Photon unique

publicité
IPEST Tunis - 20 mai 2005
Journée de la Physique
Ouverture : Pr. H. Bouchriha
Première séance : Pr. H. Maaref
- J.-F. Roch
- Nicole Jaffrezic
Deuxième séance : Pr. M. Tadjeddine
- K. Karrai
- H. Maaref
IPEST Tunis - 20 mai 2005
Lumière : onde ou photon ?
Jean-François Roch
Laboratoire de Photonique Quantique et Moléculaire,
Ecole Normale Supérieure de Cachan
[email protected]
Merci à Philippe Grangier et Alain Aspect
(Laboratoire Charles Fabry, Institut d’Optique)
La lumière à travers les âges
•Antiquité (Égypte, Grèce): particules
vers l’œil ou depuis l’œil
(Epicure, Aristote, Euclide)
Moyen âge, renaissance:
ingénierie - lunettes
correctrices, lunette
astronomique (Al Hazen,
Bacon, Leonard de Vinci,
Galilée, Tycho…)
XVIIe siècle:
Ondes
(analogie
« ronds dans
l’eau»):
Huyghens
Newton
(Opticks,
1702):
particules
(couleurs
diverses)
XIXe siècle : le triomphe
du modèle ondulatoire
Young - Fresnel (1822)
interférence, diffraction,
polarisation
Maxwell
(1870): la
lumière est
une onde
électromagnétique
1900: « La fin
de la
physique»
(Lord
Rayleigh) …
mis à part
deux détails! 4
Début XXe : les photons
ou le retour des particules
•! Einstein (1905). Lumière constituée de
quantas, grains élémentaires d’énergie E = hν
et d’impulsion p = hν/c
quantas baptisés « photons » en 1922.
" Prédictions quantitatives pour
l’effet photoélectrique
Idées mal acceptées jusqu’aux
travaux expérimentaux de Millikan
(1915, effet photoélectrique).
Einstein prix Nobel (1922) pour
l’effet photoélectrique
Comment réconcilier le modèle corpusculaire avec les
phénomènes de diffraction, interférence, polarisation ?
La dualité onde-particule
Louis de Broglie, 1925
La lumière est à la fois une onde (capable d’interférer,
d’être diffractée) et un ensemble de particules
possédant une énergie, une quantité de mouvement…
…et de même, les particules
comme les électrons se
comportent aussi comme des
ondes : diffraction, interférences.
Facile à énoncer, mais très difficile à se représenter
par des images issues du monde accessible à nos sens.
La dualité onde-particule
comportement ondulatoire pour les particules
trous d’Young
T1
S
Particules émise une par
une, toutes “dans le même
état” : émission à partir
d’un même point source,
direction aléatoire, énergie
déterminée
probabilité
de détection
PD
D
PD
T2
quand on déplace le détecteur
PD est modulée
si un des deux trous est fermé
pas de modulation → PD constant
Interprétation: chaque particule est décrite par une onde qui
passe par les deux trous et se recombine sur le détecteur
PD dépend de la différence des chemins ∆ = ST1 D − ST2 D
7
La dualité onde-particule
comportement corpusculaire
détection simple P1
T1 D1
S
détection en
coïncidence
PC
T2 D2
Particules émise
une par une,
toutes “dans le même état”
détection simple P2
D1 et D2 déclenchés aléatoirement
taux moyen constant
mais pas de coincidences : PC = 0
→ anti − corrélation
Interpretation: une particule unique passe soit à travers le
trou T1, soit à travers le trou T2, pas les deux à la fois.
Image classique : une particule unique ne se divise pas. 8
Test du comportement corpusculaire ?
détection simple
T1 D1
S
Particules
T2
émises une par une,
toutes “dans le même état”
P1 != 0
détection en
coïncidence
PC = 0
D2
détection simple
P2 != 0
Expérience pas faite ainsi jusqu’en 1985
•! Caractère corpusculaire « évident » pour électrons,
neutrons, atomes, molécules : observation d’effets
ondulatoires
•! Lumière très atténuée telle que distance moyenne
entre photons grande devant dimension de
l’interféromètre: observation d’effets ondulatoires
en lumière très atténuée
Expérience de Taylor (1909)
film
fente
épingle
figure de diffraction
Proceedings of the Cambridge
Philosophical Society,
15, 114-115 (1909).
Comportement ondulatoire
avec lumière très atténuée
Comportement
ondulatoire
Taylor
1906 Diffraction
Plaque photo
Oui
Dempster & Batho
1927 Réseau, Fabry-Perot
Plaque photo
Oui
Janossy and Naray
1957 Interféro. de Michelson Photomultiplicateur
Oui
Griffiths
1963 Fentes d’Young
Intensificateur
Oui
Dontsov & Baz
1967 Fabry-Perot
Intensificateur
NON
Scarl et al.
1968 Fentes d’Young
Photomultiplicateur
Oui
Reynolds et al.
1969 Fabry-Perot
Intensificateur
Oui
Bozec et al.
1969 Fabry-Perot
Plaque photo
Oui
Grishaev et al.
1971 Interféro. de Jamin
Intensificateur
Oui
Zajonc et al.
1984 Interféro. à fibre;
choix retardé
Photomultiplicateur
Oui
Alley et al.
1985 Interféro. à fibre;
choix retardé
Photomultiplicateur
Oui
Une question réglée ?
Remise en cause du caractère
corpusculaire de la lumière très atténuée
Effet photoélectrique parfaitement interprété par le modèle
semi-classique de la photodétection (Lamb, 1964) :
•Détecteur quantique atome, molécule, solide conducteur...
•Lumière : onde électromagnétique classique
NB: en 1905 (huit ans avant l’atome de Bohr) pas de
description quantique, ni pour la matière, ni pour la lumière:
l’effet photoélectrique est incompréhensible dans le cadre
classique. Einstein a choisi de quantifier la lumière.
Il aurait pu choisir de quantifier la matière.
−→
−→
La lumière très atténuée présente-t-elle un
comportement corpusculaire?
Comment caractériser quantitativement un
comportement corpusculaire?
Critère de comportement corpusculaire
P. Grangier, G. Roger, et A. Aspect, Europhys. Lett. 1, 173 (1986)
Particule :
on attend
détection simple
T1 D1
PC = 0
Onde : passe
par les deux
trous et on
attend
S
P1 != 0
détection en
coïncidence
PC
T2 D2
détection simple
P2 != 0
PC != 0
PC
=1
Le modèle semi-classique conduit à α =
P1 × P2
PC
<1
Critère de comportement “corspuscule” α =
P1 × P2
13
La lumière très atténuée n’a pas un comportement
de particules (A. Aspect + Ph. Grangier, 1986)
LED
et très atténuées:
0.01photon/pulse,
en moyenne
atténuateur
Impulsions émises par une
diode électroluminescente
détection simple
T1 D1
P1 != 0
détection en
coïncidence
PC
T2 D2
détection simple
P2 != 0
résultat expérimental αmes = 1.07 ± 0.08
−→ comportement ondulatoire
En accord avec les prédictions de la théorie quantique de
la lumière. La lumière très atténuée est décrite comme un
état quasi-classique (ou état cohérent de Glauber).
Sources de photons uniques
La théorie quantique de la lumière permet de concevoir
des sources de photons uniques pour lesquels
on prévoit un comportement corpusculaire :
α<1
atome isolé
excité
émet un
photon et
un seul
(e)
|n = 1!
(g)
détection simple
T1 D1
P1 != 0
détection en
coïncidence
PC
T2 D2
détection simple
P2 != 0
Dans les sources lumineuses classiques (lampe
fluorescente, laser, LED, ...) un très grand nombre
d’émetteurs sont excités simultanément.
Comment isoler un seul atome (ou émetteur excité) ?
Première source de photon unique
Alain Aspect et Philippe Grangier - 1986
Cascade radiative atomique.
dye laser
ν1 (551 nm)
τ = 5 ns
Kr ion laser
ν2 (423 nm)
Atome unique isolé
temporellement : pendant une
durée de 5 ns suivant la
détection de ν1 un atome unique
est pret à émettre un photon et
un seul de fréquence ν2.
résultat expérimental
αmes = 0.18 ± 0.06
α < 1 → anticorrélation
comportement corpusculaire
Et aujourd’hui ?
• On utilise des atomes ou des ions refroidis et
piégés
• Il s’agit cependant de sources complexes à
mettre en œuvre
• Peut-on imaginer des sources de photons
uniques plus “pratiques” ?
1. Emission de photon unique
2. Interférences à photon unique
Photon unique “annoncé”
fluorescence paramétrique dans un cristal
non-linéaire (L. Mandel, J. Rarity, A. Zeilinger, etc.)
pompe
532 nm
cristal
non-linéaire
χ(2)
1
=
1
+
1
λpump
λsignal
λidler
!kpump = !ksignal + !kidler
photon “signal”
1.55 μm (telecom)
photon “réplique”
810 nm
Schéma permettant une génération très efficace au moyen
de guides d’ondes χ(2) à quasi-accord de phase
Emission de lumière par un atome
énergie
E3
E2
niveau excité
E1
niveau fondamental
E0
Niveaux
atomiques
discrets
Excitation
décharge électrique
absorption de lumière
Emission
spontanée
hν = E1 − E0
Molécule et photons uniques
S1
S1
νabs
νfluo
S0
νabs ≥ νfluo
décalage Stokes
S0
train de
photons
uniques
excitation
impulsionnelle
Proposition & première expérience
F. De Martini et al.
Phys. Rev. Lett. 76, 900 (1996)
Fluorescence d’une molécule unique
Molécule unique isolée spatialement par
microscopie confocale
7.6
µm
Molécules :
souplesse d’emploi,
efficacité élevée,
mais photoblanchissent.
Intensity (kHz)
D’autres sources de photons uniques
bin=2ms
80
60
40
20
0
0
5
10
15
20
Time (s)
Boîtes quantiques d’InAs
dans des micro-pilliers
Nanocristaux de CdSe
Spectre d’émission étroit relié
à la taille des nanocristaux
Centres colorés NV du diamant
"molécule artificielle" parfaitement photostable
25
Centres colorés NV du diamant
atome d’azote (N) comme impureté associé à
une lacune (V) dans le site adjacent de la
maille cristalline
ZPL
a.u.
C
Emission
V
N
Absorption
637nm
!
750nm
Detection et étude comme objet quantique unique :
A. Dräbenstedt, L. Fleury, C. Tietz, F. Jelezko, J. Wrachtrup,
C. von Borczyskowski, Science 276, 2012 (1997).
Thèse d’Alexios Beveratos (groupe de Philippe Grangier
Institut d’Optique): source de photons uniques
Création des centres colorés NV
• Les impuretés d’azote sont naturellement
présentes dans le diamant synthétique (type I)
• Irradiation électronique permettant de créer
les lacunes V dans le cristal + recuit à 800°C
00
+
+
+ NV
NV ++NN
↔↔
NN
NV
+ NV
−
coups
300
200
NV0
NV−
C
V
100
N
0
550 600 650 700 750 800 850
longueur d'onde (nm)
Emission dans le diamant massif
ndiamant = 2.4
100 µm
1.5 mm
Angle limite ~ 24.5°
la lumière reste
piégée dans le cristal
Fluorescence dans le diamant
nanocristaux de diamant au lieu de diamant
massif ndiamant = 2.4
∅ " 50 nm # λ0 /n
silice nsilice
Avantage des nanocristaux :
- Meilleure collection des photons émis
- Moins de fond d’émission de la matrice hôte
- Association à des structures photoniques
miroir de Bragg
◆
.◆◆. .
silice
interférence
constructive
Nano-diamant (Th. Gacoin, PMC)
Poudre de diamant synthétique (de Beers,
type Ib), taille comprise entre 0-5 microns
4 étapes
lamelle couvre-objet
silice, miroirr, etc.
solution colloïdale
+ sélection taille
spin-coating
nanoparticules dispersées
diamètre typique ~ 90 nm
équivalent à 10-12 carat = pico-joaillerie...
Montage expérimental
Photon Counting Devices
Confocal Microscope
g(2)(τ)
metallographic objective
CW or Pulsed
Excitation
Spectrometer
@ 532 nm
scanning mirror
Delay
Dichroic
mirror
Time -toAmplitude
converter
(θ, φ)
Filters
z
NA = 0.9
50/50
Beamsplitter
Pinhole
Ø100µ
Avalanche
photodiodes
10
Diamond
sample
8
balayage
µm
6
La luminescence du fond de
l’échantillon finit par disparaître...
Seul le centre coloré survit !
10 × 10 µm
4
2
0
0
2
4
6
8
10
Plan de l’exposé
1. Emission de photon unique
2. Interférences de photon unique
Séparation du front d’onde
S1
S0
Biprisme de Fresnel
Multi
Channel
Analyzer
APD
2
APD
1
Start
TAC
Stop
Histogramme des
coïncidences
Paramètre de corrélation
TIA
10
−2
instants de photodétection
Porte = 100 ns
Période d’excitation = 436ns
photon/pulse
Impulsions atténuées
NC × Npulse
→ α=
NA × NB
Impulsions à un photon
Acquisition duration (s)
N1
N2
NC
α
Acquisition duration (s)
N1
N2
NC
α
4.780
4.891
4.823
4.869
4.799
4.846
4.797
4.735
4.790
4.826
49448
49451
49204
49489
49377
49211
49042
49492
49505
49229
50552
50449
50796
50511
50623
50789
50958
50508
50495
50771
269
212
211
196
223
221
232
248
248
219
1.180
0.937
0.934
0.875
0.981
0.982
1.021
1.077
1.090
0.970
5.138
5.190
5.166
5.173
5.166
5.167
5.169
5.204
5.179
5.170
49135
49041
49097
49007
48783
48951
49156
49149
49023
48783
50865
50959
50903
50996
51217
51049
50844
50851
50977
51217
28
23
23
28
29
31
30
32
26
26
0.132
0.109
0.109
0.133
0.137
0.147
0.142
0.152
0.124
0.123
α = 1.00 ± 0.06
α = 0.13 ± 0.01
Interférence avec un photon unique
Interferomètre éclairé par une source de photons uniques (α < 1 observé)
Orsay 1985
MZ1
ICCD
MZ2
http://www.physique.ens-cachan.fr/franges_photon/index.htm
Figure d’interférence pour un photon
3.0
2.0
2.5
Z = 11 mm
simulation
data
Intensity (a.u.)
Intensity (a.u.)
2.5
1.5
1.0
Z = 98 mm
simulation
data
1.5
1.0
0.5
0.5
0.0
-1.0
2.0
-0.5
0.0
Distance (mm)
0.5
1.0
0.0
-1.0
-0.5
0.0
Distance (mm)
0.5
1.0
Ajustement en utilisant
l’optique cohérente
classique
Dualité onde particule: bizarre!
Première expérience
Comportement
corpusculaire:
photon unique
passe soit par T1
soit par T2.
Deuxième expérience
Comportement
ondulatoire: photon
unique passe par les
deux trous à la fois.
T1 D
1
détection simple
détection en
coïncidence
PC
S
T2 D2
T1
S
T2
P1 != 0
détection simple
D
P2 != 0
Résultat en D
dépend de la
différence
des chemins
ST1 − ST2
Même source, mêmes trous : incompréhensible avec
les images classiques d’onde et de corpuscule.
Complémentarité de Bohr
Les deux expériences
sont incompatibles.
T1 D
1
détection simple
détection en
coïncidence
PC
S
Il faut choisir la question
posée au sytème:
•! Par quel trou passe
le photon ?
•! Interférence ?
On ne peut poser les
deux questions à la fois.
T2 D2
T1
S
T2
P1 != 0
détection simple
D
P2 != 0
Résultat en D
dépend de la
di!érence
des chemins
ST1 − ST2
Que se passerait-il si on attendait que l’impulsion lumineuse
ait dépassé les trous pour choisir l’appareillage ?
Expérience « à choix retardé » (Wheeler).
Expérience à choix retardé (Wheeler)
centre coloré NV
300
Coups
SPS
interféromètre de Mach-Zehnder
200
100
0
! 100 nm
600 650 700 750 800 850
Longueur d'onde (nm)
durée de vie ~25ns
émission polarisée
linéairement à 80%
with beamsplitter
φ
.
interféromètre de polarisation
SPS
.
Séparateur
de faisceau
.
lame λ/2
Séparateur de
EOM polarisation
.
~ 30 m
Vπ
36
Complémentarité de Bohr
−→
Donne encore lieu à des
expériences parfois confuses...
réseau de fils matérialisant
les franges d’interférences
des trous 1 et 2
http://users.rowan.edu/~afshar/
37
En conclusion
Les faits expérimentaux nous forcent à accepter la
complémentarité entre interférence et “which path”.
Difficile à réconcilier avec les images et la logique issues
du monde à notre échelle. Mais, pour se rassurer:
•) Le formalisme de l’optique quantique en rend
compte de façon cohérente.
•) La complémentarité de Bohr permet d’éviter les
incohérences logiques.
C’est en s’intéressant aux «bizarreries quantiques» qu’on
a développé de nouvelles sources de lumière aux
propriétés quantiques et qu’ont germées les idées de
cryptographie
quantique
et
information
quantique.
Photons uniques dans l’infra-rouge
Lame mince de diamant naturel (type 2a)
Excitation continue à ~700 nm
signal
! 60
fond
NV
600
centre coloré NE8 (Ni-4N)
NE8
−
650
Interprétation:
700
750
800
longueur d'onde (nm)
850
Ingénierie du diamant CVD
micro-ondes, décharge électrique, filament chauffé
hydrogène
+
méthane
T > 2000°C
couche de diamant CVD
substrat
APPLIED PHYSICS LETTERS 86, 134104 !2005"
Ce n’est certainement pas
la fin de l’histoire !
Diamond chemical-vapor deposition on optical fibers for fluorescence
waveguiding
J. R. Rabeaua! and S. T. Huntington
School of Physics, University of Melbourne, Victoria, Australia 3010
A. D. Greentree and S. Prawer
School of Physics and Centre of Excellence for Quantum Computer Technology, University of Melbourne,
Victoria, Australia 3010
Remerciements
Romain
Alléaume
Vincent
Jacques
André
E Wu
Francois Clouqueur
Treussart
et merci pour votre attention !
Téléchargement