Article 3 - Enseignement catholique

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Chefs d’Établissement
Orchies
10 mai 2012
La responsabilité pastorale du chef d’établissement
Dominique Maerten
Je n’ai pas la prétention sur ce sujet de vous apporter quelque chose de nouveau que vous n’auriez pas déjà
rencontré, jusqu’à la saturation peut-être, durant la formation et que vous n’auriez pas expérimenté au
cours de votre activité. Tout juste peut-être apporter tel ou tel éclairage indirect ou tangentiel.
1. Les ministères après Vatican II
Pour le dire un peu vite et de manière cavalière, le concile Vatican I avait à
son époque « sauvé » l’Église en la confiant toute entière aux prêtres qu’il
avait fallu former pour cela. Vatican II l’a de nouveau sauvée à son époque
en la « rendant » aux laïcs, c’est-à-dire en la fondant sur le baptême.
Il s’en est suivi une formidable promotion du laïcat.
La mission de diriger mouvements et services d’Église confiée à des laïcs en
est une des formes les plus spectaculaires et nouvelles à l’échelle de notre
mémoire.
C’est l’origine et le sens des « laïcs en mission ecclésiale » qu’on appelle plus
couramment les « permanents d’Église ». Les chefs d’Établissements
catholiques en font partie (avec les catéchistes, aumôniers, préparateurs au
baptême, mariage, animation des célébrations, etc.)
L’évêque confiait même, à la suite des conclusions de l’audit « Recherche-Avenir », que ce devrait être
bientôt le tour de l’animation et de la gestion des paroisses, le prêtre se recentrant sur la fonction
essentiellement sacerdotale de célébrer l’eucharistie et le pardon, dans un ministère plus itinérant à
l’image de Saint Paul sillonnant le bassin méditerranéen à la rencontre – épisodique – des communautés
qu’il avait fondées, ou encore comme les prêtres en Afrique à la tête de territoires immenses, mais dont les
paroisses sont dirigées par des laïcs, catéchistes et gestionnaires.
Bien sûr la mission continue d’être donnée par l’évêque.
Mais il n’en reste pas moins que des laïcs – dont vous êtes – exercent une responsabilité authentiquement
pastorale.
Conséquence pratique qu’il peut être utile de rappeler ici ou là :
Le responsable pastoral d’un Établissement scolaire c’est le chef d’Établissement (fût-il laïc) et non le
curé de la paroisse sur le territoire de laquelle est sis l’Etablissement.
Mais en retour, le chef d’Établissement est invité à inscrire la pastorale de celui-ci dans celle de l’Église
locale, (diocèse, doyenné, paroisse) et à ce titre à le représenter – ou le faire représenter – aux conseils
opportuns (de doyenné, de paroisse…)
2. Responsabilité pastorale et animation pastorale
Ces deux expressions permettent de distinguer et de répartir les rôles et les fonctions, et ce, à trois
niveaux :
2.1. Au niveau des projets
Pour montrer que la dimension pastorale n’est pas un secteur séparé du reste des différents champs de la
réalité scolaire, qu’elle n’est pas l’affaire de spécialistes, mais qu’elle concerne l’ensemble de la vie scolaire,
on évite de parler de « projet pastoral » à côté d’un « projet éducatif » ; comme si la dimension pastorale
était distincte de la fonction éducative. On préfère parler de « projet éducatif référé à l’Évangile ». On se
situe là au niveau des visées générales, des finalités.
À côté de ce « projet éducatif référé à l’Évangile », on mettra en place différents projets d’animation, dont
un projet d’animation pastorale, consacré à l’organisation, dans le calendrier annuel, des activités
explicites.
2.2. Au niveau des conseils
C’est une conséquence du point précédent.
S’il n’y a pas de projet pastoral distinct du projet éducatif et si le projet éducatif est à la charge du conseil
d’Établissement, alors il n’y a pas lieu de mettre en place un conseil pastoral à côté du conseil
d’Établissement. C’est le conseil d’Etablissement qui est garant de la dimension pastorale des visées
éducatives de l’Établissement. En revanche une équipe d’animation pastorale aura en charge l’animation
pastorale au sens défini plus haut, c’est-à-dire en quelque sorte les activités qui relèvent de ce qu’on
appelait naguère « l’explicite ».
2.3. Au niveau des personnes
En conclusion de cet enchaînement, c’est le chef d’Établissement qui est le
responsable pastoral et à ce titre préside le conseil d’Établissement et se porte
garant devant la tutelle du projet éducatif et de sa référence à l’Évangile. Tandis
que l’APS sera en charge de l’animation pastorale et pourra conduire et animer
l’équipe d’animation pastorale.
Le changement d’appellation récent (il date du document d’orientation du SGEC
d’avril 2007 L’adjoint en pastorale scolaire) d’ « animateur » en « adjoint » en
pastorale est significatif d’une volonté de réaffirmer la responsabilité ultime du
chef d’Établissement. L’APS « n’est qu’un » adjoint qui travaille dans la ligne des
orientations fixées par le responsable et sous son autorité. En revanche, d’être
institué « adjoint » le définit dans une posture institutionnelle que n’indiquait
pas le terme « animateur », davantage référé à une tâche.
3. Le contenu de la responsabilité pastorale
Celui-ci a été défini de manière approfondie à l’occasion de la rédaction du texte d’orientation sur l’Adjoint
en Pastorale Scolaire.
3.1. Par les objectifs
Il peut se décliner selon 4 objectifs :
- Proposer une éducation animée par un esprit évangélique
- Permettre à chacun d’entendre la Bonne Nouvelle de l’Évangile et offrir la possibilité de découvrir le
Christ.
- Mettre à la disposition de ceux qui le désirent les moyens dont ils ont besoin pour grandir dans la foi
- Situer la vie et les activités de cette communauté scolaire dans la vie de l’Église locale.
Le même document (qu’on a déjà travaillé ici) parcourt les différentes directions dans laquelle s’exerce
cette responsabilité (il le fait à partir de l’APS, mais cela vaut aussi, mutatis mutandis, pour le chef
d’Établissement).
3.2. Par les fonctions
Une autre façon de définir le contenu de la responsabilité
pastorale consiste à l’originer aux trois fonctions reçues au
baptême de prêtre, prophète, et roi.
Ces trois fonctions, qu’on appelle aussi « messianiques »
puisqu’elles correspondent aux trois formes de messies – ou
« oints » – qu’on trouve dans la Bible et que la tradition
chrétienne a attribuées au Christ (synonyme grec du mot
Messie ou Oint), ces trois fonctions, donc, trouvent ellesmêmes leur fondement dans le triple rapport que Dieu
entretient avec le monde : il le crée, s’y révèle (c’est-à-dire lui
déclare son amour) et l’attire à lui, ou mieux, le destine à l’unir à Lui.
Dire que le Christ est le « sacrement » du Père – en d’autres termes que Jésus est le Christ – c’est affirmer
que sa parole et son enseignement révèlent l’amour de Dieu pour les hommes ; que son action guérissante
et pardonnante prolonge l’action créatrice de Dieu pour que l’homme vive et que sa prière et son action de
grâce opèrent le « retour à Dieu » qu’on appelle aussi l’Alliance.
À son tour, l’Église est le « sacrement du Christ » en ce que son enseignement, notamment la catéchèse,
fait résonner l’écho de la Parole de Dieu – fonction prophétique – que son action dans le monde, en faveur
des pauvres préférentiellement, ce qu’on appelle la Doctrine sociale, poursuit l’action thaumaturgique de
Jésus – fonction royale – et que la prière et la célébration des sacrements, et au premier plan de
l’Eucharistie, prolongent l’action de grâce de Jésus s’offrant lui-même à son Père – fonction sacerdotale.
Au passage, on reconnaît dans la première fonction prophétique au service de la Révélation, l’inspiration de
l’événement Ecclésia 2007 et son aboutissement dans la rédaction de nos projets catéchétiques et dans la
seconde fonction royale, le terrain de la démarche actuelle « Diaconia 2013, servons la fraternité ».
En tant que communauté d’Église, l’Établissement catholique reçoit la triple mission d’annoncer, de vivre et
de célébrer cet amour de Dieu pour les hommes. Et à l’instar du curé qui reçoit de l’évêque la charge
d’assurer ces trois fonctions dans sa paroisse, le chef d’Établissement reçoit du même évêque par lettre de
mission, la charge de faire que son établissement soit un lieu où l’Évangile est annoncé, vécu et célébré,
allons jusqu’à dire où Dieu est « sacramentellement » présent par les baptisés qui s’y rassemblent et y
travaillent. Telle est la mission pastorale.
Ce n’est rien d’autre que l’on dit ou chante, en reprenant Saint Paul : « Nous sommes le corps du Christ ».
En guise de conclusion et de complément
Quelques réflexions en forme d’essai sur le sens du mot « pastoral » qui peut ici ou là faire débat ; le débat
consistant à savoir s’il faut le réserver à la charge épiscopale partagée par les seuls prêtres agissant « in
persona Christi capitis » ou si on peut l’étendre – comme on vient de le faire – à des charges confiées à des
laïcs.
Il semble qu’on puisse distinguer dans l’emploi de l’adjectif « pastoral » trois niveaux de sens, bien sûr
articulés entre eux :
Un premier sens est le plus proche de l’étymologie qui renvoie au Christ
Pasteur, c’est-à-dire berger, chargé de « paître » son troupeau. Cette charge
sera transmise par Jésus à Pierre et au collège des Apôtres dont les évêques
sont les continuateurs. La charge de pasteur incombe donc d’abord à
l’évêque et elle consiste à gouverner, enseigner et sanctifier son peuple. Au
fil des siècles, cette charge s’est « sacerdotalisée ». En tant que partageant
avec lui cette charge sacerdotale, les prêtres sont appelés pasteurs, comme
l’évêque. Ce sens et cet emploi bénéficient d’un incontestable appui
scripturaire.
Un second sens est apparu plus récemment, quand l’évolution de la société
a fait éclater les modèles pastoraux liés à la paroisse resserrée, rassemblée
autour de son pasteur. Sous la forme du substantif, la pastorale, va désigner
la mise en œuvre concrète des moyens de l’évangélisation adaptés aux milieux particuliers. On verra ainsi
se développer une pastorale de la santé, une pastorale familiale, une pastorale des jeunes, des migrants,
etc. C’est dans ce cadre que va grandir et trouver toute sa place l’apostolat des laïcs recevant la mission
d’évangéliser leurs milieux de vie. (« Évangélisation du semblable par le semblable »)
Un troisième sens, proche du précédent, peut se prendre d’une note de la Constitution conciliaire Gaudium
et Spes, appelée précisément « Constitution pastorale ». On sait que cet adjectif a été utilisé de manière
tendancieuse par des opposants au concile pour se soustraire aux injonctions de cette constitution au
prétexte qu’elle « n’était que » pastorale et non dogmatique comme l’autre sur l’Église, Lumen Gentium. La
note 1 de cette constitution précise ainsi que « on l’appelle en effet constitution ‘pastorale’ parce que,
s’appuyant sur des principes doctrinaux, elle entend exprimer les rapports de l’Église et du monde, de
l’Église et des hommes d’aujourd’hui. » Le terme « pastoral » sert donc à désigner les activités de l’Église
tournées vers le monde et non pas vers elle-même. Il faut y voir une invitation faite aux Établissements
catholique d’enseignement à ne pas faire de la « pastorale » l’affaire des seuls « cathos », mais au contraire
la dimension de l’ouverture à tous de l’Évangile, sa dimension proprement missionnaire. En ce sens
l’Enseignement catholique est éminemment pastoral.
Certes, on sait qu’un certain mouvement d’idées tend aujourd’hui à réserver l’adjectif « pastoral » aux
charges de gouvernement, d’enseignement et de sanctification des seuls « pasteurs » au sens strict que
sont les prêtres avec l’évêque. Il est vrai que, ces dernières décennies, on a peut-être un peu abusé de
l’usage du terme pastoral dans des sens de plus en plus éloignés. Mais si l’on y regarde bien, ces trois
niveaux de sens sont loin d’être incompatibles.
La charge que les évêques reçoivent à la suite du Christ concerne bien son rapport à son peuple, sa mission
au plus grand nombre. Le premier des sens évoqué insiste sur la personne du Christ, le deuxième regarde
plutôt du côté du « troupeau » et de ses besoins et le troisième met en valeur le mouvement de l’un vers
l’autre.
Ainsi, les évêques reçoivent la mission de tout mettre en œuvre pour que, dans leur diocèse, l’Évangile soit
annoncé, vécu et célébré. Pour les y aider, ils s’entourent de deux types de ministres (ou « serviteurs »). Les
ministres ordonnés, prêtres et diacres, l’un pour le sacerdoce, l’autre pour le service ; et des ministres laïcs,
dont les animateurs en pastorale, les catéchistes, les chefs d’Établissements catholiques, bref, tous ceux qui
reçoivent de l’évêque une lettre de mission. (On parle de « ministères reconnus ») Il s’agit pour toutes ces
personnes de faire en sorte que ce qui est de la mission et de la responsabilité de l’évêque soit bel et bien
réalisé partout dans son diocèse. En ce sens elle est également pastorale, par participation à celle de
l’évêque. Dans tous les cas, c’est bien le Christ, qui dans son corps qui est l’Église, se met au service des
hommes et du Royaume.
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