mayo c. prometheus

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MAYO C. PROMETHEUS
Comment la Cour Suprême des Etats Unis d’Amérique vient marquer la différence entre
une invention brevetable et une découverte scientifique, créant de nouvelles difficultés
pour protéger les inventions dans le domaine du diagnostic dans ce pays.
Par Franck TETAZ
Associé
Conseil en Propriété Industrielle
Responsable du bureau de Lyon
Cabinet REGIMBEAU
Dans sa décision du 20 mars
2012, la Cour Suprême des
Etats Unis décide que les
revendications d’un brevet US
6,325,623 de la société
PROMETHEUS ne définissent
pas un procédé brevetable pour défaut
d’utilité au sens de l’article 101 de la loi sur
les brevets (35 USC 101).
L’exigence d’utilité d’une invention est une
différence fondamentale entre le droit US des
brevets et celui appliqué dans le reste du
monde.
Les points communs sont les exigences de
nouveauté et d’activité inventive qui ne se
distinguent pour l’essentiel que dans la
manière dont ils sont interprétés.
Les différences fondamentales concernent la
manière dont sont définies les inventions
brevetables
et
les
exclusions
de
la
brevetabilité.
En Europe, sont brevetables les inventions
nouvelles, impliquant une activité inventive et
susceptibles d’application industrielle. La loi
précise juste une liste d’inventions ou
d’innovations qui sont exclues du champ de
protection par brevet comme les découvertes,
les théories scientifiques, les méthodes
mathématiques, les méthodes dans le domaine
des activités économiques, les programmes
d’ordinateurs
ou
la
présentation
d’informations.
Aux Etats Unis, la seule exigence consiste à
identifier un produit ou un procédé utile,
aucune exclusion n’étant prévue par principe.
Les juridictions US ont longtemps eu une
attitude plutôt libérale dans l’interprétation de
ce qui est utile. Dès lors que l’invention
pouvait se définir sous forme de procédé ou de
produit et avait une application utile à la
société elle pouvait faire l’objet d’un brevet.
Se sont alors multipliés les brevets sur des
méthodes économiques ou des présentations
d’informations qui étaient souvent de simples
améliorations de méthodes connues grâce à la
puissance
de
calcul
des
ordinateurs
d’aujourd’hui, voire leur simple adaptation au
monde de l’Internet, jusqu’à ce que des
brevets mettent en péril l’équilibre de la netéconomie sur le territoire des Etats-Unis
lorsque la société e-Bay fut déclarée
contrefacteur d’un brevet couvrant le principe
du e-commerce et que la Cour Suprême se
saisisse d’un cas particulier pour légiférer sur
la question.
Le 28 juin 2010, la décision BILSKI c. KAPOS
statuant sur une demande de brevet relative à
une méthode économique par ordinateur vient
rappeler que malgré une définition très large
des inventions brevetables dans la loi, sont
exclus de la protection par brevet les « lois
naturelles », les « phénomènes physiques » et
les « idées abstraites » (law of nature, physical
phenomena and abstract ideas).
MAYO c. PROMETHEUS
Franck TETAZ – Avril 2012
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La
décision
MAYO
c.
PROMETHEUS se situe dans
la lignée de BILSKI c. KAPOS
en ce sens qu’elle vient
préciser son interprétation
de l’exclusion de la brevetabilité pour les « lois
naturelles » dans un contexte de contentieux
générés par des brevets susceptibles d’affecter
les intérêts de la société U.S. en matière de
santé publique (affaire Myriad Genetics
notamment).
Le brevet en question cherche à protéger une
méthode pour optimiser le traitement d’un
patient atteint d’une affection immunitaire du
système gastro-intestinal comprenant les
étapes de :
a) Administrer un médicament procurant
de la 6-thioguanidine à une personne
atteinte de l’affection gastro-intestinale, et
b) Déterminer
le
niveau
de
6thioguanidine chez ce patient
dans laquelle :
o un niveau de 6-thioguanidine inférieur
à un premier seuil signifie le besoin
d’augmenter la dose de médicament
pour une nouvelle administration et
o un niveau de 6-thioguanidine supérieur
à un second seuil signifie le besoin de
diminuer la dose de médicament pour
une nouvelle administration.
La Cour Suprême considère que :
• la relation seuil de 6-thioguanidine/dose de
médicament est une loi naturelle, la
revendication venant informer les praticiens
de l’existence de la loi naturelle et, au
mieux, les informant de l’intérêt à suivre
cette loi pour traiter leurs patients
• l’acte d’administrer le médicament (étape
a) consiste simplement à identifier la
population concernée par le traitement,
population
préexistante
puisque
le
traitement de l’affection par le médicament
était déjà connu, et
• l’acte de déterminer le niveau de 6thioguanidine (étape b) informe le praticien
de faire cette mesure quelle que soit la
méthode employée. En d’autres termes, la Cour Suprême résume
l’invention en l’information d’une audience
particulière sur l’existence d’une loi naturelle,
toutes les autres étapes étant des étapes de
routine bien connues et conventionnelles qui
combinées
n’apportent
pas
d’éléments
significativement différents de la somme de
ces étapes prises séparément.
Lorsque l’invention réside dans la mise en
évidence d’un phénomène naturel, le simple
fait d’intégrer l’application de ce phénomène
naturel à une méthode usuelle de diagnostic
consistant à prélever un échantillon et faire
l’analyse nécessaire pour confronter son
résultat à la règle établie pour le phénomène
naturel ne devrait pas suffire à identifier une
invention utile au sens de l’article 101 de la loi
US sur les brevets.
Cette décision vient créer
de nouvelles difficultés
pour la protection aux Etats
Unis de méthodes de
diagnostic ou de diagnostic
compagnon basées sur des
observations de phénomènes naturels simples
associés à une pathologie particulière comme
l’existence d’une mutation génétique ou la
présence d’un biomarqueur.
Elle vient rappeler que le système des brevets
a d’abord été conçu pour accompagner les
activités industrielles, favorisant la libre
circulation des idées et des théories
scientifiques.
Elle affectera d’autant plus les organismes de
recherche académique qui sont souvent à
l’origine de la mise en évidence de telles
observations de phénomènes naturels mais
participent rarement à leur développement
industriel.
Elle affecte autant les brevets déjà délivrés
que les demandes déposées en cours d’examen
pour
lesquels
des
modifications
des
revendications peuvent être envisagées. Pour
les demandes qui ne sont pas encore déposées,
un travail spécifique de description de
méthodes plus concrètes de mise en œuvre de
l’invention devra être réalisé pour trouver le
support d’une revendication acceptable.
MAYO c. PROMETHEUS
Franck TETAZ – Avril 2012
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Elle s’impose immédiatement aux examinateurs
de l’Office US des Brevets et nous suivrons avec
attention leurs premières objections s’y
référant pour développer et affiner des
solutions permettant d’y répondre.
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Nous sommes à votre disposition pour étudier
toute question particulière que vous vous
poseriez vis-à-vis de vos inventions dans ce
domaine.
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Paris, le 25 avril 2012.
Par Franck TETAZ ([email protected]),
Associé
Conseil en Propriété Industrielle
Responsable de l’agence de Lyon
A propos de l’auteur :
Franck TETAZ a été responsable du département propriété industrielle d’Aventis CropScience à Lyon,
plus particulièrement en charge des biotechnologies et de la génomique. Il a développé une
expérience particulière du contentieux PI aux Etats-Unis (procès devant jurys et procédures
d’arbitrage).
Il est aujourd’hui Associé et responsable de l’agence lyonnaise du Cabinet Regimbeau.
A propos du Cabinet REGIMBEAU :
Le Cabinet Regimbeau, Conseil en Propriété Industrielle, accompagne depuis 80 ans les entreprises et
les porteurs de projets des secteurs privés et publics, pour la protection, la valorisation et la
rentabilisation de leurs innovations (brevets, marques, dessins et modèles). 9 associés animent une
équipe de près de 200 personnes, dont les compétences s'exercent dans tous les aspects stratégiques
de la propriété industrielle: veille technologique, contrats de licence, audit de portefeuilles de PI,
négociations dans le cadre de partenariat, acquisition des droits, contentieux. L’expertise du Cabinet
Regimbeau (présent à Paris, Rennes, Lyon, Grenoble, Montpellier, Caen, Toulouse et Munich) permet
de répondre à des logiques stratégiques internationales, tout en préservant des relations
personnalisées de très haute qualité avec ses clients.
MAYO c. PROMETHEUS
Franck TETAZ – Avril 2012
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