologie, où
la récupération dans la zone de pénombre de l’accident vasculaire
cérébral est directement reliée à la correction de la glycémie.
Mortalité (%)
60
Groupe c
50
Groupe ii
40
30
20
10
Glycémie mmol/l
à l'admission
Mortalité à 3,4 ans (1,6-5,6) en fonction des tertiles
de la glycémie à l'admission.
≤ 13 > 13-16,5 > 16,5
Figure 5. Hyperglycémie et mortalité (étude DIGAMI).
En conclusion, on peut proposer comme prise en charge lors de
l’infarctus :
– l’arrêt des biguanides et des sulfamides hypoglycémiants, avec
contre-indication du glibenclamide chez tous les patients coronariens ;
– la correction de l’hyperglycémie par insulinothérapie intensive,
avec un objectif de glycémie < 7 mmol/l ;
– le bénéfice de l’infusion insulinique antioxydante parallèlement à la reperfusion coronaire.
ISCHÉMIE MYOCARDIQUE DE L’INSUFFISANCE
RÉNALE CHRONIQUE (Dr Benamer)
L’insuffisance rénale chronique, même modérée, est un important facteur de risque cardiovasculaire. Les patients qui en sont
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atteints présentent une athérosclérose accélérée d’origine multifactorielle ; il s’associe en effet une hypertension artérielle
quasi constante et des facteurs de risque vasculaire spécifiques : hyperparathyroïdie secondaire, anémie chronique,
hyperfibrinogénémie, hyperhomocystéinémie, dyslipidémie
urémique, augmentation du stress oxydatif et hyperinsulinémie. Dès que la clairance rénale est abaissée, il existe en outre
une augmentation des paramètres biologiques d’inflammation
et de thrombose.
De plus, il y a une surmortalité chez les patients insuffisants
rénaux au cours des événements coronariens, d’autant plus
importante que le sujet est jeune et qu’il existe un diabète associé. Ainsi, une étude rétrospective réalisée à l’hôpital de la Roseraie chez les patients insuffisants rénaux retrouvait une élévation significative de la mortalité hospitalière au décours d’un
geste de revascularisation (6,4 % au décours d’une angioplastie, 4 % après angioplastie et pose d’un stent, 9 % après pontage). Le pronostic à deux ans est effroyable : la survie après
angioplastie avec ou sans stent est de 48 %, et elle est de 56 %
après pontage.
Ajouté aux facteurs de risque cardiovasculaire cités ci-dessus,
le geste de revascularisation lui-même entraîne plus de complications, avec notamment le problème de la voie d’abord : la
voie fémorale est grevée de complications hémorragiques
(thrombopathie de l’insuffisance rénale chronique), avec un
athérome fémoral important. Quant à la voie d’abord radiale,
elle peut se compliquer, dans environ 5 % des cas, d’occlusion
radiale.
Un autre problème rencontré fréquemment en cardiologie interventionnelle est celui du risque de l’apparition d’une insuffisance
rénale lors des coronarographies, et de sa prévention. Ce risque
est d’autant plus important qu’il existe un diabète associé et que
la clairance de la créatinine est inférieure à 30 ml/mn. L’étude
NEPHRIC a démontré que le risque d’aggravation de la fonction
rénale peut être diminué par l’utilisation de produits de contraste
de basse osmolarité. Il est préconisé d’optimiser l’hydratation
pré- et per-coronarographie – de préférence par des solutés de
bicarbonates –, d’arrêter les diurétiques et les inhibiteurs de l’enzyme de conversion. La place de la N-acétylcystéine est également intéressante.
A.S. Béraud,
service de cardiologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris
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EDIMARK S.A.S. © mai 1983
Imprimé en France - Differdange S.A. - 95110 Sannois - Dépôt légal : à parution
✓ Un numéro spécial Infos Congrès intitulé “Facteurs modifiables du risque cardiovasculaire : les nouvelles approches”
(16 pages) est routé avec ce numéro.
✓ Un encart 4 pages, intitulé “Sevrage tabagique”, est inséré entre les pages 22 et 23.
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