UNIVERSITÉ CHEIKH ANTA DIOP BP : 5005 Dakar-Fann ANTHROPOLOGIE DU DROIT Chargée du Cours Fatou Kiné CAMARA Docteure d’Etat en Droit, Enseignante-Chercheure, FSJP/UCAD MASTER 1 DROIT PRIVE/ Option Carrières juridiques / 1er semestre 2015/2016 Code de l’UR DPRIV.415 Code de l’UC DPRIV 4151 Nombre de crédits de l’UE 7c Volume horaire 40h Anthropologie du Droit – Master 1 Droit Privé Option Carrières juridiques, 1er FSJP/UCAD Chargée du Cours Dr Fatou Kiné Camara LA PHILOSOPHIE AFRICAINE DU DROIT ET DE LA JUSTICE Objectifs du cours Objectif général L’apprenant/e doit être capable d’identifier et d’interpréter correctement les règles et les concepts constituant le système de Droit et de Justice autochtone africain. Objectifs particuliers L’apprenant/e est capable de/d’ : 1. Mettre en relation tout système de Droit (philosophie et pratique) avec les mœurs, les valeurs, les croyances, la religion et le mode de vie du groupe humain appliquant le système juridique étudié ; 2. Extraire des différentes représentations religieuses, récits mythologiques et contes initiatiques de l’Afrique antique et précoloniale, les conceptions du Droit et de la Justice qu’elles renferment ; 3. Analyser les sources écrites, visuelles et orales relatives au Droit et à la Justice dans l’Afrique antique et précoloniale ; 4. Evaluer la finalité des règles et concepts du système juridique africain au regard des résultats auxquels leur application a abouti dans les sociétés africaines antiques et précoloniales. INTRODUCTION « [P]our comprendre les Droits originellement africains il ne suffit pas de les penser autres : il faut penser autrement. » Alliot1 Formé à partir du grec Anthrôpos, homme, et Logos, discours (grec), le terme « anthropologie » désigne une science qui a pour objet 1 Michel ALLIOT « La coutume dans les droits originellement africains », Bulletin de liaison du LAJP, n° 7-8, 1985, pp. 79-100 http://www.dhdi.free.fr/recherches/theoriedroit/index.htm (consulté le 18 mars 2015) 2 Anthropologie du Droit – Master 1 Droit Privé Option Carrières juridiques, 1er FSJP/UCAD Chargée du Cours Dr Fatou Kiné Camara l’étude de l’homme à travers le milieu qui l’a façonné. Il s’agit plus spécifiquement d’étudier un groupe humain avec tous les détails qui le caractérise : langue, rapports sociaux, familiaux, relations avec la nature, croyances, mythes génésiques, modes d’alimentation, manières de se vêtir... L’anthropologie du Droit s’appuie sur le constat suivant, fait par Michel ALLIOT : « Qui veut comprendre la forme et le sens des institutions juridiques d'une société a donc intérêt à les rapporter non aux institutions de sa propre société - le rapprochement serait superficiel - mais à l'univers de celle dans laquelle il les observe.»2 En Afrique, le droit autochtone est difficile à mettre en lumière du fait de sa transformation en « droit honteux », pour reprendre le qualificatif de Michel Alliot.3 Avec les bouleversements sociaux et les traumatismes issus des traites esclavagistes (orientales et occidentales), de la conquête puis de l’occupation coloniale, de nouveaux modèles économiques, politiques et religieux se sont imposés. Ils ont favorisé l’émergence de rapports sociaux de pouvoir fondés sur le rejet ou la dénaturation des coutumes autochtones et l’adoption de normes d’emprunt rapidement assimilées (acculturation). Il en découle les interrogations suivantes pour qui veut mettre au jour les concepts et les règles propres au système juridique africain, à l’exclusion de tout emprunt extérieur au continent : • Comment faire pour connaître avec un minimum de certitude le droit qui régissait les communautés autochtones africaines avant les grands bouleversements qui ont secoué le continent ? 2 Michel ALLIOT « Anthropologie et juristique. Sur les conditions de l’élaboration d'une science du droit », Bulletin de liaison du LAJP, n' 6, 1983, pp. 83-117, http://www.dhdi.free.fr/recherches/theoriedroit/index.htm (consulté le 18 mars 2015) 3 ALLIOT Michel, « Anthropologie et juristique. … » op. cit. loc. cit. 3 Anthropologie du Droit – Master 1 Droit Privé Option Carrières juridiques, 1er FSJP/UCAD Chargée du Cours Dr Fatou Kiné Camara • Comment démontrer l’existence d’un système autochtone et cohérent de règles et d’institutions juridiques ne devant rien à l’acculturation ni aux emprunts ? La découverte du droit autochtone africain implique de déconstruire l’idéologie d’un droit coutumier africain identique et inchangé depuis la nuit des temps. La déconstruction se fait en mettant en lumière les différents facteurs de dénaturation du droit autochtone, tout comme les emprunts et les éléments d’acculturation qui s’y sont greffés. Toutefois, une telle analyse ne peut se faire sans recours à un modèle de référence. Il faut donc commencer par poser l’existence d’un modèle juridique africain de référence. Pour être valable, un tel modèle doit nécessairement être géographiquement localisé en Afrique et à une époque où le continent n’est pas encore la proie des soubresauts violents qui lui sont imposés de l’extérieur. Afin de pouvoir mener une comparaison poussée, il faut en outre que les données fiables sur ce système juridique abondent. Ces différents impératifs font de l’Egypte pharaonique le modèle de référence obligé. PLAN DETAILLE DU COURS CHAPITRE 1er LES SAGESSES/ENSEIGNEMENTS PHILOSOPHIQUES DE L’EGYPTE PHARAONIQUE « [C]ar les mœurs d'un Etat sont nécessairement modelées sur celles des individus » Placide IPAN MOLOUASHUNI4 L'enseignement d'Hordjedef L'enseignement pour Kagemni 4 L'éducation de l'élite gouvernante dans la pensée platonicienne, Institut supérieur de philosophie Saint-Joseph MUKASA Yaoundé Cameroun Baccalauréat 2010, Mémoire online : http://www.memoireonline.com/01/14/8660/m_Leducation-de-l-elite-gouvernante-dans-la-pensee-platonicienne1.html (consulté le 15 avril 2016) 4 Anthropologie du Droit – Master 1 Droit Privé Option Carrières juridiques, 1er FSJP/UCAD Chargée du Cours Dr Fatou Kiné Camara L'enseignement de Ptahhotep L'enseignement pour Mérykarê L'enseignement de Khéty (la satire des métiers) L'enseignement d'Ani L'enseignement d'Aménemopé Le conte de l’Oasien ou Le paysan éloquent Les 42 commandements ou La confession négative Section 1/ La source des sagesses §I. La recherche de la vérité §II. L’étude/l’observation du monde et des comportements humains §III. La voie/voix des ancêtres §IV. Les livres Section 2/ Le contenu des sagesses « [A]yant montré la place du philosophe dans la cité, la tâche nous revient de montrer quelles sont les qualités que doit posséder cet homme, le philosophe pour pouvoir diriger la cité. » Placide IPAN MOLOUASHUNI5 §I. Connais-toi toi-même §II. L’excellence de la justice impartiale (« Atte, Dëgg !» – wolof) §III. Le droit est un chemin (yoon- wolof), une voie (de/vers la rectitude) §IV. L’humilité dans la recherche du savoir §V. Eloge de la douceur (douceur dans le ton, dans les propos et dans les actes) et de la maîtrise de soi (nit sago –wolof) §VI. Apologie du bien §VII. Apologie du savoir (xam-xam, wolof) §VIII. De la nécessité d’écouter les requêtes §IX. Apologie de l’humanisme (l’amour des êtres humains) §X. Apologie de l’amour de la mère … du père et de ses enfants §XI. Condamnation de la pédophilie et promotion de l’amour conjugal §XII. Eloge de la joie 5 op. cit. loc. cit. 5 Anthropologie du Droit – Master 1 Droit Privé Option Carrières juridiques, 1er FSJP/UCAD Chargée du Cours Dr Fatou Kiné Camara §XIII. Eloge de la générosité (tàbbe) envers les proches, les démunis, les étrangers §XIV. Eloge du patriotisme - défense des frontières contre les barbares §XV. Eloge de l’honnêteté (ne pas mentir, ne pas voler) §XVI. Respect des aînés, des personnes âgées, des supérieurs Section 3/ Les destinataires et la destination (but) des sagesses §I. La destination (but) des sagesses, la formation de l’élite dirigeante « À moins, repris-je, que les philosophes ne deviennent rois dans [473d] les cités ou que ceux qui sont pour lors appelés rois et détenteurs du pouvoir ne se mettent à philosopher sincèrement et adéquatement, et que cela ne se trouve réuni dans le même [individu, à savoir], pouvoir politique et philosophie, que les natures multiples de ceux qui sont portés vers l'un à l'exclusion de l'autre ne soient réfrénées par la contrainte, la cessation des maux n'est pas [possible], mon cher Glaucon, dans les cités ni même, je crois, pour l'espèce humaine, [473e] ni que ce régime politique, à quelque moment que ce soit auparavant, ne se développe dans le sens du possible et ne voie la lumière du soleil, celui que nous avons à l'instant passé en revue dans notre discours. (…). Il est difficile en effet de voir qu'on ne pourra parvenir autrement au bonheur, pas plus dans la vie privée que dans la vie publique »6 §II. Les destinataires des sagesses A- Des pharaons 1) Pharaon Mérikare (vers – 2160 à 2025 av. J.C., IXe ou Xe dynastie, période intermédiaire) 2) Pharaon Sesostris 1er (XIIe dynastie ~1971-~1928) B- Des princes Au-Ib-Re fils du prince Hardjedef (fils cader du pharaon Kheops/Khufu vers 2585-2566, Ancien empire) C- Des Premiers ministres/Chefs de gouvernement (tjaty en négroégyptien ; jaraaf ju mag en wolof) Kagemni (Chef du gouvernement sous le pharaon Snefrou 2575 – 2551 av. J.C.) 6 PLATON, République, V, 471c4 – 475c5,Traduction Bernard SUZANNE, © 2007, http://platodialogues.org/fr/tetra_4/republic/philroi.htm (consulté le 15 avril 2016) 6 Anthropologie du Droit – Master 1 Droit Privé Option Carrières juridiques, 1er FSJP/UCAD Chargée du Cours Dr Fatou Kiné Camara D- Des élèves savants et hauts fonctionnaires (les scribes) 1) L’élève scribe Pépi (La satire des métiers) 2) L’élève scribe Khonshotep (La sagesse d’Ani) Section 4/ Les auteurs des sagesses - Les « philosophes rois » et les « rois philosophes » « *475a+ … [L]’amoureux de sagesse (« philosophe »), nous le dirons être passionné de sagesse, pas de ci mais pas de ça, mais de sa totalité ».7 §I. Des pharaons A- Kheti III (père de Merikare, 2160 – 2025 av. J. C.) B- Amenemhat 1er (ou Amménémes 1er , 1er souverain de la XIIe dynastie) §II. Des princes Hardjedef (ou Djedefhor) fils cadet su pharaon Kheops (ou Khufu), Ve dynastie, - 2600 av. J. C. §III. Des Premiers ministres/Chefs de gouvernement (tjaty en négroégyptien ; jaraaf ju mag en wolof) A- Imhotep “Celui qui vient en paix” premier ministre du pharaon Djeser (IIIe millénaire) également architecte, ingénieur et philosophe (entre 2800 et 2700 avant J.-C. ) B- Ptahhotep (règne de Djedkarê Isési, 2388-2356 av. J.-C.) §IV. Des hauts fonctionnaires A- Le scribe Khety (vers 2100 av. J. C.) B- Le scribe Ani C- Le scribe Aménémopé (surintendant des céréales) Section 5/ La pratique des sagesses : Les lois de l’Egypte ancienne 7 La République, op. cit. loc. cit. 7 Anthropologie du Droit – Master 1 Droit Privé Option Carrières juridiques, 1er FSJP/UCAD Chargée du Cours Dr Fatou Kiné Camara §I. Le principe de l’Etat de droit (Nul n’est au-dessus des lois) §II. Le principe de la justice indépendante, transparente, impartiale et équitable (respect des droits de la défense et de la légalité des peines) §III. Le principe de l’égalité devant la loi de tous les êtres humains §IV. L’obligation de déclaration de patrimoine §V. Le devoir d’assistance à personne en danger §VI. La protection des droits des enfants §VII. L’interdiction de la contrainte par corps §VIII. Le crime de parjure §.IX La peine d’infamie Section 6 / Le résultat – La civilisation négro-pharaonique un modèle inégalé de durée, de stabilité, de développement technique, technologique et humain §I. L’Egypte pharaonique, un modèle de développement A- Le développement des sciences, des arts et des techniques 1) Combinaison de la raison et de la religion, de la science et de la conscience : Les prêtres et prêtresses, des astro-physiciens et physiciennes philosophes 2) Spécialisation des corps de métier 3) Développement des spécialités dans la médecine 4) Développement de l’architecture monumentale « pharaonique » et des grands travaux publics B- Le développement humain Développement spirituel 1) Education pour, et du, tous ensemble 2) Egalité des sexes et statut social élevé des femmes 3) Attention à la propreté du corps autant qu’à celle de l’âme 4) Inexistence des sacrifices humains 5) Culture de la joie de vivre, célébration de la vie 8 Anthropologie du Droit – Master 1 Droit Privé Option Carrières juridiques, 1er FSJP/UCAD Chargée du Cours Dr Fatou Kiné Camara 6) Culture du respect des personnes âgées 7) Primauté des peines alternatives à la peine de mort 8) Xénophilie : sympathie, amitié envers les étrangers C- Le développement du régime politique 1) Parité des sexes au sommet de l’Etat 2) Justice, équité et humanisme comme principes de gouvernement D- Le développement économique 1) Distribution équitable des terres 2) Main d’œuvre non esclave mais salariée 3) Population nombreuse et prospère §II. L’Egypte pharaonique, un modèle inégalé de durée et de stabilité §III. L’Egypte pharaonique, la source du « Miracle Grec » A- Un peuple et des souverains admirés B- Un savoir, des lois et des techniques recopiés CHAPITRE 2 LA CONTINUITE CULTURELLE ET HISTORIQUE Section 1/ Les sagesses de l’Afrique sub-saharienne §I. Le serment du Mandé A- Les auteurs du serment : Des grands initiés (le futur empereur du Mali et ses compagnons) « Les enfants de Sanene et Kontron » B- Le contenu du serment : Une déclaration des droits et devoirs de l’être humain à destination du monde entier §II. Les codes d’éthique (maximes) du Mandé : La tradition orale comme source ; La communauté comme destinataire (le peuple et les dirigeant/e/s) 9 Anthropologie du Droit – Master 1 Droit Privé Option Carrières juridiques, 1er FSJP/UCAD Chargée du Cours Dr Fatou Kiné Camara Section 2/ L’application/ la mise en œuvre des sagesses §I. La Charte de Kurukan Fuga : Le respect du serment du Mandé A- Contexte B- Auteur/e/s C- Contenu §II. Le témoignage de Ibn Battuta : l’empire du Mali au XIVe siècle §III. Les enseignements de Kocc Barma Fall et de Goorgi Usman Géy A- Kocc Barma Fall 1) Un Premier ministre/Chef du gouvernement du royaume du Kayor 2) Les quatre « touffes » de Kocc Barma Fall - « Buur du Mbokk » (le roi n’est pas un parent) = Le devoir d’équité et d’impartialité du dirigeant - « Doomu jiitlé du doom » (l’enfant d’un premier lit n’est pas ton enfant) = le devoir de mériter l’affection de l’enfant d’un premier lit en le traitant bien - « Jigéenu ana yow ana man sooppal té bul wóolu » (Aimes bien la femme que tu ne connais ni d’Eve ni d’Adam mais ne lui fais pas confiance) = l’obligation de prendre le temps de connaître et de tester le caractère de la personne que l’on souhaite épouser (la même règle existe pour les filles avec le conte « La fille qui voulait un mari sans cicatrices ») - « Màg màtna bàyyi ci am réew » (les personnes âgées sont utiles dans une nation) = apologie du savoir car, en principe, les personnes âgées sont arrivées au sommet des différents degrés d’instruction, elles sont donc supposées être de grandes 10 Anthropologie du Droit – Master 1 Droit Privé Option Carrières juridiques, 1er FSJP/UCAD Chargée du Cours Dr Fatou Kiné Camara savantes (d’où la phrase de Hampaté Ba « En Afrique, un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle »). B- Góorgi Usmaan Géy Auteur de Nàmm Xel Tàggat Jikko, Pensées, Organisation sénégalaise d’appui au développement, BP 5930, Dakar 1997. Présentation de l’auteur « Ousmane Guéye, 1907 – 1994, est né à Rufisque de parents originaires du Kajoor. Ayant perdu ces derniers très tôt, il a vécu sous l’ombre de ses frères Djibril Guéye Samba Ngoné et Mbaye Rab Guéye, éminents penseurs, reconnus pour la profondeur et la pertinence de leurs discours. Ces derniers, après l’avoir initié à l’art de bien dire, ont pu tester l’efficacité de leur enseignement, au cours des voyages qu’ils effectuèrent ensemble dans de nombreuses localités du Sénégal, particulièrement entre Dakar, Rufisque et Tivaouane, sous la bénédiction de Serigne Ababacar Sy, dont il était un fidèle taalibé. » 4e de couverture. BIBLIOGRAPHIE ALLIOT Michel, « Modèles sociétaux : les communautés », Bulletin de liaison du LAJP, n° 2, 1980, pp. 87-93, http://www.dhdi.free.fr/recherches/theoriedroit/index.htm (consulté le 18 mars 2015) « Anthropologie et juristique. Sur les conditions de l’élaboration d'une science du droit », Bulletin de liaison du LAJP, n' 6, 1983, pp. 83-117, http://www.dhdi.free.fr/recherches/theoriedroit/index.htm (consulté le 18 mars 2015) « La coutume dans les droits originellement africains », Bulletin de liaison du LAJP, n° 7-8, 1985, pp. 79-100 http://www.dhdi.free.fr/recherches/theoriedroit/index.htm (consulté le 18 mars 2015) BERNARD Martin, L’Ecole en Egypte ancienne, http://www.auguste-piccard.ch/pages/TM-PDF/TM2009/TM2009Bernard.pdf (consulté le 3 avril 2016) 11 Anthropologie du Droit – Master 1 Droit Privé Option Carrières juridiques, 1er FSJP/UCAD Chargée du Cours Dr Fatou Kiné Camara CAMARA Fatou Kiné, Pouvoir et Justice dans la tradition des peuples noirs, Philosophie et pratique, L’Harmattan, Paris 2004 « Pour une méthode scientifique de recherche, d’identification et d’interprétation du droit coutumier africain » Fatou Kiné CAMARA, Revue de Droit Sénégalais, n°5, novembre 2006, Presses de l’Université des sciences sociales de Toulouse ; Revue de l’association sénégalaise de droit pénal, n°9, 2010, pp. 107-140 DIOP Cheikh Anta, Nations nègres et Culture, Présence Africaine, Paris L’unité culturelle de l’Afrique noire, domaine du patriarcat et du matriarcat dans l’Antiquité classique, Présence Africaine, Paris Civilisation ou Barbarie, Présence Africaine, Paris DIOP MAES Louise-Marie, Afrique noire, démographie, sol et histoire, Présence Africaine/Khepera, Paris 1996 OBENGA Théophile, La philosophie africaine de la période pharaonique, 2780330 avant notre ère, L’Harmattan, Paris 1990 OLAWALE Elias T., La nature du droit coutumier africain, Présence africaine, 1961 ROULAND Norbert, L’anthropologie juridique, Que sais-je? (1990) SOMET Yoporeka, « La pensée morale égyptienne du IIIe millénaire avant l’ère chrétienne » ANKH, revue d’égyptologie et des civilisations africaines, n°12/13, 2003-2004, pp. 13-25 «Le scribe dans l’Égypte ancienne » Revue Ankh n°16, année 2007, pp. 28 - 42 A compléter avec les fiches de lecture 1. Sagesses de l’Afrique ancienne – Les enseignements des philosophes-rois 2. Témoignages sur l’Egypte antique - Hérodote et Diodore 3. Sagesses de l’Afrique sub-saharienne – Théorie et Pratique 12 Anthropologie du Droit – Master 1 Droit Privé Option Carrières juridiques, 1er FSJP/UCAD Chargée du Cours Dr Fatou Kiné Camara 4. DIODORE DE SICILE LIVRE 1, Traduction de Ferdinand Hoefer (1851) Diodore de Sicile est un historien et chroniqueur grec du Iᵉʳ siècle av. J.-C. né à Agyrium en Sicile. http://www.mediterranees.net/geographie/diodore/livre1.html (visite le 12 mai 2013) EXTRAITS LXIX. Nous avons passé en revue l'histoire des rois d'Egypte depuis les temps les plus anciens jusqu'à la mort d'Amasis (Ahmôsis, Ahmoses) ; nous en donnerons la suite aux époques convenables. Nous allons traiter maintenant des coutumes et des usages les plus singuliers, et en même temps les plus instructifs pour le lecteur. La plupart des anciennes mœurs de l'Egypte n'ont pas été respectées seulement des indigènes ; elles ont été aussi pour les Grecs un grand sujet d'admiration. Ainsi, les plus instruits de ces derniers ont ambitionné de visiter l'Egypte, pour y étudier les lois et les usages les plus remarquables. Bien que ce pays fût autrefois inaccessible aux étrangers, on cite cependant, parmi les anciens, comme ayant voyagé en Egypte, Orphée et le poète Homère ; et, parmi d'autres plus récents, Pythagore de Samos et Solon, le législateur. Les Egyptiens s'attribuent l'invention des lettres et l'observation primitive des astres ; ils s'attribuent aussi l'invention de la science géométrique et de la plupart des arts ; ils se vantent également d'avoir promulgué les meilleures lois. Ils en allèguent, comme la plus grande preuve, que l'Egypte a été gouvernée pendant plus de quatre mille sept cents ans par une suite de rois pour la plupart indigènes, et que leur pays a été le plus heureux de toute la terre. Tout cela, disent-ils, ne pourrait pas être, si les habitants n'avaient pas eu des mœurs, des lois et des institutions aussi parfaites. Nous laisserons de côté tous les faits invraisemblables et les fables inventées à plaisir par Hérodote et d'autres historiens qui ont écrit sur l'Egypte ; nous exposerons les faits que nous avons soigneusement examinés et qui se trouvent consignés dans les annales des prêtres d'Egypte. LXX. D'abord les rois ne menaient pas une vie aussi libre ni aussi indépendante que ceux des autres nations. Ils ne pouvaient point agir selon leur gré. Tout était réglé par des lois ; non seulement leur vie publique, mais encore leur vie privée et journalière. Ils étaient servis, non par des hommes vendus ou par des esclaves, mais par les fils des premiers prêtres, élevés avec le plus grand soin et ayant plus de vingt ans. De cette manière, le roi ayant jour et nuit autour de lui, pour servir sa personne, de véritables modèles de vertu, ne se serait jamais permis aucune action blâmable. Car un souverain ne serait pas plus méchant qu'un autre homme, s'il n'avait pas autour de lui des gens qui flattent ses désirs. Les heures du jour et de la nuit, auxquelles le roi avait quelque devoir à remplir, étaient fixées par des lois, et n'étaient pas abandonnées à son arbitraire. Eveillé dès le matin, il devait d'abord recevoir les lettres qui lui étaient envoyées de toutes parts, afin de prendre une connaissance exacte de tout ce qui se passait dans le royaume, et régler ses actes en conséquence. Ensuite, après s'être baigné et revêtu des insignes de la royauté et de vêtements magnifiques, il offrait un sacrifice aux dieux. Les victimes étant amenées à l'autel, le grand prêtre se tenait, selon la 13 Anthropologie du Droit – Master 1 Droit Privé Option Carrières juridiques, 1er FSJP/UCAD Chargée du Cours Dr Fatou Kiné Camara coutume, près du roi, et, en présence du peuple égyptien, implorait les dieux à haute voix de conserver au roi la santé et tous les autres biens, lorsque le roi agissait selon les lois ; en même temps, le grand prêtre était obligé d'énumérer les vertus du roi, de parler de sa piété envers les dieux et de sa mansuétude envers les hommes. Il le représentait tempérant, juste, magnanime, ennemi du mensonge, aimant à faire le bien, entièrement maître de ses passions, infligeant aux coupables des peines moindres que celles qu'ils méritaient, et récompensant les bonnes actions au delà de ce qu'elles valaient. Après avoir ajouté d'autres louanges semblables, il terminait par une imprécation contre les fautes commises par ignorance ; car le roi, étant irresponsable, rejetait toutes les fautes sur ses ministres et ses conseillers, et appelait sur eux le châtiment mérité. Le grand prêtre agissait ainsi, afin d'inspirer au roi la crainte de la divinité et pour l'habituer à une vie pieuse et exemplaire, non par une exhortation amère, mais par des louanges agréables de la pratique de la vertu. Ensuite, le roi faisait l'inspection des entrailles de la victime et déclarait les auspices favorables. L'hiérogrammate (scribe égyptien) lisait quelques sentences et des histoires utiles d'hommes célèbres, extraites des livres sacrés, afin que le souverain réglât son gouvernement d'après les modèles qu'il pouvait ainsi se choisir lui-même. Il y avait un temps déterminé, non seulement pour les audiences et les jugements, mais encore pour la promenade, pour le bain, pour la cohabitation, en un mot, pour tous les actes de la vie. Les rois étaient accoutumés à vivre d'aliments simples, de chair de veau et d'oie ; ils ne devaient boire qu'une certaine mesure de vin, fixée de manière à ne produire ni une trop grande plénitude ni l'ivresse ; en somme, le régime qui leur était prescrit était si régulier qu'on aurait pu croire qu'il était ordonné, non par un législateur, niais par le meilleur médecin, tout occupé de la conservation de la santé. LXXI. Il paraît étrange qu'un roi n'ait pas la liberté de choisir sa nourriture quotidienne ; et il est encore plus étrange qu'il ne puisse prononcer un jugement, ni prendre une décision, ni punir quelqu'un, soit par passion, soit par caprice, ou par toute autre raison injuste, mais qu'il soit forcé d'agir conformément aux lois fixées pour chaque cas particulier. Comme c'étaient là des coutumes établies, les rois ne s'en fâchaient pas et n'étaient point mécontents de leur sort ; ils croyaient, au contraire, mener une vie très heureuse, pendant que les autres hommes, s'abandonnant sans frein à leurs passions naturelles, s'exposaient à beaucoup de désagréments et de dangers. Ils s'estimaient heureux en voyant les autres hommes, bien que persuadés de commettre une faute, persister néanmoins dans leurs mauvais desseins, entraînés par l'amour, par la haine ou par quelque autre passion ; tandis qu'eux-mêmes, jaloux de vivre d'après l'exemple des hommes les plus sages, ne pouvaient tomber que dans des erreurs très légères. Animés de tels sentiments de justice, les souverains se conciliaient l'affection de leurs peuples comme celle d'une famille. Non seulement le collège des prêtres, mais tous les Egyptiens pris en masse étaient moins occupés de leurs femmes, de leurs enfants et de leurs biens, que de la sécurité de leur roi. Tous les rois mentionnés ont conservé ce régime politique pendant fort longtemps, et ils ont mené une vie heureuse sous l'empire de ces lois ; de plus, ils ont soumis beaucoup de nations, acquis de très grandes richesses et orné le pays d'ouvrages et de constructions extraordinaires, et les villes, d'ornements riches et variés. 14 Anthropologie du Droit – Master 1 Droit Privé Option Carrières juridiques, 1er FSJP/UCAD Chargée du Cours Dr Fatou Kiné Camara LXXII. Ce qui se passe à la mort des rois n'est pas une des moindres preuves de l'attachement que les Egyptiens ont pour leur souverain ; car les honneurs rendus à un mort sont un témoignage incontestable de la sincérité de cet attachement. Lorsqu'un de leurs rois venait à mourir, tous les habitants prenaient le deuil, déchiraient leurs vêtements, fermaient les temples, s'abstenaient des sacrifices et ne célébraient aucune fête pendant soixante-douze jours. Des troupes d'hommes et de femmes, au nombre de deux à trois cents, parcouraient les rues la tête souillée de fange, leurs robes nouées, en guise de ceinture, au-dessous du sein, et chantant deux fois par jour des hymnes lugubres à la louange du mort. Ils s'interdisaient l'usage du froment, et ne mangeaient aucun aliment provenant d'un être animé ; ils s'abstenaient de vin et de tout luxe. Personne n'aurait voulu faire usage de bains, de parfums et de riches tapis ; on n'osait même pas se livrer aux plaisirs de l'amour. Tout le monde passait le nombre de jours indiqué dans l'affliction et dans le deuil, comme à la mort d'un enfant chéri. Pendant tout ce temps, on faisait les apprêts de funérailles magnifiques, et le dernier jour, on plaçait la caisse, contenant le corps du défunt, à l'entrée du tombeau. On procédait alors, selon la loi, au jugement de tout ce que le roi avait fait pendant sa vie. Tout le monde avait la faculté d'émettre une accusation. Les prêtres prononçaient le panégyrique en racontant les belles actions du roi ; des milliers d'assistants donnaient leur approbation à ce panégyrique, si le roi avait vécu sans reproche ; dans le cas contraire, ils déclaraient par des murmures leur improbation. Beaucoup de rois ont été, par l'opposition du peuple, privés d'une sépulture digne et convenable. C'est pourquoi leurs successeurs pratiquaient la justice, non seulement par les raisons que nous avons déjà fait connaître, mais encore par la crainte que leurs corps ne fussent, après la mort, traités ignominieusement, et leur souvenir maudit à jamais. Tels sont les points les plus saillants des usages concernant les anciens rois. 15