Extrait de la publication Extrait de la publication T´étais qui, toi ? Une collection dirigée par Vincent Cuvellier Dans la même collection : charles de gaulle léonard de vinci AGRIPPINE LA JEUNE STALINE Sitting bull benjamin franklin catherine de médicis toussaint louverture Conseillère historique : Suzanne Boxus Éditrice : Isabelle Péhourticq Directeur artistique : Guillaume Berga © Actes Sud, 2011 978-2-330-01099-7 ISBN 978-2-7427-9508-6 Loi 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse Extrait de la publication Extrait de la publication , Tétais qui, toi ? jules césar ALAIN TURGEON ILLUSTRATIONS DE MATHIEU SAPIN Extrait de la publication Extrait de la publication Descendant des dieux et des rois Beaucoup de clichés circulent sur moi depuis des lustres. On me présente comme empereur alors que je ne le fus jamais. Jules n’est pas mon prénom, ni César mon nom. Nous, les Romains, portons le nom de notre famille en premier ; vient ensuite le cognomen, une sorte de surnom. Tout le monde ne le sait pas mais mon cognomen à moi s’est transformé au fil des siècles. En Allemagne, il est devenu Kaiser, en Russie, tzar. Quant au nom de ma famille, il a engendré le nom du mois de juillet. On prétend aussi que j’aurais été appelé César parce que mon arrièregrand-père serait né par césarienne. 5 Extrait de la publication T’étais qui, toi ? Je suis né le 12 ou le 13 juillet -100 ou alors à la même date en -102. Cette incertitude vient de ce que le calendrier avec lequel on comptabilisait le temps à l’époque de ma naissance était très imprécis. La date la plus probable de ma naissance se situe toutefois dans l’année -102. Enfant, j’étais de constitution frêle et si pâle de peau que j’en paraissais malade. Je souffris dès mon plus jeune âge d’un terrible mal auquel jamais aucun médecin ne trouva de remède. Cela me venait par crises, des crises foudroyantes qui envahissaient tout mon corps et le plongeaient dans une série de forts tremblements. Je souffrais du terrible mal comitial, appelé aussi épilepsie. Cette maladie effrayait tous les superstitieux car elle était associée à de la démence. Cela devait m’obliger plus tard à occuper un rôle très discret au sénat 6 Extrait de la publication Jules César où je me sentis toujours plus à l’aise derrière une colonne qu’en pleine lumière. Cette maladie me secouait, oui, elle me désarçonnait, oui, mais elle m’apprit à constamment redouter ses assauts, à constamment être sur mes gardes. Elle compte pour beaucoup dans la formation de mon caractère. Ma mère s’appelait Aurelia Cotta et, sans jamais en tirer orgueil, pouvait prétendre descendre en droite ligne de Vénus, la déesse de l’amour. De son côté, mon père faisait remonter notre lignée jusqu’à Énée, prince troyen, héros de l’Iliade. Comme tous les bons pères romains, le mien m’apprit à nager et à monter à cheval. Il laissa le reste de mon éducation à un précepteur gaulois, Antonius Grifo. Outre le latin et le grec, ce dernier m’apprit une foultitude de choses concernant 7 Extrait de la publication T’étais qui, toi ? son pays. Je crois que c’est à lui que je dois cette grande envie de connaître la Gaule. À la mort de mon père, j’avais quinze ans. Comme tous les autres Romains de mon âge et de bonne naissance, je pus revêtir la toge blanche, dite toge virile. Ce vêtement prouvait aux regards que j’étais devenu un homme. Mes parents m’avaient déjà choisi une promise. Elle s’appelait Cossutia et était issue d’une simple famille de chevaliers très riches. La présence de mon père me manqua tout le reste de ma vie. Le pauvre homme n’avait pas eu la vie facile. Il affrontait très difficilement le fait que, sous sa conduite, notre famille ait beaucoup perdu en prestige. Malgré la noblesse de sa naissance, il n’avait jamais dépassé le grade de préteur dans notre magistrature, ce qui était vécu par lui comme une disgrâce, presque une honte. Caius Julius Caesar III, tel était son nom. Si la vie ne m’avait pas ouvert les portes de la 8 Extrait de la publication Jules César gloire, on m’aurait certainement oublié sous le nom de Caius Julius Caesar IV. C’est dans un climat de grande insécurité publique que mon père s’éteignit. Il y avait des batailles dans les rues et souvent des morts. Les gens avaient faim et Rome peinait à les nourrir. Subure, le quartier où je vivais, avait mauvaise réputation. Mais j’y avais grandi, j’avais appris à y vivre et m’en contentais. 9 Extrait de la publication Jules contre les pirates... Je grandis donc à Rome dans une période de guerre civile où l’ennemi se trouve à tous les coins de rue. Deux clans s’affrontaient alors pour le pouvoir suprême. D’un côté se trouvait l’homme qui avait épousé ma tante Julia, la sœur de ma mère. C’était mon oncle Marius. Courageux, mais alcoolique. Impressionnant, mais rancunier. Il était le chef de file du parti populaire qui s’opposait au parti conservateur des aristocrates et du sénat. Tout allait mal à Rome parce que nous vivions dans un système qui faisait en sorte que les riches devenaient de plus en plus riches pendant que les pauvres devenaient de plus en plus pauvres et nombreux. Il fallait 10 Extrait de la publication Extrait de la publication T’étais qui, toi ? des réformes mais le parti conservateur, qui contrôlait le sénat, s’y opposait. Il y eut cependant une autre raison que le vin pour empêcher oncle Marius de restaurer la démocratie dans ses droits : cette seconde raison fut Sylla. Lucius Cornelius Sylla était le chef de file du parti des conservateurs. Oncle Marius mourut une année après mon père, en -86. Après sa mort, Rome tomba entre les seules mains de Sylla qui en devint dictateur. Il décida de condamner à mort quarante sénateurs et plus de deux mille six cents chevaliers. Mon nom figurait sur la liste noire. Un autre de mes oncles réussit à faire commuer cette peine capitale en bannissement. Je dus quitter Rome, et vite. Je décidai de m’enrôler dans l’armée et rejoignis Lucullus au siège de Mytilène. Cette ville 12 Extrait de la publication Jules César était la capitale de l’île de Lesbos dans la mer Égée. Je compris très vite en arrivant que le siège de Mytilène se présentait mal. On me donna pour mission d’aller demander des renforts auprès du roi de Bithynie, Nicomède IV, allié de Rome. Il mit une seule condition à l’engagement de sa flotte à nos côtés : m’avoir dans son lit. Nous avions absolument besoin de son aide. L’honneur de Rome valait bien que je laisse un peu du mien. Cette aventure fit grand bruit et on finit par dire de moi que j’étais le mari de toutes les femmes et la femme de tous les maris. N’empêche, je réussis à accomplir ma mission avec les maigres moyens qui étaient les miens. Je revins à Mytilène avec les précieux renforts attendus et nous soumîmes enfin l’île de Lesbos. 13 Extrait de la publication T’étais qui, toi ? L’année suivante, en -79, Sylla mourut. Je pouvais enfin rentrer à Rome. Lors du voyage de retour, le bateau sur lequel je me trouvais tomba aux mains de pirates ciliciens1. Je leur conseillai de demander une rançon plutôt que de me vendre comme esclave. Ils discutèrent entre eux et convinrent d’une somme de vingt mille talents d’or. Je leur ris au nez et me moquai d’eux en les traitant d’ignares. Ce n’est pas vingt mais cinquante talents d’or qu’ils devraient exiger ! Ils n’en revenaient pas de mon audace. J’ajoutai qu’une fois cette affaire terminée, je les ferais tous pendre. Étrangement, cela leur plut et ils se mirent à rire à leur tour. J’envoyai mes gens quérir la rançon et fus retenu prisonnier sur l’île de Farmakosini 1. La Cilicie se trouvait au bord de la Méditerranée, dans le sud de la Turquie actuelle. 14 Extrait de la publication Jules César pendant trente-huit longs jours. Je passai ces journées à détourner mon ennui et mon inquiétude en écrivant des poèmes que je lisais ensuite à mes geôliers. Cela me permettait de subtilement les insulter sans même qu’ils s’en rendent compte. À cette époque, je me destinais encore à une carrière d’écrivain… Une fois libre, je courus à Milet lever une troupe puis repartis à la poursuite de mes pirates. Je les retrouvai et leur repris la rançon. Je me ravisai cependant concernant leur pendaison. Je décidai de les faire crucifier afin d’offrir un exemple clair de ce qu’il en coûtait de capturer un noble Romain. 15 Extrait de la publication Extrait de la publication