astrophysique - Université Paul Sabatier

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dOSSIER
ASTROPHYSIQUE
L’Astrophysique… de l’origine
de l’univers à l’origine de la vie
C’est un sentiment profondément humain que la curiosité pour notre
univers. C’est elle qui conduit à son étude et à son exploration.
>>> Sylvie ROQUES, directeur de recherche au
CNRS et directrice du Laboratoire
d’Astrophysique de Toulouse Tarbes
(LATT, unité mixte UPS/CNRS).
>>> Jean-André SAUVAUD, directeur de recherche
CNRS et directeur du Centre d’Etudes
Spatiales du rayonnement
(CESR, unité mixte UPS/CNRS).
L’astronomie en tant que science a une
influence directe sur nos vies. Elle traite par
exemple de l’effet du Soleil et de l’inclinaison
de l’axe de rotation de la Terre sur les saisons,
sur les climats, de l’effet de la Lune sur les
marées. Cette science est aussi indispensable
aux systèmes de navigation par satellite qui,
utilisant la gravité, la rotation de la Terre et la
relativité générale, permettent aux avions
d’atterrir et aux balises de détresse d’être
repérées. Par ailleurs, la compréhension de
l’activité solaire, et celle des effets orbitaux de
la Terre sont cruciales pour prédire les
changements climatiques à long terme. De
même, des progrès dans l’observation et la
compréhension du soleil devraient conduire à
prédire les orages solaires et à prévenir leurs
effets sur les satellites, et sur les astronautes en
mission dans l’espace.
Autres mondes
L’astronomie a aussi une immense dimension
culturelle. Elle traite de questions
fondamentales pour l’humanité, telle que
l’origine de l’univers, du temps et de l’espace,
celle de notre galaxie et des étoiles qui la
forment, celle de notre système solaire, de
notre planète et même de la vie. Depuis une
dizaine d’année, en effet, les astronomes ont
entrepris la recherche d’autres mondes au-delà
de notre système solaire, d’autres systèmes
planétaires autour de soleils distants. Il en
résulte une coopération intense entres
astronomes, chimistes et biologistes pour tenter
de comprendre les conditions dans lesquelles la
vie pourrait s’être développée ailleurs et
comment cette vie extrasolaire pourrait être
détectée.
Astronomie et technologie sont étroitement
liées. En effet la nécessité d’accroître toujours la
qualité des mesures, en terme de sensibilité et
de précision, a souvent poussé au
développement de nouvelles technologies avec
un impact sociétal fort. C’est ainsi que les
télescopes optiques et infrarouges au sol ont
des tailles de plus en plus grandes et peuvent
maintenant être installés à des altitudes
extrêmes. Si les télescopes radio, utilisés depuis
le milieu de siècle dernier, ont ouvert une
nouvelle fenêtre sur l’univers, la possibilité
d’utiliser les satellites a permis de couvrir la
totalité du spectre électromagnétique.
Big Bang
L’origine de l’univers est donc la question
essentielle que voudrait résoudre
l’astrophysique. La description des premiers
instants est toujours impossible faute de
théorie. Les cosmologistes utilisent un modèle
dit standard (celui du Big Bang) qui retrace
convenablement l’histoire de l’univers après sa
première seconde, en utilisant la relativité
générale. Avec cependant des lacunes
importantes concernant l’origine de la matière
et de l’énergie noire. En effet toutes les
structures de l’univers organisées par la gravité,
galaxies, amas de galaxies…, sont dominées
par une matière invisible. En outre l’expansion
de l’univers s’accélère avec le temps. Une forme
d’énergie inconnue, dite noire est nécessaire à
cette expansion. Observations et théories sont
confrontées à ce problème, posé depuis une
dizaine d’années, qui révolutionne
l’astrophysique et la physique.
C’est l’astrophysique qui décrit tant le cycle de
la matière dans l’univers que la formation des
étoiles et des planètes. En effet, les réactions
nucléaires à l’intérieur des étoiles sont à
l’origine de l’évolution de la matière dite
‘visible’ de l’univers, permettant la création de
métaux en partant des éléments légers initiaux.
Les éléments les plus lourds sont générés au
moment de l'explosion cataclysmique d'étoiles
massives. L’explosion survient quand l’étoile a
épuisé tout son combustible nucléaire,
provoquant ainsi l'effondrement du coeur et
l’expulsion d'une quantité d'énergie
considérable qui souffle les couches externes de
>>>
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Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 11
Astrophysique
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>>> l'étoile, pour ne laisser qu'une étoile à neutron
ou un trou noir. C’est cependant dans le milieu
interstellaire et dans les disques
circumstellaires que se forment les molécules
complexes nécessaires à la vie. Dans ce milieu
interstellaire, immense réacteur chimique, des
molécules organiques se forment au voisinage
des protoétoiles et une branche de
l’astrophysique traite avec des chimistes du
cycle de la matière dans les étoiles et le milieu
interstellaire.
Coopérations internationales
Cet éclairage très partiel, donne une idée de la
complexité de la tâche des astrophysiciens dont
les disciplines couvrent des champs de
connaissance particulièrement vastes et traitent
de sujets allant de l’origine de l’univers, la
formation des étoiles et des planètes jusqu’au
cycle de la matière. Ces disciplines ont besoin
d’une forte structuration et doivent s’appuyer
sur d’intenses coopérations internationales. Au
niveau européen l’astrophysique est structurée
par l’ESO (European Southern Observatory) et
par l’ESA (European Space Agency). Au niveau
>>> Interaction entre deux galaxies, vue par le télescope
spatial Hubble (copyright NASA, ESA).
français, c’est l’INSU (Institut National des
Sciences de l’Univers) qui regroupe et fédère
l’action des laboratoires, avec pour l’espace
le support du CNES (Centre National d’Etudes
Spatiales). A Toulouse, les recherches en
astrophysique se font dans deux laboratoire,
le CESR (Centre d’étude spatiale des
rayonnements) et le LATT (Laboratoire
d’astrophysique de Toulouse-Tarbes),
tous deux unités mixtes du CNRS et de l’UPS.
Contacts : [email protected] et
[email protected]
Les filières de formation dans le domaine
de l’astrophysique
L’Université Paul Sabatier propose à des étudiants issus des licences de
physique une formation de niveau master conduisant à une spécialité
recherche «Astrophysique, sciences de l'espace et planétologie» et à
une spécialité professionnelle « Sciences et techniques spatiales».
La poursuite en thèse s’effectue dans le cadre de l’Ecole doctorale
Sciences de l’univers, de l’environnement et de l’espace (SDUEE,
cohabilitée avec SupAéro) dans un des laboratoires d’astrophysique.
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dOSSIER
Astrophysique
Le champ magnétique,
maillon manquant pour comprendre
la naissance des nouveaux mondes
Comment les étoiles se forment-elles ? Comment les systèmes
planétaires naissent-ils ? Pour le savoir, les astrophysiciens doivent
découvrir la recette que la Nature emploie pour transformer de vastes
nuages cosmiques de gaz en disques d'accrétion, puis en étoiles et en
planètes. Il semblerait que, parmi les ingrédients majeurs, le champ
magnétique figure en bonne place.
>>> Jean-François DONATI,
directeur de recherche CNRS
au Laboratoire d’astrophysique de Toulouse
Tarbes (LATT, unité mixte UPS/CNRS).
L’étoile V2129 Ophiuchi, située dans une des
pouponnières stellaires les plus proches du Soleil, la
constellation d'Ophiuchus, est un candidat idéal pour
étudier ces questions. Bien que presque aussi chaude
que le Soleil et environ 2.5 fois plus grosse que lui
(sa contraction jusqu’à sa taille adulte n'étant pas
achevée), elle est pourtant environ un million de fois
trop peu lumineuse pour être visible à l'oeil nu, du fait
de sa distance à la Terre (420 années-lumière). Elle
n'est âgée que de 2 millions d'années. Ramenée à
l'échelle de la vie humaine, c'est une bébé-étoile d'à
peine quelques jours, qui doit encore passer une année
entière à se contracter pour devenir une étoile adulte
comme le Soleil, accompagnée de son cortège de
planètes.
Les étoiles comme V2129 Oph prennent vie lorsqu'une
portion du nuage moléculaire parent s'effondre sous
son propre poids. Dans ce processus, le globule en
effondrement se met à tourner sur lui-même de plus
en plus vite à la manière d'un patineur sur glace qui
rapproche les bras de son corps. Il se change alors
progressivement en un disque aplati, que l'on nomme
disque d'accrétion, et dont le coeur donne naissance
à la nouvelle étoile tandis que le disque qui l'entoure
engendre les planètes. Cette théorie, proposée à l'origine
par le scientifique Pierre-Simon Laplace, n'est que très
approximative. Elle prédit en particulier que les étoiles
très jeunes doivent tourner très vite sur elles-mêmes,
une propriété qui n'est pas confirmée par les
observations. Il est donc clair qu'il nous manque
certains des ingrédients élémentaires de cette recette.
Jets de matière
L'ingrédient manquant est probablement le champ
magnétique. Les champs magnétiques affectent peu en
effet la vie des étoiles adultes comme le Soleil. Dans les
régions de formation d'étoiles en revanche, les champs
magnétiques sont probablement beaucoup plus
puissants. Grâce à leurs toiles invisibles traversant
les nuages protostellaires, les champs magnétiques
parviennent à contrôler la dynamique des disques
d'accrétion, et à produire de très longs jets de matière
en redirigeant vers le milieu interstellaire une fraction
de la matière du disque. Les champs magnétiques
page 6
>>> Liens magnétiques entre un bébé-étoile et son disque
d’accrétion (vue d’artiste). © Chandra
parviennent également à évacuer les régions centrales
des disques d'accrétion (en contact direct avec l'étoile),
ainsi qu'à guider la matière du bord interne du disque
jusqu'à la surface de la jeune étoile au moyen de “tubes
magnétiques” (comme de la lumière dans des fibres
optiques). Les détails physiques de cette opération
sont essentiels pour comprendre et prédire le destin
d'une étoile et de son cortège de planètes.
C'est en mesurant la polarisation que les champs
magnétiques engendrent dans la lumière de V2129
Oph que les chercheurs ont pu cartographier pour la
première fois les gigantesques arches magnétiques qui
relient la jeune étoile à son disque d'accrétion.
Grâce à leur travail, les théoriciens devraient pouvoir
développer de nouveaux modèles plus précis de la
formation des étoiles et des planètes. Pour cette
découverte, ils ont utilisé le spectropolarimètre
ESPaDOnS installé sur le Télescope Canada-FranceHawaii de 3.6m au sommet du Mauna-Kea, un volcan
éteint de l'archipel d'Hawaii. Depuis Décembre 2006,
le Télescope Bernard Lyot de l’Observatoire du
Pic di Midi est équipé du même instrument (NARVAL)
et assiste ESPaDOnS dans son enquête sur les origines
des étoiles et des planètes.
pour en savoir plus: http://www.ast.obsmip.fr/article.php3?id_article=628
Contact : [email protected]
Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 11
Astrophysique
Le milieu interstellaire,
berceau des étoiles
La spectroscopie permet de suivre la transformation des nuages de matière
dans le milieu interstellaire et de mieux comprendre la genèse des étoiles et
leurs cortège de planètes.
>>> Christine JOBLIN, directeur de recherche
au CESR (unité mixte UPS/CNRS).
>>> Charlotte VASTEL, astronome-adjoint
au CESR (unité mixte UPS/CNRS).
La matière interstellaire est composée d’atomes,
radicaux et molécules plus ou moins complexes ainsi
que de très petits grains de poussière de dimensions
sub-microniques. Mais cette matière diluée entre les
étoiles est en constante évolution physico-chimique.
A des phases chaudes et ténues succèdent des phases
très froides et denses qui sont le berceau de la formation
de nouvelles étoiles. Ce sont les détails de cette
évolution que recherche le Centre d’étude spatial
des rayonnements (CESR) au moyen d’observatoires
spatiaux et de dispositifs expérimentaux, dans le cadre
de collaborations largement interdisciplinaires entre
astrophysiciens, physiciens et chimistes.
>>> la nébuleuse de la Trifide observée dans
le visible et dévoilée dans l’infrarouge par
le télescope spatial Spitzer (NASA).
Placenta
Dans les condensations sombres et froides, les grains
coagulent entre eux et les molécules sont en grande
partie collées sur ces grains pour former des manteaux
de glaces moléculaires. Dans les régions plus chaudes et
brillantes soumises au rayonnement UV et visible
des étoiles, les molécules s’évaporent, des grains sont
photodissociées et les grains eux-mêmes évoluent
sous l’action du rayonnement. La spectroscopie, en
particulier dans les domaines de l’infrarouge et du
millimétrique, est l’outil qui permet de suivre les
transformations de cette matière. En effet, d’une part
ces domaines contiennent des signatures caractéristiques
des molécules et des grains et d’autre part, la lumière
visible est bloquée par la poussière alors que les
longueurs d’ondes plus grandes comme l’IR dévoilent
les régions plus denses tels les cocons de poussières,
« placenta » dans lesquels les cœurs pré-stellaires,
embryons d’étoiles, se forment. Dans ces cœurs froids et
denses, la majorité des molécules en phase gazeuse
condensent à la surface des grains et un enrichissement
en deutérium des molécules en phase gazeuse est
observé. Ce sont des ions moléculaires tels H2D+ et
D2H+ (découvert par C. Vastel) qui sont utilisés pour
sonder ces coeurs et en comprendre la chimie. Toutes
ces données spectrales permettent ainsi de tracer les
étapes les plus jeunes de la formation stellaire. Dans un
autre type de régions, là où la matière est chauffée par
le rayonnement UV et visible des étoiles, les données
des télescopes infrarouges ISO et Spitzer ont permis
à notre équipe de caractériser l’évolution des très petits
grains de poussière et leur lien avec les macromolécules
polycycliques aromatiques hydrogénées (PAH) et
la chimie du carbone.
Relier ces observations spectrales aux processus
physico-chimiques mis en jeu nécessite un travail en
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amont reposant sur des expériences de laboratoire et
des calculs théoriques. Ces études comportent un certain
nombre d’enjeux comme l’approche en laboratoire des
conditions d’isolation et de basses températures du
milieu interstellaire (objectif du dispositif PIRENEA au
CESR) et pour les études théoriques, la mise en place
de simulations dynamiques impliquant des nanograins
(travaux en cours au LCPQ (unité mixte UPS/CNRS).
Un domaine inexploré
En 2008, le lancement de la mission spatiale
Herschel-Planck va permettre d’explorer l’Univers
dans les domaines des longueurs d’onde de l’IR lointain
et du sub-millimétrique. Cela permettra de mieux
caractériser l’évolution physico-chimique des grains
à basse température incluant les processus de
coagulation en lien avec les études expérimentales
qui sont menées avec le dispositif ESPOIRS au CESR.
Un autre enjeu sera celui d’identifier les macromolécules
PAH. De plus, les études de spectroscopie du gaz
à (très) haute résolution spectrale avec le spectromètre
hétérodyne HIFI d’Herschel, en partie développé au
CESR sous la direction d’Emmanuel Caux, vont nous
permettre de progresser dans la compréhension de
la formation des étoiles et des systèmes planétaires
en dévoilant un domaine de longueurs d’onde inexploré
à ce jour, car inaccessible depuis les télescopes au sol.
Contacts : [email protected] et
[email protected]
Astrophysique
Un Big Bang
toujours subversif
Les toutes dernières observations semblent confirmer la pertinence du
modèle du Big Bang. Pourtant, celui-ci pourrait amener à remettre à plat tout
un pan de la physique : la relativité générale.
>>> Alain BLANCHARD, professeur UPS,
chercheur au laboratoire d’astrophysique
de Toulouse Tarbes
dOSSIER
(LATT, unité mixte UPS/CNRS).
C’est l’histoire d’un succès. En 1964, la découverte
d’un rayonnement électromagnétique, le fameux
« fond cosmologique » marque l'avènement de la
cosmologie moderne. Il donne un coup d’accélérateur
au modèle du « Big Bang », dont les bases avaient
été posées dès les années 1930, mais qui va dès lors
acquérir un statut de « science établie ». C'est
ce qui conduira le comité Nobel a récompenser
en 1978 les auteurs de sa découverte.
Les progrès au cours des quarante dernières années
ont été particulièrement spectaculaires: l'histoire de
l'univers depuis le premier milliardième de seconde
jusqu'à l'époque actuelle est comprise dans ses
grandes lignes. L'expansion de l'univers est
confortée par de nombreuses observations. Les
abondances des éléments légers (Hélium 4, Hélium
3, Deutérium et Lithium 6) sont en bon accord avec
les observations, même si les processus complexes
au sein des étoiles, peuvent rendre délicates les
comparaisons fines. La mesure détaillée du spectre
du fond cosmologique, effectuée en 1990 par le
satellite COBE et par une expérience à partir
d’une fusée canadienne ont montré que ce spectre
était un corps noir quasi parfait en total accord
avec les attentes.
Ce satellite a par ailleurs permis pour la première
fois de détecter des variations dans le fond
cosmologique. Or, dans les années 1930 Georges
Lemaître avait proposé que les structures qui
peuplent l'univers actuel (galaxies, amas de galaxies,
structures plus grandes encore dont la taille se
>>> Traduction en intensité de couleur des variations
d'intensité de la carte céleste du rayonnement cosmologique.
Ces variations sont infimes: typiquement 0.001%. Elles sont
essentiellement dues aux fluctuations primordiales, ces
compte en centaines de millions d'années lumière)
étaient le résultat de la concentration sous l'effet
de la gravitation de structures initialement plus
beaucoup ténues. L'image fournie par COBE
d’un fond cosmologique dont la densité varie
colle admirablement avec cette proposition. Les
fluctuations seraient alors les ancêtres des structures
actuelles et le fonds cosmologique donnerait à voir
l'univers tel qu'il était il y a environ 14 milliards
d'années, quelques 350 000 ans après le
« Big Bang ».
Univers incroyable
Cerise sur le gâteau, les fluctuations du fond
cosmologique possèdent les caractéristiques
attendues. Ce sont ces résultats qui valurent à
Georges Smoot et John Mather le prix Nobel de
physique en 2006. Pourtant le modèle d'univers
qui a aujourd'hui la faveur de la quasi totalité des
cosmologistes est un univers vraiment « incroyable ».
L'essentiel de ce qui constitue les grands objets de
l'univers, galaxies, amas, grandes structures est en
effet constitué d’une matière inconnue sur Terre :
une matière qui n'est pas constituée d'atomes, peut
être des particules encore inconnue des accélérateurs,
et dont seule l'action gravitationnelle est perceptible.
Cette perspective a largement contribué à faire
de la cosmologie un champ au carrefour de
l'astrophysique, de la physique des particules et
de la physique théorique.
Une autre conclusion, plus spectaculaire s’est
imposée depuis une dizaine d'années : il existe à
l'échelle de l'univers une force répulsive. Ceci fut
une surprise totale, car à l’échelle de l’univers,
c'est la gravitation qui domine, or celle-ci est
toujours attractive. La présence de cette force qui
produit une accélération de l'expansion de l'univers
(et non une décélération comme on s'y attendait)
nécessite une révision extrêmement profonde de la
physique fondamentale: soit qu'un nouvel élément
contribue de façon dominante au bilan
gravitationnel de l'univers (il pourrait s'agir tout
simplement du vide!), soit d'une façon plus radicale
qu'il faille revoir la relativité générale...
variations minimes de la densité de l'univers quand celui ci
était âgé de seulement 350 000 ans, époque la plus reculée
qui soit accessible à l'observation....
page 8
Contact : [email protected]
Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 11
Astrophysique
Au plus près
des trous noirs
L’observation des photons de haute énergie permet d’étudier les phénomènes
les plus violents de l’univers : les émissions de rayons X et gamma impliquant
des étoiles à neutrons ou des trous noirs.
>>> Jean-Juc ATTEIA, astronome au Laboratoire
d’Astrophysique de Toulouse Tarbes (LATT,
unité mixte UPS/CNRS) et Jean-Pierre ROQUES,
directeur de recherche au CNRS, au Centre
d’études spatiales du rayonnement
(CESR, unité mixte UPS/CNRS).
L'observation de la voûte céleste dans le domaine des
rayons X et gamma (de quelque kilo électron-Volt à
quelque Méga électron-Volt) nous fait approcher au
plus près des astres compacts – étoiles à neutrons et
trous noirs – et de comprendre les processus physiques
associés aux très grands transferts d’énergie.
Toutefois, notre atmosphère étant opaque aux photons
de haute énergie, les instruments utilisés doivent être
placés à bord de ballons stratosphériques ou de
satellites. Le CESR a, depuis sa création en 1963, été
un des leaders pour la conception et la réalisation de
tels instruments. Le lancement du télescope Sigma en
1989 marque notamment une étape majeure pour le
développement de l'astronomie gamma. Une nouvelle
étape a été franchie en 2002 avec le lancement, à bord
de la mission Integral (de l’agence européenne ESA),
sous la responsabilité du CESR, du spectromètre SPI,
toujours en fonctionnement, qui donne accès à la
haute résolution spectrale grâce à 20 kg de détecteurs
en Germanium refroidis à 80 Kelvin.
Quelques secondes d’émission
Les émissions X et gamma sont très souvent variables,
parfois même elles ne durent que quelques secondes,
pendant lesquelles la source émet une énergie
comparable à celle rayonnée par le Soleil durant toute
sa vie. Les chercheurs du CESR et du LATT collaborent
étroitement pour observer ces sources de façon
coordonnée depuis le sol (en visible) et l’espace, par
exemple en utilisant des télescopes entièrement
robotisés qui se pointent en quelques secondes en
direction des sources signalées par les satellites
(observatoire TAROT).
>>> Une vue en coupe du télescope SPI.
L’interprétation scientifique de ces observations nous
apporte un éclairage unique sur plusieurs processus
clefs de l’Univers. Ainsi, le champ de gravitation
intense qui existe à proximité des objets compacts –
trous noirs et étoiles a neutrons – en accélérant la
matière permet d'atteindre des densités extrêmes.
Il se crée donc des plasmas qui sont le siège de
mécanismes associés aux très grands transferts
d'énergie, avec des densités de rayonnement
exceptionnelles. Nous disposons donc là de
“laboratoires naturels” permettant d'étudier le
comportement des particules dans des conditions
bien éloignées de ce que l'on peut produire dans les
accélérateurs terrestres les plus puissants. En outre,
page 9
>>> Les 19 détecteurs germanium
du télescope SPI en cours de test.
l'observation de raies gamma nucléaires émises par
les éléments créés lors de l'explosion d'une étoile
permet de comprendre comment les éléments lourds
apparaissent dans l'Univers. L'observation de la raie
d'annihilation électron-positron témoigne quand
à elle d'une quantité importante d'antimatière
dans la Galaxie, dont l’origine demeure à ce jour
incomprise. Enfin, l'observation du rayonnement
diffus permet d'étudier les régions d’accélération
des rayons cosmiques et le rôle du champ magnétique
diffus de notre Galaxie.
Missions spatiales
Ce domaine affiche un beau dynamisme. Plusieurs
instruments sont ainsi en préparation pour deux
missions spatiales pour la décennie 2010-2020.
> Le projet SVOM, en collaboration avec la Chine,
a pour objectif de surveiller depuis l’espace des
explosions stellaires donnant naissance à un trou noir,
connues sous le nom de sursauts gamma.
> Le projet Simbol-X, développé par le CNES et
l’agence spatiale italienne, utilisera la technique
du vol en formation pour positionner deux satellites
à une distance de 30 m permettant de construire un
instrument à grande distance focale. Cet instrument,
destiné principalement à l’étude des objets compacts,
va lever le voile sur les régions les plus proches
des trous noirs.
Contacts : [email protected] et [email protected]
Astrophysique
Soleil-Terre :
une relation privilégiée
Le magnétisme solaire a une influence sur la Terre et tout particulièrement
dans le développement des technologies modernes de communication et
d’exploration spatiale.
>>> Christian JACQUEY, maître de conférences
à l’UPS, chercheur au Centre
d’études spatiales du rayonnement
(CESR, unité mixte UPS/CNRS) et
Fréderic PALETOU, astronome au Laboratoire
d’astrophysique de Toulouse Tarbes
(LATT, unité mixte UPS/CNRS).
Le Soleil, une d’étoile « banale » ? Certes, c’est une
étoile à maturité, plus aussi turbulente qu’une jeune
étoile, mais sa proximité avec notre terre en fait une
étoile très particulière ! Les astronomes peuvent non
seulement l’observer et l’étudier avec un niveau de
détails incomparable, mais son influence se fait aussi
directement sentir dans notre environnement
immédiat.
C’est ainsi que le Soleil envoie un flux continu de
particules chargées dans le milieu interplanétaire.
Ce vent solaire rencontre sur son passage les divers
obstacles du système solaire et en particulier notre
planète. Il est le siège de tempêtes spatiales parfois
violentes, dangereuses tant pour les systèmes
embarqués que pour les spationautes. Elles résultent
de l'éjection explosive de grandes quantités
de matière provenant de la couronne solaire.
Ces éjections de masse coronale (ou CME) sont le plus
souvent associées à l’éruption de protubérances
solaires, dans lesquelles le champ magnétique
jouerait un rôle majeur.
Le champ magnétique des protubérances solaires est
étudié par spectrométrie par l’équipe « magnétisme
solaire et stellaire » du LATT. Cette méthode
d’observation repose sur l’exploitation du télescope
franco-italien THéMIS installé sur l’ile de Tenerife
(Canaries, Espagne). Cet instrument permet des
observations uniques au monde tant du point de vue
de leur couverture spectrale que de la qualité de la
mesure polarimétrique et de la capacité à observer
des objets de faible intensité, les protubérances,
vues au bord du disque solaire.
Orages magnétiques
Les magnétosphères planétaires résultent de
l'interaction du vent solaire avec les obstacles
magnétisés (Terre, Mercure, Jupiter, Saturne, …).
Elles constituent des cavités magnétiques creusées,
gigantesques, compressées du côté jour et très étirées
du côté nuit. La magnétosphère terrestre s’étire ainsi
sur plus de 6 millions de kilomètres.
La dynamique de la magnétosphère terrestre dépend
essentiellement des conditions du milieu
interplanétaire. Dans certaines conditions en effet,
deux phénomènes peuvent se coupler : le vent solaire
fournit de l'énergie à la magnétosphère qui
l'accumule pour la dissiper lors des passages
page 10
>>> Aurores terrestres vues du sol.
des orages magnétiques. Au cours de ceux-ci, des
particules sont fortement accélérées et précipitées
le long du champ magnétique sur l'atmosphère
produisant alors de magnifiques aurores boréales
dans les régions des hautes latitudes.
Ces précipitations, associées à la génération
de courant dans l'ionosphère, perturbent
énormément les activités humaines, notamment
les communications radios ou GPS ainsi que de
la distribution de l'énergie électrique ou des réseaux
de pipe-lines.
L'étude du magnétisme solaire, du vent solaire,
des magnétosphères constitue la base sur laquelle
s'établit la météorologie de l'espace qui est
devenue incontournable dans le développement
des technologies modernes de communication et
de l'exploration spatiale.
Les progrès instrumentaux apportent des données
de plus en plus complexes et volumineuses. Afin de
valoriser l’exploitation de ces observations, l’OMP
héberge deux grands centres des données à vocation
internationale, la base de données solaires, BASS
2000, et le Centre de Données de Physique
des Plasmas, le CDPP.
Contacts : [email protected] et
[email protected]
Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 11
Astrophysique
Observer
l’univers
L’astrophysique progresse grâce à des observations de mondes de plus en plus
éloignés. Une observation possible grâce à des instruments de plus en plus
sensibles…
>>> Peter Von BALLMOOS, professeur à l’UPS,
chercheur au CESR (unité mixte UPS/CNRS).
L’astrophysique est avant tout une science
d’observation. Pour l’univers lointain, cette observation
repose d’abord sur la mesure de messagers : photons et
particules de très grande énergie. Les détecteurs
utilisés convertissent le plus souvent des quantités
de mouvement en charges électriques mesurables.
C’est l’ensemble détecteur-électronique qui constitue
le capteur astrophysique. Son étude et sa réalisation
impliquent la mise en œuvre de savoirs-faire variés
puisqu’ils impliquent physiciens du solide, des
opticiens, des mécaniciens, des instrumentalistes et
des électroniciens. A l’Université Paul Sabatier,
le CESR, et le LATT, sont acteurs reconnus
respectivement de l’instrumentation des missions
spatiales et des grands observatoires au sol.
Interaction avec l’industrie
La photo-détection recouvre un vaste domaine
spectral, de la radio aux rayons gamma de hautes
énergies. Les différentes plages sont couvertes par des
techniques spécifiques qui parfois se recouvrent.
Nos laboratoires sont impliqués dans tout le spectre de
photo-détection, hormis le domaine hertzien. La
complexité des expériences et la diversité des capteurs
ont amené les chercheurs à de fortes interactions avec
l’industrie. La contribution des laboratoires repose sur
la maîtrise de la physique des capteurs, la conception
des systèmes dans leur intégralité, leur qualification,
leur prototypage, leur calibration, ainsi que leur
intégration sur satellite et au sol. Ces développements
instrumentaux très complexes ont conduit le CESR et
le LATT à faire partie de réseaux de laboratoires
développant comme eux de l’instrumentation
astrophysique.
Concernant l’instrumentation des observatoires situés
au sol, il faut signaler l’expertise unique au monde
dans le domaine de la spectropolarimétrie qui a permis
de développer l’instrument ESPADONS sur le grand
télescope d’Hawaii et son frère NARVAL au Pic du
Midi (voir article page 6 de ce dossier)
>>> Le télescope spatial HERSCHEL
sera lancé en juillet 2008; Il observera
le ciel infrarouge et submillimétrique.
Dans le domaine allant de l’infrarouge lointain au
millimétrique les bolomètres refroidis à très basse
température (T< 300 mK) sont les détecteurs plus
sensibles. Pour améliorer encore la sensibilité des
capteurs, les efforts portent sur la réalisation de
matrices de bolomètres, associées à des antennes
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qui collectent l’énergie de l’onde électromagnétique et
la guide vers les bolomètres. La disposition des
antennes permet de sélectionner la polarisation.
Ces dispositifs sont associés à des télescopes spatiaux
refroidis (missions spatiales HERSCHEL, PLANCK,
PILOT).
Vol en formation
Pour le rayonnement X et gamma les photons sont
détectés grâce à la collection des charges qu’ils
induisent à leur traversée de semi-conducteurs.
Tandis que le succès des télescopes à rayons X est basé
sur l’utilisation de miroirs à incidence rasante
(p.e. XMM/NEWTON), il était généralement admis
qu’il était impossible de réfléchir ou réfracter les
rayons gamma du fait de leur longueur d’onde
extrêmement courte. Jusqu’à présent, l’astronomie
gamma se servait des principes de l'optique
géométrique (masques codés comme les télescopes
spatiaux SIGMA,SPI/INTEGRAL) ou de l'optique
quantique (télescopes Compton spatiaux comme
CGRO/COMPTEL). Pour réaliser des instruments
ayant une sensibilité au moins 30 fois meilleure que
celle des télescopes actuels, on étudie
la focalisation des rayons gamma depuis une grande
surface de collection vers un détecteur de faible
volume. L’utilisation de deux satellites volant en
formation, l’un emportant l’optique, l’autre emportant
le détecteur focal, devrait permettre de réaliser un
télescope de plusieurs dizaines voire centaines de
mètres de focale. En astronomie X, il devient nécessaire
de focaliser des rayons X de plus en plus haute énergie
impliquant également des distances focales très
importantes. C’est pourquoi, des projets basés sur
le vol en formation ont récemment été étudiés par
le CNES. Une mission de ce type devrait voler
dans la prochaine décade (SIMBOL-X).
Contacts: [email protected] et
[email protected]
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