L’économie en réseau More power to you Note de synthèse ● Stimulée par la convergence informatique, les normes ouvertes et la connectivité, l’économie en réseau constitue la cinquième révolution technologique de notre ère industrielle. Elle s’inscrit dans une lignée commencée avec l’énergie hydraulique d’abord, suivie de la machine à vapeur puis de l’électricité et de la métallurgie de l’acier, venu remplacer le fer, suivie enfin de la découverte du pétrole, source d’énergie et produit de base des matières plastiques et synthétiques. ● La clé de voûte de cette révolution, c’est la capacité des ordinateurs et des télécommunications à interconnecter les sociétés et les économies. Le haut débit à faible coût et l’adoption étendue de normes ouvertes ont créé une toute nouvelle économie, connue sous le nom d’économie en réseau. ● L’augmentation de la connectivité et la baisse des coûts de la technologie encouragent un nombre croissant d’individus et d’entreprises à effectuer leurs activités en ligne. Plus de 600 millions de personnes à travers le monde sont d’ores et déjà connectées et les avantages commerciaux, intellectuels et sociaux augmentent dans les mêmes proportions. ● Si les quatre premières révolutions technologiques se sont traduites par une consolidation économique et par l’émergence d’entreprises dominantes, il n’en est pas de même aujourd’hui. D’après les études de l’OCDE, ces 15 dernières années ont vu le nombre d’entreprises de plus de 500 salariés diminuer tandis que l’on observait une augmentation considérable du nombre de sociétés de moins de 50 employés. 2 ● Jusqu’ici habituées à tout prendre en charge, les entreprises sont désormais de plus en plus nombreuses à choisir l’externalisation, profitant de la réduction du coût des transactions interentreprises et de la simplification des échanges de données, induites par l’utilisation d’Internet. C’est ainsi qu’elles tissent de nouvelles relations d’affaires et créent des entreprises étendues qui leurs permettent de bénéficier de produits et de services de meilleure qualité à des coûts moins élevés, sans pour autant sacrifier la coordination et le contrôle de leurs opérations. ● L’émergence d’Internet et autres technologies interactives a entraîné une augmentation phénoménale de la collecte des données clients, soulevant avec elle un certain nombre de questions relatives à la confidentialité. Ainsi, beaucoup de sociétés peu scrupuleuses exploitent la transparence des informations à des fins purement commerciales. Mais cette transparence a aussi profité aux consommateurs à qui l’on propose désormais des produits personnalisés et des services clients plus performants et qui jouissent d’un niveau de protection juridique sans précédent. Les sociétés en ligne qui réussissent sont celles qui ont su acquérir une certaine notoriété et établir un climat de confiance, en fournissant des références comme l’ont fait des sociétés comme eBay ou LinkedIn. Gérer son image de marque est devenu plus important que jamais. ● Avec l’économie en réseau s’est amorcé un changement dans notre manière de travailler. Les employés, autant que les employeurs, souhaitent une approche plus flexible de l’emploi. Des études ont montré que les personnes qui entrent aujourd’hui dans la vie active seront amenées à changer trois à cinq fois de métier au cours de leur carrière. Et c’est l’employé, non l’employeur, qui doit prendre en charge sa propre carrière, développer ses compétences et accroître ses qualifications. Si l’emploi à vie a disparu, la possibilité d’équilibrer travail et vie privée et de s’y épanouir s’est élargie, tout particulièrement depuis l’introduction du travail à domicile. ● Le développement du travail à domicile aura lui-même des répercussions importantes et durables sur les voyages, le commerce et la vie sociale du futur. Les rues marchandes ou les centres commerciaux auront-ils toujours leur raison d’être dans un monde dominé par l’achat en ligne ? Qu’adviendra-t-il des bureaux des centres villes lorsque les « sociétés virtuelles » auront supplanté les locaux de prestige ? ● Actualité et divertissement 24 heures sur 24, sondages d’opinion instantanés, Web, forums de discussion, texto : notre société évolue à un rythme sans précédent. « Quand cela s’arrêterat-il ? » diront les sceptiques. Jamais : le changement se poursuivra, et à un rythme toujours plus rapide. ● Que nous le voulions ou non, l’économie en réseau fait partie de notre paysage. Ceux qui sauront en saisir les opportunités sont promis à un avenir florissant. Les réfractaires risquent de lâcher pied. 3 L’économie en réseau L’irruption soudaine puis la chute rapide de beaucoup d’entreprises .com a fait croire à bien des observateurs qu’il s’agissait d’un phénomène passager. Or une révolution a eu lieu, même si elle a fait l’objet d’une couverture médiatique et d’une publicité quelque peu tapageuses. Et cette révolution se poursuit. Dans les années 1990, Internet a cessé d’être un réseau réservé aux scientifiques et aux universitaires. Il a atteint un public plus large et tout a changé. L’adoption de normes ouvertes et la mise au point de nouvelles technologies lui ont permis de relier les ordinateurs pour partager l’information. Les particuliers et les entreprises se sont alors connectés. L’effervescence a retenu l’attention en empêchant de voir que des changements profonds et délibérés survenaient. C’est pourquoi leur impact ne peut être analysé qu’aujourd’hui, avec du recul. Ce que nous avons appelé « le boom du .com » s’est produit dans ce contexte. De nouvelles idées ont émergé. Les innovations se sont multipliées. Des entreprises d’un nouveau type ont été créées et ont disparu. De nouvelles activités ont surgi du néant et sont devenues florissantes – la conception de sites web, par exemple. De nouveaux modes d’échanges commerciaux ont été inventés, qui promettaient une rentabilité certaine et une croissance illimitée. Même au plus fort de son expansion, l’économie en ligne a été marginalisée et son poids financier a été nettement sous-estimé dans la plupart des prévisions. « D’ici 2003, le commerce électronique aux ÉtatsUnis représentera 1 300 milliards de dollars pour les achats des entreprises et 108 milliards pour ceux des particuliers », déclarait Forrester Research en 1999. Début 2003, il annonçait que « Fin 2003, le volume du commerce électronique atteindra 2 400 milliards de dollars pour les achats des entreprises, soit le double de nos estimations antérieures, et 95 millions pour les achats des particuliers. » Jeff Bezos, créateur d’Amazon.com, a comparé cette époque à l’explosion du cambrien, période au cours de laquelle le nombre d’espèces qui sont apparues et se sont éteintes a été le plus important de notre histoire. Développement d’Internet avant, pendant et après le krach de l’an 2000 comparé au nombre de fois où Internet est mentionné dans The Economist TCAC* CHANGEMENT EN % DEPUIS 1997 Nombre d’Internautes dans le monde1 3000 % 110 % 1200 2500 % 65 % 1000 2000 % 800 Hôtes Internet dans le monde2 Croissance du commerce électronique grand public aux États-Unis3 Croissance des revenus de la publicité en ligne dans le monde4 1500 % 39 % 600 1000 % 62 % 53 % 55 % 400 Croissance du commerce électronique interentreprises aux États-Unis5 200 Croissance des opérations bancaires en ligne aux États-Unis5 500 % 0% 0 1997 1998 1999 2000 2001 2002 Nombre de fois où Internet est mentionné dans The Economist 2003 Sources: 1.CyberAtlas, 2003; 2.iSociety,2003; 3. Gartner G2, 2003; 4. Jupiter Research, 2003; 5. Forrester Research, 2003; 6. NUA Internet Surveys, 2002 *Taux de croissance annuelle composé 4 Les révolutions technologiques Depuis le milieu du XVIIIème siècle, une série de révolutions technologiques a permis d’industrialiser la production dans le monde. Chacune a provoqué le déclin d’anciens modes de production et a fait émerger de nouvelles activités industrielles dynamisées par des technologies qui accéléraient la croissance économique et augmentaient la productivité. Nous nous souvenons surtout des révolutions agricole et industrielle, apprises à l’école, mais les plus importantes sont les cinq révolutions technologiques. Ce qui a rendu possible la révolution industrielle a été l’énergie hydraulique, d’abord utilisée pour assurer la croissance du secteur du textile. Puis la vapeur a contribué au développement des manufactures et des trains ou bateaux qu’elles utilisaient pour acheminer leurs matières premières et livrer leurs produits finis. À la fin du XIXème siècle et jusqu’au début de la deuxième guerre mondiale, la vapeur a été remplacée par l’électricité et le fer par l’acier. La quatrième révolution a été celle du pétrole, qui est à la fois la source d’énergie des moteurs à combustion interne et le produit de base des matières plastiques et synthétiques. Ensuite, sont arrivés les ordinateurs et la technologie de réseau. Toutes ces innovations ont eu un impact majeur sur les échanges, l’économie et la vie sociale. Chacune a fait surgir de nouvelles idées concrétisées par la création de nouvelles activités, de nouveaux produits et services, de nouvelles méthodes de travail. Et chacune a suscité des enthousiasmes qui ont fait naître de nouvelles entreprises, depuis les premières compagnies ferroviaires jusqu’au commerce de détail en ligne, en passant par les centaines de sociétés qui fabriquaient des automobiles aux États-Unis entre 1900 et 1910. Lorsque l’expansion ralentit inévitablement, l’euphorie fait place au doute. Après les krachs boursiers de 2000-2001, beaucoup se sont demandé si la nouvelle économie existait vraiment. Mais même quand les nouvelles technologies ne tiennent pas leurs promesses et alimentent le scepticisme, leur force reste à l’œuvre. Elles se diffusent massivement dans le tissu économique en attirant à elles les ressources, les activités, et c’est ainsi qu’elles transforment la vie sociale, politique et économique. Les entreprises créées pendant la période d’essor se renforcent ou disparaissent. Au début de la première guerre mondiale, la plupart des constructeurs automobiles américains avaient déposé leur bilan ou été rachetés par ceux qui allaient devenir les géants de la nouvelle économie, General Motors et Ford. Accélération des cycles de Schumpeter Énergie hydraulique Textiles Fer Vapeur Chemin de fer Acier Électricité Chimie Moteur à combustion interne Pétrochimie Électronique Aéronautique Réseaux numériques Logiciels Nouveaux médias Vitesse d’innovation Premier cycle 1785 Deuxième cycle 1845 60 ans Troisième cycle 1900 55 ans Quatrième cycle 1950 50 ans Cinquième cycle 1990 1999 40 ans 2020 30 ans 5 Ces révolutions sont toujours douloureuses. L’apparition de nouveaux secteurs, acteurs économiques et marchés en fait disparaître d’autres. L’expansion de l’automobile a donné naissance au métier de mécanicien mais elle a mis fin à l’activité des forgerons et des cochers. La transition est rude pour de nombreuses personnes et leurs difficultés les rendent parfois hostiles. Les Luddites sont l’exemple le plus connu d’une population qui s’est insurgée contre une technologie parce qu’elle menaçait ses moyens de subsistance. Mais l’émergence d’une nouvelle économie a toujours fait surgir de nouveaux réactionnaires. Une révolution technologique parvient à son stade ultime quand les marchés ont atteint leur maturité. Elle a suivi son cours et largement épuisé son potentiel de changement. L’économie connaît alors un bref moment d’équilibre avant qu’une autre révolution technologique se prépare. 6 L’histoire nous enseigne qu’il y a eu de nouvelles économies avant nous et qu’il y en aura beaucoup d’autres après. Chacune est différente et ses effets à long terme dépendent de la technologie qui a provoqué son développement. S’agissant de la révolution en cours, nous ne pouvons pas encore en mesurer toutes les répercussions sur nos structures sociales, politiques et économiques, mais le changement est évident. En automatisant les tâches et en permettant de créer des savoirs, les ordinateurs ont amélioré la productivité. Mais surtout, nous vivons dans un monde, une société, une économie où chacun est de plus en plus connecté. C’est pourquoi les réseaux sont la technologie de notre époque ; la nouvelle économie qu’ils font émerger est appelée l’économie en réseau. L’économie en réseau Selon une estimation récente, 600 millions de personnes dans le monde utilisent Internet. Robert Metcalfe, fondateur de 3Com et créateur du protocole Ethernet destiné aux réseaux informatiques, a énoncé une loi qui peut s’appliquer à l’économie en réseau : Cette dynamique qui ne cesse de s’amplifier et dont l’impact à long terme reste difficile à évaluer, provoque un phénomène nouveau : grâce à l’accès massif au haut débit, aux équipements informatiques et au stockage, favorisé par la baisse de leurs coûts, les technologies de l’information sont désormais à la portée de tous, particuliers et entreprises. « Plus le nombre d’ordinateurs connectés augmente et plus le potentiel du réseau croît de façon exponentielle. Chaque ordinateur ajouté au réseau l’utilise comme une ressource et lui ajoute des ressources en créant une spirale ascendante de valeur et de choix. » L’augmentation du nombre de matériels et de personnes connectés à Internet depuis le milieu des années 1990 le prouve. Mais comment la connectivité a-t-elle progressé depuis dix ans ? Plus il y a d’ordinateurs, de particuliers, d’entreprises connectés, et plus le potentiel commercial, intellectuel et social de l’économie en réseau augmente au bénéfice de tous. En 1995, le seul moyen économique de se connecter au Net pour la plupart des entreprises et presque tous les particuliers était une ligne commutée à 56 Kbit/s reliée à un fournisseur d’accès local. La lenteur des transmissions limitait les utilisations. Pour que ce potentiel devienne une réalité sans créer une nouvelle Tour de Babel, il a fallu adopter des normes qui permettent aux ordinateurs, aux utilisateurs, aux entreprises de travailler ensemble de manière simple, efficace et rentable. Le courrier électronique était l’application la plus courante et, si la gratuité des appels locaux incitait les abonnés des États-Unis à utiliser plus qu’ailleurs les fonctions de recherche, les activités en ligne étaient en général restreintes. Les premières normes, destinées aux échanges d’informations des universitaires et des scientifiques, ont été modifiées pour déployer une plate-forme adaptée à beaucoup d’autres activités. La connectivité ne s’est vraiment développée que lorsque la ligne commutée a été remplacée par la connexion permanente à débit non mesuré. L’accès à Internet est alors devenu immédiat et illimité. Dans l’architecture initiale du Net, la norme HTML servait simplement à formater et à relier les informations. Aujourd’hui, l’organisme chargé des normes d’Internet, W3C, élabore des standards qui vont élargir l’accès au réseau, diversifier ses médias et augmenter sa capacité d’interactivité pour permettre d’effectuer des transactions commerciales automatiques. Ce saut qualitatif a provoqué un changement massif des comportements. De nombreuses tâches quotidiennes souvent effectuées par téléphone – consultation des annuaires, horaires ou plans de villes, demandes d’informations, réservations – ont été transférées au Net. Et la baisse continue du prix des connexions et des matériels informatiques incite chacun, particulier ou entreprise, à utiliser davantage le réseau. Les connexions à haut débit à prix réduit et l’adoption de normes ouvertes sont les deux facteurs qui ont le plus contribué à l’essor de l’économie en réseau. Les entreprises qui considéraient Internet comme un outil d’appoint l’intègrent à présent au cœur de leur activité pour faciliter le travail de leur personnel et offrir un meilleur service à leurs clients qui les contactent de plus en plus souvent par le Net. 7 Cette tendance ne peut que s’accentuer avec une connectivité améliorée. La technologie sans fil lui a fait franchir un cap décisif en permettant d’accéder à haut débit au Net hors domicile ou bureau. La connectivité à haut débit est présente dans le paysage de tous. Au travail comme à la maison, elle transforme, accélère et facilite les activités. La question n’est donc plus « êtes-vous connecté au Net ? » mais « que faites-vous avec le Net ? » La diminution du coût des échanges par le Net et l’adoption de normes industrielles telles que XML ou SOAP ont donné un nouvel élan à la connectivité interindividuelle/interentreprises, au commerce et aux échanges d’informations. Jusqu’ici, les révolutions technologiques ont provoqué des concentrations industrielles qui ont toujours accru la taille des plus grandes entreprises, mais il semble que cette fois, ce ne soit pas le cas. Les chiffres de l’OCDE font apparaître une nette diminution du nombre d’entreprises de plus de 500 salariés depuis 1990, tandis que celui des entreprises de moins de 50 salariés a fortement augmenté. Les flux d’information et le coût des échanges ont une incidence sur la structure d’organisation des entreprises. Habituées à gérer les fonctions liées à leurs activités, elles considéraient que l’externalisation alourdissait leurs frais de gestion et de développement, allongeait leurs délais de livraison et diminuait la qualité de leurs produits. Leur intégration verticale résultait de leur refus de faire appel à des prestataires, même pour les services élémentaires. Elles avaient leurs propres équipes de nettoyage, leurs propres cafétérias et des agences de voyage internes. Mais aujourd’hui, le Net leur offre un moyen de contact économique qui leur permet d’externaliser plus facilement les fonctions moins essentielles à leurs activités. 8 Elles développent de nouvelles relations avec des partenaires et des fournisseurs pour former avec eux des entreprises étendues, ou « keiretsu ». Elles peuvent ainsi accéder à meilleur coût aux meilleurs produits et services du marché international en ayant la même capacité de contrôle et de coordination qu’avec des équipes internes. À Hongkong, par exemple, l’entreprise de textile Li & Fung a mis en place un réseau de plus de 7 500 partenaires et fournisseurs avec lesquels elle travaille par l’intermédiaire du Net. [GE or Walmart example] Ces réseaux d’activité ouvrent de nouveaux horizons aux petites entreprises pour établir d’autres relations profitables avec leurs clients dans le monde entier. La transparence de l’information s’accroît et les clients (tout comme les associations, les régulateurs ou les concurrents) peuvent mieux connaître les entreprises et celles-ci peuvent collecter plus de données sur les clients. « Même l’Église catholique du Moyen-Âge était tolérante au regard des normes modernes, ce qui s’explique en partie par le fait qu’aucun gouvernement d’autrefois n’avait le pouvoir de surveiller en permanence ses citoyens. Mais l’invention de l’imprimerie a permis de manipuler l’opinion publique. Les films et la radio ont amplifié le processus. Avec la télévision et les progrès techniques d’émission et de réception simultanées sur le même appareil, la vie privée a disparu. Chaque citoyen, du moins chaque citoyen assez important pour être observé, pouvait être soumis vingt-quatre heures sur vingt-quatre à la surveillance policière et à la propagande officielle par ce seul moyen de communication. Pour la première fois, il était possible d’obtenir de tous les sujets non seulement une obéissance totale à la volonté de l’État mais une opinion uniforme. » (George Orwell, écrivain et sociologue, 1984.) Heureusement, le cauchemar totalitaire de 1984 ne s’est pas réalisé. Mais la plupart des progrès techniques que George Orwell avait annoncés dans cette œuvre majeure sont largement répandus aujourd’hui. Bien que personne n’ait de télécran, les technologies interactives nous donnent la possibilité d’émettre et de recevoir simultanément, en particulier sur Internet. Les entreprises recueillent des données sur les consommateurs depuis toujours. Mais cette pratique connaît un essor considérable depuis ces dernières années avec les technologies interactives. Une autre technologie qu’Orwell n’avait pas imaginée complète la collecte de données en permettant d’analyser les informations recueillies, notamment le profil des consommateurs, et de prévoir leur comportement. Ces développements ont conduit certains à parler d’une société Big Brother où les faits et gestes de chacun sont scrutés à la loupe. Les entreprises doivent assurément respecter la vie privée, et les consommateurs y sont sensibles – l’anxiété du gouvernement britannique lorsqu’il a voulu instaurer la carte d’identité nationale et les protestations contre la loi Patriot Act aux États-Unis en témoignent. Ces inquiétudes sont légitimes. Beaucoup d’entreprises peu scrupuleuses utilisent à des fins purement commerciales la transparence de l’information. Néanmoins, elle est un atout pour les consommateurs car les entreprises les connaissent mieux. Les détenteurs de cartes de fidélité de supermarché fournissent des informations sur leurs habitudes d’achat et leurs comportements qui sont utilisées pour leur proposer des offres spéciales ou des remises personnalisées. Amazon conserve l’historique des achats de tous ses clients pour savoir quels livres, musiques ou films leur conseiller. Les cookies des sites web servent à obtenir des informations mais permettent aussi de personnaliser les données et d’éviter de les saisir plusieurs fois. L’essentiel, pour les entreprises et les particuliers, est que l’utilisation des informations doit être parfaitement sécurisée et rester discrète. Les gouvernements protègent les consommateurs et mettent en place des législations, mais dans le domaine des technologies, les associations, notamment celles qui défendent les consommateurs, jouent le rôle le plus actif dans la protection de la vie privée et de l’identité des personnes qui le souhaitent. Certains croient que les consommateurs sont les seuls à être concernés par les implications des nouvelles technologies. Pendant des années, beaucoup d’entreprises se sont cachées derrière leurs marques et leurs bilans annuels sans se soucier de ce que pensaient les consommateurs, par exemple de leurs activités dans le tiers-monde. Désormais, des lois et réglementations obligent les entreprises à fournir davantage d’informations sur leurs produits, services et activités. C’est une bonne nouvelle pour les consommateurs et pour les entreprises qui opèrent en toute légalité, mais pas pour celles qui préfèrent ne pas dire ce qu’elles font. Le savoir et les idées, la notoriété et la loyauté sont des valeurs clés qui permettent aussi de conserver durablement ses atouts compétitifs. Depuis 1987, le consultant Interbrand publie un classement des marques les plus performantes dans le monde. Il les évalue en faisant un bilan comparatif avec leurs biens matériels tels que leurs stocks ou usines. Cette étude montre que la marque joue un rôle clé, plus important que celui d’autres facteurs, dans les activités de beaucoup d’entreprises. Un nombre croissant d’entre elles dépendent presque entièrement de la puissance de leur marque, par exemple Nike, Coca-Cola ou Disney. Sur le marché en ligne mondial des biens et services, leur réussite repose à la fois sur l’externalisation des fonctions non essentielles à leur activité et sur la priorité qu’elles accordent à leur marque et à leur image. 9 En adoptant cette stratégie, elles ne cherchent pas seulement à se différencier pour attirer des consommateurs désorientés par le foisonnement des offres, mais à trouver des fournisseurs dans le monde entier. Or les consommateurs, comme les fournisseurs, veulent savoir qui sont leurs interlocuteurs et pouvoir se fier à eux en étant sûrs qu’ils feront ce qu’ils disent – qu’ils soient des entreprises ou des particuliers. Le succès du service eBay d’échange en ligne de biens et de services tient en grande partie à sa gestion de l’image. Les vendeurs et acheteurs connaissent les antécédents de ceux à qui ils ont affaire, qu’il s’agisse de la fiabilité des descriptions de produits ou des délais de livraison et de paiement. S’ils n’avaient pas eu ces informations, eBay n’aurait pas connu une telle croissance. Aujourd’hui, ce service est utilisé dans le monde par 100 millions d’abonnés qui se préoccupent de leur image et s’assurent après chaque transaction que leur interlocuteur est satisfait. De plus, une équipe vérifie en permanence les annonces et supprime les listes de produits illégaux ou douteux. L’entreprise sait que son succès dépend de sa capacité de garantir à ses utilisateurs qu’ils pourront faire des transactions en toute confiance. De même, les nouveaux sites de gestion en ligne de réseaux d’activités, tels que Linked In, qui permettent de trouver des employeurs, des employés, des partenaires commerciaux ou des débouchés, conseillent leurs utilisateurs et leur fournissent des références. Car les entreprises ou particuliers qui opèrent dans l’économie en réseau courent un risque majeur si leur marque ou leur image est ternie. En août 2000, Barclays, première banque en ligne du Royaume-Uni avec 1,25 million d’utilisateurs, a été obligée d’interrompre ses activités pendant plusieurs heures parce que ses clients qui venaient d’inscrire leur code d’entrée voyaient s’afficher à l’écran des informations sur les comptes d’autres clients. Paradoxalement, le 10 problème était lié au fait que pendant le weekend précédent, la banque avait amélioré la sécurité de ses services en renforçant les mots de passe par une procédure d’accès supplémentaire. Barclays a dû renoncer à son nouveau système de sécurité et réinstaller l’ancien. Un peu plus tôt au cours du même été, le fournisseur de gaz et d’électricité Powergen était contraint de verser 50 livres de dédommagement à 7 000 de ses clients en ligne parce qu’il avait commis une erreur qui avait permis à une personne non autorisée d’accéder à leurs noms, adresses et numéros de cartes de crédit. Les deux entreprises ont très vite résolu leurs problèmes techniques mais elles ont mis beaucoup plus longtemps à rétablir leur notoriété. Les évolutions sociales, économiques ou politiques s’accélèrent, s’amplifient et ont plus d’impact. Avant l’adoption massive du courrier électronique et d’Internet, les idées mettaient du temps à circuler. Les modes se sont toujours répandues mais à l’époque où les principaux médias étaient le bouche à oreille, les journaux puis la radio et la télévision, elles étaient diffusées lentement et étaient moins nombreuses. Avec l’utilisation de plus en plus massive d’Internet, à laquelle s’ajoute l’accès à l’information continue par la télévision câblée ou numérique, les modes et les idées se sont renouvelées à un rythme beaucoup plus rapide et leur influence s’est considérablement renforcée. Bien que les entreprises continuent à dépenser chaque année des centaines de milliards de dollars en communication marketing pour trouver de nouveaux clients, des idées qui semblent surgies de nulle part s’insinuent dans les consciences. En 1999, le film Blair Witch Project a eu un énorme succès par le bouche à oreille parce qu’un site web astucieusement conçu avait annoncé qu’il s’agissait d’une histoire vraie. Hotmail a multiplié le nombre de ses abonnés en ajoutant un simple message incitatif sur chaque email envoyé par ses clients. Dix-huit mois après sa création, en n’ayant dépensé que 500 000 dollars en frais de marketing, Hotmail avait 8 millions d’abonnés. AOL a mis six ans à atteindre ce résultat. Ces deux succès sont largement dus aux techniques de marketing par effet de rumeur, qui font connaître un produit ou un service par le bouche à oreille au moyen du courrier électronique. Malcolm Gladwell analyse ce phénomène sans son livre The Tipping Point en montrant comment les idées sont propagées dans les réseaux sociaux de diverses manières par différentes personnes. L’enjeu peut être autre chose que la promotion d’un film ou le déploiement d’une activité. En 2001, aux Philippines, le gouvernement de Joseph Estrada est tombé à la suite d’une manifestation d’un million de personnes qui s’étaient mobilisées en se transmettant un SMS. Howard Rheingold étudie cet exemple parmi beaucoup d’autres dans Smart Mobs, dont un extrait a été publié dans l’étude Demos. La relation employé/employeur est transformée car l’attente mutuelle d’un emploi à vie et d’une loyauté inconditionnelle font place à une approche plus flexible du plan de carrière et de la gestion des ressources humaines. Les attitudes traditionnelles envers le travail doivent changer car l’emploi à vie a largement disparu. La qualification professionnelle joue un rôle clé dans les entreprises depuis que l’économie est dominée par l’information, le savoir et les idées, mais les employeurs et les employés aspirent aussi à la flexibilité de l’emploi. Des études montrent que les personnes qui entrent dans la vie active seront amenées à changer trois à cinq fois de métier. Les employés n’ont pas le choix. La dynamique actuelle du marché du travail les oblige à prendre en charge leur carrière, à développer leurs compétences et à accroître leurs qualifications. Cette situation leur offre d’autres opportunités et leur permet de trouver un meilleur équilibre entre travail et vie personnelle. En contrepartie, elle leur fait perdre la sécurité que leur apportait jusque là leur collaboration à long terme avec une entreprise. De même, les employeurs se rendent compte qu’ils doivent gérer autrement leurs ressources humaines. Dans les années d’expansion et de stabilité économique, ils pouvaient prévoir à long terme l’évolution de leurs effectifs et la rareté des démissions les avantageait car ils limitaient leurs frais de recrutement et disposaient d’un personnel expérimenté qui était plus productif. Aujourd’hui, il leur faut trouver un équilibre entre la flexibilité l’emploi et le risque d’une fuite des compétences indispensables à leur activité. La technologie permet désormais aux entreprises d’externaliser de nombreuses fonctions : conception, fabrication, comptabilité, gestion des ressources humaines, informatique, marketing, notamment. Avec les nouveaux réseaux de talents, elles peuvent aussi confier des projets à des spécialistes qui ont la compétence et l’expérience souhaitées pour les réaliser. Dans les deux cas, elles doivent utiliser des systèmes et des procédures qui leur permettent de garder la propriété intellectuelle de leurs activités et de les rendre accessibles aux indépendants ou contractants qui font équipe avec elles. Ce qui est certain, dans ce nouveau contexte, c’est que la qualité des employeurs et des employés ne sera plus évaluée avec les critères d’autrefois. 11 Les répercussions de l’économie en réseau L’économie en réseau est une réalité dont la nature apparaît de plus en plus nettement au fur et à mesure que nous découvrons ses avantages et inconvénients. Certains de ses effets sont plus compréhensibles si nous comparons nos modes de vie actuels à ceux de la décennie précédente. Aujourd’hui, au lieu d’acheter un CD, nous pouvons télécharger un morceau depuis les iTunes sur un iPod. En tant que consommateurs, nous avons plus de choix, de facilité, de souplesse pour acheter de la musique et l’écouter. Mais l’industrie du disque est confrontée à un énorme problème. Le modèle qu’elle avait développé depuis des années était basé sur la production d’albums, la promotion des grands artistes par les maisons de disques et la distribution de produits physiques dans des magasins de détail. Toute cette chaîne de création de valeur est remise en question par les consommateurs de musique qui veulent disposer d’un juke-box universel moins coûteux sur le Net. Nous ignorons comment les tribunaux, vendeurs, studios d’enregistrement, organisateurs de concerts et artistes vont réagir à cette situation. Ses contrecoups sur d’autres activités, notamment la production de spectacles et la publicité, sont encore plus difficiles à connaître. Mais il est clair que les enjeux de la distribution de la musique par le Net ne concernent pas seulement la possibilité de télécharger une chanson de Nora Jones depuis les iTunes. [graph on music sales ww] Cet exemple, parmi d’autres, montre qu’une simple évolution technologique, en l’occurrence le passage du CD au MP3, a des conséquences sur l’économie tout entière. 12 De même, les technologies qui vont renforcer l’efficacité des supports d’applications de télétravail ne permettront pas uniquement de travailler chez soi. À l’heure où la technologie continue à évoluer, où les employés s’habituent au télétravail et où les entreprises apprennent à gérer des équipes dispersées, le travail à domicile va inévitablement devenir prépondérant. Les effets de ce changement sont encore difficiles à prévoir. Notre qualité de vie sera sans doute meilleure mais que deviendront les villes, où l’on se regroupe pour pouvoir commercer, travailler, se rencontrer et communiquer ? Et qu’en sera-t-il de notre vie sociale dans un monde où le lieu de travail reste souvent le premier moyen d’être en contact avec les autres ? Internet nous permet aussi de rechercher, dénicher et acheter des produits qui nous sont ensuite livrés à domicile. Quel sera l’impact du commerce électronique sur les points de vente où nous pouvons voir en vrai ce que nous achetons en ligne ? Certaines entreprises répondent déjà à cette question. Apple considère que ses magasins ne sont plus des points de vente mais des showrooms pour essayer ses derniers produits. À ce titre, ils sont intégrés à sa stratégie et à son budget de marketing. Si cette tendance se généralise, à quoi ressembleront les artères marchandes, les rues piétonnières et toutes les activités qui les entourent ? Comment les livraisons seront-elles assurées à domicile ou au bureau plutôt que dans les magasins où les acheteurs obtenaient les produits et les rapportaient chez eux ? Et comment les infrastructures de transport s’adapteront-elles aux livraisons dans chaque rue et non plus dans les seuls quartiers commerçants ? Comment l’accès aux informations 24 heures sur 24, les sondages d’opinion instantanés, le Web, les forums de discussion et la télévision interactive vont-ils transformer les démocraties conçues pour des citoyens qui ne communiquaient pas aussi facilement entre eux et étaient souvent mal informés ? Comment les gouvernements se comporteront-ils avec des populations assez bien informées pour leur demander des services au lieu de se contenter de ce qu’ils leur proposent ? ● Celui d’un réfractaire qui veut arrêter la vague de changement déferlant sur notre société pour tenter vainement de conserver nos vieux modes de vie, nos vieilles manières de travailler et nos vieux modèles d’activité ? ● Celui d’une victime du changement qui reste à l’écart de l’agitation économique en se laissant ballotter par des forces qui lui paraissent incontrôlables et incompréhensibles ? ● Il est impossible aujourd’hui de répondre avec certitude à ces questions puisque l’avenir est toujours incertain. Nous ne sommes pas impuissants face à ces mutations mais, que nous le voulions ou non, l’économie en réseau fait partie de notre paysage. Et ceci oblige les gouvernements, les entreprises et les particuliers à se demander quel comportement adopter : Ou celui d’un participant actif qui s’intéresse à l’économie en réseau pour tirer parti des opportunités qu’elle offre tout en sachant quels défis il lui faudra relever ? 13 Implantations Mondiales IMPLANTATIONS MONDIALES La fourniture des services, équipements et logiciels décrits est subordonnée à la conclusion préalable d’un contrat et peut être soumise à des restrictions légales ou règlementaires selon les pays. Les services, équipements et logiciels décrits peuvent être modifiés ou remplacés sans préavis. Cette publication ne constitue pas une offre et ne revêt pas de valeur contractuelle. Les conditions générales de vente de BT FRANCE S.A. priment sur toutes autres conditions. 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