DANS LA ROME

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DANS LA ROME
DES CÉSARS
GILLES CHAILLET
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DANS LA ROME DES CÉSARS
de GILLES CHAILLET
Peu de villes, comme Rome, sont à tel point le reflet de
la civilisation qui les a vues naître, s’épanouir et arriver
à maturité. Ses rues, ses places, ses monuments
gardent encore aujourd’hui les vestiges du faste d’un
temps où les Romains étaient les maîtres du monde.
Une époque où Rome était devenue le paradigme de la
ville idéale, admirée, imitée, mais jamais égalée.
ROME, VILLE
L’EMPIRE
Le mythe des origines
Selon une tradition légendaire, l’histoire de la ville de Rome
prendrait racine dans la guerre de Troie, ce qui donnerait à
ses habitants un arbre généalogique aussi ancien que celui
des Grecs. Lors de l’incendie de Troie par les Grecs, le prince
Énée parvient à s’enfuir de la ville, accompagné de son père
Anchise, de son fils Ascagne-Iule et d’un certain nombre de
ses compatriotes. Après avoir pérégriné dans tout le bassin
méditerranéen, les Troyens fugitifs arrivent au Latium et
font alliance avec le roi de l’endroit, Latinus. Cette alliance
est scellée par l’union d’Énée et de la princesse Lavinia, qui
donne son nom à la première cité fondée par les Troyens
sur le sol italien, Lavinium. Trente ans plus tard, Ascagne,
fils d’Énée, fonde à son tour une autre ville dans le Latium,
Albe-la-Longue, et ses descendants règnent sur cette région
pendant quatre siècles.
Au VIIIe siècle av. J.-C., deux frères ennemis, Numitor et
Amulius, se disputent le trône. Amulius chasse Numitor,
s’empare du pouvoir et, lorsque sa nièce Rhéa Silva, enceinte
par les œuvres du dieu Mars, met au monde des jumeaux,
il ordonne que les nourrissons Romulus et Remus soient
abandonnés dans le lit du fleuve Tibre. Mais, attirée par les
vagissements des bébés, une louve les recueille et les nourrit
dans la grotte du Lupercal, au pied du Palatin. Parvenus à
l’âge adulte, Romulus et Remus reviennent à Albe,
rétablissent sur le trône leur grand-père Numitor et s’en
vont fonder une ville en 753 av. J.-C.
La légende veut qu’ils choisissent pour ce faire le site où la
louve les avait nourris. Afin de déterminer l’emplacement
précis de leur fondation, les jumeaux prennent l’avis des
dieux par les auspices, mais ils finissent par se quereller
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pour savoir à qui reviendra l’honneur de tracer l’enceinte
de la nouvelle cité. Considérant que les auspices sont en sa
faveur, Romulus détermine le «pomoerium» ou enceinte
sacrée : à l’aide d’une charrue tirée par une vache et un
taureau blanc, il trace un sillon en soulevant l’attelage à
l’emplacement des futures portes. Furieux de cette initiative,
Remus saute par-dessus le fossé du pomoerium, et, pour
punition de cette provocation sacrilège, est tué par son frère.
Romulus reste donc seul maître du site de Rome. Il décide
alors que la nouvelle ville sera un «asyle», c’est-à-dire un
refuge pour tous les exilés ou les malfaiteurs chassés de
leur patrie. Les premiers habitants auraient donc été des
délinquants.
Or, l’avenir de Rome est tributaire de la naissance d’enfants
qui assumeront l’héritage des fondateurs. Aussi, les
compagnons de Romulus enlèvent les filles de leurs voisins
Sabins pour en faire leurs épouses, ce qui provoque une
guerre entre Romains et Sabins. Le conflit se termine grâce
à l’intervention des femmes sabines qui s’interposent entre
leurs pères et leurs maris. Désormais, Romulus partage le
pouvoir avec le roi sabin Titus Tatius. Après lui, trois rois
latino-sabins se seraient succédés sur le trône de Rome :
Numa Pompilius, qui aurait organisé la vie religieuse instituant
le culte et fondant les collèges des sacerdoces, et réformé le
calendrier en divisant l’année en douze mois ; Tullus Hostilius,
qui aurait détruit la ville rivale, Albe-la-Longue, ce qui permit
d’étendre la domination de Rome ; et Ancus Martius, qui
aurait entrepris la construction du premier pont sur le Tibre
et fondé la colonie d’Ostie dans son embouchure, procurant
ainsi un débouché maritime à Rome. À la fin du VIIe siècle,
un émigré appelé Lucumon, originaire de la ville étrusque
de Tarquinia, s’installe à Rome et est élu roi sous le nom de
Tarquin l’Ancien, mettant ainsi fin à la royauté latino-sabine
et inaugurant une lignée de rois étrusques sous le règne
desquels Rome ne cessera de prospérer.
IMPÉRIALE
Une légende aux fondements
historiques avérés
S’il est vrai que le mythe tient une large place dans les récits
consacrés à la fondation de la ville de Rome, ces histoires
traduisent d’une manière plus ou moins codée
des réalités confirmées par des découvertes
archéologiques. Au milieu du IIe
millénaire av. J.-C., grosso modo
au moment où la légende situe
l’occupation du Latium par
Énée, des peuples indoeuropéens arrivent en Italie et
s’installent dans les monts
Albains et sur les collines de
la future Rome – au pied
desquelles se trouvent à
l’époque
encore
des
marécages. Il y aurait eu trois
villages sur le Palatin, puis trois
sur l’Esquilin et enfin un sur le
Coelius. Au VIIe siècle, ces villages
s’unissent pour former une
coalition. Ce n’est pas encore une
cité à proprement parler, mais
les villages entretiennent entre
eux des liens religieux,
consacrés par un sacrifice offert
en l’honneur des Montes. Cette
Ligue septimontiale laisse de
côté le Capitole, le Quirinal et
le Viminal, des Colles occupés
sans doute par un autre
groupement, les Sabins.
INTERVIEW RÉALISÉE PAR
RICARDO ALVAREZ
Aux VIIe-VIe siècles, la péninsule italienne est occupée en
partie par un peuple non indo-européen, les Étrusques. Les
villages des ligues latines et sabine se trouvent sur le Tibre,
tête de pont à proximité de deux grandes villes étrusques,
Véies et Fidènes, ce qui donne au site de la future Rome un
intérêt stratégique incontestable. C’est probablement au VIIe
siècle que les Étrusques investissent ce site et réunissent les
villages des deux ligues en fondant une ville. Ils placent
cette cité sous la direction d’un lucumon, c’est-à-dire
un chef, ce que les Romains auraient interprété
plus tard comme un nom propre, celui du
premier roi étrusque. La ville de Rome est
donc une fondation étrusque intégrant des
peuples sabino-latins déjà installés sur le site.
Les Romains n’ont d’ailleurs jamais nié la
domination étrusque ; ils l’ont simplement
fait entrer dans le cadre d’une ville déjà
fondée et constituée, affirmant ainsi leur
prééminence vis-à-vis de leurs dominateurs.
La royauté
La tradition parle de trois rois étrusques : Tarquin
l’Ancien (617-579), Servius Tullius (579-535)
et Tarquin le Superbe (535-509). Pendant les
années de leur règne, Rome cesse d’être un
simple centre agricole et pastoral et devient
une ville commerciale et artisanale puissante
aux dimensions imposantes, dépassant en
extension les principales villes du Latium et
de l’Étrurie : elle est renforcée par une solide
enceinte de murs et s’embellit de temples et
d’édifices publics.
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Le cadre primitif de cette Rome royale est constitué par les
Gentes, ou clans de tous ceux qui se rattachent à un même
ancêtre et ont en commun le sang, le nom, la religion, ainsi
que l’assistance des clientèles qui dépendent d’eux. La
société est divisée en deux strates : patriciens, membres
des familles les plus riches, et plébéiens qui constituent les
couches les plus humbles de la population. Le roi cumule
les fonctions judiciaires, religieuses, politiques et militaires,
mais une certaine autorité est laissée à deux organes
consultatifs : le sénat, formé des chefs des familles les plus
importantes, et les comices curiates ou assemblée générale
des citoyens ; ces derniers, contrôlés par les patriciens,
étaient subdivisés en trente curies regroupées en trois tribus.
Postérieurement, Servius Tullius tentera de limiter le pouvoir
des patriciens et de favoriser l’ascension sociale des nouveaux
riches en instituant des comices centuriates, fondées sur la
division en centuries selon le cens.
La République
La royauté étrusque se termine tragiquement, avec le tyran
Tarquin le Superbe. Un de ses neveux, en violant Lucrèce,
épouse du noble Collatinus, provoque la révolte des
Romains : dirigés par Brutus, ils renversent la monarchie
et installent une nouvelle forme de gouvernement, la
République, en 509 av. J.-C.
Le premier siècle de la République romaine est marqué par
l’affrontement de deux groupes des habitants de Rome :
les patriciens et les plébéiens. À l’époque, Rome n’était pas
une cité pourvue d’institutions communes à tous ses
habitants. Les patriciens détenaient le monopole des
magistratures, des pouvoirs militaires, des actes religieux
et du sénat ; face à eux se trouvait la plèbe, qui était
inorganisée et ne possédait aucun droit. Petit à petit, la
plèbe prend conscience de sa capacité politique et des
instruments dont elle dispose pour s’affirmer. Les patriciens
refusant de partager leurs privilèges, les plébéiens se retirent
sur le mont Aventin en 494 ou 493 et menacent de se
séparer définitivement des patriciens pour fonder leur propre
ville. Le consul Ménénius Agrippa les convainc de renoncer
à leur projet. En échange, ils obtiennent la création des
«tribuns de la plèbe», représentants et défenseurs des
plébéiens qui pourront exprimer leur volonté en votant des
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LA SOCIÉTÉ EST
DIVISÉE EN
DEUX STRATES :
PATRICIENS,
MEMBRES
DES FAMILLES
LES PLUS
RICHES, ET
PLÉBÉIENS QUI
CONSTITUENT
LES COUCHES
LES PLUS
HUMBLES
DE LA
POPULATION.
«plébiscites». Les revendications des plébéiens ne s’arrêtent
pas là. Les lois étant secrètes et connues uniquement des
pontifes et des magistrats patriciens, ils réclament la
publication d’un code de lois écrites, la loi des Douze Tables.
Progressivement, les plébéiens obtiennent également l’accès
aux charges politiques. Ainsi, Rome progresse d’un pouvoir
royal unique à un État républicain bâti sur des charges
partagées. Par leurs luttes, les plébéiens sont
progressivement intégrés dans la cité. Cependant, seule une
minorité bénéficie de cette ouverture politique. Le clivage
originel patriciens-plébéiens disparaît, mais une nouvelle
fissure fait son apparition entre ceux qui détiennent pouvoir
et richesse (patriciens et plébéiens aisés) et le reste du
peuple romain.
À peine consolidée, la jeune république doit aussitôt se
défendre contre les attaques de ses voisins et se découvre
très vite une vocation expansionniste qui l’amènera, en
l’espace de deux siècles, à dominer toute la péninsule.
L’ascension politique et militaire de Rome est double. Elle
s’affirme d’abord dans le Latium, puis dans toute la péninsule,
contre les Étrusques au nord, contre les Sabelles, les
Ombriens, les Samnites, les Campaniens et les villes grecques
du sud. Au moment de la chute de la royauté, Rome se
trouve à la tête d’une ligue de peuples latins. Ces peuples
sont environnés d’ennemis : les Volsques, établis dans les
monts Albains ; les Eques, installés dans la région de Tibur
et de Prénestre, et les Sabins, occupant le nord du Latium.
Des conflits provoqués par l’occupation d’un terrain ou par
des razzias menées sur les troupeaux ou les biens d’un voisin
ne cessent de se produire, jusqu’à ce que, vers 430, les
Latins et les Romains parviennent à contrôler les Volsques
et les Eques. Un autre problème de voisinage se pose à
Rome par la présence des Étrusques au nord du Tibre, et
plus précisément par l’existence des villes de Fidènes et de
Véies, qui contrôlent le passage du fleuve et contrarient le
commerce romain. Rome détruit Fidènes et 425 et, après
un difficile siège de dix ans, anéantit Véies en 396, obtenant
ainsi le monopole du trafic sur le Tibre.
Une fois les adversaires du Nord éliminés, Rome se tourne
vers le Sud, où se trouvent les Samnites, puissant peuple
du sud des Apennins. Entre 343 et 290, elle livre trois
guerres contre les Samnites, qui aboutissent à la formation
d’un État fédéral romain-latin, contrôlant un vaste territoire
où prospèrent de nombreuses colonies. Les victoires sur les
Samnites ouvrent la voie vers le Sud de l’Italie, la Grande
Grèce, qui est absorbée en 272 dans les possessions
romaines. Après la prise en 265 de la dernière ville étrusque
encore libre, Volsinies, Rome est maîtresse de la péninsule,
de l’Arno et du Rubicon au nord au détroit de Messine au
sud.
Souveraine de l’Italie, Rome veut maintenant devenir une
puissance méditerranéenne. Or la colonie phénicienne de
Carthage, fondée à la fin du IXe siècle av. J.-C., contrôle les
routes maritimes vers l’ouest et détient le monopole
incontesté du commerce occidental. La rivalité entre les
deux puissances débute en Sicile, où habitent des Grecs qui
étaient depuis toujours les adversaires des Carthaginois et
qui avaient passé des alliances avec leurs compatriotes du
Sud de l’Italie, désormais entrés dans l’orbite de Rome. Cette
situation conduit fatalement à l’affrontement. Les guerres
puniques dureront plusieurs dizaines d’années et verront
les Romains et les Carthaginois se battre tant sur mer que
sur terre. Au cours de la première guerre punique (264241), sans doute la plus cruelle et la plus violente, a lieu la
bataille navale de Myles (260) qui, avec celle des îles Égates
en 241, permet aux Romains de conquérir successivement
la Sicile, la Sardaigne et la Corse. La deuxième guerre
punique (219-201) est dominée par la personnalité
exceptionnelle d’Hannibal. Élevé depuis sa plus tendre
enfance dans la haine des Romains, Hannibal attaque la
ville espagnole de Sagonte, alliée de Rome, remonte de
l’Espagne vers la Gaule, franchit les Alpes, débarque à
l’improviste dans le nord de l’Italie, remporte les victoires
du Tessin, de Trébie, de Trasimène et, en progressant vers
le sud de la péninsule, il pulvérise les forces romaines près
de Cannes. Seule l’intervention des Scipions, Publius Cornelius
l’Africain en particulier, détermine un renversement de la
situation en faveur de Rome, qui bat Carthage lors de la
bataille décisive de Zama en 202.
Prétextant un conflit entre les Carthaginois et le roi numide
Massinissa, Scipion Émilien, petit-fils du vainqueur de Zama,
donne le signal de l’ultime conflit. Après un siège atroce,
Carthage est prise en 146, incendiée et rasée, et l’Afrique
devient une province romaine. Par la suite, les Romains se
lanceront dans une série d’offensives diplomatiques et
militaires contre les autres royaumes orientaux (Macédoine,
Syrie, Égypte) qui, de 201 à 133 av. J.-C., fera d’eux les
maîtres de toute la Méditerranée.
LA CRISE DE
LA RÉPUBLIQUE
Rome domine désormais la Méditerranée, mais seule une
petite partie de la population (les oligarques) tirent parti de
cette situation. La conquête de nouveaux territoires suscite
des problèmes agraires, au centre de conflits et de guerres
civiles qui entraîneront l’effondrement la République. Les
terres appartenant à l’État romain à la suite des guerres
sont accaparées par la noblesse, tandis que les petits
propriétaires terriens, retenus pendant de nombreuses
années dans les zones des combats, n’ont plus les moyens
à leur retour au pays de remettre en état leurs terres laissées
en friche. Leur situation s’aggrave lorsqu’ils doivent faire
face à la concurrence des produits provenant des territoires
conquis. Ils finissent par quitter leurs domaines pour
s’installer à Rome avec leur famille, grossissant une plèbe
urbaine miséreuse.
Afin de trouver une solution à cette situation fort
préoccupante, le tribun de la plèbe Tiberius Graccus présente
en 133 une loi agraire limitant la possession des terres à
125 hectares par citoyen ; ceux qui en détiendraient plus
s’en verraient dépossédés, et ce surplus serait redistribué
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aux citoyens de la plèbe. La loi est votée, mais pendant l’été
133 Tiberius et trois cents de ses partisans sont assassinés
par les sénateurs. Le flambeau est repris par son frère cadet
Caius, élu tribun de la plèbe en 123. Il fait voter une série
de lois destinées à réformer les institutions romaines,
devenues inadaptées à la taille de l’Empire, mais les
sénateurs, menacés dans leurs intérêts, s’arrangent pour le
faire abattre au cours d’une émeute. Les lois des Gracques
sont rapidement abandonnées, et la noblesse poursuit son
enrichissement. Cependant, une nouvelle tendance politique
apparaît dans les rangs de la noblesse, celle des Populares,
partisans des réformes, face aux Optimates, le clan des
sénateurs conservateurs attachés à leurs privilèges.
En 112, Rome doit faire face au prince numide Jugurtha.
Or, les différents généraux envoyés en Afrique le combattre
font preuve d’incapacité, lorsqu’ils ne se font pas tout
bonnement acheter par l’ennemi. Les Populares et la plèbe
trouvent dans la personne de Marius, militaire incorruptible
se réclamant des Gracques, le personnage de la situation.
Élu au consulat pour l’année 107, il fait voter une réforme
militaire révolutionnaire. Il supprime l’obligation du cens
minimum exigé pour servir dans la légion, ce qui permet
aux prolétaires de Rome, jusqu’alors écartés du service, de
s’enrôler. Il constitue ainsi une armée de métier formée par
des hommes pour lesquels le service est le seul moyen de
vivre. Entièrement dévoués à leurs chefs, ils joueront un rôle
décisif dans l’accession au pouvoir de Sylla, de Pompée et
de César.
En 88, Rome se trouve contrainte d’entreprendre une
expédition militaire contre Mithridate, roi du Pont, qui essaye
d’affermir sa domination en Orient et fait assassiner tous
les commerçants italiens d’Asie Mineure. Pour mener
cette guerre, le Sénat élit Sylla, adversaire acharné
des Populares, mais ceux-ci, par plébiscite, font
transférer le pouvoir entre les mains du vieux
Marius. Sylla, qui se trouve déjà à Capoue avec
ses légions, revient à Rome et pénètre dans
la ville à la tête de ses légionnaires. Pour
la première fois, un général se permet
de bafouer les lois les plus saintes de
la cité, suivi sans hésitation par une
armée dévouée à son chef. Ensuite
il repart pour l’Orient, où il va
mener ses opérations de 87 à 83.
Les partisans de Marius, sous
l’impulsion du consul Cinna,
profiteront de cette absence pour
reprendre le pouvoir et massacrer
leurs
adversaires.
Ils
monopolisent tous les pouvoirs
pendant ces cinq années. Le
retour de Sylla en Italie après avoir
remporté la guerre contre
Mithridate provoque une guerre
civile entre les deux camps qui
durera près de deux ans. En 82,
Sylla met le siège devant Rome et
entre pour la deuxième fois dans
la cité avec ses troupes. Maître de
la situation, il se fait plébisciter
comme dictateur pour une durée
illimitée, et profite de son pouvoir pour
modifier profondément les institutions
romaines, en diminuant les pouvoirs du
Sénat et des tribuns de la plèbe.
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Les triumvirats
Dans cette situation de crise du régime républicain et d’échec
des institutions, les forces militaires et les hommes qui les
commandent acquièrent un pouvoir grandissant : Pompée,
vainqueur de Sertorius, général romain qui avait installé un
État indépendant en Espagne, de Mithridate, roi du Pont, et
de Tigrane, roi d’Arménie ; Crassus, qui était venu à bout de
la révolte des gladiateurs menée par le Thrace Spartacus ; et
César, d’origine patricienne et grand orateur. En 60, les trois
hommes constituent un triumvirat afin de s’emparer des postes
clés de la République et de lutter contre l’oligarchie des
Optimates.
En 59, César obtient un imperium pour cinq ans en Gaule
Cisalpine et Transalpine, ce qui lui permet de mener pendant
six ans une guerre brillante contre les régions gauloises encore
indépendantes. Crassus, qui s’est lancé dans une expédition
punitive contre les Parthes, meurt dans la défaite de Carrhes
où sont anéanties sept légions. Pompée reste seul maître à
la capitale et il obtient d’être nommé consul unique, ce qui
fait de lui une sorte de prince qui dirige Rome de 52 à 49.
Pour réduire César, dont la renommée monte d’un cran après
sa victoire sur Vercingétorix, Pompée fait voter en janvier 49
un sénatus-consulte ordonnant à César de licencier ses troupes
et de rentrer à Rome. Loin d’obéir, César fait franchir à ses
hommes le Rubicon, petit fleuve qui marque la frontière
symbolique de l’Italie, et livre bataille à Pompée et à ses
partisans. Pompée se replie sur la Macédoine, où César le
poursuit et le vainc définitivement lors la bataille de Pharsale.
Débarrassé de son adversaire, César s’emploie à s’assurer la
domination du monde méditerranéen. Il se fait attribuer tous
les pouvoirs. En 48, il reçoit le titre de dictateur constituant
pour un an ; en 47, il est élu consul pour cinq ans et, l’année
suivante, il cumule la dictature et le consulat pour dix ans.
Alors qu’il vient d’être nommé dictateur à vie, il est assassiné
aux Ides de Mars 44 (15 mars) par une coalition de
républicains désireux de défendre la liberté romaine contre
celui qui est devenu un véritable roi.
En octobre 43, après des semaines de grande confusion,
un nouveau triumvirat prend le pouvoir, formé par Octave,
fils adoptif de César, Marc-Antoine, ami du dictateur
assassiné, et Lépide, chef de la cavalerie. Les trois hommes
fixent les zones d’influence de chacun : Octave prend en
charge les provinces d’Occident, Lépide l’Afrique et MarcAntoine l’Orient ; ce dernier s’installe en Égypte et devient
l’amant de la reine Cléopâtre. En 36, Lépide est frappé d’une
mesure d’exil pour avoir prêté main forte au gouverneur de
Sicile qui s’était constitué un véritable empire maritime et
se livrait à des raids de piraterie. Une rivalité s’installe entre
Octave et Marc-Antoine, chacun rêvant d’éliminer l’autre
pour devenir le seul maître des Romains. En 31, Octave
déclare la guerre à la reine d’Égypte. Le 2 septembre, les
flottes des deux belligérants s’affrontent dans le golfe
d’Ambracie, en Grèce. Le combat, tout d’abord incertain,
tourne en faveur d’Octave. Marc-Antoine capitule et se donne
la mort, ainsi que Cléopâtre, à Alexandrie. L’empire est
désormais entre les mains d’un seul homme.
L’EMPIRE
Après sa victoire, et faisant preuve d’une habilité extrême,
Octave va transformer les institutions romaines pour mettre
en place ce que l’on appelle le Principat, puis l’Empire à
partir du IIe siècle. Cet homme à la santé fragile gouvernera
pendant plus de quarante ans et imposera par la persuasion
plus que par la contrainte un nouveau système politique. Il
maintient les institutions républicaines (Sénat, magistratures,
comices) mais leur enlève une partie de leurs prérogatives.
Le prince cumule les fonctions de chef de l’exécutif, des
armées, des provinces, de la religion, ainsi que celles de
tribun de la plèbe, de censeur, de juge suprême et de
législateur. Il ne s’agit pas à proprement parler d’un système
monarchique traditionnel, fondé sur le pouvoir arbitraire
d’un seul homme mais, tout en conservant l’appareil
républicain, il confisque progressivement tous les pouvoirs.
APRÈS SA
VICTOIRE, ET
FAISANT PREUVE
D’UNE HABILITÉ
EXTRÊME,
OCTAVE VA
TRANSFORMER
LES
INSTITUTIONS
ROMAINES POUR
METTRE EN
PLACE CE QUE
L’ON APPELLE
LE PRINCIPAT,
PUIS L’EMPIRE
À PARTIR DU
IIE SIÈCLE.
Ce régime hybride créé par Octave (auquel les sénateurs
décernent le surnom d’ «Auguste») va se maintenir pendant
cinq siècles, avec des transformations successives apportées
par chaque empereur qui lui succèdera.
À la mort d’Octave Auguste en août 14, le Sénat nomme
prince, Tibère, le successeur qu’Auguste s’est choisi (il était
mort sans descendance directe). Tibère a cinquante-six
ans ; il a donc été nourri dans son enfance des principes
républicains, ce qui le fait se sentir mal à l’aise dans ce
nouveau rôle de prince. Les cinq premières années de son
règne se passent dans un calme relatif. Mais la mort en
19 de son neveu et héritier Germanicus, qu’on l’accuse
d’avoir assassiné, le poussent à quitter Rome pour Capri,
laissant l’exercice du pouvoir à son ami Séjan. Lorsque
son successeur, Caligula, arrive au pouvoir, il jouit d’une
popularité extraordinaire. Cependant, sept mois après sa
nomination, une maladie lui laisse l’esprit dérangé : il se
transforme en un véritable monstre et finit assassiné en 41
par une conjuration de sénateurs et d’officiers de la garde
prétorienne. À sa mort, son oncle Claude accède au pouvoir.
Il s’agit d’un bon empereur, qui sait maintenir la tranquillité
publique et entreprendre de grandes constructions
nécessaires comme celle du nouveau port d’Ostie. Mais il
est victime de son goût des femmes. Sa quatrième épouse,
Messaline, le ridiculise en menant une vie sentimentale
agitée et la suivante, Agrippine, finira par l’empoisonner
après lui avoir fait adopter son fils Néron comme successeur.
Néron arrive au pouvoir à dix-sept ans. Il règne dans un
premier temps sous la direction de sa mère Agrippine, puis
il la fait assassiner et donne libre cours à ses bas instincts.
En 68, le peuple se révolte devant ces excès et Néron, déclaré
«ennemi public», est contraint de se suicider. Quatre
empereurs vont se succéder alors dans le temps record d’à
peine un an : Galba, Othon, Vitellius et Vespasien, qui fonde
une nouvelle dynastie, celle des Flaviens.
Vespasien, premier parmi les princes du Ier siècle, est un
homme d’autorité et de bon sens. Il essaye de régler une
fois pour toutes le problème de la succession impériale en
instituant l’hérédité dynastique, mais sans y réussir, car son
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fils aîné, Titus, meurt prématurément après deux ans
de règne et son cadet, Domitien, personnage brutal
et mégalomane à la manière de Néron, est assassiné
en 96.
Le IIe siècle est marqué par la dynastie des Antonins,
d’origine espagnole ou gauloise. Nerva (96-98), Trajan
(98-117), Hadrien (117-138), Antonin le Pieux (138161), Marc-Aurèle (161-180) et Commode (180-192)
se transmettent le pouvoir par adoption, convaincus
que seul ce système permet à chaque empereur de
choisir pour lui succéder la personne la plus digne
de cette charge. Sous les Antonins, Rome traverse
une période de tranquillité et de prospérité. Les
empereurs gouvernent avec modération, et
entretiennent d’excellents rapports avec les sénateurs.
L’Empire connaît un vrai «âge d’or». Mais ce n’est
qu’une accalmie passagère avant l’orage.
À la mort de Commode, assassiné en 92, Rome
s’enfonce une fois de plus dans des luttes internes.
Les différentes légions s’opposent pour imposer leur
candidat au trône. Il faut plus de quatre ans pour que
l’un de ces nombreux prétendants y parvienne :
Septime Sévère. Né en Afrique, Septime Sévère a
pour femme la fille d’un grand prêtre syrien. Le nouvel
empereur et sa femme vont apporter à Rome une
conception orientaliste du pouvoir. Ils introduisent
dans le culte officiel leurs pratiques orientales,
installant par la même occasion un véritable
despotisme impérial. Le Sénat perd la plupart de ses
pouvoirs, tandis que l’armée gagne en privilèges.
Septime Sévère fait doubler sa garde prétorienne et
augmente le nombre des légions, instaurant une
véritable dictature militaire. L’accroissement des forces
militaires entraîne de nouvelles dépenses, doublant
la pression fiscale sur les citoyens.
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