Tourisme en Allergie

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Exposition sur les allergies respiratoires et alimentaires
dans le cadre du projet de recherche REAL²
Tourisme en Allergie
Proposée par l’association d’artistes Lokotoro
Remerciements
Nous remercions l’ensemble des structures et des professionnels qui nous ont accueillis et
accordé leur confiance.
Nous tenons à remercier tout particulièrement Antoine Magnan, Marie Bodinier, Gregory
Bouchaud, Nicolas Prézelin, Domitille Baeur, Claire Bernier, Isabelle Molle, Dominique
Chevallier, Claude Figureau, Hélène Pillet, Faouzi Braza, Julie Chesné, le CHU de
Nantes, l’Institut du thorax, l’INRA, l’école de l’atopie, le Réseau Asthme-BPCO de la
Loire-Atlantique, Vivre Asthmatique et Allergique, la plateforme MicroPICell, la Structure
Fédérative de Recherche François Bonamy et la Région Pays de la Loire.
Tourisme en Allergie
Exposition et expérimentation en culture scientifique
Exposition
du 23 Avril au 13 juin 2014
à L’Institut de recherche en santé
8 Quai Moncousu
Nantes
Organisée par l’association Lokotoro, l’exposition « Tourisme en Allergie » met en relation 9
artistes avec la thématique scientifique de l’allergie. Après la pré-exposition, livrant le travail
d’une résidence de deux mois à l’atelier de la Ville en Bois, l’exposition propose des œuvres
plus abouties qui ont continué d’évoluer sur un mois.
Les artistes ont travaillé avec des membres du Réseau Allergie Respiratoire et Alimentaire
(REAL2), réseau coordonné par le professeur Antoine Magnan, responsable de l’équipe «
Pathologies Bronchiques et Allergies » au sein de l’Institut du thorax (UMR 1087 INSERMUniversité de Nantes-CNRS).
Différentes collaborations se sont réalisées entre les artistes et les structures de soin.
Chaque artiste a pu tisser une relation particulière avec l’allergie à travers les professionnels
ou les patients qui ont rendu accessible leur expertise. Les œuvres traduisent de manière
sensible une rencontre singulière.
Ce livret fait se côtoyer les œuvres plastiques et les conversations avec le personnel de
santé sur l’allergie. Cet objet est partie prenante de l’exposition, à titre d’œuvre, dans sa
manière d’articuler deux perceptions du monde, et à titre de documentaire, dans sa trace
d’un moment de vie.
Les artistes ont aussi fourni un travail de groupe par l’élaboration d’œuvres à plusieurs
mains. Les échanges ont permis des réalisations inattendues grâce aux partages des
compétences et aux envies de chacun.
L’association Lokotoro privilégie le chemin au résultat ; ceci signifie qu’elle est
particulièrement sensible aux échanges, ajustements, étonnements, tant des artistes que
des scientifiques engagés, ceci pendant le travail préparatoire, pendant l’exposition et audelà.
Avec : Boris Détraz, Thierry Forêt, Makiko Furuichi, Joseph Holcha, David Lair, Angéline
Réthoré, Marion Richomme, Jérémy Segard et Anne-Sophie Yacono
[email protected]
www.lokotoro.org
Sommaire
7
Tourisme en Allergie,
En guise d’introduction
11L’allergie,
Rencontre d’un allergologue
13
L’allergie dans un projet de recherche régional : le REAL2,
Rencontre d’un chef de projet
15Diagnostic,
Rencontre d’un médecin
16
Le mécanisme de l’allergie,
Rencontre d’un thésard
19
Un modèle d’allergies croisées,
Rencontre d’un immunologiste
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Visite à l’institut de recherche en santé,
Rencontre d’un chercheur postdoctoral
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Visite à l’Hôpital Nord Laënnec,
Rencontre d’un allergologue libéral
28
Participation à des ateliers d’éducation thérapeutique,
Rencontre d’un psychologue
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L’hypothèse de l’hygiène,
Rencontre d’un conteur scientifique
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Visite au pollinarium sentinelle,
Rencontre d’un allergologue et d’un botaniste
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En guise de conclusion,
Tourisme en Allergie
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Table des illustrations
6
Tourisme en Allergie,
En guise d’introduction
« Tourisme en allergie est la manière dont on a procédé.
On ne l’avait pas anticipé. Ça s’est présenté comme ça. On s’est conduit de cette
manière là malgré nous. C’était une bonne chose.
Le tourisme est assez mal vu alors qu’on le pratique constamment dans notre manière
de voyager. On n’est pas là pour en faire une valeur morale, mais plutôt une analyse. Non, ce
serait un ressenti plutôt qu’une analyse, il me semble.
Une des premières propositions était « Voyage en allergie ». L’idée venait de l’atopie,
qui signifie « sans lieu », d’après son étymologie. Je n’aimais pas trop l’idée de voyager
dans un non-lieu auquel on n’a accès qu’en étant réellement malade. Le voyage me semblait
impossible. Le tourisme convenait mieux. On est passé dans des espaces réels qui côtoient
l’allergie. On y est passé, on a regardé, pris des notes, fait des croquis de voyage, rencontré
des guides, du malade au médecin. On a pris une ou deux photos, limite volées. On nous a
proposé des sites intéressants et certains, par notre humeur et la manière d’organiser notre
séjour, ont été oubliés ou sont passés derrière d’autres. On ne peut pas voir tout Rome en
3 jours, on est forcément déçu. Il va falloir économiser, préparer à nouveau notre voyage et
repartir. L’organisation sera nouvelle car on va pouvoir l’organiser suivant les rencontres et les
expériences que l’on a déjà eues la première fois. C’est une évolution possible pour ce genre
de projet.
Ce terme marche aussi pour une deuxième raison. Comment qualifier des artistes qui
viennent côtoyer des structures en marche avec leurs rythmes, leurs habitudes ? Comment y
trouver notre place et quelles relations pouvons-nous construire ? »
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baiser des cellules
préparant une défense
massive, inutile
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petit matin sombre
sur la poitrine du bébé
une plaque rose
9
L’allergie,
Rencontre d’un allergologue
« L’allergie regroupe un grand nombre de praticiens et de pratiques. C’est une maladie
intéressante, par son côté moderne. Elle n’a cessé de croître depuis les années cinquante,
dans les pays dits développés. Elle est liée au mode de vie occidental. On l’estime à 30 %
dans la population générale. C’est presque une personne sur trois, on connaît forcement
quelqu’un d’allergique.
L’allergie respiratoire, dans les cas les plus graves, tend vers l’asthme, ce qui alourdit
notre vision souvent légère du rhume des foins beaucoup plus habituel. L’asthme conduit
parfois aux urgences, alors imagine que tu peux avoir une crise dès que tu respires un
allergène, il peut y en avoir partout !
Ici, en Pays de la Loire, on doit être à 184 000 asthmatiques. L’environnement y tient
un rôle important.
Tout le monde ne peut pas devenir allergique, il existe des facteurs génétiques et
environnementaux. On parle d’atopie lorsqu’une personne a un terrain allergique. Ça ne veut
pas dire qu’elle sera forcément allergique, mais si les conditions sont réunies, alors elle le
sera.
L’allergie se caractérise par une réaction excessive du système immunitaire par
rapport à un élément de l’environnement . On parle aussi d’hypersensibilité de type I.
Le seul moyen efficace contre une crise d’allergie est d’éviter l’allergène, c’est très
facile à dire, mais très compliqué dans certains cas.
C’est une maladie où il n’existe pas de traitement, seuls les symptômes sont traités.
Les allergies restent classées suivant les symptômes qu’elles provoquent, avec
des croisements disciplinaires intéressants. Les allergies respiratoires qui touchent le
système respiratoire concernent les pneumologues, les allergies de contact renvoient aux
dermatologues et ainsi de suite… L’allergologie reste un terrain vaste qui concerne un grand
nombre de spécialités.
Il existe des allergies respiratoires, alimentaires, de contact, aux médicaments et aux
piqûres d’insecte.
La marche atopique est l’évolution naturelle de la maladie. Elle est différente pour
chaque individu. Certains vont développer une allergie alimentaire, sous forme d’eczéma
dans l’enfance, qui passera spontanément en grandissant. Pour d’autres, l’allergie alimentaire
développée dans l’enfance se substituera plus tard dans leur vie par de l’asthme, voir dans
quelques cas en asthme sévère. Nous étudions cette marche atopique pour comprendre les
mécanismes de passage d’une allergie à une autre.
La marche atopique permet de penser qu’il existe des différences dans la population
allergique. Des sous-groupes sont mis en évidence suivant l’évolution de la maladie. Certains
ont des biomarqueurs qui permettent de prévoir l’évolution de leurs allergies alimentaires ou
cutanées en asthme. L’identification et l’étude de ces biomarqueurs sont une avancée, car à
terme nous espérons pouvoir influencer cette marche atopique pour éviter la marche naturelle
de certains patients vers l’asthme. »
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L’allergie dans un projet de recherche régional : le REAL2,
Rencontre d’un chef de projet
« On est réunis autour d’un projet de recherche fondamentale, qui cherche à
comprendre le passage de l’allergie alimentaire à l’allergie respiratoire. C’est un projet de
recherche financé par la Région. Il a deux volets, l’un fondamental et l’autre clinique.
REAL2 pour REseau ALlergie REspiratoire et ALimentaire. On aime bien ce genre
d’acronyme, on fait tous ça.
Pour ce genre de projet, il est important de mettre en relation et de regrouper
l’ensemble des structures qui ont les moyens techniques et humains, autour d’un thème. On
est toujours étonnés de la richesse qu’apportent ces échanges, qui n’auraient pas lieu sans
ces projets. Sinon, c’est un peu chacun dans son coin, on se sent parfois un peu isolés. Ces
échanges nous permettent de réfléchir plus largement à ce que l’on fait et de mieux comprendre
certains aspects qui échappent à notre champ de discipline. Des projets importants et souvent
inattendus naissent de ces rencontres.
Il faut savoir qu’un chercheur peut faire une carrière entière sans jamais voir un malade
ou un médecin spécialiste de la maladie sur laquelle il travaille. Aujourd’hui, on fait tout pour
avoir une cohérence et un dialogue entre les genres, c’est important et souvent très efficace.
On fait participer, dans ce réseau, les structures déjà existantes. On a les deux CHU de
Nantes et d’Angers, deux équipes de recherche fondamentale, l’une INRA et l’autre INSERM,
et les allergologues libéraux.
Le CHU de Nantes a une Plate-forme Transversale d’Allergologie, créée en 2010, qui
s’appuie sur le développement de l’allergologie universitaire et un champ de recherche sur
l’allergie respiratoire au sein d’une équipe INSERM « Pathologies bronchiques et allergies »,
dans l’UMR 1087, l’Institut du thorax.
Le CHU d’Angers existe depuis une trentaine d’années. Il a su développer une prise
en charge spécifique des patients et une activité de recherche.
L’INRA, avec son équipe « Allergie », est spécialisé dans l’allergie alimentaire et la
caractérisation des allergènes.
On travaille d’une manière transversale entre les laboratoires. L’allergie alimentaire
et l’allergie respiratoire ne sont pas étudiées aux mêmes endroits. Ici nous réunissons ces
études pour mieux discerner les relations qui peuvent exister.
De nouvelles spécificités naissent de ces intérêts croissants pour améliorer la condition
de vie des patients, telles que les Conseillers médicaux en environnement intérieur (CMEI).
Ces infirmières ont une formation spécifique leur permettant de se rendre et d’observer les
allergènes présents dans l’habitation du patient et l’aident à percevoir les changements
nécessaires à l’amélioration de son intérieur. C’était inimaginable il y a vingt ans. »
13
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Diagnostic,
Rencontre d’un médecin
« L’allergie est un problème de santé publique, puisqu’elle affecte la qualité de vie et
elle a un coût de santé en constante augmentation.
La première étape est le diagnostic. Il va nous permettre de faire un lien de causalité
entre l’allergène et le symptôme clinique. Cette étape est primordiale et demande une bonne
connaissance des symptômes et du parcours de soin que cela va engager.
Ce sont les prick-tests. On les réalise à partir d’extraits allergéniques commercialisés,
que l’on applique à l’aide de petits picots blancs. La pointe crée un contact important entre
la peau et l’allergène, ce qui permet la reconnaissance par le système immunitaire de la
molécule incriminée. L’interrogatoire qui a lieu avant les tests permet d’identifier les allergènes
à contrôler, les prick-tests permettent à l’enquête de s’affiner petit à petit.
On les applique et on attend 15-20 minutes pour la lecture en direct avec le patient.
Il faut penser à arrêter le traitement quelques jours avant les tests, car la réaction
serait modifiée. D’ailleurs c’est vrai pour l’ensemble des diagnostics.
Malheureusement, les prick-tests et l’interrogatoire ne permettent pas toujours de
mettre en évidence l’allergène responsable des symptômes chez un patient. On réalise alors
des tests de provocation allergénique spécifique. On met en contact le patient avec l’extrait
allergénique spécifique suspecté, du pollen de bouleau par exemple, qui est déposé en dose
croissante. On contrôle toutes les quinze à vingt minutes l’état clinique.
Le problème est que la mise en œuvre est assez lourde pour le patient, c’est très long.
Oui, c’est le même principe pour les allergies alimentaires. Dans ce cas, on dépose
l’extrait allergénique spécifique sur la face interne de la lèvre. On le fait en milieu hospitalier
car l’ingestion peut provoquer des réactions fortes et brutales.
Pour les allergènes de contact, on pratique les tests épicutanés. On applique
directement sur la peau du dos l’allergène pendant 48 heures. Deux lectures sont réalisées :
une à 48 heures et l’autre à 72 heures. On prend des produits non-toxiques, bien identifiés par
avance. Ils sont dilués de manière spécifique au patient et maintenus par des bandelettes.
On teste aussi spécifiquement les produits personnels du patient dans les cas d’une
allergie suspectée à un produit. »
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Le mécanisme de l’allergie,
Rencontre d’un thésard
« Il est reconnu depuis longtemps que la physiopathologie de l’allergie se décompose
en deux étapes.
La première étape est la sensibilisation, elle est dite silencieuse. Elle ne provoque
aucun symptôme, mais à l’échelle cellulaire une chaîne de réactions a lieu et va désigner
l’allergène comme un élément contre lequel le système immunitaire va réagir violemment.
La sensibilisation commence par la prise en charge d’une cellule présentatrice
d’antigène, appelée cellule dendritique* ou DC. DC pour l’acronyme anglais, dendritique car
elle a des dendrites qui servent de membres pour happer les antigènes.
Antigène et allergène, c’est la même chose. C’est juste spécifique à l’allergie.
Une fois qu’elle a attrapé l’allergène, la DC va le phagocyter, ou le manger pour le dire
autrement.
La DC migre alors vers un ganglion, c’est là que les cellules du système immunitaire
se regroupent et évoluent. Dans ce ganglion, elle va présenter l’allergène à plein de cellules
qui sont à son contact et surtout à des lymphocytes* dits naïfs ou CD4+. Les CD4+ vont ainsi
se transformer en différents types de lymphocytes. Le schéma reprend ce que je suis en train
de dire.
Il y a les lymphocytes Th2, les Th1, les Th17 et les Treg, dits régulateurs. On va
surtout s’intéresser aux Th2.
Il existe sans doute d’autres lymphocytes impliqués, mais on est obligé de ne
s’intéresser qu’à certaines populations. On les sélectionne par leur pertinence. C’est déjà très
complexe.
Les Th2 vont induire une réaction spécifique à l’allergène que la DC lui a appris à
reconnaître, ils sont en quelque sorte spécifiques de l’allergène. Ils vont ensuite influencer un
autre type de cellule, les lymphocytes B, qui vont alors se transformer en plasmocytes.
Il faut garder en tête qu’une information de spécificité est transmise à toutes ces
cellules. Elles sont spécifiques de l’allergène. Elle ne vont être actives qu’en sa présence,
sinon elles ne font rien.
Les plasmocytes sont importants car ils vont fabriquer les Immunoglobulines de type
E, ou IgE, spécifiques. C’est le dernier maillon de la chaîne de transmission de l’identité de
l’allergène et de sa reconnaissance par le système immunitaire. Les IgE vont être libérées par
les plasmocytes et voyager dans notre corps, notamment par le sang.
Ici s’arrête la première phase.
La deuxième phase prend alors le relais, c’est là que les symptômes apparaissent.
Les cellules dendritiques (CD en français et DC en anglais) sont les plus efficaces des cellules présentatrices d’antigène. Elles seules
sont capables d’induire la sensibilisation primaire de lymphocytes T « naïfs ». Elles jouent un rôle fondamental au cours des réponses
immunes, puisqu’elles régulent aussi bien les réponses cellulaires et humorales.
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Les lymphocytes sont des Cellules du système immunitaire qui circulent dans le sang. On distingue de grands types de lymphocytes :
les lymphocytes B qui produisent des anticorps et les lymphocytes T qui agissent en détruisant les substances étrangères à l’organisme,
en « aidant » les lymphocytes B ou en participant à d’autres mécanismes de l’immunité.
2
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La reconnaissance spécifique des IgE va faire que, si elles rencontrent un allergène,
elles vont s’y fixer. Sur le coup, il ne se passe rien, par contre lorsque ce complexe allergèneIgE est fixé sur un mastocyte, ce dernier libère des molécules provoquant la réaction allergique.
On reconnaît les molécules d’histamine, de leucotriène.
L’histamine va provoquer une vasodilatation et la formation d’un œdème. Le leucotriène
est un broncho-constricteur, c’est à dire qu’il ferme le calibre des bronches.
Le problème de la réaction allergique, c’est qu’elle s’emballe. On essaie de la stabiliser.
Il faut bien comprendre comment chaque population interagit pour réussir à faire en
sorte de les orienter dans une direction particulière de tolérance. »
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Un modèle d’allergies croisées,
Rencontre d’un immunologiste
« Nous travaillons sur un modèle croisé d’allergie alimentaire et d’allergie respiratoire
ayant pour but d’essayer de mettre à jour le mécanisme de la « marche atopique » qui reste
difficile à cerner. La marche atopique est l’évolution naturelle de la maladie qui se définit par
une progression de l’eczéma et/ou de l’allergie alimentaire de la petite enfance à l’asthme du
grand enfant et du jeune adulte.
Peu d’études ont tenté à ce jour d’identifier les mécanismes immunologiques mis
en cause ou d’étudier l’influence d’une première allergie sur la gravité de la suivante. La
mise au point de notre modèle «bi-allergique» repose sur la combinaison de nos modèles
existants d’allergie alimentaire à l’œuf et d’allergie respiratoire à l’acarien. La comparaison de
ces modèles nous permet de constater les différences entre une mono et une poly-allergie.
On va rendre sensible notre modèle à deux allergènes, d’abord au blé puis à l’acarien. L’idée
étant de déterminer si la survenue, en amont, d’une allergie alimentaire peut aggraver les
symptômes respiratoires de l’asthme allergique.
Pour ce genre de manipulation, on réalise plusieurs mesures biologiques permettant
de comparer les groupes étudiés. Dans notre étude, nous travaillons avec quatre groupes
distincts : un groupe contrôle qui n’est sensibilisé à aucun allergène, un groupe « allergie
alimentaire », un groupe « allergie respiratoire » et enfin un groupe bi-allergique. De
manière intéressante cette étude démontre que le développement en amont d’une allergie
alimentaire exacerbère de manière importante l’inflammation avec notamment une production
d’IgE spécifiques beaucoup plus importante. Pour rappel l’IgE est une molécule centrale
dans la pathologie allergique en activant l’ensemble des voies inflammatoires. Cependant,
contrairement à l’hypothèse de départ, le développement d’une allergie alimentaire n’altère
pas de manière profonde la composante respiratoire. Autrement dit, bien que l’inflammation
soit beaucoup plus forte, la fonction respiratoire des sujets n’est pas plus altérée entre les
groupes mono et bi-allergiques.
L’influence sur la réponse immunitaire est clairement décrite ici. Néanmoins le passage
d’une allergie à une autre et l’impact de l’allergie alimentaire sur le développement de l’asthme
restent encore à déterminer. »
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Visite à l’Institut de recherche en santé,
Rencontre d’un chercheur postdoctoral
« L’immunothérapie spécifique (ITS) est le seul moyen que l’on possède pour modifier
le cours de la maladie. Le problème c’est que ça ne marche pas à tous les coups, qu’on
a l’obligation de l’administrer pendant plusieurs années à dose croissante et qu’il existe un
risque d’effets secondaires, qui est le choc anaphylactique.
On dit couramment désensibilisation, c’est moins lourd qu’immunothérapie spécifique.
Les doses progressives sont nécessaires pour induire une tolérance du système
immunitaire.
Les extraits utilisés sont de composition variable et d’une efficacité inégale. C’est un
des paramètres qui explique que ça ne marche pas à tous les coups.
Avec ce traitement, on agit sur la tolérance en jouant sur la balance Th1 / Th2. L’ITS
induit une réponse Th1 et une réponse de tolérance. Elle inhibe en quelque sorte la voie Th2,
propre aux allergies.
Ces traitements sont en train d’évoluer par les modes d’administration. On teste les
voies orale, sublinguale, nasale, intralymphatique et épicutanée. On essaie de trouver des
alternatives à l’injection sous-cutanée, qui est contraignante.
On innove aussi sur les molécules injectées. Au départ, on utilisait des extraits bruts
d’allergènes que l’on administrait. On n’était pas sûrs des doses et beaucoup d’autres éléments
intervenaient… On essaie d’améliorer la qualité de l’allergène et de contrôler sa quantité grâce
à la biologie moléculaire. On peut maintenant faire produire l’allergène par des bactéries. On
parle d’allergène recombinant.
Cette technique nous offre la possibilité de penser à d’autres traitements, comme la
production d’allergène sur mesure. Les allergènes recombinants hypoallergéniques sont de
cette nature. Ils sont moins allergisants par leur structure moléculaire qui varie légèrement
de l’allergène naturel. On peut aussi les coupler avec d’autres protéines qui induisent des
réponses Th1 et ainsi diminuer leur aspect allergisant pour un aspect qui incite à une tolérance.
L’autre grande innovation, ce sont les thérapies dites « indirectes », par opposition aux
techniques dont je viens de parler qui sont dites « directes ». Les « indirectes » sont basées
sur la production de l’allergène in situ, directement par l’organisme du patient et couplé à des
protéines pro-Th1. La vaccination génique en fait partie. Mais pour l’instant, ça reste de l’ordre
de la recherche. On n’a pas encore de traitement qui utilise ces technologies pour soigner les
patients allergiques. »
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Visite à l’Hôpital Nord Laënnec,
Rencontre d’un allergologue libéral
« Je verrais bien des images vives, très flashy. C’est très visuel l’allergie, les plaques
d’urticaire par exemple.
En profession libérale, on a le tout venant de la pathologie. L’allergie quotidienne,
c’est plus ou moins la rhinite allergique, les allergies alimentaires, l’asthme, l’urticaire. A
l’hôpital, on a les cas sévères, comme les allergies médicamenteuses et les allergies aux
venins d’hyménoptères.
Un allergologue « généraliste » croise beaucoup d’autres disciplines, la pédiatrie, la
dermatologie, la pneumologie, l’ORL, la médecine interne. Il est très utile de pouvoir côtoyer
ces autres spécialistes quand on est à l’hôpital. Nous avons beaucoup d’échanges. On est un
peu isolés dans nos cabinets de ville sur les dossiers difficiles. L’avis d’un autre spécialiste, la
possibilité de pouvoir en discuter entre nous, c’est très bénéfique pour le médecin et pour le
patient.
Un aspect difficile de cette spécialité est de pouvoir écarter dans certains cas le
diagnostic d’allergie et donc de pouvoir rassurer les patients persuadés d’être allergiques. Il
s’agit généralement du symptôme d’une autre pathologie ou d’une souffrance psychologique
éventuellement somatisée. Notre rôle de médecin est aussi de dire : « ce n’est pas grave ».
Nous avons une relation de proximité en cabinet de ville, ce qui n’est pas toujours le
cas à l’hôpital. On ne porte pas la blouse. On pratique les tests nous-mêmes. Ça crée une
intimité, c’est important. Les patients ont le même interlocuteur tout du long, quelle que soit la
manifestation allergique (cutanée, respiratoire, digestive…). Et ça nous permet d’aller au fond
des choses avec un patient. J’aime bien ce côté-là.
On s’occupe également généralement de plusieurs membres d’une même famille.
C’est un point très positif et stimulant.
A l’hôpital Nord, notre activité consiste surtout en réintroductions médicamenteuses.
On y fait aussi de la désensibilisation aux venins d’hyménoptères et un peu de réintroductions
alimentaires. On ne peut pas le faire en cabinet, c’est une activité potentiellement risquée.
L’hôpital nous permet de bénéficier d’une structure et d’un personnel pour faire face à l’urgence
allergique. On ne peut jamais prédire comment un patient va réagir.
La recherche fondamentale possède une longueur d’avance sur notre pratique, avec
des applications diagnostiques et thérapeutiques qui ne pourront être utilisées en pratique
courante que des années plus tard. Il est utile d’intellectualiser l’allergologie afin de mieux la
crédibiliser par des essais thérapeutiques.
Notre pratique va vers un consensus et devient de moins en moins empirique. Une
standardisation de nos pratiques est une nécessité. »
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Participation à des ateliers d’éducation thérapeutique,
Rencontre d’un psychologue
« L’éducation thérapeutique permet au patient atteint de maladie chronique d’être
accompagné par une équipe pluridisciplinaire de professionnels de santé. Les séances
d’éducation thérapeutique sur l’allergie sont la plupart du temps proposées au sein des
structures hospitalières, mais aussi au sein des réseaux d’asthme, d’allergie alimentaire ou de
dermatite atopique.
Les maladies chroniques, contrairement à la médecine réparatrice, nous mettent, les
soignants, dans une situation d’accompagnement et non de guérison. C’est un changement
de pratique complet pour nous et les patients.
Ces maladies vont durer de nombreuses années et demandent aux patients une
réelle implication dans l’appropriation de leur maladie. Elles sont souvent handicapantes au
quotidien pour le patient et ses proches.
Une prise de conscience a eu lieu dans la prise en charge des maladies chroniques
par l’élargissement de la représentation de la santé physique à la santé globale, que l’on
qualifie de biopsychosociale. Il est nécessaire de réduire l’anxiété et l’inquiétude des patients
en les aidant à s’approprier leur histoire et leur maladie, mais aussi d’améliorer la perception
globale de la maladie en s’appuyant sur leurs besoins et leurs projets de vie.
L’éducation thérapeutique naît d’un diagnostic éducatif mis à jour pendant un entretien
soignant-patient individualisé, c’est une consultation. Cet entretien va permettre d’identifier
les besoins éducatifs du patient puis de déterminer ce qu’il doit et a envie d’apprendre ou de
réapprendre. Une fois cet entretien terminé, avec les envies et attentes clairement identifiées
par le couple soignant-patient, les ateliers à proprement parler seront proposés avec des
outils développés pour répondre à la spécificité de chacun. Une auto-évaluation globale est
nécessaire pour permettre une évolution et une pertinence des programmes et des méthodes
développés au cours de ces ateliers.
L’éducation thérapeutique est centrée sur le patient et demande à l’équipe soignante
une grande souplesse pour s’adapter aux besoins particuliers au sein des séances collectives.
Ces séances permettent aux patients d’acquérir les gestes quotidiens pour le traitement de
leur maladie, de comprendre l’importance de faire connaître leur allergie et d’exprimer leurs
émotions. »
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L’hypothèse de l’hygiène,
Rencontre d’un conteur scientifique
« L’hypothèse de l’hygiène date de 1989. Le chercheur David Strachan évoque la
possibilité que la diminution des cas d’infections dans la petite enfance serait une explication
de l’augmentation de l’allergie.
C’est une mauvaise éducation du système immunitaire en quelque sorte.
Le système immunitaire, privé de ses reconnaissances et de son apprentissage des
infections, se mettrait à reconnaître des choses familières comme dangereuses.
Ce qui est intéressant avec cette hypothèse, c’est qu’aucun résultat jusqu’à présent
ne la contredit.
Les enfants qui ont grandi à la ferme dans la toute petite enfance, au contact des
animaux, là où grouillent énormément de micro-organismes, sont fortement protégés de
l’atopie par rapport aux enfants qui ont grandi en ville.
J’ai écrit ce rêve de carnaval comme une possibilité de faire entrer les animaux dans
une pratique culturelle de soin, ou plutôt d’hygiène de vie contre la survenue d’allergie chez
les citadins. Le carnaval reste un temps populaire et festif, c’est plaisant de pouvoir penser
soigner de cette manière. Même si l’on reste dans le domaine de l’imaginaire, c’est important
de pouvoir l’exprimer. »
extrait de Rêve de Carnaval :
Le verre vert.
Je suis capable aujourd’hui de le voir. La paillasse est stérile, je ne savais pas que je vivais
dans cet espace clos. Il porte aussi le masque de l’étendue infinie et de l’univers en pleine
expansion.Verre vert. Vert uni.
Le serpent est vigilant, il avance prudemment pour boire à la coupe.
Le rythme devient endiablé. La nuit commence à tomber sur l’éclairage des néons. Les choses
deviennent plus difficiles à cerner. La paillasse est capable de porter le théâtre du monde.
Les femmes dansent. Je n’avais jamais vu ça.
Le serpent et la coupe oublient leur vert uni pour une couleur qui va de soi. Elle est belle. Elle a
l’œil vif et riant. Son teint est maintenant frais et vermeil. Elle a maintenant un corps. Il lui vient
des danseuses. Elle porte le serpent sur son cœur. Lui s’enroule prudemment le long de son
bras pour boire à la coupe, que cette femme sans nom porte dans sa main.
Derrière eux, un cortège. Les animaux défilent en pleine ville. Les danseuses sont là, masquées
par des têtes d’animaux de la ferme et elles sont vêtues d’apparat de ville.
Minotaure, non !
Ces corps sont vivants loin des labyrinthes. L’espace est dans les danseuses. Elles le donnent
à l’autre de la même manière que les animaux à motifs bactériens.
La femme sans nom audible me tend la coupe. Je me laisse tenter. La coupe reste pleine et
le serpent me fait face. Je n’avais jamais vu de serpent en liberté. Il peut me mordre à tout
instant. Vigilance commune ou vigilance unie ?
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Visite au pollinarium sentinelle®,
Rencontre d’un allergologue et d’un botaniste
« L’allergie est une maladie de l’interaction. C’est quelque chose de dynamique. Ce
n’est pas simple de rendre compte du dynamisme de la réaction allergique. Elle est spontanée
et parfois extrême, très nocive. C’est comme ça qu’elle apparaît.
En effet, les pollens représenteraient une sensibilisation respiratoire sur deux.
On ne sait pas vraiment, c’est controversé. La pollution agit directement sur la structure
du pollen. Plus précisément, les particules de diesel seraient responsables des éclatements
des grains de pollen en microparticules particulièrement agressives sur les muqueuses
respiratoires. De véritables bombes à fragments.
La pluie fait, elle aussi, éclater les grains de pollens.
Il est important de bien observer les émissions de pollens pour permettre la plus
grande efficacité du traitement. C’est pour ça que l’on a commencé à réfléchir ensemble à la
création d’un pollinarium sentinelle, ici à Nantes. Il fallait l’expertise d’un botaniste qui nous a
permis de bien sélectionner les espèces et aussi son point de vue particulier sur les pollens et
les plantes, on ne peut pas se passer d’une telle expertise pour ce genre de travail.
Au début, nous avions l’idée d’un jardin hypoallergénique.
Le pollinarium est une chose très simple en soi, il ne nécessite aucune technologie.
C’est une histoire de savoir-faire et de savoir-vivre avec ces plantes qui justement posent des
problèmes de cohabitation avec certaines personnes.
Le pollinarium dispose de plantes et d’arbres que l’on trouve dans notre environnement
quotidien. On les fait pousser dans les mêmes conditions que là où on les a prélevées. Ça ne
demande aucun entretien, elles poussent toutes seules. Puis on les observe. Quand on voit
qu’elles fleurissent, le jardinier les tapote et vérifie la présence de pollen. Ces données sont
directement envoyées à « Air Pays de la Loire » qui réalise un bulletin pollinique. On a les
données en direct, ça change énormément de choses.
Il faut préciser que bien souvent ce ne sont pas des plantes auxquelles on porte de
l’attention. Grâce à ce projet, on se met à observer des espèces communes qu’on connaît très
mal. Personne ne connaît les dates exactes de pollinisation des graminées. On se rapproche
de ces espèces par le biais de l’allergie.
Premièrement, pour le diagnostic, ça permet de faire une corrélation entre les
symptômes et les périodes de pollinisation. Deuxièmement, pour les bénéfices du traitement
précoce. Je m’explique : plus le traitement est pris précocement, moins il y a de symptômes
et donc moins de risque d’exacerbation asthmatique. Mais pour pouvoir utiliser au mieux le
traitement, il faut connaître la période à laquelle il est efficace. Le pollinarium transmet ces
informations directement aux malades par internet.
Les périodes de pollinisation varient énormément d’une année sur l’autre. Le facteur
le plus important est le contexte climatique avant et pendant la floraison. »
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En guise de conclusion,
Tourisme en Allergie
Après toutes ces pièces
me vient un scrupule
a-t-on le droit de faire son miel
de la maladie
de la douleur ?
a-t-on le droit de dégrader le malheur
en matériau pour nos loisirs créatifs ?
et si on s’immerge
si on habite ces râles
ces brûlures
si on butte aux obstacles
même en rêve
est-on moins traître ?
Tique
ou porte-voix ?
si on transforme
les bas morceaux de la vie
en préparation plus digeste
que certains aimeront
d’autres pas ?
andouille en quelque sorte
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Table des illustrations
p 4 : La caresse (détail)
Angéline Rhétoré,
Techniques mixtes
Dimensions variables
p 6 : Sans titre (étude pour la série les arbres)
Anne-Sophie Yacono,
crayon, feutre et pierre noire sur papier, 46 x 46 cm
p 8-9 : Aquarelles
Makiko Furuichi,
aquarelle sur papier, n x n cm
Textes : Joseph Holcha
p 10 : Ballade de l’atopie
Texte : Joseph Holcha
Dessin : Jérémy Segard,
impression sur papier, 19 x 27 cm
p 12 : Poupées
Jérémy Segard,
techniques mixtes, dont allergènes, 7 x 7 x 25 cm (chacune)
p 14 : Sentence
Boris Détraz,
technique mixte sur papier, 15 x 21 cm
p 17 : Schéma de la réaction allergique
Jérémy Segard,
infographie
p 18 : Platanes, détails de la série : les arbres
Anne-Sophie Yacono,
crayon, feutre et pierre noire sur papier, 46 x 46 cm
p 20-21 : Sans titre
Jérémy Segard,
craie sur mur noir et acrylique sur papier photo Epson, 3,5 x 2 m
p 23 : Allergo-tattoueur (détails)
Texte : Joseph Holcha
Dessin : Jérémy Segard,
impression sur papier, 19 x 27 cm
p 24-25 : La caresse
Angéline Rhétoré,
Techniques mixtes
Dimensions variables
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p 27 : Peter Parker, extrait de la série : Les grands témoins
Texte : Joseph Holcha,
Dessins : Jérémy Segard,
infographie
p 29 : extrait de la série : Scènes de la triste guerre des fruits à coques et des allergiques alimentaires
Boris Détraz,
technique mixte sur papier, 30 x 42 cm
p 23-31 : Hygiène (diptyque)
Boris Détraz,
technique mixte sur papier, 75 x 100 cm
p 33 : Etude pour un carnaval
Thierry Forêt, Joseph Holcha, Jérémy Segard
Installation, technique mixte, 1,5 x 0,5 x 2 m
p 35 : Recherche(s)
Marion Richomme,
Faïences, dimensions variables.
Gravures sur terre, encre de linogravure, papier lambda, 14.8x21 cm.
Photographies, dimensions variables.
Spécimens récoltés.
Thierry Forêt, Joseph Holcha, Angéline Rhétoré, Marion Richomme, Jérémy Segard
Installation dans une vitrine, n x n x n cm
p 36 : Killing nuts (détails)
Texte : Joseph Holcha
Dessin : Jérémy Segard
Photographie : David Lair
impression sur papier, 30,5 x 45,7 cm
p 37 : Tourisme en Allergie
Joseph Holcha
poésie
4ème de couverture : Recherche(s) (détails)
Marion Richomme,
Faïences, dimensions variables
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