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Bulletin Infirmier du Cancer Vol.11-n°3-juillet-août-septembre 2011
Dossier (2epartie)
Le traitement :
la surveillance active
La surveillance du cancer localisé de la prostate a
pour objectif d’éviter les surtraitements liés à l’augmen-
tation de la fréquence des diagnostics de cancers latents
ou peu évolutifs. Elle comporte l’abstention-surveillance
(watchful waiting) et la surveillance active. L’absten-
tion-surveillance consiste à instaurer un traitement à
visée palliative chez les patients symptomatiques. Elle
concerne les hommes ayant un cancer T1-T2 avec une
espérance de vie < 10 ans et une tumeur non agressive
(groupe favorable de d’Amico).
La surveillance active consiste à ne pas traiter immé-
diatement un cancer de la prostate (CaP) cliniquement
localisé à (très) faible risque de progression chez des
patients demandeurs ayant une espérance de vie > 10
ans. Cela est une option thérapeutique curative qui
déplace le moment du traitement. Les critères de sélec-
tion retenus sont ceux du groupe de risque faible de
D’Amico (PSA < 10 ng/ml et score de Gleason < 7 et
stade clinique T1c ou T2a) associés à des critères biop-
siques : 1 à 2 carottes biopsiques positives au maximum
sur une série d’au moins 10 prélèvements, une longueur
tumorale < 3 mm pour certains. Des crires supplé-
mentaires, dont les données de l’IRM, sont en cours
d’évaluation.
Qui dit surveillance dit contrôle : les modalités de la
surveillance comportent obligatoirement un contrôle de
l’antigène prostatique spécifique (PSA) [[a vérifier]] tous
les 3 à 6 mois pour calculer le temps de doublement, un
toucher rectal (TR) tous les 6 à 12 mois et un contrôle
histologique par nouvelles biopsies entre 6 et 18 mois
qui est fondamental pour duire la probabilité de sous-
évaluation initiale. Des études prospectives sont en cours
(PRIAS, ProtecT, PIVOT, SURACAP).
Le traitement chirurgical
Le traitement chirurgical du cancer de la prostate à
un stade locali ou localement avancé repose sur la
prostatectomie totale, associée ou non à la réalisation
d’une lymphadénectomie ilio-obturatrice bilatérale plus
ou moins étendue.
Principes de la prostatectomie
Le principe de la prostatectomie totale (PT) est de
réaliser l’ablation de la prostate dans son ensemble ainsi
que des vésicules séminales et d’anastomoser la vessie
à l’urètre membraneux. Elle peut être conservatrice ou
non. Cette notion se réfère aux bandelettes vasculo-ner-
veuses qui longent la capsule prostatique et ont comme
fonction d’assurer l’innervation et la vascularisation indis-
pensables pour obtenir une érection. La prostatectomie
est dite conservatrice lorsque le chirurgien préserve ces
bandelettes. Cette conservation peut être uni- ou bila-
rale. Le choix de aliser une prostatectomie totale
conservatrice ou non et de son caractère uni- ou bilaté-
ral dépend du stade tumoral (si la sion paraît intra-
Dossier (2epartie)
Le cancer de la prostate :
traitements
Dr Igor Latorzeff, Oncologue radiothérapeute,
Groupe ONCORAD Garonne, Clinique Pasteur,
Toulouse (i.latorzeff@clinique-pasteur.com)
Dr Xavier Gamé, Chirurgien urologue,
CHU Rangueil, Toulouse
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prostatique, ne franchissant pas la capsule prostatique,
sur les données de l’examen clinique, de l’imagerie par
résonance magnétique [IRM]), l’étendue de la lésion sur
les biopsies (tumeur uni- ou bilatérale, nombre de biop-
sies positives), le taux de PSA préopératoire, l’âge du
patient, sa sexualité popératoire et son souhait de
sexualité en postopératoire.
Une lymphadénectomie ilio-obturatrice bilatérale est
systématiquement associée si la tumeur est classée en
préopératoire en risque intermédiaire ou élevé selon les
critères de D’Amico. La lymphadénectomie s’est long-
temps limitée à l’ablation des ganglions se situant entre
la veine iliaque externe et le nerf obturateur. Toutefois,
il est apparu que certains patients avaient un drainage
lymphatique prostatique inhabituel intéressant directe-
ment le système présacou iliaque. De ce fait, il est de
plus en plus souvent réalisé un curage dit étendu inté-
ressant les axes iliaques interne et externe jusqu’à la
bifurcation iliaque.
Les voies d’abord
Historiquement, la prostatectomie était réalisée par
voie périnéale. Dans les années 1980, a été proposée la
voie tropubienne qui est toujours utilisée de nos jours.
La prostatectomie totale rétropubienne peut être réali-
sée par chirurgie ouverte, par voie laparoscopique ou
par robotique.
La voie rétropubienne est classiquement une voie
sous-péritonéale. Cependant, avec le développement
de la laparoscopie et de la robotique, afin de gagner en
espace de travail, on commence l’intervention en intra-
péritonéal ce qui impose ensuite d’abaisser la face anté-
rieure de la vessie pour aborder la face antérieure de la
prostate (figure 1).
Soins périopératoires
L’intervention ne nécessite pas de préparation par-
ticulière hormis un lavement rectal la veille ou le matin
de l’intervention. Un examen cytobactériologique des
urines est prescrit une semaine avant l’intervention et
en cas de présence de germes un traitement antibiotique
devra avoir été institué depuis au moins 48 heures avant
l’intervention. Si cet examen est stérile, une antibiopro-
phylaxie sera réalisée au début de l’intervention.
En fin d’intervention, une sonde vésicale et un drain
de redon sont laissés en place. Le drain est habituelle-
ment laissé en place 48 heures et la sonde 5 jours. La
durée habituelle d’hospitalisation est d’environ une
semaine.
Complications de la prostatectomie
En dehors des complications potentielles de toute
intervention chirurgicale comme un problème anesthé-
siologique, une hémorragie ou la survenue d’une infec-
tion, les deux principales complications ou effets secon-
daires de cette intervention sont lincontinence et la
dysfonction érectile. S’y ajoute le risque de lésion des
organes de voisinage comme une plaie du rectum, par
exemple.
L’incontinence urinaire
Même si cela est loin d’être systématique, la surve-
nue de fuites d’urine plus ou moins importantes à l’abla-
tion de la sonde vésicale est fréquente. Elle peut avoir
plusieurs causes : la disparition d’un obstacle à l’écou-
lement de l’urine, l’exérèse du col vésical, une sion du
sphincter externe de l’urèthre, une modification de la
mobilité de l’urèthre et l’apparition d’une hyperactivité
vésicale.
Les fuites d’urine persistent enral quelques
semaines ou mois et disparaissent soit spontanément,
soit après la réalisation dune éducation rio-
sphinctérienne. Il est actuellement admis que moins de
5 % des patients auront une incontinence urinaire sévère
un an après la chirurgie, qui nécessitera une nouvelle
intervention pour traiter ces fuites.
La dysfonction érectile
La fréquence de survenue d’une dysfonction érectile
en postopératoire dépend de différents paramètres que
sont l’âge du patient, la persistance d’une sexualité avant
Dossier (2epartie)
Figure 1. Prostatectomie totale (PT) : différentes voies d'abord.
PT laparoscopique
PT rétropubienne
PT périnéale
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la chirurgie, le caractère conservateur ou non de la chi-
rurgie et si la conservation a eu lieu, son caractère uni-
ou bilatéral.
Les résultats oncologiques
de la prostatectomie radicale
Entre un et trois mois après la réalisation d’une pros-
tatectomie totale, un dosage du PSA total est pratiqué. Il
convient d’être indosable, inférieur à 0,01 ng/mL. Si le
PSA total reste dosable, cela signifie soit que l’ablation de
la pièce opératoire a été incomplète, soit que le patient
présente une atteinte ganglionnaire ou des métastases.
En revanche, lorsque le PSA total initialement néga-
ti redevient dosable sur au moins deux dosages con-
cutifs, nous parlons de récidive biologique. Après pros-
tatectomie totale, le risque de récidive biologique est de
30 %. Le risque dépend du stade histologique, de l’agres-
sivité de la tumeur (score de Gleason), du taux de PSA
total préopératoire, de la présence de marges positives
et d’un envahissement ganglionnaire.
Traitements adjuvants
Lorsque l’étude histologique de la pièce de prosta-
tectomie montre qu’il s’agit d’une tumeur T3 (franchis-
sant la capsule) ou qu’il existe des marges positives, plu-
sieurs études ont mis en évidence un avantage, en termes
de récidive biologique, àaliser une radiothérapie
externe adjuvante sur la loge de prostatectomie.
En cas de présence d’un envahissement ganglionnaire,
il convient de proposer une hormonothérapie adjuvante.
Suivi oncologique après prostatectomie totale
Après prostatectomie totale, un suivi clinique et bio-
logique par dosage du PSA total est réalisé. Les recom-
mandations du comité de cancérologie de l’Association
Française d’Urologie indiquent que le suivi doit débuter
par un dosage du PSA total trois mois après l’intervention
puis, s’il est indétectable, être réalisé tous les 6 mois pen-
dant 3 à 5 ans, puis tous les ans pendant 10 à 15 ans.
La radiothérapie externe
Technique et matériel
Au stade localisé, la prise en charge thérapeutique
des cancers urologiques fait appel à la chirurgie en pre-
mière intention. Depuis quelques années, la radiothé-
rapie s’inscrit aussi en première ligne dans l’arsenal des
modalités de traitement, notamment dans le cas du can-
cer de la prostate. Ce positionnement tient compte à la
fois des progrès technologiques réalisés par la discipline
sur la précision de la balistique des faisceaux de traite-
ment (radiothérapie conformationnelle 3D et modula-
tion d’intensité) et de l’amélioration des résultats carci-
nologiques obtenue par lescalade de la dose et les
associations hormonotrapie et radiotrapie. C’est
l’apport de l’imagerie moderne (scanner et IRM) qui a
permis au radiothérapeute de rentrer dans l’ère des trai-
tements tridimensionnels, puis conformationnels. En
effet, l’établissement de la prise en charge du patient
sous la machine de traitement respecte une cascade
d’événements qui s’enchaînent depuis la consultation
avec l’oncologue radiothérapeute jusqu’à la dernière
ance de traitement sous l’accélérateur linéaire, comme
le fait apparaître le diagramme suivant (figure 2).
Les 4 étapes successives sont systématiquement réali-
es dans un ordre précis pour chaque patient trai. Elles
peuvent dépendre des conditions techniques locales.
Étape 1 : la réalisation d’une contention
adaptée au patient
La reproductibilité du positionnement du patient sous
l’accélérateur est une condition importante du gain
d’épargne dosimétrique obtenu sur les organes à risque
comme la vessie et le rectum. La possibilité d’immobi-
liser le patient dans un moule en mousse thermo-expan-
e ou dans des cales « pieds-genoux-te » assure
une qualité de repositionnement de l’ordre de 5 mm
(figure 3). Cette étape est réalisée au simulateur ou au
moment de la simulation virtuelle au scanner de cen-
trage. En cas de traitement conventionnel, la simulation
des faisceaux de traitement est réalisée durant cette étape.
Des clichés orthogonaux radiologiques sont alors
effectués et les volumes cibles sont déterminés par rap-
port aux pièces osseuses de référence (bassin, vertèbres
lombaires). Pour certaines équipes, une opacification
urétrale est propoe afin de retrouver l’apex prosta-
tique (repéré par rapport au sphincter urétral membra-
neux) sur les examens radiologiques.
Étape 2 : le repérage scanner, la planification,
la simulation virtuelle
Après la réalisation d’une contention adaptée, le
patient va bénéficier d’un repérage scanner en position
de traitement (figure 4). L’utilisation d’un produit de
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contraste iodé varie selon les équipes et la localisation
anatomique analysée. Les images scanner sont jointives
et en coupes fines afin de permettre une reconstruction
en 3 dimensions la plus précise possible des volumes
intéressants.
Les données anatomiques acquises sont transférées
par liens informatiques sur une console de simulation
virtuelle. Elle va permettre au radiothérapeute de déli-
miter sur chaque niveau de coupe scanner les organes
à risque (vessie et rectum pour la prostate), le volume
cible macroscopique (GTV = Gross Tumor Volume), le
volume cible clinique (clinical target volume ou CTV
= GTV + marge). Le volume cible planifié (planified tar-
get volume [PTV]) correspond au volume qui englobe
les différentes positions du CTV dans le patient (organe
en mouvement propre) et les incertitudes de reposi-
tionnement du patient à chaque séance de traitement.
Pour la prostate, le GTV ne s’applique pas au contour
sur coupes scanner car le volume tumoral n’est pas indi-
vidualisable de l’organe (figure 5).
La planification de la balistique des faisceaux d’irra-
diation peut être ainsi effectuée dans une collaboration
radiothérapeute-physicien. Selon les données du contou-
rage anatomique, à l’aide du logiciel de dosimétrie 3D,
l’équipe de dosimétrie (physicien et dosimétriste) va rep-
senter la position des faisceaux de traitement et calculer
la distribution de la dose délivrée au patient (dosimétrie
prévisionnelle). La console de planification de traitement
permet de terminer virtuellement (c’est-à-dire sans
patient, d’où le nom de simulation virtuelle) une ou plu-
sieurs balistiques de traitement, c’est-à-dire la position, le
nombre, l’orientation, l’énergie, les dimensions et la forme
de chaque faisceau d’irradiation permettant d’optimiser
le traitement. La radiothérapie conformationnelle 3D
repose sur une distribution de la dose calquée aux
contours des volumes cibles d’intérêt. Pour la radiothé-
rapie conformationnelle en modulation d’intensité, un
logiciel d’optimisation de la dose est nécessaire pour cal-
Dossier (2epartie)
Figure 3.
Figure 4. Scanner pour le repérage 3D et console de simulation
virtuelle pour le contourage.
Figure 2.
Consultation initiale avec le radiothérapeute
Choix et personnalisation d’un système de
contention adapté au patient et à la localisation
Acquisition des images scanner du patient
en position de traitement
Réalisation de la simulation virtuelle
balistique, images de référence
Réalisation de la dosimétrie prévisionnelle
Export des paramètres de traitements double
vérification des images de référence
Simulateur ou accélérateur : vérification de tous
les champs de traitement avec le patient
par rapport aux images de référence
1re séance de traitement : vérification des champs
d’irradiation à l’aide de l’imageur portal
Exportation et validation des images
de contrôle via réseau
- Traitement -
Images de contrôle sous l’appareil
Export des images scanner
Si images validées
par médecin
Etape n°4 Etape n°3 Etape n°1
Etape n°2
{
{
{
{
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culer une distribution inhomogène de la dose au sein du
volume irradié (figure 6).
Ainsi, il est possible d’améliorer la conformation de la
dosimétrie (isodose concave autour du rectum), d’aug-
menter la dose délivrée au tissu tumoral et de mieux pro-
téger les tissus sains environnants. C’est grâce à l’apport
de l’outil « multilames », inséré sur la tête de l’accélérateur
à la sortie du faisceau, que la dose est conformée aux
organes par le jeu des lames mobiles. L’existence de ces
collimateurs multilames permet d’éviter l’utilisation très
contraignante et source d’erreurs des caches en plomb
(figures 7 à 9).
Le nombre de faisceaux de traitement varie selon les
équipes (de 5 à 9 faisceaux). La dose délivrée est déter-
minée selon les groupes pronostiques de d’Amico entre
70 et 80 Gy, actuellement en France, en fraction quoti-
Dossier (2epartie)
Figure 5.
Figure 6.
1 : Radiothérapie (RTE) classique 2D (68- 70 Gy)
2 : RTE Conformationnelle 3D (70-78 Gy)
3 : RTE Conformationnelle avec modulation d’intensité (> 78 Gy)
Cible
95 à 100 % dose
50 à 95 %
1
2
3
Orange à risque
Faisceaux
non modulés
Faisceaux
modulés
Figure 7. Multilames se conformant au contour de la tumeur.
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