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ACTUEL
8
LA PRESSE
MONTRÉAL
DIMANCHE
9
NOVEMBRE
2003
llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
SCIENCES
ONDE DE CHOC AVANT
ONDE DE CHOC INTERNE
VOYAGER 1
VENT
INTERSTELLAIRE
SOLEIL
HÉLIOPAUSE
TERRE
SATURNE
NEPTUNE
URANUS
VENT
SOLAIRE
PLUTON
JUPITER
VOYAGER 2
VENT
INTERSTELLAIRE
Le vent interstellaire dévie en partie quand il
rencontre le vent solaire. Cela forme une sphère
irrégulière autour de notre système solaire.
Cette sphère a déjà été observée autour d’autres
étoiles.
La zone bleu pâle est celle où le vent solaire perd de la vitesse. Quant
au vent interstellaire, il ralentit au passage de l'onde de choc avant.
Au milieu, l’héliopause, où il n’y a plus de vent spatial.
INFOGRAPHIE LA PRESSE / GRAPHIC NEWS / JET PROPULSION LAB, NASA
L’effet Christophe Colomb
La sonde spatiale Voyager 1 arrive au bout du vent
solaire. Ce qu’elle y trouvera pourrait bien éclairer
le débat sur… l’effet de serre.
MATHIEU PERREAULT
Quand ils ont mis les voiles pour
les Indes, en 1492, les marins de
Christophe Colomb craignaient d’arriver, passé les Açores, à une zone de
l’océan Atlantique où il n’y aurait
pas de vent. Heureusement, cela n’est
pas arrivé et ils ont découvert
l’Amérique.
Cinq siècles plus tard, c’est au tour
d’un autre explorateur d’arriver dans
une région inconnue et stagnante.
La sonde Voyager 1, lancée en 1977,
aurait atteint la frontière du système
solaire, là où tombe le vent solaire.
Cette semaine dans la revue Nature,
trois articles discutent cette étape
importante de l’exploration spatiale.
Curieusement, ce débat entre astronomes a une importance cruciale pour
la question du réchauffement de la
Terre.
Le «vent solaire» n’est pas comme
celui qui fait monter les cerfs-volants.
Il s’agit de particules d’énergie émises
par le Soleil. Elles n’interagissent
pas avec Voyager 1 : la sonde ne ralentira pas quand le vent solaire tombera.
On peut faire une analogie avec les
ondes radio ou téléphoniques, qui
n’interagissent pas avec les objets
solides comme les voitures ou les
êtres vivants.
Ce vent solaire s’éloigne du Soleil
à la vitesse de 1 million de kilomètres
à l’heure. Mais aux confins de notre
système solaire, il entre en contact
avec d’autres particules d’énergie,
qui forment le «vent interstellaire».
Les deux flux de particules, qui
voyagent dans des directions opposées,
ralentissent sous le choc. À une certaine
distance du Soleil, il n’y a plus de
«vent» dans aucune direction : c’est
l’«héliopause».
Les articles de Nature, ainsi qu’un
autre dans la revue Geophysical Research
Letters, supputent la possibilité que
Voyager 1 soit entrée dans la zone où
le vent solaire ralentit. Une équipe
de l’Université John Hopkins, au
Maryland, pense que oui. Deux autres
pensent que non. Un éditorial de
Nature fait état des deux thèses.
L’héliopause serait située entre 85 et
120 unités astronomiques (une UA
correspond à 150 millions de kilomètres) du Soleil, et Voyager 1 se trouve
à près de 90 UA.
«Le problème, c’est que l’instrument qui mesure le vent solaire ne
fonctionne plus», explique William
Liu, le scientifique responsable de
l’environnement spatial à l’Agence
spatiale canadienne, joint par téléphone à Calgary, où il participe à
une réunion sur la science solaireterrestre. «Il faut alors faire des mesures
secondaires avec d’autres appareils,
et voir comment elles sont compatibles
avec un affaiblissement du vent
solaire.»
L’équipe de l’Université John
Hopkins a utilisé des capteurs de
particules à basse énergie, et assure
avoir vérifié avec de vieilles données
de Voyager 1 (l’instrument de mesure
du vent solaire ne fonctionne plus
depuis 1980 et c’est le seul à avoir
flanché) que les mesures de particules
à basse énergie varient en fonction
de la vitesse du vent solaire avec
une marge d’erreur de seulement 20%.
Selon leurs mesures, le vent solaire
a baissé de 1 million de kilomètres
à l’heure, à 150 000 km/h.
Effet de serre
Quand les vents interstellaire et
solaire se rencontrent, le choc libère
d’autres particules, encore plus
chargées d’énergie. Certaines vont
vers l’espace, et nourrissent le vent
interstellaire. D’autres vont vers le
Soleil, et interagissent avec l’atmosphère des planètes.
«Les particules chargées très énergétiques qui sont issues du choc entre
les vents interstellaire et solaire constituent les semences des nuages de
pluie sur la Terre, explique M. Liu.
Elles attirent les molécules d’eau,
grâce à leur charge, et jouent un rôle
important dans le climat terrestre. Si
PHOTO JET PROPULSION LAB, NASA
Voyageur 1 a quitté la Terre en 1977 et se trouve maintenant à 90 UA du système solaire.
Voyager 1 a effectivement rencontré
la zone où le vent solaire ralentit,
cela signifie que ces particules jouent
un rôle plus grand qu’on pensait sur
le climat. Et donc que le rôle de
l’activité humaine dans les changements climatiques est moins grand
qu’on pensait.»
Quoi qu’il en soit, Voyager 1 retrouvera bientôt un vent solaire
normal : la position de l’héliopause
varie avec le cycle solaire, et présentement, la force du vent solaire va en
augmentant, reculant d’autant l’héliopause. «Quand le Soleil est dans la
phase active de son cycle, son énergie
va surtout vers les taches solaires,
qui grossissent, dit M. Liu. Dans la
phase descendante, les taches solaires
relâchent leur énergie, augmentant
la force du vent solaire.»
Voyager 1, qui file à 60 000 km/h,
n’a de l’énergie que pour une quinzaine d’années. Elle n’enverra
probablement jamais d’informations
en provenance de l’espace interstellaire, qui commence vers 150 UA.
Les dernières données seront transmises vers 2020, environ à 140 UA.
Il faudra un autre Christophe Colomb
pour avoir des nouvelles de la
«dernière frontière».
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