La troisième République 1870-1940

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La troisième République
1870-1940
Du même auteur:
Une dynastie de la bour;geoisierépublicaine: les Pelletan (L'Harmattan,
1996)
Les poèmes secrets de Camille Pelletan (Maison de poésie, 1997)
La mer au temps des Pelletan (AECP, 1998)
L'âge d'or des républicains (L'Harmattan,
2001)
Richesse et diversité de la République en France: les républicains atYpiques du
XIXème siècle (EDlMAF, sous presse)
Couverture:
buste de Marianne par H. Moulin, 1867.
Coll. part. Cliché Sophie Baquiast
Paul BAQUIAST
La troisième République
1870-1940
Préface d'Emile ZUCCARRELLI,
Député-maire
de Bastia,
Ancien ministre
L'Harmattan
5-7, rue de l'École-Polytechnique
75005 Paris
FRANCE
L'Harmattan Hongrie
Hargita u. 3
1026 Budapest
HONGRIE
L'Harmattan Italia
Via Bava, 37
10214 Torino
ITALIE
@L'Hannatlan,2002
ISBN: 2-7475-3338-7
Préface
Lorsque notre mémoire collective évoque la troisième République,
nous la faisons synonyme de fondation. Car depuis janvier 1875 le
régime qu'elle a créé est devenu notre bien commun.
Par accident? Par cette unique voix de majorité obtenue par
l'amendement Wallon? Trop vite dit. En effet, comment oublier
l'enracinement dans cette riche et tumultueuse décennie qui de 1789 à
1799, par un cheminement complexe, souvent contradictoire, crée des
valeurs devenues incontournables:
souveraineté nationale, exigence
d'égalité, foi dans le progrès et dans ses vertus émancipatrices. Elles
rebondissent en 1830 et surtout en 1848 en enrichissant l'héritage, en
lui donnant une dimension sociale, certes entrevue par la génération
précédente mais maintenant au cœur des attentes de ceux qui ont jeté
à terre Louis Philippe. Comment oublier aussi ces «Radicaux»
relevant le flambeau contre Badinguet, et ces «Communards»
conjuguant « la Sociale» et « la Nation» ? L'Insurgé de Jules Vallès est
à la fois merveilleux roman, magnifique cours d'histoire et
irremplaçable manuel d'instruction civique à faire lire à tous nos
lycéens.
Le livre que nous offre aujourd'hui Paul Baquiast se situe dans la
lignée de ces ouvrages qui nous apprennent à lire. C'est à dire selon la
formule heureuse de Jean Jaurès, à devenir libre, à devenir des
citoyens. Parce qu'il nous donne à voir et à comprendre que la
République est une création permanente. Non seulement parce qu'il
lui a fallu du temps pour devenir républicaine, mais surtout parce que
prenan t appui sur ces « socles de granit» posés par Siéyes , Condorcet
mais aussi Robespierre, elle a su surmonter les crises, de Mac-Mahon
à l'Affaire Dreyfus en passant par Boulanger. Et en les surmontant
enrichir son contenu:
laïcité et école publique viennent, tout
naturellement, donner élan nouveau à la conquête de la citoyenneté.
Quelle belle leçon d'histoire, toujours à méditer, pour ceux qui face
aux exigences du nouveau croient refonder la République et ses
valeurs dans la dérive communautariste. Par delà ses faiblesses, voire
ses aveuglements, la Troisième a triomphé parce qu'elle avait le culte
de l'D niversel, parce qu'elle voulait que l'individu et le collectif ne
fasse qu'un.
Comment comprendre autrement qu'elle ait «tenu le choc» en
1914-1918. Ce ne sont pas seulement les institutions qui ont supporté
l'épreuve de la Grande Guerre; ce sont surtout des poilus, c'est-à-dire
des hommes, c'est-à-dire des citoyens qui dans l'Enfer avaient
conscience de se battre pour une terre, une Patrie s'incarnant dans un
Régime. Belle spécificité Française, trop souvent oubliée, où, Patrie,
Nation, Etat, République sont des termes, d'aucuns diront des
concepts, interchangeables. A-t-on assez médité, quoi qu'on ait écrit,
que ce sont ces mêmes hommes qui finalement ont fait barrage aux
ligues? ont fait aussi, en partie, le Front Populaire et ses formidables
avancées sociales?
Il est vrai qu'une poignée d'années plus tard, le Régime était
emporté par la défaite. Cette dernière vaut-elle condamnation de la
République? Rien n'est moins sûr, à en juger par la suite. Car c'est
l'attachement au régime républicain qui fait l'unification de la
Résistance. Si la République s'est effondrée, c'est parce qu'en ses
dernières années, le régime a hésité. Face aux dangers faut-il toujours
plus de démocratie, toujours plus de citoyenneté, préférer le Front
Populaire à Hider, ou au contraire, par réflexe conservateur, remettre
en question le pacte fondamental? Parce qu'on a choisi le deuxième
terme de l'alternative «l'étrange défaite» a été au rendez-vous. C'est
également la leçon que nous livre ce bel ouvrage: la République se
fourvoie lorsqu'elle cède aux sirènes de ceux qui, au prétexte de
modernité, entonnent le chant de l'oubli.
Emile ZUCCARELLI
Député - Maire de Bastia,
Ancien Ministre
4
L'accouchement
I La République
Chapitre I
douloureux de la République
(1870-1875)
du 4 septembre (septembre 1870/février 1871)
Après son échec relatif lors des élections législatives de 1869, (40
0/0 des voix à l'opposition, tant libérale que républicaine), l'Empire
réapparaît «plus fort que jamais» (Gambetta) au terme du plébiscite
du 8 mai 1870 : avec 7.200.000 oui (70 % des suffrages), l'empereur
peut se féliciter: «j'ai mon chiffre ». Abasourdis, les républicains
commencent à se faire à l'idée de la pérennité de l'empire. Un certain
nombre, tels Ernest Picard ou Jules Favre, semblent même être à
deux doigts de suivre l'exemple d'Emile Ollivier, et de se rallier au
régime, devenu parlementaire et libéral.
Le 4 septembre
C'est dire si la naissance de la République, dans la soirée du 4
septembre 1870, est une surprise.
Cet événement inattendu est le fruit des circonstances, en
l'occurrence de la défaite militaire. Napoléon III, soumis à l'influence
de son épouse et de ceux qui, forts du succès du plébiscite, veulent
renouer avec l'empire autoritaire et redonner au régime un prestige
perdu, lance le pays dans la guerre contre la Prusse. C'est un désastre.
L'empereur lui-même est fait prisonnier à Sedan, le 2 septembre. Dès
le 4 au matin, un Comité de Salut public proclame la République à
Lyon. A Paris, la nouvelle de Sedan parvient le 3 septembre au soir.
La foule se rassemble devant les grilles du Palais Bourbon. Gambetta,
refusant une République née d'une insurrection parisienne et qui
pourrait encourir le risque d'être rendue responsable des défaites de
l'Empire, parvient à la disperser. Elle revient le lendemain, sous un
soleil éclatant, tandis que le Corps Législatif cherche une solution à la
crise (conseil de régence et de défense nationale? déchéance de la
dynastie? simple constat de la vacance du trône ?). A 14 heures,
l'hémicycle est envahi. On exige la déchéance de l'Empire. Cette fois,
Gambetta doit céder à la pression populaire, tandis que Jules Favre
propose que, conformément
à la tradition, la République soit
proclamée à l'Hôtel de Ville.
Deux cortèges se mettent en branle, l'un par la rive droite, l'autre
par la rive gauche. Si tous deux sont républicains, ils n'ont pas en vue
la même République. Rive droite, se pressent les révolutionnaires
purs et durs, contestant non seulement l'ordre politique mais aussi
l'ordre social, les hommes du drapeau rouge; rive gauche, ce sont les
modérés bourgeois, les hommes du drapeau tricolore. Entre les deux,
les tensions sont vives, surtout depuis les élections de 1869, qui les
ont mis en concurrence.
A l'Hôtel de Ville, deux listes circulent. La première est celle des
extrémistes: Blanqui, Flourens, Delescluze, Félix Pyat... La foule
acclame la seconde, composée
des députés de Paris, tous
républicains: Emmanuel Arago, Crémieux, Jules Favre, Jules Simon,
Jules Ferry, Léon Gambetta, Garnier-Pagès, Glais-Bizoin, Eugène
Pelletan, Henri Rochefort ~e « marquis rouge », que la foule vient de
sortir de prison, et dont Jules Ferry estime qu' «il vaut mieux l'avoir
avec soi qu'au dehors »). A ces noms, on adjoint ceux de Gambetta,
Jules Simon, Ernest Picard (élus à Paris, mais ayant opté pour une
autre circonscription) et, pour diriger ce «gouvernement
de la
Défense Nationale », du général Trochu, catholique breton de teinte
orléaniste, qui apporte la caution de l'armée en échange du serment
de ses collègues de respecter « Dieu, la famille, la propriété ».
Curieuse révolution, au total, que celle du 4 septembre, dont
seules quelques plaques de rues gardent aujourd'hui la mémoire:
effondrement du régime impérial, la veille si fort encore, sans la
moindre effusion de sang, dans une atmosphère de fête; aspiration
populaire à la République pour sauver la patrie; souci du
gouvernement provisoire, en dépit de son nom, d'assurer moins la
défense du pays que celle de l'ordre social.
6
La Défense Nationale,
entre défaitisme et résistance
Tout le monde, d'abord, parle de paix. La guerre ayant jusqu'alors
été celle de l'empereur, elle semble n'avoir plus de raison d'être. La
paix, certes, mais pas à n'importe quel prix. C'est du moins ce
qu'afftrme Jules Favre, le nouveau ministre des Affaires Etrangères,
dans sa circulaire du 6 septembre, dans laquelle il déclare - parole
imprudente qui lui fut tant reprochée par la suite - que «nous ne
céderons ni un pouce de notre territoire ni une pièce de nos
forteresses ».
Les Allemands, quant à eux, n'entendent pas renoncer à leur
progression. Le 19 septembre, Paris est assiégé. Le même jour, Jules
Favre rencontre Bismarck à Ferrière (Seine-et-Marne) pour envisager
la fin du conflit. Les exigences du Prussien sont exorbitantes:
l'Alsace, une partie de la Lorraine, cinq milliards de francs
d'indemnité de guerre. A ce prix là, Jules Favre ne peut pas céder. La
guerre, bien que fort mal engagée, doit se poursuivre.
Du côté des révolutionnaires, qui n'entendent pas renoncer à la
défense du pays, l'idée de la trahison commence à faire son chemin.
Le 27 octobre, le maréchal Bazaine, qui a tardé à reconnaître le
gouvernement de la Défense Nationale et joue un jeu personnel, livre
à l'ennemi, bien avant que son seuil de résistance n'ait été dépassé, la
garnison de Metz, la dernière place force de l'Est (106.000 hommes,
6.000 officiers, 50 généraux). La nouvelle de la capitulation de
Bazaine se répand dans la capitale dès le lendemain. Le 31 octobre au
matin, elle est conftrmée, tandis qu'on apprend l'échec de la sortie du
Bourget et l'arrivée de Thiers qui, au terme d'une longue et vaine
tournée diplomatique dans les capitales neutres, se voit chargé de
négocier un armistice. S'en suit, le 31 octobre, à l'Hôtel de Ville, une
journée d'extrême confusion dans laquelle on s'accorde à voir les
prodromes de la Commune.
Aux cris de «Ah bas Trochu! Pas d'armistice! la guerre à
outrance!
La Commune », divers mouvements
de foules se
produisent devant l'Hôtel de Ville. A 16 heures, celui-ci est envahi par
un bataillon de 500 gardes nationaux de Belleville, emmené par
Flourens. Le gouvernement est retenu prisonnier. De nouveaux noms
pour un nouveau gouvernement, animé d'une réelle volonté de
résistance à l'invasion, circulent. Mais on ne parvient pas à se mettre
d'accord. L'heure passant, la place de Grève se vide progressivement.
7
Vers minuit, les mobiles bretons et les « bons bataillons» de la Garde
Nationale, rassemblés par Jules Ferry, entrent sans difficultés dans
l'Hôtel de Ville pour délivrer le gouvernement. Un compromis est
passé avec Flourens et Blanqui: pas d'arrestations,
élections
municipales le lendemain. Aucune de ces deux promesses ne sera
ten ue.
Le 3 novembre, cependant, le Gouvernement de la Défense
Nationale demande au peuple de Paris de lui conftrmer sa confiance.
Le résultat du plébiscite est sans équivoque: plus de 85 % de oui. Les
5 et le 7 novembre, on procède à l'élection, non d'une municipalité de
toute la ville (c'est-à-dire d'une « Commune », comme le souhaitent
les révolutionnaires), mais de vingt, une par arrondissement. Les
extrémistes connaissent quelques succès, notamment dans le XXe, le
XIXe et le XIe.
Conforté par le résultat des urnes, le Gouvernement de la Défense
Nationale n'a pas, cependant, les mains libres pour signer sans tarder
l'armistice qu'il appelle de ses vœux. Il lui faut attendre que la
population se lasse.
La Défense Nationale
en province
Paris compte sur un secours venu de la province. Le 7 octobre,
Gambetta, ministre de la Guerre et de l'Intérieur, quitte Paris en
ballon pour rejoindre les membres du gouvernement installés, depuis
la mi-septembre, à Tours. Au sein du Gouvernement Provisoire,
Gambetta est sans doute le seul à être véritablement pénétré de sa
mission de défense nationale. Quatre mois et demi durant, depuis
Tours, il est l'âme de la résistance à l'invasion. Faisant preuve d'une
ardeur extraordinaire,
nommant
partout des préfets et des
fonctionnaires républicains, il parvient, dans une province plutôt
amorphe, à lever et entraîner, vaille que vaille, 600.000 hommes.
Véritable dictateur jacobin, se méfiant de ce qu'il pense être des
velléités régionalistes, il prend ses distances avec les ligues de villes
qui se sont créées dans le midi, dans hypothèse d'une prochaine chute
de Paris: Ligue du Midi pour la Défense Nationale, fondée le 28
septembre, et qui regroupe, autour de Marseille, les villes de 15
départements; Ligue du Sud-Ouest, autour de Toulouse, créée début
octo bre.
8
Gambetta met sur pied l'armée de la Loire (confiée au général
d'Aurelle de Paladines, puis, après avoir été divisée en deux, à
Bourbaki et Chanzy), l'armée du Nord (confiée à Faidherbe), et,
appuyée en Bourgogne par les «chemises rouges» de Garibaldi,
l'armée de l'Est (confiée d'abord à Bourbaki puis à Clinchant). Il y a
bien quelques succès: victoires de Coulmiers (9 novembre 1870), de
Bapaume (7 janvier 1871), de Villersexel (9 janvier 1871). Mais la lutte
est par trop inégale. Paris ne peut être dégagé. La délégation doit
quitter Tours pour Bordeaux. Chanzy échoue devant Le Mans (12
janvier), l'armée de l'Est à Héricourt (15-17 janvier), celle du nord à
Saint-Quentin (19 janvier). Seul Belfort, défendu par DenfertRochereau, et la petite ville de Bitche, demeurent invaincus.
L'armistice
A Paris, comme partout en France, l'hiver est particulièrement
rude, quasi-sibérien. Quant à la nourriture, elle commence à se faire
rare. Le rationnement
est trop tardivement
instauré, et le
ravitaillement mal organisé. On mange les animaux du jardin des
plantes. On en vient à spéculer sur le nombre des rats, pour savoir
combien de temps on pourra tenir.
Plusieurs sorties sont tentées, plus ou moins bien préparées, plutôt
mal que bien. Les chefs, Trochu en tête, en dépit de leur superbe (<<le
gouverneur de Paris ne capitulera pas ») et de la supériorité
numérique, ne croient pas en la victoire et veulent en fmir. Les échecs
se répètent, sanglants: Champigny, le 30 novembre; Buzenval, le 19
janvier. Là, pour la première fois, on a fait donner la Garde
Nationale, dans le but de calmer ses velléités guerrières.
Le 22 janvier, les révolutionnaires ont un nouvel accès de colère.
Quelques centaines d'entre eux marchent, une nouvelle fois, sur
l'Hôtel de Ville. Parmi eux, Delescluze, Blanqui, Varlin, Louise
Michel. Un coup de feu est tiré. Une fusillade s'en suit, qui disperse
l'émeute. On ramasse plusieurs cadavres, premiers martyrs d'une
révolution à venir.
Le lendemain, Jules Favre se rend à Versailles, pour y rencontrer
Bismarck. Le 28, il signe un armistice qui, même si le mot n'est pas
utilisé, est une véritable capitulation. Paris doit livrer ses forts et
réduire sa garnison. Jules Favre obtient, cependant, de ne pas
désarmer la Garde Nationale, ce qu'il regrettera amèrement quand
9
viendra l'heure de la Commune. Il faut verser à la toute nouvelle
Allemagne (dont Guillaume 1er a été proclamé empereur à Versailles,
dix jours plus tôt), une indemnité de 200 millions de francs.
Bismarck s'inquiète de la réaction de Gambetta. Il a raison. Car
c'est non seulement Paris qui doit cesser le combat, mais l'ensemble
du pays. Cela, Gambetta a du mal à l'admettre. La rupture entre lui et
le Gouvernement est inévitable. Le prétexte en est fourni par les
modalités d'élection de l'assemblée, prévue par la convention
d'armistice, chargée de se prononcer sur la paix ou la poursuite de la
guerre. Par un décret du 31 janvier, Gambetta, en temps que ministre
de l'Intérieur, entend refuser l'éligibilité aux membres des familles
ayant régné sur la France ainsi qu'aux anciens serviteurs de l'Empire.
Bismarck proteste. Le gouvernement envoie à Bordeaux Jules Simon,
nommé ministre de l'Intérieur en lieu et place de Gambetta. Celui-ci
refuse de s'incliner et de se laisser supplanter. Seule l'arrivée de trois
autres membres du gouvernement permet d'éviter l'attaque de la
préfecture, que Jules Simon fait préparer pour le 6 février, à onze
heures du matin. Mis en minorité au sein de la délégation, Gambetta
s'incline et démissionne d'un gouvernement avec lequel il n'est « plus
en communion d'idées ni d'espérances ».
II La République
en guerre civile: la Commune
(1871)
Les ambiguïtés du 4 septembre et le mécontentement parisien ne
vont pas être levés avec les élections, bien au contraire. Si l'on a pu
éviter que le sang ne coule entre Français durant l'automne et l'hiver,
on ne le pourra plus au printemps.
L'élection
de l'Assemblée
Nationale
Les élections sont fixées au 8 février. Elles doivent se dérouler au
scrutin de liste, comme en 1849 (sous l'Empire, on votait au scrutin
d'arrondissement). Les délais sont très courts, 43 départements sont
occupés, près de 400.000 hommes sont prisonniers. Autant dire que
la campagne est inexistante, ou presque.
On demande aux électeurs de se prononcer pour la paix ou la
guerre. Un autre thème s'impose également, qu'on néglige trop
souvent: pour ou contre la liberté, c'est-à-dire, refuse-t-on ou
accepte-t-on la « dictature» jacobine rendue nécessaire par la guerre?
10
Les conservateurs
constituent
des listes de large union,
rassemblement
hétéroclite de bourgeois libéraux et de nobles
monarchistes. Ils se prononcent clairement pour la paix et contre la
dictature. En revanche, ils sont discrets sur la question du régime
dont l'Assemblée, qui n'est pas constituante, n'a d'ailleurs pas,
théoriquement, à s'occuper.
Les Républicains, eux, se prononcent clairement sur la forme du
régime. Mais ils sont divisés sur la question de la paix et de la guerre,
les radicaux souhaitant la poursuite de la guerre, au contraire des
modérés.
Les deux camps sont incarnés par deux hommes: Thiers, d'une
part, l'ancien minis tre de Louis-Philippe, l'homme des « libertés
nécessaires », le pacifiste qui a condamné tant la guerre du Mexique
que la déclaration de guerre de juillet 1870, le vieillard dont l'âge (74
ans) est un gage de sagesse. Gambetta, de l'autre, le radical du
«programme de Belleville », le dictateur jacobin, l'homme de la guerre
à outrance, le jeune homme (32 ans) dénoncé par Thiers comme un
«fou furieux ». La possibilité des candidatures multiples donne au
scrutin l'aspect d'un plébiscite en faveur de l'un ou de l'autre.
Thiers est élu dans 26 départements, Gambetta dans 9. Le premier
l'emporte nettement sur le second. La victoire conservatrice est
écrasante: plus de 400 monarchistes, les deux tiers de l'Assemblée
Nationale, pour environ 200 républicains, dont à peine une
quarantaine de gambettistes.
On retrouve les lignes de force du plébiscite de 1870, avec un fort
contraste Est-Ouest, de part et d'autre d'une ligne P erpign anDunkerque. A l'Est, où les non à l'empereur ont déjà constitué une
forte minorité en 1870, le vote républicain s'aff1ffile (il faut faire un
cas à part pour les départements lorrains et alsaciens qui, se sachant
menacés d'annexion par l'Allemagne, manifestent par leur vote leur
attachement à la France). Les grandes villes sont également
républicaines. Mais leur vote a été souvent submergé par le raz de
marée des campagnes qui, comme au temps de l'Empire, restent à
convertir à la République.
La majorité conservatrice est composée de notables. Dans les
circonstances dramatiques traversées par le pays, les ruraux, à l'appel
du clergé, s'en sont remis aux élites traditionnelles: 225 nobles (un
tiers des élus, soit une proportion plus forte encore qu'aux Etats
Généraux de 1789) sont élus, la plupart châtelains résidant sur leurs
Il
domaines, mêlés à de grands ou bons bourgeois, eux aussi souvent
propriétaires fonciers. Ces hommes sont souvent âgés (âge moyen:
53 ans), sans grande expérience politique pourtant: moins d'un tiers
des représentants (on ne dit pas, alors, députés) ont une expérience
parlementaire préalable. L'arrivée massive de ces «seigneurs de
village, [de ces] figures parcheminées conservées avec soin depuis
1829, sans doute à titre d'échantillon» (Camille Pelletan), n'est pas
sans susciter étonnement,
et même stupéfaction,
parmi les
républicains.
Les députés s'organisent en des groupes nombreux et fluctuants.
Les gambettistes forment l'Union républicaine. Les amis des quatre
«Jules» ( Favre, Ferry, Grévy, Simon), la Gauche Républicaine. Les
légitimistes ultras prennent le nom de «chevau-légers », tandis que
des légitimistes libéraux (acceptant le régime parlementaire et le
drapeau tricolore) seront à l'origine de la Réunion Colbert (droite
modérée) et, avec les Orléanistes, du Centre droit. Au centre gauche,
se regroupent, autour de Thiers, Dufaure, et Casimir-Perier, ceux qui,
progressivement,
vont se convertir à la République. Rouher,
tardivement élu en Corse en février 1872, forme le groupe
bonapartiste de l'Appel au Peuple.
L'Assemblée s'installe d'abord à Bordeaux, le 12 février. Avec son
écrasante majorité conservatrice, elle est à même d'abolir la
République, née au soir du 4 septembre, non de la force de ses
partisans dans le pays, mais de l'effondrement de l'Empire à Sedan. Il
lui faut auparavant s'atteler à la question pour laquelle elle a été élue:
celle de la paix.
Les préliminaires
de paix
Considérant de première urgence de gouverner le pays et de
négocier la paix, l'Assemblée décide de reporter à plus tard le choix
définitif des institutions de la France. Le 17 février, Thiers, le nouvel
homme fort, est désigné « chef du pouvoir exécutif de la République
Française », pour un temps indéterminé,
sous l'Autorité de
l'Assemblée. Thiers constitue un cabinet de neuf portefeuilles, où l'on
trouve d'anciens ministres de la Défense Nationale hostiles à
Gambetta Oules Favre, Jules Simon, Ernest Picard), un légitimiste
libéral (Larcy), et des orléanistes qui lui sont dévoués, comme
Dufaure. Par la suite, un bonapartiste (pouyer-Quertier)
vient
12
cOlnpléter l'ensemble. La diversité politique du ministère montre que
la question du régime n'est pas encore à l'ordre du jour. Pour que les
choses soient bien claires, Thiers s'engage, le 10 mars, par le Pacte de
Bordeaux, à se consacrer uniquement à la réorganisation de la France,
et à ne pas placer l'Assemblée Nationale devant le fait accompli d'une
définition institutionnelle.
Du 21 au 26 février, Thiers et Jules Favre négocient avec
Bismarck, à Versailles. Les préliminaires de paix prévoient l'abandon
de l'Alsace, de Metz et du tiers de la Lorraine, soit 14.800 km2 et
1.620.000 habitants. Belfort, cependant, qui n'a pas été prise, devrait
rester française. En contrepartie, les troupes allemandes occuperaient
l'Ouest de Paris jusqu'à la ratification de l'accord. Davantage soucieux
de l'argent de la France que de l'amputation de son territoire, Thiers
parvient à ramener l'indemnité exigée par Bismarck de 6 à 5 milliards
de Francs. 43 départements
doivent rester occupés jusqu'au
règlemen t de celle-ci.
De retour à Bordeaux, Thiers obtient, le 1er mars, une ratification
massive des préliminaires de paix: 546 voix contre 107 et 23
abstentions. Les « représentants de l'Alsace et de la Lorraine»
déposent une protestation solennelle au terme de laquelle ils
annoncent leur démission. Parmi eux, se trouvent Gambetta qui,
accablé, part pour l'Espagne (Saint-Sébastien). Le lendemain, d'autres
députés renoncent à leur mandat, parmi lesquels Rochefort et Félix
Pyat. La question de l'Alsace-Lorraine, sous une forme plus ou moins
belliciste, va occuper une place centrale dans l'histoire de la Troisième
République jusqu'en 1919. Considérant comme « nul et non avenu un
pacte qui dispose de nous sans notre consentement », les députés
alsaciens et lorrains lancent, prophétiques: «la revendication de nos
droits reste à jamais ouverte à tous et à chacun dans la forme et dans
la mesure que notre conscience nous dictera. »
Du fait de la ratification rapide des préliminaires de paix, Paris est
évacué dès le 2 mars, avant que Guillaume II n'ait le temps d'y faire
son entrée. Une affiche cernée de noire (1'Affiche Noire) et signée des
membres obscurs du Comité central provisoire de la Fédération de la
Garde Nationale, alors en voie de constitution, contribue fortement à
calmer les ardeurs patriotiques des Parisiens et à éviter les
échauffourées avec les troupes allemandes.
Le 10 mars, l'Assemblée décide de suspendre ses travaux pour dix
jours, le temps de quitter Bordeaux pour Versailles. Versailles?
13
Certains ont même songé à Fontainebleau,
voire Bourges!
L'Assemblée, en effet, envisageant maintenant la restauration, se
méfie de Paris, Paris trop patriote, Paris trop républicain, Paris trop
révolutionnaire.
Le 18 mars
Paris, qui a soutenu un siège héroïque et qui s'attend à la
reconnaissance de la Nation, reçoit comme une gifle le choix de
Versailles par l'Assemblée, même si le gouvernement doit s'installer
dans la capitale. D'autant que d'autres mesures anti-parisiennes ont
été prises. Le 15 février, l'Assemblée a décidé de ne plus verser leur
solde qu'aux gardes nationaux qui font preuve de leur indigence Oa
mesure n'est pas sans rappeler la suppression des Ateliers Nationaux
en 1848) . Le 7 mars, il est mis fm au moratoire du règlement des
effets de commerce et des loyers, décidé au début de la guerre. Le
Paris populaire se trouve jeté à la rue, tandis que le monde artisanal et
commercial est menacé de faillite. A Paris qui, pendant le siège, a
respiré l'air de la liberté (totale liberté de presse et de réunion,
multiplication des clubs, organisation démocratique de la Garde
Nationale, auto-administration
des quartiers populaires), Thiers
entend imposer une tutelle étroite, par le biais d'hommes
impopulaires comme le général d'Aurelles de Paladines, nommé chef
de la Garde Nationale, le général Valentin, nommé chef de la
préfecture de Paris, ou le général Vinoy, nommé gouverneur de Paris.
Mais la ville n'entend pas se laisser brider. Les réunions et
rassemblement populaires se multiplient. Le 10 mars, la Fédération de
la Garde Nationale se dote de statuts et se promet de s'opposer à
toute tentative de renversement de la République. Le 15 mars, elle
désigne les membres de son Comité Central.
Thiers arrive à Paris le 13 mars, bien décidé à « soumettre Paris ».
A ce moment, il semble qu'il a déjà opté, en son fors intérieur, pour la
République. Mais pas n'importe quelle République: la République
conservatrice. Pour assurer son triomphe, il lui faut éliminer tout
risque de République sociale.
C'est pourquoi, dans la nuit de 17 au 18 mars, il décide de
s'emparer des canons de la Garde Nationale. Ces canons, au nombre
de 271 (Plus 146 mitrailleuses) sont propriétés de le Garde Nationale,
qui les a fait fabriquer durant le siège et les a payés par souscription.
14
Ils sont entreposés à Montmartre et à Belleville. 10.000 hommes ont
été mobilisés pour l'opération. Celle-ci est si maladroitement menée
qu'on est en droit de se demander si tout n'a pas été fait, par
provocation, pour qu'elle échoue. Quoi qu'il en soit, au matin du 18
mars, seuls 70 canons ont été retirés. Alertée, la foule s'émeut et se
met à gronder. Affolé, le général Lecomte ordonne de tirer. Ces
hommes refusent et mettent la crosse en l'air. Capturé, le général est
fusillé dans l'après-midi, en compagnie du général Clément Thomas,
un ancien de la répression des journées de juin 1848, qui a eu la
mauvaise idée de passer par-là.
Progressivement, au fli de la journée, sans véritable coordination,
l'insurrection se répand. Jules Ferry, maire de Paris, Clemenceau,
maire du XVIIIe, d'autres encore, veulent qu'on négocie. Mais Thiers
s'y refuse, et décide, à 16 heures, d'abandonner la ville. Dès lors, le
Comité Central de la Garde Nationale est, bien malgré lui, maître de
la capitale. Mais pour y faire quoi?
(( Paris, ville libre ))
Plutôt que de marcher sans tarder sur Versailles, le Comité
Central, soucieux de légalité, préfère organiser, pour le 26 mars,
l'élection d'un Conseil municipal, dont on ne sait encore si,
outrepassant ses attributions purement municipales, il constituera une
véritable Commune. L'abstention est considérable, surtout dans les
quartiers bourgeois.
15 modérés refusent de siéger. Au total, l'assemblée compte 79
membres, dont une cinquantaine seulement effectivement présents.
Les éléments populaires y dominent: 33 ouvriers (principalement
issus des métiers d'art), 5 petits patrons (parmi lesquels Eugène
Pottier, le futur auteur de l'Internationale),14 employés et comptables
(Jourde, Eude, Ferré,...). Signalons également la présence de 12
journalistes (dont Jules Vallès et Flourens), et de quelques artistes,
comme le peintre Courbet.
Cette Commune - car il s'avère rapidement que s'en est une - est
très divisée. La majorité, jacobine, davantage préoccupée de politique
pure, veut voir dans la Commune la continuation de l'ancienne
Commune insurrectionnelle de 1792 et 1793, c'est-à-dire la dictature
au nom du peuple. La minorité, proudhonienne et internationaliste,
très soucieuse de la question sociale, veut voir dans la Commune la
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fin de l'Etat unitaire et despotique. Ces divisions doivent, cependant,
être nuancées. La Déclaration au Peuplefrançais, adoptée le 19 avril,
témoigne de ce que ces hommes ont la même vision d'une
«Révolution communale» étendant l'autonomie de la Commune à
toutes les localités de France, et où l'unité politique de la France serait
assurée par « l'association volontaire de toutes les initiatives locales ».
Renouant avec la tradition décentralisatrice du jacobinisme (pour
lequel le centralisme autoritaire de Paris n'a été qu'une mesure
d'exception imposée par les événements), les jacobins de la
Commune s'accordent avec les proudhoniens sur la formule: « Paris
libre dans la France libre ».
54 jours durant, s'appuyant sur neuf commissions couronnées
d'une commission exécutive, la Commune travaille à bâtir la
République démocratique et sociale, plus communément appelée « La
Sociale ».
Il faut d'abord prendre les mesures d'urgence attendues par la
population: remise totale des loyers échus d'octobre à avril, moratoire
des échéances commerciales, restitution des biens de faible valeur
engagés au mont-de-piété.
Deux grandes mesures de principes sont adoptées: abolition de la
conscription, remplacée par un service militaire municipal obligatoire;
suppression du budget des cultes et séparation de l'Eglise et de l'Etat.
Une réforme de l'enseignement, qui doit devenir gratuit, obligatoire et
laïque, est également mise en chantier, tandis que Courbet cherche à
libérer l'art de la tutelle de l'Etat pour le confier aux artistes euxmêmes.
La Commune a des velléités socialistes, confuses mais indéniables,
comme en témoigne la suppression du travail de nuit des boulangers
et l'interdiction des amendes et retenues sur salaires. Les entreprises
de la Ville et de l'Etat sont « communalisées », ainsi que les ateliers
abandonnés par leur patron, et confiés à l'autogestion ouvrière.
Pour l'essentiel, cependant, il faut moins construire la Commune
que la défendre. La Commune dispose de plus de 160.000 hommes.
Mais les réfractaires sont nombreux et la discipline aléatoire. Après
l'échec de la sortie des 2 et 3 avril, Paris est encerclé, et ses défenses
peu à peu grignotées par le Sud.
La Commune se déchire sur la meilleure façon de rendre son
action plus efficace. Dominée par les souvenirs de la Grande
Révolution, la majorité se prononce, le 1er mai, pour la constitution
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d'un Comité de Salut Public, qui ne prend guère que des mesures
maladroi tes.
Loin de la fièvre qui agite l'assemblée communale, les rues de
Paris sont calmes et tranquilles. Sous le clair soleil du printemps, la
vie quotidienne a repris son cours. On pèche dans la Seine, on se
promène
le dimanche.
Une atmosphère
de fête emplit
périodiquement la ville. Le peuple est invité à des cérémonies
spectaculaires, comme la proclamation de la Commune, le 28 mars,
ou la démolition de la colonne Vendôme, le 16 mai. La parole
populaire, intarissable, s'exprime librement dans les journaux, sur les
murs, dans les clubs, souvent installés dans les églises, dans le
bataillon de la Garde Nationale de chaque quartier.
Entre Paris et Versailles, le tiersparti
On voit trop souvent dans la Commune un affrontement entre
Paris et la province, d'une part, entre républicains révolutionnaires et
républicains conservateurs ou libéraux, de l'autre. Sans être fausse,
cette vision des choses est trop réductrice. Car, entre les uns et les
autres, existe, tant à Paris que dans les villes de province, tout un tiers
parti républicain, déterminé à mettre fin à la guerre civile.
Aux premiers jours de l'insurrection, le «parti des maires»
(Clemenceau, Tirard, ...) a déjà tenté de s'interposer et de trouver un
compromis. Début avril, se constitue une Ligue d'Union Républicaine
pour la Défense des Droits de Paris qui, soucieuse d'en revenir à la
légalité, n'en formule pas moins des revendications très proches de
celles de la Commune. Prétendant représenter 150.000 neutres, la
ligue ne recrute ni parmi les prolétaires, ni parmi les notables, mais
parmi la petite et la moyenne bourgeoisie. Se reconnaissant dans le
jacobinisme de l'an II, mais pas véritablement prêts à aborder de
front la question du changement social, ces conciliateurs sont d'un
esprit radical.
Dans les villes de province, qui ont connu quelques journées
d'effervescence révolutionnaire dans les dix derniers jours de mars,
des initiatives semblables voient le jour. Le 30 avril, les élections
municipales organisées dans tout le pays sont un indéniable succès
républicain, qui conforte le parti des médiateurs. Un Congrès des
«villes républicaines» se tient à Lyon, le 14 mai, pour demander la
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cessation des hostilités, et les dissolutions respectives de l'Assemblée
Nationale et de la Commune.
Ni Versailles ni Thiers, cependant, n'acceptent la moindre
concession. Tout juste Thiers accepte-t-il de recevoir, froidement, les
conciliateurs, le temps, sans doute, de mettre la touche finale aux
préparatifs de la répression.
La Semaine Sanglante
Thiers, qui ne dispose d'abord que de quelques régiments
démoralisés, reconstitue rapidement une armée de 170.000 hommes,
moralement préparée à la répression. La discipline y est sévère. La
propagande,
qui répand l'image d'une insurrection
parisienne
diabolique et orgiaque, issue de la barbarie des bas-fonds, réveille
chez ces ruraux la peur ancienne du « spectre rouge ».
Les troupes versaillaises, sous le commandement de Mac-Mahon,
entrent dans Paris, le 22 mai, par les quartiers bourgeois de l'Ouest.
La résistance est d'abord épisodique et mal organisée. Quand il s'agit
de défendre le Paris populaire de l'Est, c'est autre chose. Le combat
devient farouche le long du canal Saint Martin, aux Buttes Chaumont,
au cimetière du Père Lachaise - repris tombe après tombe -, à
Belleville. Le 28 mai, tout est fini.
L'armée de Versailles a moins de 900 morts. Les « Communeux »
(on ne dit pas encore Communards), acharnés à la défense de leurs
barricades, perdent près de 4000 combattants. Dès le 22 mai,
commencent les exécutions sommaires, œuvres de corps spéciaux
chargés de ratisser un quartier après qu'il a été repris.
En réponse, les Fédérés (autre nom des Commun eux)
entreprennent l'exécution des otages qu'ils retiennent prisonniers.
Parmi eux, l'archevêque de Paris, Mgr d'Arboy. Au total, une centaine
de personnes. On livre aux flammes le tiers de Paris: l'Hôtel de Ville,
les Tuileries, le Palais de Justice, attisant ainsi les fantasmes
d'apocalypse de Versailles.
Une semaine après la fin des combats, on massacre encore, au
sortir de cours martiales improvisées, dans de multiples « abattoirs »,
comme ceux de la caserne Lobeau ou du jardin du Luxembourg. La
répression, la plus effroyable jamais menée en France, fait près de
30.000 morts. 4.000 prisonniers sont exilés en Nouvelle Calédonie,
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