Déficits Immunitaires primitifs G. Cozon Octobre 2011 Faculté de Médecine et de Maïeutique Lyon Sud Charles Mérieux Déficits Immunitaires primitifs • Les déficits immunitaires primitifs (DIP) vaste ensemble de maladies héréditaires • Plus de 200 déficits connus • Gènes et mécanismes moléculaires connus • Sondes moléculaires • compréhension du développement du système lymphoïde, des cellules phagocytaires et du fonctionnement du complément • Déficits = modèles expérimentaux naturels du rôle de certains gènes dans la physiologie Déficits Immunitaires primitifs • Déficit cellulaire T : Déficit immunitaire combiné sévère SCID • Déficit de la lignée B : déficit en anticorps • Déficit des phagocytes et du complément • Déficits de l’immunité innée • Pathologie auto-inflammatoire • Défaut de l’homéostasie du S. Imm Quand suspecter un déficit immunitaire ? • Enfant : – Répétition et la gravité des accidents infectieux. – Répétition de morts d'enfants en bas âge dans la fratrie • Adulte – une sensibilité accrue aux infections : répétition, fréquence et gravité des infections opportunistes et mauvaise réponse aux traitements Tableaux cliniques • Infections bactériennes récurrentes : déficit de la lignée B, des cellules phagocytaires ou des protéines du complément • Infections opportunistes à virus ou aux levures : déficit des cellules T. • Maladies inflammatoires ou auto-immunes • Développement de pathologies cancéreuses Déficit immunitaire combiné sévère SCID • • • • • • • rare 1/50-500 000 naissances Infections opportunistes Diminution ou absence de lymphocytes T absence d’immunité adaptative anomalie d’un des 10 gènes/ phénotypes Lymphopénie à la naissance (<2000/µl) Diminution des réponses prolifératives aux mitogènes, antigènes ou cellules allogéniques. • Phénotypage lymphocytaire T, B et NK SCID 4 phénotypes T-B+NK+ Déficit en chaîne a du récepteur d’IL-7 5p13 Déficit en chaîne d du CD3 11q23 Déficit en chaîne e du CD3 11q23 T-B+NKDéficit en chaîne gc lié à l’X Xq13.1 Déficit en CD45 1q31-1q32 Déficit en Janus kinase 3 (JAK3) 19p13.1 T-B-NK+ Déficit de la protéine du gène Artémis Mutation de la DNA-PKcs (JCI 2009) 10p13 Déficit en RAG1 ou RAG2 (gène d’activation de réarrangement) 11p13 T-B-NKDéficit en adénosine désaminase (ADA) 20q13.11 Nature Reviews Immunology 5, 880-892 (2005); Déficit de recombinaison somatique Déficit de l’immunité des lymphocytes T • • • • Déficit de développement Déficit d’activation Déficit de fonction Déficit de régulation Anomalies au cours de l’ontogénie T Nature Reviews Immunology 5, 880-892 (2005); Défaut de développement • Syndrome de DiGeorge – Anomalies thymique, cardiaque et parathyroïdienne (hypocalcémie), dysmorphisme facial – Diminution ou absence de lymphocytes T CD3+ par aplasie ou hypoplasie thymique – Localisation chromosomique : 22q11.2 (délétion fréquente 1/4000 naissances) – Défaut de la protéine TBX1, membre de la famille T-box transcription-factor, importante dans le développement des arc branchiaux. Dysmorphisme facial Cardiomégalie et absence thymus Patient Enfant sain Délétion d’une bande sur le bras long du ch 22 Déficit d’activation Déf. en CD3 Anémie hémolytique auto-immune et infections sévères. Pneumonies récurrentes à H. influenzae et otites 11q23 11q23 CD3G CD3E CD3D Déf. en classe I du CMH Diminution du nombre de lymphocytes T CD8+ 6p21.3 TAP1 TAP2 Tapasine Déf. en classe II du CMH Diarrhée persistante, pneumonie bactérienne, à P. carinii, infections virale et à candida, CD4+ abaissé 1q21.1 13q14 19q12 16p13 RFX5 RFXAP RFXANK CIITA Déf. LCK Infections bactérienne, virale et fongique, lymphopénie et hypogammaglobulinémie. 1p34.31p35 LCK Déf. ZAP70 ↓ nb CD8+, CD4+ Nl ou ↓ infections sévères récurrentes 2q12 ZAP70 Déf. CD8 Absence CD8+, infections respiratoires récurrentes 2p12 CD8A HIGM1 Pneumonie à P. carinii, infections à pyogènes,↑IgM, ↓ IgG ↓ IgA et IgE Xq26Xq27 CD40L HIGM3 Pneumonie à P. carinii infection à C. parvum 20q12-13 CD40 AD-EDA-ID Lymphocytose, absence T mémoire et non réponse des T naïfs 14q13 NFKBIA autosomal dominant ectodermal dysplasia with immunodeficiency; Déficit en classe I du CMH • Déficit en TAP1, TAP2 (15 cas en 2006) ou en Tapasine (1 cas) Déficit en classe II du CMH • Contrôle de l’expression des gènes de classes II du CMH par la région promotrice qui comporte des boites S, X, X2 et Y sensibles à des complexes hétérotrimères RFX (RFX5, RFXAP, RFXANK, CREB (cAMP-responsive element-binding protein), NF-Y) • Déficit en protéines RFX défaut d’expression des Ag de classe II : syndrome des lymphocytes nus (bare lymphocyte syndrome) Régulation de l’expression des antigènes de classe II du CMH Reith W, LeibundGut-Landmann S, Waldburger JM.Regulation of MHC class II gene expression by the class II transactivator. Nat Rev Immunol. 2005 Oct;:793-806. Déficit de fonction Syndrome lymphoprolifératif lié à l’X (XLP) Anomalie de SAP (SLAMassociated protein) codée par le gène SH2D1A en Xq25 SLAM : signalling lymphocytic activation molecule Prolifération T incontrôlée lors d’infection EBV, MNI fatale, élimination virale insuffisante, lymphome et hypogammaglobulinémie Déficit de régulation Déficit de l'immunité humorale chez l’enfant • Début clinique généralement au 6ème mois • Disparition des IgG maternelles • Infections à pyogènes touchant l'appareil respiratoire (ORL ou broncho-pulmonaire) • Hypoplasie des organes lymphoïdes (ganglions, amygdales). Déficit de l'immunité humorale chez l’adulte • Idem : infections à répétition ORL ou bronchopulmonaire. • Pneumonie ou méningites à pneumocoques, méningocoques ou haemophilus. • Risque de DDB, fibrose, emphysème et insuffisance respiratoire si diagnostic tardif (retard en moyenne de 4 ans). Autres manifestations • Arthrites et infections urinaires à Mycoplasma spp. • Infections ou parasitoses digestives (Giardia lamblia, Campylobacter jejuni), maladie inflammatoire de l’intestin (pseudo Crohn). • Ulcère chronique des membres inférieurs • Infections virales (HSV-1, VSV, HHV-8) • Manifestations auto-immunes (PTI, AHAI) • Syndromes lymphoprolifératifs Déficit Immunitaire Humoraux Agammaglobulinémie • 1 cas /200 000 naissances • Agammaglobulinémie de transmission liée à l’X. Le plus fqt Tyrosine kinase btk en Xq21.3. Garçon de 6 mois • Protéine détectable en WB et IF • détection possible de femme conductrice Agammaglobulinémie • Agammaglobulinémie de transmission autosomique récessive • - fqte : défaut de l5, Iga, Cµ, BLNK (protéine adaptatrice (B cell linker protein), LRRC8 (leucine-rich repeat containing 8 gene) Syndrome d’Hyper IgM (HIGM) • 1/500 000 naissances • Absence d’IgG, IgA et IgE • HIGM liée à l’X CD40ligand déficit humoral et cellulaire • HIGM autosomique récessif • défaut de CD40, de AID (activation induced cytidine deaminase) nécessaire à la commutation, ou de UNG (Uracyl nucleoside glycosylase) Syndromes Hyper IgM NEMO : Nuclear factor kB essential modulator –IKK-g AID : activation-induced cytidine deaminase UNG : Uracil DNA glycosylase CSR : class switch recombination SHM somatic hypermutation Déficits partiels en Ig • Déficit immunitaire commun variable ou hypogammaglobulinémie d’expression variable. 1/10-100 000 (mutations connues : gène TACI, BAFF-R, CD19,MSH5 et ICOS) • Déficit isolé en IgA • Déficit en sous-classes d’IgG • Défaut de production d’anticorps. Rôle de BAFF et APRIL • BAFF (appelé aussi BLyS/TALL-1) = B cell activity factor of the TNF family • APRIL = a proliferation inducing ligand • TACI = transmembrane activator and calcium modulator and cyclophilin ligand interactor. • BCMA = B cell maturation antigen • BR3 = BAFF-R Bilan clinique et paraclinique • Recherche d’ADP, d’organomégalie • NFP (lymphopénie, neutropénie, etc.) • Électrophorèse des protéines (hypo ou agammaglobulinémie) • Dosage pondéral des IgG, IgA et IgM • Phénotypage lymphocytaire • Dosage complément (CH50, C3, C4, etc.) Électrophorèse Bilan complémentaire • Phénotypage lymphocytaire – Fréquente inversion du rapport CD4/CD8 – Sans déficit en lymphocytes T CD4+ – Sous-populations B (CD19/20/21) normales • CD19+ CD27- IgD+IgM+ : B naïfs • CD19+ CD27+ IgD+IgM+: B mémoire non switché • CD19+ CD27+ IgD- IgM- : B mémoire switché • Réponse aux mitogènes (PWM) variable souvent abaissée • Production in vitro normale d’IgG • Défaut de coopération T/B Valeurs de référence des taux sériques d'immunoglobulines (g/l) en fonction de l'âge : moyenne et limites (+/- 2DS) Mois Ans 1 3-6 9-12 2-3 3-6 9-12 Adultes IgG 7,1 4,6 5,8 7 9,9 9,9 9,9 IgA (3,9-13) 0,05 (2,4-8,8) (3-10,9) (3,7-15,8) (4,9-16,1) (5,4-16,1) (5,4-16,1) 0,2 0,4 0,8 1 1,4 1,9 (0,02-0,15) (0,1-0,5) (0,2-0,7) IgM 0,2 (0,08-0,4) IgD 0-0,016 (0,3-1,3) (0,4-2,0) (0,7-2,5) (0,8-2,8) 1,3 1,3 1,1 1,2 (0,2-1,0) (0,6-2,1) (0,5-2,2) (0,5-2) (0,5-1,8) (0,5-1,9) 0-0,016 0-0,036 0-0,036 0-0,036 0-0.3 0,6 1,2 0-0,016 Traitement • • • • Déficit en IgG : perfusion d’IgG Toutes les 3 semaines en IV Toutes les semaines en SC Accidents, incidents But du traitement dans les DIP et DIS • Apporter une protection vis-à-vis des infections récidivantes. • Maintenir un taux d’IgG sérique protecteur • Taux protecteur ? – Clinique : absence d’infections avant la perfusion suivante – Biologique : taux résiduel avant substitution ; 5 à 6 g/l chez l’adulte, 8 g/L chez l’enfant. – Très variable selon les sujets (trou du répertoire des Ac). Cinétique des IgG IV ½ vie : 33 à 35 j Ballow, M., Berger, M., Bonilla, F. A., Buckley, R. H., Cunningham-Rundles, C. H., Fireman, P., Kaliner, M., Ochs, H. D., Skoda-Smith, S., Sweetser, M. T., Taki, H. & Lathia, C. Pharmacokinetics and tolerability of a new intravenous immunoglobulin preparation, IGIV-C, 10% (Gamunex™, 10%). Vox Sanguinis 84 (3), 202-210. Cinétique des IgG IV ½ vie variable selon les sous-classes - 36-37j +/- 9 à 14j pour IgG, G1, G2 - 29j +/- 10j pour IgG3 - 15,6 +/- 4,5j pour IgG4 Alyanakian, M.-A., Bernatowska, E., Scherrmann, J.-M., Aucouturier, P. & Poplavsky, J.-L. Pharmacokinetics of total immunoglobulin G and immunoglobulin G subclasses in patients undergoing replacement therapy for primary immunodeficiency syndromes. Vox Sanguinis 84 (3), 188-192. Cinétique des IgG IV Cinétique des IgG SC 12 patients adultes DIP - 0,2g/kg tous les 14j Résultats : - 6 effets adverses/144 infusions locaux 6, systémique 0. - ½ vie : 40,6 j pour IgG; 23,3 j pour Ac a-tetanos Gustafson R, Hammarström L, Hansen S, Leibl H, Lindén M. Pharmacokinetics and safety of Gammabulin S/D given subcutaneously to patients with PID. Poster presentation, Huddinge University Hospital. IXth Meeting of the European Society for Immunodeficiencies. Geneva 2000 https://www.immunedisease.com/EU/images/pdf/Poster_ESID =Geneva.pdf Accident incidents • Choc anaphylactique ou anaphylactoïde précoce lié à des IgG ou IgE anti-IgA (IgG IV). • Réactions fébriles, malaise, fièvre, céphalées etc… • Reprises des infections au bout de 15 jours • Réaction locale (IgG SC) Réaction locale faible Réaction locale modérée Effets secondaires Relations entre cinétique et signes cliniques • La mauvaise tolérance, sauf la réaction anaphylactique précoce, est liée a l’ascension brutale des Ac et leur liaisons avec des Ag présents d’ou une réaction inflammatoire. • Les infections sont liées à une consommation trop importante des Ac utiles et à leur taux insuffisant à distance de la perfusion (trou du répertoire des anticorps). Autres Déficits de l’Immunité • Déficit des polynucléaires • Déficit du complément – – – – Déficit en C1 inhibiteur oedème angioneurotique Déficit en C1q, C2, C4 MAI : LED Déficit en C3, C5 C6-C9 infections bactériennes Déficit en voie des lectines (mannose binding lectin) infection de l’enfance – Déficit en CD55 et CD59 hémoglobinurie paroxystique nocturne – Déficit en facteur H ou B syndrome hemolytique et urémique. Défaut de réparation de l’ADN avec mort cellulaire prématurée Ataxie-télangiectasie ATM(ataxia telangiectasia mutant) Syndrome de Nijmegen Nibrin Déficit en ligase I de l’ADN Syndrome de Bloom BLM DNA helicase DICSB- 11q22.3 8q21 15q26.1 Défaut de migration cellulaire Syndrome de Wiskott-Aldrich Défaut en adhésine leucocytaire de type 1 Défaut en adhésine leucocytaire de type 2 Défaut d’activation de la voie de destruction intracellulaire des pathogènes Susceptibilité aux infections mycobactériennes Défaut de destruction des pathogènes par métabolisme oxydatif Granulomatoses chroniques par défaut du cytochrome b558 Défaut de la voie cytolytique Lymphohistiocytose Syndrome de Chediak-Higashi Syndrome de Griscelli Syndrome prolifératif lié à l’X hématophagocytique familial Défaut d’apoptose des lymphocytes Déficit en IL2Ra Syndrome prolifératif auto-immun (ALPS) WASP Chaîne [CD18] des intégrines FUCT1 (fucose transporter) Xp11.22-11.23 21q22.3 11p11.2 IFNgR1, IFNgR2 IL1240, IL12R1 6q22-23 21q22.1-q22.2 5q31-q33 19p13.1 CYBB gp91PHOX CYBA gp22PHOX NCF1 p47PHOX NCF2 gp67PHOX Xp21.1 16q24 7q11.23 1q25 Perforine Lyst (lysosomal trafficking regulator) RAB27A SH2D1A 10q22 1q42-43 IL2RA FAS , TNFRSF6 Caspase 10 11p13 10q24.1 2q33-q34 15q15-q21.1 Xq25 Immunité anti-mycobactéries Déficit en cytokines de type 1 van de Vosse E, van Dissel JT, Ottenhoff TH Genetic deficiencies of innate immune signalling in human infectious disease.. Lancet Infect Dis. 2009 ;9):688-98. Déficit en protéines de signalisation de l’I. innée Nouveaux déficits décrits récemment • Déficit immunitaire combiné – Déficit en AK2 – Déficit en DNA-PK – Déficit en Coronin 1A – Déficit en Dock8 – Déficit en STIM1 – Défit en ITK – Déficit hypomorphe en ZAP70 – Déficit hypomorphe RAG1/RAG2 • Déficit immunitaire humoral – Déficit en PMS2 – Déficit en BAFF-R • Déficits immunitaires phagocytaires – Déficit en p40 – Déficit en Kindlin3 – Déficit en G6CP3 • Déficits du complément - Déficit en Ficolin • Déficits immunitaires innée - Déficit en MyD88 - Déficit en CAD9 - Déficit en Dectin-1 • Pathologie auto-inflammatoire - Déficit en IL1-R antagoniste • Défaut de l’homéostasie du S. Imm - Déficit en Munc18-2 ou STXBP2 Signes d’alerte d’un DIP chez l’enfant • • • • • • • 1) Plus de 8 otites par an 2) Plus de 2 sinusites par an 3) Plus de 3 mois d’AB par an 4) 2 pneumonies par an 5) ralentissement de la croissance 6) des épisodes de forte fièvre 7) Une infection persistante par des levures dans la bouche ou sur la peau • 8) la nécessité d’un Tt AB par voie IV • 9) 2 infections sévères dans l’année • 10) des cas connus de DIP dans la famille Signes d’alerte d’un DIP chez l’adulte • • • • • • • • • • • 1) Plus de 8 otites par an 2) Plus de 2 sinusites aiguës ou chronique par an 3) Plus de 2 mois d’AB par an ou AB par voie IV 4) 2 pneumopathies par an 5) Diarrhée chronique avec perte de poids 6) Épisodes de fièvre importante inexpliquée 7) Mycose cutanéo-muqueuse persistante 8) 2 infections sévères dans l’année 9) des cas connus de DIP dans la famille 10) M. autoimmunes et/ou granulomatose 11) Infections virales répétées ou chroniques (Herpès, zona, verrues, aphtes, condylome, infections génitales chez la femme • 12 Dilatation des bronches et/ou bronchites répétées sans cause reconnue Conclusions • Très nombreux tableaux cliniques • Savoir y penser devant des signes d’appel pour éviter une évolution vers des troubles irréversibles