Cas clinique Tumeur Mélanome conjonctival et métastases Conjunctival melanoma and metastases E. Rousseau, M. Russier, J.L. Kemeny, F. Bacin (Service d’ophtalmologie, hôpital Gabriel-Montpied, CHU de Clermont-Ferrand) M élanome conjonc tival • Récidives • Métastases. Conjunctival melanoma • Recurrences • Metastases. U n patient de 68 ans, alcoolo-tabagique, de race caucasienne, nous est adressé en mars 1999 par son ophtalmologiste pour une volumineuse lésion pigmentée de la conjonctive de l’œil droit. Examen L’acuité visuelle (AV) du patient aux deux yeux est de 7/­10 P2 avec corrections. L’examen de l’œil droit retrouve une volumineuse lésion pigmentée, en relief, envahissant la conjonctive bulbaire nasale, supérieure, inférieure et la cornée à sa partie nasale (figures 1 et 2). Le fond d’œil est normal. L’interrogatoire souligne la notion d’un naevus de la caroncule de l’œil droit évoluant depuis 20 ans sans aucune surveillance médicale. L’échographie oculaire ainsi que le bilan d’extension (palpation des aires ganglionnaires, radiographie pulmonaire, bilan biologique hépatique, échographie abdominale) réalisés devant la forte suspicion de mélanome conjonctival sont normaux. Évolution ▶▶ Mai 1999 Le patient et sa famille refusant l’énucléation, une intervention de “propreté” est réalisée, à savoir : exérèse de la lésion, cryothérapie du limbe, des berges d’exérèse et des zones pigmentées visibles. L’examen anatomopathologique confirme le diagnostic de mélanome malin conjonctival avec infiltration par la prolifération tumorale des extrémités du prélèvement. La tumeur exprime la protéine S 100 et l’anticorps monoclonal HMB 45. Un suivi clinique et paraclinique est instauré de façon mensuelle, puis trimestrielle. ▶▶ Mars 2001 On note l’apparition d’une adénopathie préauriculaire droite, indolore, dont la ponction cytologique ramène des cellules suspectes. Une parotidectomie totale droite avec curage jugulo-carotidien droit est réalisée, confirmant l’existence d’une métastase juxta-carotidienne nodulaire de 3 cm de grand axe (figure 3) avec, dans la parotide, une tumeur bénigne de Warthin contenant un petit nodule métastatique (figure 4). Aucun ganglion issu du curage ne présente d’infiltration tumorale et le bilan d’extension reste négatif. Une surveillance clinique et paraclinique régulière est maintenue. ▶▶ Décembre 2001 Un scanner thoraco-abdomino-pelvien met en évidence une image hépatique suspecte de 3 cm de grand axe ainsi que des ganglions médiastinaux. Un bilan hépatique et un dosage de l’alphafœtoprotéine vont dans le sens d’une métastase hépatique du mélanome conjonctival. Une chimiothérapie par dacarbazine est alors débutée. ▶▶ Août 2002 Le patient est admis en réanimation pour syndrome septique sur pneumopathie et invagination intestinale sur métastases grêliques du mélanome conjonctival. Il décède quelques jours après son admission d’une détresse respiratoire aiguë. 58 Images en Ophtalmologie • Vol. III • n° 2 • avril-mai-juin 2009 Légendes Figures 1 et 2. Lésion initiale pigmentée, en relief, envahissant la conjonctive bulbaire sur la quasi-totalité de sa surface. Figure 3. Métastase juxta-parotidienne du mélanome conjonctival, avec du pigment mélanique dans quelques cellules tumorales (grossissement x 10, coloration à l’hématoxyline-éosine-safran [HES]). Figure 4. Petite tumeur bénigne de Warthin renfermant un petit nodule métastatique du mélanome conjonctival (grossissement x 10, coloration HES). Cas clinique Tumeur 2 1 3 4 Images en Ophtalmologie • Vol. III • n° 2 • avril-mai-juin 2009 59 Cas clinique Tumeur Discussion Le mélanome de la conjonctive est une tumeur rare (environ 1 ou 2 cas pour 4 millions d’habitants en Europe) [1, 2], qui ne représente que 5 % de tous les mélanomes oculaires. Il se développe à partir d’une mélanose primitive acquise (75 % des cas), d’un naevus (20 % des cas) et de novo (5 % des cas) [3, 4]. Le mélanome conjonctival peut récidiver localement (taux de récurrence : 26 % à 5 ans, 51 % à 10 ans, 65 % à 15 ans) mais également à distance (taux de métastases : 16 % à 5 ans, 26 % à 10 ans, 32 % à 15 ans). Ses métastases sont essentiellement régionales, à savoir les ganglions lymphatiques préauriculaires, sous-mandibulaires, avec une prédominance pour la parotide (5, 6, 7). Les autres localisations métastatiques sont le poumon, le foie, la peau et le cerveau (5-7). Les principaux facteurs prédictifs de récurrence sont la localisation du mélanome (mauvais pronostic s’il touche la caroncule, la paupière ou le fornix [1]) et l’exérèse tumorale incomplète (5), ce qui est le cas dans notre observation. Références bibliographiques 1. Shields CL. Conjunctival melanoma. Br J Ophthalmol 2002;86:127. 2. Seregard S, Kock E. Conjunctival malignant melanoma in Sweden 1969-91. Acta Ophthalmol (Copenh) 1992;70:289-96. 3. Lim M, Tatla T, Hersh D, Hungerford J. Patterns of regional head and neck lymph node metastasis in primary conjunctival malignant melanoma. Br J Ophthalmol 2006;90:1468-71. 4. Folberg R, McLean IW, Zimmerman LE. Malignant melanoma of the conjunctiva. Hum Pathol 1985;16:136-43. 5. Shields CL. Conjunctival melanoma: risk factors for recurrence, exenteration, metastasis, and death in 150 consecutive patients. Trans Am Ophthalmol Soc 2000;98:471-92. 6. Esmaeli B, Wang X, Youssef A, Gershenwald JE. Patterns of regional and distant metastasis in patients with conjunctival melanoma: experience at a cancer center over four decades. Ophthalmology 2001;108:2101-5. 7. Missotten GS, Keijser S, De Keizer RJ, De Wolff-Rouendaal D. Conjunctival melanoma in the Netherlands: a nationwide study. Invest Ophthalmol Vis Sci 2005;46:75-82. 60 De par son potentiel métastatique, le mélanome de la conjonctive est une tumeur de pronostic réservé, avec un taux de mortalité entre 18 et 32 % à 5 ans (1, 3, 7). II Nouvelles de l’industrie pharmaceutique Communiqués publicitaires des conférences de presse, symposiums, manifestations organisés par l’industrie pharmaceutique Prise en charge du glaucome en 2009 : résultats d’eTUD Pour mieux connaître la maladie glaucomateuse et sa prise en charge en France, le laboratoire Pfizer (Xalatan®, Xalacom®), en partenariat avec la Société française du glaucome, a mené une étude descriptive, eTUD (étude transversale un jour donné dans le glaucome), qui a recueilli auprès des ophtalmologistes des informations sur les patients examinés le 21 janvier 2009. Cette étude, avec 963 patients inclus, constitue une véritable photographie de la prise en charge des cas d’hypertonie oculaire et de glaucome, et permet d’analyser la progression de la prise en charge en la comparant aux résultats de l’EFGH1J (enquête française glaucome et hypertonie 1 jour), réalisée le 25 novembre 2003 par Pfizer. L’objectif principal d’eTUD était de décrire la prise en charge diagnostique et thérapeutique des glaucomes et des hypertonies oculaires. Les objectifs secondaires étaient d’évaluer la satisfaction et l’observance des patients vis-à-vis de leur traitement, de décrire les techniques diagnostiques utilisées, les facteurs de risque de glaucome et le mode d’exercice des ophtalmologistes recrutés. Les résultats montrent, par rapport à la première enquête, que les patients consultent plus jeunes Images en Ophtalmologie • Vol. III • n° 2 • avril-mai-juin 2009 (57,3 ans contre 61 ans). L’utilisation des techniques de diagnostique (champ visuel, imagerie et gonioscopie) est très largement développée chez les ophtalmologistes. La majorité des patients consultent à un stade débutant et de plus en plus tôt dans l’évolution de la pathologie. L’âge du patient au moment du 1er traitement a diminué de 2 ans, ce qui constitue un réel progrès dans le dépistage et la prise en charge de cette pathologie, qui évolue à bas bruit. Quatre-vingt-quinze pour cent des patients ont au moins un facteur de risque : cardiovasculaire, antécédent familial de glaucome, myopie, diabète, ethnie noire. Le traitement débute, le plus souvent, au stade de l’hypertonie oculaire. La monothérapie reste prépondérante (50,7 % des cas), et les collyres antiglaucomateux les plus prescrits sont les prostaglandines. Les associations fixes (16,4 % des cas), les plus prescrites associent prostaglandines et bêtabloquants. Selon les médecins, 62 % des patients prennent leur traitement tous les jours, sans exception, et 79,6 % en sont satisfaits ou très satisfaits. La plupart des ophtalmologistes estiment que les patients et le grand public sont insuffisamment sensibilisés aux problèmes posés par le glaucome et l’hypertonie oculaire qui représentent, pourtant, 77,7 % des motifs de consultation. MP