Retour de congrès… 15e International Headache Congress Neuromodulation, sommeil, hypotension du LCR n Le 15e International Headache Congress, congrès dévolu aux céphalées qui a lieu tous les 2 ans, s’est tenu à Berlin du 23 au 26 juin, capitale européenne étonnamment calme et à la circulation fluide par rapport aux capitales latines. Parmi les très nombreuses communications, nous avons choisi de retenir la piste de la neuromodulation (à l’aide de devices variés) dans les céphalées chroniques réfractaires, les interrelations sommeil et céphalées et, pour l’apport immédiat dans la pratique, la communication de Lariboisière sur les céphalées par hypotension du LCR. Céphalées chroniques réfractaires : stimulons les patients ! La migraine chronique affecte 3 % de la population générale adulte. La gestion thérapeutique de ces patients n’est pas aisée (mauvaise tolérance et efficacité toute relative des traitements médicamenteux traditionnels). L’algie vasculaire de la face chronique réfractaire, heureusement beaucoup plus rare (1 % des AVF), entraîne un handicap énorme chez les patients. C’est pourquoi les techniques de neuromodulation (terme générique qui désigne un ensemble de techniques permettant d’interférer avec l’activité du système nerveux central ou périphérique) sont en plein essor dans ces indications. * Service de Neurologie B, Hôpital Roger Salengro, CHRU de Lille ** Centre Urgences céphalées, Hôpital Lariboisière, Paris *** Service Neurochirurgie, CHU Timone, Marseille Neurologies • Octobre 2011 • vol. 14 • numéro 141 Christian Lucas*, Dominique Valade** et Anne Donnet*** • Jean Shoenen (Liège, Belgique) (1) a fait, en plénière, un tour d’horizon des techniques utilisées avec notamment et par ordre d’apparition historique dans l’AVF chronique réfractaire la stimulation cérébrale profonde hypothalamique homolatérale, en sachant que cette technique à risque est quasi abandonnée, avec actuellement des travaux de recherche prometteurs sur la stimulation du nerf Grand Occipital et encore plus récemment la stimulation du ganglion sphéno-palatin (comme traitement des crises d’AVF chez les patients non répondeurs aux traitements conventionnels) avec présentation d’une étude européenne en cours avec inclusion de 12 patients (2). • D’autres techniques (stimulation du nerf vague, stimulation double : nerf Grand Occipital et nerf supraorbitaire) existent, mais avec un niveau de développement clinique moindre. La démarche est similaire dans la migraine chronique avec un essai en cours sur la stimulation du nerf Grand Occipital par le système Genesis de St Jude Médical (3). A l’heure où les nouveautés thérapeutiques pharmacologiques se font rares dans ces affections particulièrement invalidantes, des données factuelles robustes dans ces différentes techniques de neuromodulation sont désormais requises… Sommeil et céphalées : des relations tumultueuses… L’IHC a consacré une de ces sessions scientifiques aux liens entre sommeil et céphalées. • Une première partie, plus fondamentale, était consacrée aux liens physiopathologiques entre céphalées et sommeil par P. Holand (4). 431 Retour de congrès… L’algie vasculaire de la face et la migraine peuvent être considérées comme des maladies chronobiologiques pour lesquelles l’hypothalamus et le tronc cérébral sont les régions anatomiques qui jouent un rôle fondamental. Le noyau suprachiasmatique est plus particulièrement le chef d’orchestre de nos rythmes biologiques. L’hypothalamus, cette fois-ci dans sa partie antérieure, joue également un rôle clef, puisqu’une lésion de cette région peut entraîner une insomnie prolongée. Trois substances ont une action fondamentale : les orexines, la mélatonine et l’adénosine. Si les deux premières ont déjà fait l’objet de nombreuses publications, l’adénosine semble avoir une action sur le métabolisme énergétique et un lien avec le noyau ventral préoptique de l’hypothalamus. • Une mise au point de Dagny Holle (5) a été faite sur la céphalée hypnique, comme modèle des relations particulières entre sommeil et céphalées. On rappellera qu’il y a dans la littérature 175 cas publiés, en particulier à travers plusieurs grandes séries allemandes, françaises et taïwanaises. Si sa prévalence réelle est toujours inconnue (vraisemblablement entre 0,07 à 0,1 %), cette céphalée survient de manière exclusivement nocturne, et est associée à un comportement moteur particulier, observé de manière systématique, et différent de celui décrit au cours de la crise de migraine ou d’algie vasculaire de la face. Les études polysomnographiques ont bien démontré que la survenue de la céphalée se faisait aussi bien dans le sommeil REM, que lors du sommeil non-REM. Des apnées peuvent être mesurées, mais sans corrélation temporelle 432 avec la céphalée ; elles sont probablement en rapport avec l’âge des patients (classiquement supérieur à 50 ans). Enfin l’imagerie structurale réalisée chez 14 patients versus 14 témoins a démontré une diminution de la substance grise de l’hypothalamus postérieur. Sur le plan thérapeutique, le consensus se fait sur la caféine, à la fois comme traitement de crise et de fond. L’utilisation du lithium, dont l’efficacité est certes démontrée, mais à l’origine de nombreux effets secondaires, doit se faire avec prudence. nationale des troubles du sommeil fait état d’une céphalée qui est inconnue de l’IHS. Il s’agit de la céphalée en coup de tonnerre nocturne, reconnue comme une entité dont la particularité est de survenir au moment du réveil ou lors de la transition d’un stade à l’autre de sommeil. Ceci devrait éveiller la curiosité des spécialistes de la céphalée… • Lisotto (6) qui, dans un poster, faisait une synthèse des différentes options thérapeutiques au cours des céphalées hypniques, positionnait cependant en première intention le lithium, en raison de son niveau de preuve, et en seconde intention l’indométacine, puis la caféine et la mélatonine. Cette stratégie n’est pas la même que celle proposée en France, où l’oxétorone a une place de choix. Malheureusement, cette molécule étant purement française, il est difficile de la mettre en exergue dans des recommandations internationales. Le Centre Urgences et Céphalées (CUC), par l’intermédiaire de Caroline Roos (8), a rapporté en plénière son expérience du blood patch dans le traitement des céphalées par hypotension spontanées du LCR. • Une troisième partie faite par S. Evers (7) abordait les rapports au sens large entre sommeil et céphalées. A côté des comorbidités classiques entre migraine et apnées, et migraine et jambes sans repos, on notera la fréquence des apnées du sommeil au cours de l’algie vasculaire de la face. La nature de ces apnées étant centrale, et non pas obstructive, cela explique que la CIPAP n’a que peu d’effet chez ces patients. • Enfin, la classification inter- Hypotension spontanée du LCR et blood patch : l’expérience de Lariboisière Ils ont inclus 80 patients (dont 55 femmes) ayant eu des céphalées par hypotension du LCR sans brèche dure-mérienne évidente, entre 2004 et 2009. 75 de ces 80 patients avaient des céphalées typiquement à l’orthostatisme et 66 avaient les anomalies IRM classiques (prise de contraste des espaces méningés, ptose des éléments du système nerveux central…). Ces patients avaient été diagnostiqués tôt, en général dans le mois suivant le début des symptômes. 15 de ces 80 patients ont été améliorés par les traitements conventionnels (repos, caféine). Un blood patch a été réalisé chez 64 patients (un patient l’a refusé) avec une guérison chez 77 % de ceux-ci. Un 2e blood patch a été réalisé chez 14 % des patients et un 3e chez 2 %. Un hématome sous-dural a été noté chez 19 patients avec une prédominance masculine (44 vs 14 %) Neurologies • Octobre 2011 • vol. 14 • numéro 141 15e International Headache Congress résolutifs soit après traitement conventionnel dans 0,5 % des cas, soit après blood patch dans 58 % des cas mais nécessitant un drainage neurochirurgical dans 26 % des cas. Le blood patch entraînait de meilleurs résultats chez les femmes (68 vs 45 %), sans doute du fait d’un diagnostic et d’une prise en charge des céphalées par hypotension spontanée du LCR plus précoce que chez les hommes (24 j ± 27 vs 29 j ± 51). On retiendra donc l’intérêt de faire tôt le diagnostic et le traitement de l’hypotension spontanée du LCR, afin non seulement de soulager le patient, mais aussi d’éviter les complications de type hématome sous-dural, potentiellement gravissime… n Mots-clés : Céphalées, Céphalées chroniques réfractaires, Migraine, Algie vasculaire de la face, Neuromodulation, Sommeil, Hypothalamus, Orexines, Mélatonine, Adénosine, Céphalée hypnique, Apnées, Syndrome des jambes sans repos, Céphalée en coup de tonnerre, Caféine, Hypotension du LCR, Blood patch, Hématome sous-dural Bibliographie 1. Shoenen J. Medical device treatments for headache. XVth International Headache Congress. Berlin, 23-26 juin 2011. 2. Schoenen L, Jensen R, Lantéri-Minet M et al. Caparso pathway CH-1 study: sphenopalatine ganglion (SPG) stimulation for acute treatment of chronic cluster headache (CCH). Initial results. XVth International Headache Congress. Berlin, 23-26 juin 2011. 3. Silberstein S, Dodick D, Saper J et al. The safety and efficacy of occipital nerve stimulation for the management of chronic migraine. XVth International Headache Congress. Berlin, 23-26 juin 2011. 4. Holand P. The pathophysiological link between sleep and headache. XVth International Headache Congress. Berlin, 23-26 juin 2011. Neurologies • Octobre 2011 • vol. 14 • numéro 141 5. Holle D. Hypnic headache. A model for sleep-related headache. XVth International Headache Congress. Berlin, 23-26 juin 2011. 6. Lisotto C, Mainardi F, Maggioni F, Zanchi G. The treatment of hypnic headache: review of the literature including a personal new large case. XV th International Headache Congress. Berlin, 23-26 juin 2011. 7. Evers S. Sleep in headache disorders-headache in sleep disorders. XVth International Headache Congress. Berlin, 23-26 juin 2011. 8. Roos C, Appa Plaza P, Rossignol M et al. Spontaneous intracranial hypotension. A prospective series of 80 patients. XVth International Headache Congress. Berlin, 23-26 juin 2011. 433