VIE PROFESSIONNELLE Recherche en soins primaires François Pétrègne, Yves Montariol, Catherine Prabonneau, Sylvie Duhamel, William Durieux de Bordeaux, Departement de Universite m edecine g en erale, 146 rue Leo Saignat, 33000 Bordeaux [email protected] Tir es à part : F. P etrègne Les facteurs facilitant le maintien à domicile du patient en fin de vie Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Résumé Selon le centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès en France en 2008, 58 % des décès sont survenus en établissement hospitalier, 27 % à domicile et 11 % en maison de retraite. La majorité des Français souhaiteraient pouvoir mourir chez eux : 81 % selon un sondage sur un échantillon de 1 500 personnes bien portantes en 2010. Il existe donc véritablement un contraste franc entre le désir des malades de mourir chez eux et la réalité d’une majorité de décès à l’hôpital. Mots clés accompagnement de la fin de la vie ; directives anticipées. Abstract. Factors facilitating the patient to stay at his home in the end of his life According to the Epidemiology Centre on the medical causes of death in France (INSERM) in 2008, 58% of deaths occurred in hospital, 27% at home and 11% in retirement home. The majority of the French would like to die at home: 81% according to a survey on a sample of 1,500 people in good health in 2010 [2]. There is therefore a truly sharp contrast between the desire of patients to die at home and the reality of the majority of deaths at hospital. Key words hospice care; advance directives. DOI: 10.1684/med.2016.23 État des lieux, 81 % des Français souhaiteraient pouvoir mourir à domicile Selon une étude sur la qualité de la fin de vie menée dans quarante pays en 2010, la France se situe en douzième position, dix-septième position pour la qualité de la fin de vie et vingt-troisième position pour l’accès aux soins palliatifs [1]. Selon le centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès en France (CépiDC) en 2008, 58 % des décès sont survenus en établissement hospitalier, 27 % à domicile et 11 % en maison de retraite. La majorité des Français, 81 % selon un sondage sur un échantillon de 1 500 personnes bien portantes en 2010, souhaiteraient pouvoir mourir chez eux [2]. Il existe donc véritablement un contraste franc entre le désir des malades de mourir chez eux et la réalité d’une majorité de décès à l’hôpital. Un médecin généraliste accompagne en moyenne un à trois patients en fin de vie chaque année, la proportion de médecins généralistes formés aux soins palliatifs étant encore faible [1]. Ces soins demandent souvent beaucoup d’énergie, de temps, et n’ont pas de cotation spécifique dans le système de rémunération à l’acte. Selon les statistiques du CépiDC [1], les hommes meurent plus à l’hôpital que les femmes. En maison de retraite, il y a logiquement plus de décès de femmes, celles-ci étant les principales occupantes de ces lieux. Les personnes mariées meurent plus souvent à l’hôpital que les divorcées et les célibataires. Les personnes âgées de plus de 90 ans meurent plus à domicile que les plus jeunes. Les décès à l’hôpital concernent plus les patients atteints de cancers, AVC, maladies respiratoires, digestives et neurologiques dégénératives (SLA, SEP) ; les décès à domicile concernent plus les malades atteints de maladies cardio-circulatoires, maladie de Parkinson, troubles psychiatriques. On peut expliquer ceci par la technicité plus importante et les possibilités thérapeutiques accrues pour les cancers, la difficulté parfois de passer en « phase palliative ». Le plan gouvernemental « AVC » a augmenté la prise en charge hospitalière de ces maladies, et donc les décès hospitaliers. Pouvoir permettre à un proche de rester chez lui jusqu’au bout, si c’est son souhait, représente un engagement moral qui n’est pas toujours facile à tenir tant il est difficile de voir souffrir quelqu’un qu’on aime, que ce soit une souffrance physique, psychique, existentielle. . . Face à ce constat nous avons voulu étudier quels pourraient être les facteurs favorisant ou limitant les possibilités de fin de vie à domicile chez des patients atteints de maladie chronique. Nous avons réalisé une étude descriptive des facteurs influant la fin de vie et le décès à domicile chez 95 patients décédés en Gironde en 2012. ÉDECINE 86 MÉDECINE Février 2016 VIE PROFESSIONNELLE Recherche en soins primaires | Les facteurs facilitant le maintien à domicile du patient en fin de vie Matériel et méthode Nous avons réalisé une enquête rétrospective en interrogeant un échantillon de médecins généralistes de Gironde sur leur dernier patient décédé [3]. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. La méthode retenue a été une analyse quantitative des données d’un questionnaire élaboré suite à une revue de la littérature et des tests sur des médecins témoins. L’échantillon comportait 95 patients, 57 décédés à domicile et 38 à l’hôpital. L’analyse statistique visait à comparer les patients décédés à domicile et à l’hôpital selon certains critères pouvant influer sur le lieu de décès. Nous avons choisi de ne pas différencier les domiciles privés des maisons de retraites, celles-ci étant le véritable lieu de vie de la personne âgée. L’objectif principal de cette enquête était donc de mettre en évidence des éléments pouvant expliquer « le contraste » entre la volonté d’une majorité de Français de mourir chez eux et la prédominance des décès hospitaliers. L’objectif secondaire était de pouvoir faire des propositions concrètes pour améliorer les souhaits des individus. Nous voulions avant tout pouvoir faire des propositions afin d’améliorer les conditions de prise en charge des patients en fin de vie, et certains paramètres nous sont apparus peu modifiables : caractères sociologiques (statut matrimonial, isolement, origine ethnique, niveau socio-économique et catégorie socio-professionnelle), caractères liés à la maladie, l’évolution de la société dans son approche de la mort. . . Sur un total de 1 410 médecins généralistes en Gironde, 193 ont été tirés au sort. Après contact téléphonique, 167 ont accepté de participer. Le recueil de données s’est effectué entre le 17 février et le 7 mars 2012. Résultats Sur 167 envois, nous avons reçu 80 questionnaires papier et 20 réponses par Internet (tableau 1). Le taux de réponse est Tableau 1. Circonstances du décès en fonction du contexte et des souhaits exprimés des patients concernant leur fin de vie Variable Modalité Effectif OR 95 % IC Médecin formé ou non 33/62 0,58 0,25-1,38 < 10 km / > 10 km 60/35 2,56 1,09-6,05 > 65 ans/31-64 ans 94 3,87 1,37-10,94 Femme/Homme 94 1,38 0,60-3,15 > 6 mois/< 6 mois 95 0,90 0,33-2,44 Oui/Non 61 0,40 0,16-0,99 Oui/Non 17 0,94 0,32-2,74 Oui/Non 28 1,61 0,64-4,08 Souhait du malade sur son lieu de décès Domicile/Hôpital ou pas de souhait exprimé 60/34 8,43 3,02-25,47 Souhait du malade sur son lieu de décèsy Domicile/Pas de souhait exprimé 60/27 5,99 2,04-18,74 Souhait du malade sur son lieu de décès Domicile/Hôpital 60/7 INF * Présence de famille, entourage Oui/Non 83/12 2,35 0,69-8,04 Présence d’infirmiers Oui/Non 67/28 0,77 0,31-1,93 Patient en HAD Oui/Non 22/73 1,58 0,58-4,34 Patient suivi par un RSP Oui/Non 23/72 0,52 0,20-1,34 Présence d’aides-soignants Oui/Non 23/72 0,66 0,25-1,69 Présence d’auxiliaire de vie/aide-ménagère Oui/Non 38/57 0,86 0,38-1,99 Présence d’un kinésithérapeute Oui/Non 40/55 0,84 0,36-1,92 Présence d’un psychologue Oui/Non 6/89 0,65 0,12-3,40 Consignes en cas d’absence Oui/Non 63/28 0,79 0,31-1,99 Téléphone personnel du MT Oui/Non 19/76 0,90 0,32-2,49 Formation en SP y Distance cabinet–hôpital Âge du patient y Genre du patient Durée d’évolution de la maladie Maladie cancéreuse y Maladie neurologique Maladie cardiovasculaire y Trousse d’urgence à domicile Oui/Non 14/81 0,87 0,28-2,75 Prescriptions anticipées personnalisées Oui/Non 54/41 0,93 0,41-2,13 y Variables pour lesquelles il y a une différence significative entre les groupes « décès à domicile » et « décès à l’hôpital ». *INF : la totalité des patients souhaitant décéder à l’hôpital y étant morts, il n’y a aucun cas contraire (mort à domicile chez un patient souhaitant mourir à l’hôpital), et dans cette étude le calcul de l’Odds ratio n’était pas possible. MÉDECINE Février 2016 87 VIE PROFESSIONNELLE Recherche en soins primaires | Les facteurs facilitant le maintien à domicile du patient en fin de vie donc de 59,9 %. Après élimination des réponses non exploitables, il restait 95 réponses. Les 95 médecins interrogés ont en moyenne 52,9 ans, il s’agit d’hommes dans 78,9 % des cas, et de femmes dans 21,1 %, dont 63,2 % d’entre eux sont installés à moins de 10 km de l’établissement hospitalier le plus proche, et 36,8 % à plus de 10 km. L’étude a concerné 52,1 % de femmes et 47,9 % d’hommes. Aucun patient concerné par cette enquête n’était âgé de moins de 30 ans, 21,3 % avaient entre 31 et 64 ans et 78,7 % avaient plus de 65 ans. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. 60 % des patients sont décédés à domicile ou en maison de retraite (soit 57 cas) et 40 % dans un établissement hospitalier (soit 38 cas). Les causes de décès Les patients décédés étaient atteints de cancer dans 64,2 % des cas, de maladie cardiovasculaire dans 29,5 % des cas, de maladie neurologique dans 17,9 % des cas et d’une autre pathologie dans 5,3 % des cas. Les autres maladies citées étaient : l’insuffisance respiratoire, mixte ou post-BPCO. La durée d’évolution de leur maladie avant le décès a été de moins de 6 mois dans 22,1 % des cas, et plus de 6 mois dans 77,9 % des cas. Concernant leur souhait sur leur lieu de décès 70,6 % des patients (67) s’étaient exprimés, majoritairement pour finir leurs jours chez eux dans 63,2 % des cas, à l’hôpital dans 7,4 % des cas. 29,4 % des patients (28) n’ont pas exprimé leur volonté. Tous les patients souhaitant mourir à l’hôpital (7) y sont décédés. 78 % des patients (74) souhaitant mourir à domicile y sont décédés. Quant à ceux qui n’ont pas exprimé de volonté particulière, ils sont morts à l’hôpital pour 64 % d’entre eux (18). Concernant leur accompagnement à domicile 87,4 % des malades étaient entourés de membres de la famille et/ou d’un entourage amical, 24,2 % étaient suivis par un réseau ou une équipe mobile de soins palliatifs, 23,2 % bénéficiaient de l’HAD. Les circonstances de l’hospitalisation – Sur 38 hospitalisations, le décès est survenu au bout de moins d’une semaine dans 59,5 % des cas, et plus d’une semaine dans 40,5 % des cas. – Dans 68,4 % il y avait des symptômes difficiles à contrôler, dans 52,6 % une souffrance des aidants familiaux, dans 13,2 % le patient était trop isolé, dans 2,6 % il y a eu des difficultés à trouver des collaborateurs paramédicaux, dans 10,5 % ce sont d’autres raisons qui ont motivé l’hospitalisation (nécessité d’amputation, AVC et altération importante de l’état général, arrêt cardio- 88 MÉDECINE Février 2016 respiratoire survenu tôt dans l’évolution de la maladie, isolement du médecin traitant, nécessité de ponctions pleurales itératives, détresse respiratoire). – Les patients porteurs de cancer étaient les plus nombreux, et sont morts autant à domicile qu’à l’hôpital (odds ratio : 0,40 ; IC 95 % : 0,16-0,99). En revanche les patients qui n’avaient pas de cancer sont beaucoup plus souvent morts à domicile. Dans cette étude, les patients cancéreux avaient donc moins de chance de mourir à domicile que les patients non cancéreux. Les patients ayant exprimé le souhait de mourir à domicile avaient beaucoup plus de chance de mourir effectivement chez eux que ceux n’ayant pas exprimés de souhait. Le fait d’exprimer un souhait de lieu de décès est donc dans cette étude un critère primordial, puisque tous les patients souhaitant mourir à l’hôpital y sont décédés, et que la grande majorité de ceux souhaitant finir leurs jours à domicile ont pu le faire. Discussion Malgré le souhait d’une majorité de Français de mourir à domicile (EHPAD inclus), ils ne sont finalement que 37,1 % à le réaliser en 2010) [4]. Les médecins généralistes sont impliqués dans la gestion de la fin de vie à domicile ; ils suivent une à trois situations en moyenne par an [5]. Une récente revue de la littérature a analysé les facteurs influençant le lieu de décès qui peuvent être classés en trois catégories : – des facteurs sociodémographiques et personnels (sexe, âge, état matrimonial, soutien de la famille, préférence du patient, niveau d’études) ; – des facteurs épidémiologiques (la cause du décès, l’évolution de la pathologie, le statut fonctionnel du patient) ; – des facteurs « écologiques » (caractère rural/urbain, densité hospitalière, niveau d’équipement en maison de retraite et offre de soins de proximité) [6]. D’autres facteurs possiblement associés au lieu de décès de patients cancéreux ont été rapportés : les croyances, la culture, l’ethnie, la relation avec les soignants, le type de tumeur, le soutien familial, le support sanitaire [7]. La préférence du patient pour le domicile était l’un des facteurs associés au décès au domicile [8]. Selon une revue de la littérature publiée en 2000, la préférence des patients pour le domicile comme lieu de décès variait de 48 à 100 % [6]. Dans notre étude nous avons mis en évidence des éléments qui influencent le décès à domicile : – le souhait exprimé par le malade de finir ses jours à son domicile ; – un patient âgé de plus de 65 ans ; VIE PROFESSIONNELLE Recherche en soins primaires | Les facteurs facilitant le maintien à domicile du patient en fin de vie – un patient n’étant pas atteint de cancer ; – un cabinet médical peu éloigné du centre hospitalier le plus proche (moins de 10 km) ; – la présence de la famille ; – un patient en HAD ; Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. – le souhait exprimé par le malade de finir ses jours à son domicile. Nous avons vu que selon un sondage de 2010 [2] s’intéressant à des personnes bien-portantes, 82 % des Français souhaitaient finir leurs jours chez eux. Mais il a déjà aussi été démontré que la volonté de mourir chez soi pouvait varier selon les stades de la maladie [9] et les conditions de la fin de vie : disponibilité d’aidants familiaux, symptômes difficiles à contrôler, angoisse. . . Il est important de recueillir le souhait du patient notamment dans les directives anticipées [5]. Dans notre étude, les patients qui avaient exprimé le désir de mourir chez eux avaient quasiment 6 fois plus de chance de voir ce souhait exaucé que ceux qui n’avaient pas fait part d’un souhait particulier et qui sont morts à l’hôpital dans 63 % des cas. Un cabinet médical peu éloigné du centre hospitalier le plus proche (moins de 10 km) Notre étude a retrouvé que le fait d’habiter à proximité d’un hôpital favorisait le décès à domicile. Les patients des médecins situés à moins de 10 km d’un hôpital avaient en effet environ 2,5 fois plus de probabilité de mourir chez eux que les autres. Dans d’autres études on retrouve des résultats inverses [10]. On peut supposer que l’entourage familial serait plus susceptible de s’occuper de son proche à domicile quand il se sentirait rassuré de la proximité d’un hôpital qui pourrait prendre le relais en cas d’épuisement. Ce point reste cependant à confirmer par des études complémentaires. Présence de la famille Il semble logique qu’il y ait plus de facilité à finir ses jours chez soi lorsqu’on est entouré. Cet élément a déjà été prouvé, avec certaines nuances selon les études [11]. Dans notre étude, les patients âgés de plus de 65 ans, avaient presque 4 fois plus de chance de mourir chez eux que les patients plus jeunes. Différentes études soulignent l’effet positif de vivre avec plusieurs personnes chez soi, c’est-à-dire pas seulement en couple [12]. Une mésentente familiale, des difficultés de communication entre soignants et entourage, une méconnaissance ou un déni du pronostic, une famille éloignée géographiquement sont des facteurs limitant le maintien au domicile [13]. Pour autant, dans la littérature, l’âge ne semble pas être un facteur majeur influençant les lieux de décès sauf pour les 90 ans et plus où une majorité d’entre eux meurent à domicile [2]. Les proches deviennent aidants ; sans eux rien n’est possible avec un investissement jusqu’à l’épuisement ; ils sont au cœur de l’accompagnement de la fin de vie à domicile [4]. On peut penser que la mort d’un proche est certainement plus facile à accepter lorsque celui-ci est âgé, ceci étant dans l’ordre des choses, et pour les patients plus jeunes, l’entourage sollicite les médecins pour les hospitaliser. Patient en HAD Un patient âgé de plus de 65 ans Un patient atteint de cancer Notre étude a retrouvé que le fait d’être atteint de cancer est un facteur favorisant le décès à l’hôpital. Nous n’avions pas fait de différence entre les différents cancers. Dans les études à notre disposition, les résultats sont variables. 72,8 % des patients présentant une tumeur maligne décèdent à l’hôpital contre 24,5 % à domicile [2]. L’HAD médicalise le domicile et impose un rythme [14]. L’entourage peut quitter son rôle de soignant, et mieux profiter des derniers moments de leur proche mourant, en évitant l’épuisement. Le malade et sa famille ressentent une sécurité qui apaise ces moments difficiles [15]. Grande et al. [16] ont montré que les utilisateurs de soins à domicile sont plus susceptibles de finir leurs jours chez eux que les non-utilisateurs. Fort de cet éclairage le médecin généraliste pourra choisir, comprendre, mettre tout en œuvre pour la réussite de cette aventure dans l’accompagnement de fin de vie. L’âge en général plus jeune des patients cancéreux peut également expliquer une hospitalisation terminale, l’entourage ayant plus de difficulté à accepter la mort de leur proche, et souhaitant faire « tout ce qui est possible », même à la fin. Conclusion On peut aussi penser que l’évolution des cancers est souvent plus rapide que celle des autres pathologies. Il est donc plus difficile d’anticiper la prise en charge et de prévoir un maintien ou un retour à domicile dans les meilleures conditions. La relation médecin-malade est particulière en médecine générale : au fil des ans se tisse une relation de personne à personne, avec une connaissance profonde du patient, qui amène le médecin à l’accompagner à domicile MÉDECINE Février 2016 89 VIE PROFESSIONNELLE Recherche en soins primaires | Les facteurs facilitant le maintien à domicile du patient en fin de vie jusqu’au bout selon ses souhaits, avec d’autant plus de succès que le patient est âgé de plus de 65 ans et qu’il n’est pas atteint de cancer [17]. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. La situation des patients en fin de vie est de nos jours caractérisée par une complexité médico-psycho-sociale. Il s’agit le plus souvent d’un travail de coordination, collectif en équipe (patient en HAD et présence de la famille), en continuité de la prise en charge « curative ». Il est nécessaire d’anticiper et organiser la prise en charge palliative à domicile afin de prévenir les hospitalisations intempestives en cas d’urgence. Cet enchaînement constitue un processus décisionnel qui comporte un temps de délibération collégiale. « La délibération remet en cause le risque d’une éthique de la conviction et nous initie à une éthique de la discussion. » [5]. Ce type de pratique a aussi des répercussions positives pour le médecin : – Satisfaction d’avoir réalisé une tâche noble et utile, d’avoir respecté un contrat moral avec le patient. – Valorisation de la pratique médicale, travail enrichissant sur le plan humain et personnel, par le partage du même combat avec le malade, son entourage et les collaborateurs. – Reconnaissance de la famille. Parler de la mort, écouter le malade, prévenir l’épuisement de l’entourage, assurer la continuité de la prise en charge, anticiper l’évolution de la maladie sont des perspectives à développer dans cette prise en charge. Chaque praticien choisira ses limites au maintien à domicile en sachant que l’échec lorsqu’il survient peut RÉFÉRENCES 1. Observatoire national de la fin de vie (ONFV). Fin de vie, un premier état des lieux. 2011. http://www.onfv.org/rapport-2011-un-premier-etat-des-lieux/. 2. Observatoire national de la fin de vie (ONFV). Fin d’un tabou ! La mort, la fin de vie, le deuil, ma mort, ça concerne et intéresse les Français. 2010. http://www.onfv. org/wp-content/uploads/2014/10/Rapport_ONFV_2011.pdf. 3. Prabonneau C. Facteurs favorisant la fin de vie à domicile chez des patients atteints de maladies chroniques. Etude rétrospective quantitative auprès de 95 médecins généralistes de Gironde. [Thèse Médecine]. Bordeaux, 2013. 4. Observatoire national de la fin de vie. Rapport 2012. Vivre la fin de vie chez soi. La Documentation Française, 2013. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/134000186.pdf. 5. Richard JF. Fin de vie à domicile. Rev Prat MG 2014 ; 916 : 166-7. être lié à des conditions aléatoires, certains événements intercurrents imprévisibles échappant parfois à la mise en place des meilleures conditions. La modification de la loi concernant la fin de vie irait dans le sens d’une application plus importante des directives anticipées, et renforcerait le rôle de la personne de confiance et ainsi le choix du patient de mourir à domicile. ~Liens d’intérêts : les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec l’article. Les facteurs facilitant le maintien à domicile du patient enfin de vie Les patients âgés de plus de 65 ans ont presque 4 fois plus de chances de mourir chez eux que les patients plus jeunes. Le fait d’être atteint d’un cancer est un facteur favorisant le décès à l’hôpital. Le fait d’habiter à proximité d’un hôpital (moins de 10 km) favoriserait le décès à domicile. Les patients qui ont exprimé par avance le désir de mourir chez eux ont quasiment 6 fois plus de chances de voir ce souhait exhaussé que ceux qui n’avaient fait part d’aucun souhait particulier. Une application plus importante des directives anticipées renforcerait le rôle de la personne de confiance et ainsi le choix du patient de mourir à domicile. 10. Chvetzoff G, Garnier M, Pérol D, et al. Factors predicting home death for terminally ill cancer patients receiving hospital-based home care : the Lyon comprehensive cancer center experience. J Pain Symptom Manage 2005 ; 30 : 528-35. 11. Gomes B, Higginson IJ. Factors influencing death at home in terminally ill patients with cancer : systematic review. BMJ 2006 ; 332 : 515-8. 12. McWhinney IR, Bass MJ, Orr V. Factors associated with location of death (home or hospital) of patients referred to a palliative care team. Can Med Assoc J 1995 ; 152 : 361-7. 13. Vantomme C. Difficultés des médecins généralistes dans la prise en charge au domicile de patients en soins palliatifs : enquête auprès de 268 médecins généralistes dans le Val de Marne. [Thèse Médecine]. Paris-Est Créteil, 2007. 14. Lussignol-Beaupoil A. Soins palliatifs à domicile : le médecin généraliste et les attentes de l’aidant [Thèse Médecine]. Lyon, 2010. 7. De Hennezel M. La mort intime. Paris : Robert Laffont, 1995. 15. Lasserre H. Les besoins des proches de patients en soins palliatifs à domicile : enquête auprès de quinze personnes après le décès d’un proche pris en charge par l’Hospitalisation à domicile à Dax (Landes). [Thèse Médecine]. Grenoble, 2010. 8. Grimault T. La mort à domicile : étude d’une population de 73 patients décédés au cours d’une hospitalisation à domicile [Thèse d’exercice]. Dijon : Université de Bourgogne ; 2008. 16. Gran de GE, Addington-Hall J, Todd CJ. Place of death and access to home care services : are certain patient groups at a disadvantage? 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