COLLOQUE GASTROENTÉROLOGIE Dimanche 7 février

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COLLOQUE
GASTROENTÉROLOGIE
Conférencier
Frédéric P. Gaschen, DMV, Dr.habil, DACVIM, DECVIM-CA
Une présentation de
Dimanche 7 février 2010
Programme de la journée
08h00 – 08h30
INSCRIPTION
08h30 – 10h00
Dysphagie et régurgitation
10h00 – 10h30
PAUSE
10h30 – 12h00
Approche des vomissements
12h00 – 13h15
BRUNCH – Remise du prix Damase-Généreux
13h15 – 14h45
Les pancréatites
14h45 – 15h00
PAUSE
15h00 – 16h30
Les diarrhées chroniques
16h30
FIN DE LA JOURNÉE
FRÉDÉRIC P. GASCHEN
DMV, Dr.habil, DACVIM, DECVIM-CA
Dr Gaschen, diplômé de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Berne
(Suisse), est actuellement professeur de médecine interne des animaux de compagnie et
membre du corps enseignant de l’école vétérinaire de l’Université de l’Etat de Louisiane.
Spécialiste en médecine interne des petits animaux du Collège Américain de Médecine
Interne Vétérinaire (ACVIM), Dr Gaschen est un membre fondateur du Collège Européen de
Médecine Interne Vétérinaire (ECVIM-CA) et a fait partie de son premier comité exécutif. Il a
suivi une formation post-grade au Canada (Collège vétérinaire de l’Ontario) et aux Etats-Unis
(Université de Floride), puis a enseigné à la Faculté vétérinaire de Berne pendant 13 ans,
avant d’accepter son poste actuel en Louisiane. En plus de son intérêt clinique marqué pour
la gastroentérologie canine et féline, il a dirigé plusieurs projets de recherche axés sur cette
spécialité, en particulier les entéropathies chroniques et la motricité digestive du chien. Il est
un auteur et un conférencier reconnu en Europe comme en Amérique du Nord. Enfin, au
cours de sa carrière, Dr Gaschen a présidé la Société Européenne de Médecine Interne
Vétérinaire (ESVIM) et la Société Américaine de Gastroentérologie Comparée (CGS). Il a été
membre du bureau de l’Association Suisse de Médecine des Petits Animaux (ASMPA) ainsi
que de différentes commissions des collèges américain et européen. Dr Gaschen est aussi
e
président du comité scientifique de la WSAVA, qui tiendra son 35 congrès annuel à Genève
en juin 2010, pour la FECAVA/ FAFVAC / ASMPA.
Pour joindre Dr Gaschen
School of Veterinary Medicine Veterinary Clinical Studies
Louisiana State University
Baton Rouge, Louisiane, USA
70803
Courriel : [email protected]
DYSPHAGIE ET REGURGITATION
Frédéric Gaschen, Dr.méd.vét., Dr.habil.
Dip. ACVIM et ECVIM-CA (médecine interne des petits animaux)
Louisiana State University, Baton Rouge, Louisiane, Etats-Unis
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Les affections de l’appareil digestif supérieur sont plus rares que celles de l’estomac et de
l’intestin chez le chien comme chez le chat. Toutefois, elles revêtent une importance particulière
en raison du grand risque de complications qui les caractérise (particulièrement la pneumonie
par fausse déglutition).
DYSPHAGIE
Le mot «dysphagie» est dérivé du grec et signifie la difficulté à manger, particulièrement à
déglutir. Ce terme est étroitement lié à l’odynophagie, qui décrit la douleur qui survient lors de
la déglutition.
Rappel physiologique
Une compréhension fondamentale de la physiologie complexe de la déglutition est
importante pour comprendre la physiopathologie de la dysphagie. La déglutition est composée
de 3 phases principales :
•
•
•
La phase oro-pharyngée se compose des étapes orale, pharyngée et cricopharyngée.
o Pendant l’étape orale qui est volontaire, un bol alimentaire est formé dans
l'oropharynx et passé en direction aborale. Le contact avec le pharynx provoque des
contractions du pharynx qui propulsent le bol dans le laryngo-pharynx.
o Ces événements stimulent l’étape pharyngée. Afin de propulser les aliments dans
l'œsophage supérieur, le passage séparant la cavité buccale du pharynx est fermé par
la contraction de la musculature orale et linguale. De plus, passage vers le nasopharynx est bloqué par élévation réflexe du voile du palais. L’ouverture de la trachée
est protégée par la fermeture de la glotte et la bascule de l'épiglotte après le
déplacement rostral du larynx. Cette série complexe d'événements est synchronisée
par des stimuli sensoriels des nerfs crâniens V (trijumeau) et IX (glosso-pharyngé),
les noyaux du tronc cérébral dont le centre de la déglutition, et les voies efférentes
vers les muscles effecteurs différents (nerfs crâniens V, IX et X vers le pharynx, VII
vers la musculature striée orale, X vers le larynx et l'œsophage, et XII vers la langue).
o L’étape crico-pharyngée se compose de la relaxation du sphincter œsophagien
supérieur (muscles crico-pharyngé et thyréo-pharyngé), afin que le bol alimentaire
puisse être propulsé dans l'œsophage supérieur. La fonction normale du sphincter est
de prévenir le reflux œsophago-pharyngé et l'aspiration du contenu œsophagien.
la phase de œsophagienne: l’onde péristaltique primaire générée dans le pharynx se
propage à travers l'œsophage et propulse le bol alimentaire jusqu’au sphincter œsophagien
caudal (SOC). Si l'onde primaire ne suffit pas, une onde secondaire est rapidement générée
par la distension œsophagienne.
la phase de gastrique est caractérisée par la détente du SOC et par le passage du bol
alimentaire dans l'estomac.
Troubles de la déglutition
En conséquence, la dysphagie est traditionnellement divisée en plusieurs formes:
•
•
•
La dysphagie orale décrit une difficulté de préhension des aliments et de formation du bol
alimentaire. Elle peut compliquer la plupart des maladies orales et dentaires. De plus,
l'atrophie ou la paralysie de la langue, les maladies de la musculature masticatoire et de
l’articulation temporo-mandibulaire peuvent également conduire à une dysphagie orale
La dysphagie pharyngée est caractérisée par une anomalie du passage des aliments dans
l'oropharynx. Elle peut accompagner les maladies du pharynx comme l'œdème du pharynx,
les traumatismes et les corps étrangers. Les lésions proliférantes intraluminales ou
extraluminales (p.ex. hypertrophie marquée des ganglions lymphatiques, abcès
rétropharyngé, hypertrophie des glandes salivaires) peuvent également la provoquer. Enfin,
elle peut résulter d’anomalies dans la séquence neuromusculaire complexe contrôlant le
réflexe de déglutition (voir ci-dessus). La symptomatologie est caractérisée par une
dysphagie avec de nombreuses tentatives infructueuses de déglutir, une régurgitation
immédiate des aliments, une toux ou un reflux nasal des aliments. La pneumonie par fausse
déglutition est une complication commune. Le diagnostic est confirmé par fluoroscopie –
celle-ci démontre l'échec des contractions pharyngées, et le sphincter œsophagien supérieur
pour se détendre. En l'absence de cause évidente, il est important d’exclure la rage. Si
aucune cause ne peut être identifiée, le pronostic de la dysphagie pharyngée est
généralement médiocre.
La dysphagie ou achalasie cricopharyngée: l’achalasie est un mot grec qui signifie
"absence de relâchement". La dysphagie cricopharyngée est caractérisée par une défaillance
dans la relaxation du sphincter œsophagien supérieur (SOS) ou un manque de coordination
entre la contraction du pharynx et la détente du SOS. Cette affection est rare, et on l’observe
habituellement chez les chiots au moment du sevrage. L'inspection détaillée de l’oropharynx
est sans particularité. Le diagnostic est confirmé par une étude radioscopique de la
déglutition qui démontre que la nourriture reste bloquée dans le pharynx en dépit d’une
motilité pharyngée normale en raison de la fermeture permanente du SOS. On soupçonne
une affection neurologique congénitale. La myotomie du muscle cricopharyngé peut
soulager les symptômes. Alternativement, l'injection de toxine botulique (Botox) dans le
muscle par une approche orale sous contrôle endoscopique a été bénéfique dans quelques
cas anecdotiques. Cependant, la durée de l'effet du Botox est limitée à 3-5 mois.
REGURGITATION
La régurgitation est un acte d'évacuation passive rétrograde d’aliments non digérés ou de
liquides ayant son origine dans le pharynx ou l’œsophage. Elle se distingue des vomissements
par l’absence usuelle de contractions abdominales.
Diagnostic différentiel de la régurgitation
Parmi les lésions structurelles, on compte des problèmes fréquents comme les corps
étrangers, mais aussi l’œsophagite, les sténoses et diverticules œsophagiens, les anomalies
vasculaires et les néoplasmes situés dans la lumière œsophagienne ou compromettant cette
lumière depuis la cavité thoracique.
Les lésions fonctionnelles peuvent être d’ordre congénital (mégaœsophage congénital chez
les chiots et chatons) ou acquis. Le mégaœsophage acquis peut survenir à la suite d’une
myasthénie grave (focale ou généralisée), compliquer une œsophagite, être associé à d’autres
problèmes telles les endocrinopathies (hypocorticisme), l’intoxication au plomb ou aux
organophosphorés, certaines maladies neuromusculaires ou neurologiques (y.c. botulisme,
tétanos, dysautonomie, rage), le lupus érythémateux disséminé, ou encore demeurer
idiopathique.
Le corps étrangers œsophagiens
Les corps étrangers (CE) représentent un problème commun chez les chiens,
particulièrement chez les chiens gloutons. Il s’agit souvent d’os de bœuf, de porc, de veau ou de
volaille enrobés de plus ou moins de tissus conjonctif. De plus, certains biscuits pour chiens ont
également été impliqués. Enfin, les hameçons sont aussi un objet fréquemment à l’ origine de
tels problèmes.
• Les chiens sont souvent présentés avec une anamnèse suggestive (consommations d’os,
jouets manquant, etc.). La symptomatologie est caractérisée par régurgitation, dysorexie,
salivation, odynophagie, mauvaise haleine, haut-le-coeurs et les signes associés aux
complications possibles (p.ex. perforation de la paroi œsophagienne avec médiastinite ou
pleurésie, pneumonie par fausse déglutition)
• Les CE sont souvent localisés à l’un des 3 sites suivants : entrée du thorax, base du cœur ou
devant le sphincter distal de l’œsophage.
• La présence du CE doit généralement être confirmée par radiographie. Il n’est pas nécessaire
d’utiliser des substances de contraste car elles peuvent s’avérer dangereuses en cas de
perforation œsophagienne préexistante ou encore provoquer une fausse déglutition avec
pneumonie.
• Le traitement consiste à extraire le CE sous contrôle endoscopique ou fluoroscopique dès
que possible. Une approche chirurgicale, bien que délicate, peut être nécessaire si une
perforation est présente ou en cas de rupture œsophagienne. A la suite de l’extraction, un
jeûne de 24 à 48 h est recommandé si les lésions de la muqueuse œsophagiennes sont
sévères. Dans les cas les plus délicats, le placement d’un tube de gastrostomie (par
endoscopie) est nécessaire pour permettre la nutrition du chien sans mettre en danger la
guérison de la muqueuse. Une solution de sucralfate est utilisée empiriquement dans l’espoir
de favoriser la guérison de la muqueuse, elle peut être accompagnée d’un bloqueur de
l’acidité gastrique (p.ex. ranitidine, famotidine) pour prévenir tout reflux acide, de même
que d’un agent prokinétique qui renforce le tonus du sphincter œsophagien distal (p.ex.
métoclopramide ou cisapride).
• Complications à moyen ou long terme : les lésions de la muqueuse causées par les CE
œsophagiennes peuvent donner lieu à des sténoses de l’œsophage dans les cas graves.
L'œsophagite
La muqueuse de l'œsophage peut être endommagée par les sucs gastriques lors de reflux
gastro-œsophagien. Ce phénomène fréquent est associé à la relaxation du sphincter œsophagien
caudal lors d’anesthésie générale, toutefois son évolution est souvent muette. De plus, toute
inflammation sévère (p.ex. lors de la déglutition de substances caustiques) ou lésion causée par
un corps étranger (v. ci-dessus) est susceptible d’engendrer une œsophagite.
• La symptomatologie de l’œsophagite est caractérisée par le ptyalisme, les tentatives répétées
de déglutitions « à vide » souvent avec le cou en extension, l’odynophagie, des degrés divers
de dysorexie, la régurgitation, les haut-le-cœur, l’apathie et, dans les cas chroniques,
l’amaigrissement.
• Le diagnostic définitif (avec évaluation de l’étendue et de la sévérité des lésions) repose sur
l’examen endoscopique. Un diagnostic de suspicion peut être établi sur la base de la
symptomatologie et des commémoratifs.
• Le traitement de l’œsophagite est axé sur la protection de la muqueuse contre toute atteinte
supplémentaire et la facilitation de sa guérison. Un jeûne de 2-3 jours est recommandé.
Dans les cas graves, le placement par endoscopie d’un tube de gastrostomie est bénéfique
•
pour pallier aux carences nutritionnelles. Le traitement médicamenteux est similaire aux
recommandations faites pour les CE œsophagiens.
Complications à moyen ou long terme : les lésions de la muqueuse observées en cas
d’œsophagite peuvent donner lieu à des sténoses de l’œsophage dans les cas graves.
Les sténoses œsophagiennes
Les sténoses partagent la même étiologie que les œsophagites sévères (CE, reflux gastroœsophagien, substances caustiques). Elles surviennent lorsque les tuniques sous-muqueuse et
musculaires de la paroi œsophagienne sont affectées. Chez le chat, l’administration de
doxycycline, de clindamycine et d’autres médicaments sous forme de comprimés par voie orale
peut conduire à une sténose œsophagienne.
• Les commémoratifs révèlent souvent une affection œsophagienne (p.ex. CE) ou une
anesthésie générale antérieures au développement de la symptomatologie.
• L’animal souffre de régurgitations fréquentes qui peuvent être différenciées (p.ex. aliment
sec régurgité mais pas l’aliment en purée). Les autres symptômes observés lors d’œsophagite
peuvent également être présents.
• Le diagnostic est confirmé soit par endoscopie ou par radiographie de contraste (préférer les
agents iodés au baryum en cas de perforation ou de fausse route). Il faut distinguer les
sténoses de la lumière œsophagienne des compressions externes.
• Le traitement consiste à dilater les rétrécissements en utilisant des ballons de diamètres
différents ou des bougies de taille différentes sous contrôle endoscopique ou radioscopique.
De multiples séances à intervalle de 1-2 semaines sont souvent nécessaires. Dans les cas
résistant au traitement, l’injection sous-muqueuse de triamcinolone peut contribuer à
diminuer les risques de rechute. La thérapie médicamenteuse s’apparente à celle de
l’œsophagite. L’administration par voie orale de prednisolone à dose anti-inflammatoire
reste généralement sans effet.
Le mégaœsophage
Le mégaœsophage est une dilatation généralisée de l’œsophage. La musculature de la paroi
œsophagienne est composée uniquement de fibres musculaires striées chez le chien, alors que
chez le chat comme chez l’homme, la partie distale de l’œsophage ne contient que de la
musculature lisse.
• La symptomatologie est similaire à celle des autres maladies œsophagiennes (v. ci-dessus)
avec régurgitation. Une œsophagite secondaire peut compliquer le mégaœsophage. Le risque
de pneumonie par fausse déglutition est élevé chez ces patients.
• L’approche diagnostique consiste à éliminer la présence de toute obstruction (CE, sténose)
en étudiant l’anamnèse et les radiographies thoraciques en détail. Sur les clichés
thoraciques, la dilatation généralisée de l’œsophage est généralement aisément identifiée, de
même que l’existence d’une éventuelle pneumonie. Ensuite, les maladies les plus
fréquemment associées doivent être éliminées du diagnostic différentiel. Un dosage des
anticorps contre les récepteurs de l’acétylcholine doit être réalisé. Un test de stimulation à
l’ACTH (corticotropine) doit être envisagé si un hypocorticisme est possible. Un examen
endoscopique de l’œsophage peut s’avérer utile dans les cas peu clairs.
• Il est important que le propriétaire offre différents types de nourriture à son chien (p.ex.
aliment en boîte en boulettes, nourriture passée au mixer, etc.), car chaque animal peut
répondre de façon différente à cet essai. Le chien doit être nourri dans une position aussi
proche que possible de la verticale (utiliser un escabeau ou nourrir dans la cage d’escalier) et
maintenu dans cette position pour 10-15 min. après le repas afin d’utiliser la force de
gravitation pour permettre le mouvement aboral du bol alimentaire. Le traitement
spécifique est dirigé contre toute maladie sous-jacente mise en évidence. Par exemple, la
thérapie de la myasthénie grave consiste à administrer un inhibiteur de
•
l’acétylcholinestérase (pyridostigmine) et des corticostéroïdes à doses immunosuppressives.
Parfois, le placement d’une sonde de gastrostomie est bénéfique pour assurer la nutrition de
l’animal et éviter la fausse déglutition.
Le pronostic est réservé en raison du risque de pneumonie par fausse déglutition. Il est
meilleur si le mégaœsophage est associé à une autre maladie qui peut être traitée.
APPROCHE DES VOMISSEMENTS
Frédéric Gaschen, Dr.méd.vét., Dr.habil.
Dip. ACVIM et ECVIM-CA (médecine interne des petits animaux)
Louisiana State University, Baton Rouge, Louisiane, Etats-Unis
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Les vomissements sont une cause fréquente de présentation chez le chien comme chez le
chat. En raison des multiples afférents au centre du vomissement localisé dans la moelle
allongée, de nombreuses maladies peuvent être à l’origine de ce syndrome. Si la cause n’est pas
évidente (p.ex. chiot infecté par le parvovirus canin ou jeune chien ayant ingéré un corps
étranger (CE)), il convient d’entamer un processus d’exclusion strict. Chez le chien comme chez
le chat, il faut tout d’abord établir si les vomissements ont une origine purement gastrointestinale ou s’ils sont la conséquence d’une maladie systémique. L’espèce féline est utilisée en
exemple dans les lignes suivantes.
VOMISSEMENTS CHEZ LE CHAT
Les vomissements sont un problème fréquemment observé chez le chat. Lors d’apparitions
occasionnelles du symptôme chez un chat par ailleurs en bonne santé, il n’est pas nécessaire de
procéder à des examens complémentaires. Cependant, une fréquence élevée, la présence
concomitante de symptômes supplémentaires et/ou un état général amoindri indiquent la
nécessité d’un examen plus approfondi de l’animal.
Origines
Chez le chat, les vomissements peuvent être associés à une multitude de maladies. Ceci est la
conséquence du nombre élevé de récepteurs périphériques (essentiellement abdominaux)
pouvant stimuler le centre des vomissements dans la moelle allongée. De plus, la relation étroite
entre le centre des vomissements et la zone des chémorécepteurs située sur le plancher du 4è
ventricule cérébral joue un rôle important lors de problèmes métaboliques et toxiques. Par
principe, on tentera de différencier les maladies primaires du tractus gastro-intestinal de celles
affectant d’autres organes. (tableau 1).
Approche diagnostique
Un examen clinique détaillé est effectué après un relevé précis de l’anamnèse. La cavité orale
est examinée pour déceler d’éventuels indices de déshydratation, d’ictère, d’anémie ou encore
un CE linéaire ancré à la base de la langue. On palpera l’aspect ventral du cou pour évaluer la
taille des thyroïdes. La cavité thoracique est auscultée avec soin (rythme de galop ?). Enfin,
l’abdomen fait l’objet d’un examen visant à détecter d’éventuelles douleurs, tuméfactions,
intussusception intestinale, anses intestinales de consistance anormale, reins de petite taille etc.
En fonction de la liste des diagnostics différentiels entrant en ligne de compte, l’analyse
sanguine incluant un bilan hématologique ainsi qu’un profil biochimique, un dosage de la
thyroxémie (particulièrement lorsque le chat est âgé de plus de 7 ans), une analyse urinaire de
même que des examens radiographiques et évt. échographiques de l’abdomen et du thorax sont
entrepris dans le but de poser un diagnostic précis. Dans certains cas, des examens
supplémentaires tels endoscopie gastro-intestinale voire même laparotomie exploratrice avec
prélèvement de biopsies et examen histologique sont nécessaires.
Tableau 1 : causes fréquentes de vomissements chez le chat
Gastro-intestinal (GI)
Estomac
- infectieux (viral, bactérien, parasitaire)
- obstructif (y.c. bézoars)
- gastrite chronique (évt. avec MICI)
- tumeur gastrique
- troubles de motricité, etc.
Extra-GI
Abdominales
- péritonite (p.ex. PIF)
- maladies du foie et des voies biliaires
- pancréatite
- hernie diaphragmatique
- néoplasmes
Intestin grêle
- infectieux (viral, bactérien, parasitaire)
- obstructif (y.c.CE linéaire, intussusception)
- MICI
- tumeur intestinale
- iléus (autres origines)
Métaboliques
- syndrome urémique
- dysendocrinie (hyperthyroïdie, ACD)
- médicaments, toxines
(AB, AINS, plantes toxiques, etc.)
- cardiomyopathie avec insuffisance
congestive
- dirofilariose
- mastocytose systémique
Côlon
- MICI, colite
- constipation
Neurologiques
- pression intra-crâniale augmentée
- psychogène (excitation, peur, douleurs)
- maladie des transports (auto, etc.)
- troubles vestibulaires
Traitement
La thérapie est mise en œuvre selon besoin dans les trois catégories suivantes :
(1) soutien – perfusions, évt. avec remplacement électrolytique (p.ex. potassium)
(2) symptomatique – antiémétiques (p.ex. métoclopramide 0,3-0,5 mg/kg 3x/j. sc,
dolasétron 1 mg/kg 1x/j. iv ou maropitant 1 mg/kg sc 1x/j.)
procinétique gastrique (métoclopramide ou cisapride 0,5 mg/kg 2-3x/j.)
protection de la muqueuse gastrique (p.ex. famotidine 0,5-1 mg/kg 1x/j., ranitidine 2
mg/kg 2x/j.; évt. accompagné de sucralfate liquide 0,25-0,5 g / chat p.o. 3-4x/j.)
aliment diététique
(3) spécifique – ciblé selon le diagnostic.
LES PANCRÉATITES
Frédéric Gaschen, Dr.méd.vét., Dr.habil.
Dip. ACVIM et ECVIM-CA (médecine interne des petits animaux)
Louisiana State University, Baton Rouge, Louisiane, Etats-Unis
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L’étiopathogénie exacte de la pancréatite demeure inconnue chez le chien comme chez le
chat. Toutefois, l’inflammation résulte d’un échec des mécanismes protecteurs de la glande et
d’une libération et/ou activation des enzymes pancréatiques dans le tissu glandulaire avec
autodigestion du tissu pancréatique. Les enzymes attaquent directement les cellules acinaires,
l’interstice pancréatique et l’endothélium vasculaire, augmentant de ce fait l’ampleur de la
réaction. Cette cascade protéolytique peut se propager localement (p.ex. nécrose du tissu
graisseux para-pancréatique) et par la circulation sanguine, provoquant des répercussions bien
au-delà du pancréas. Ces conséquences systémiques peuvent être nombreuses et conduire à une
coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) ou à la défaillance de nombreux autres organes
(p.ex. syndrome de détresse respiratoire aigu).1
Plusieurs mutations ont été identifiées chez les humains affectés de pancréatite héréditaire.
Selon des résultats préliminaires récents, une mutation affectant le gène de l’inhibiteur de la
trypsine, une composante essentielle de la protection contre l’autodigestion pancréatique,
semble associée au développement de la pancréatite aiguë chez le schnauzer nain. Toutefois,
cette mutation représente plutôt un facteur de risque puisqu’elle elle est également présente
dans une moindre proportion chez les schnauzer nains en bonne santé.2
Les autres facteurs prédisposant au déclenchement de pancréatite aiguë chez le chien et chez
le chat sont discutés ci-dessous pour chaque espèce.
PANCRÉATITE CANINE
Chez le chien, la pancréatite peut se manifester sous différentes formes. La pancréatite aiguë
est certainement la plus dramatique d’entre elles. Elle représente un défi médical et est associée
à un risque élevé de mortalité et à de nombreuses co-morbidités.
Prévalence
La prévalence de la pancréatite aiguë dans la population canine n’a pas été déterminée.
Toutefois, il s’agit d’une maladie commune qui doit impérativement être incluse dans le
diagnostic différentiel des vomissements aigus avec ou sans douleurs abdominales. Selon une
étude britannique récente basée sur la détection de lésions pancréatiques chez des chiens
autopsiés, les formes chroniques sont probablement très fréquentes, même si elles passent
souvent inaperçues cliniquement.3
Les études épidémiologiques américaines passant en revue les caractéristiques des chiens
diagnostiqués de pancréatite aiguë ont identifié un risque accru de pancréatite chez les chiens de
petites races comme les terriers (p.ex. les yorkshire terriers)4, les caniches nains5 et les
schnauzers nains4;5 De plus, les yorkshire terriers étaient aussi nettement surreprésentés parmi
les chiens souffrant de pancréatite aiguë à issue fatale.6 D’autre part, l’étude des 200 chiens
britanniques autopsiés a démontré que les colley, les épagneuls cavalier king charles et les boxer
étaient des races à risque pour des lésions de pancréatite chronique.3 De plus, les cockers étaient
une race à risque pour le développement de pancréatite aiguë ou chronique.3 Enfin, la plupart
des chiens souffrant de pancréatite sévère sont d’âge moyen a avancé.6
Etiologie
L’étiologie exacte de la pancréatite canine demeure inconnue. Quelques études ont tenté
d’établir les facteurs de risques qui pourraient favoriser le déclenchement de la maladie.
Traditionnellement, l’alimentation a été mise en cause, particulièrement un repas à haute teneur
en graisses. Les associations entres facteurs diététiques et la pancréatite ont fait l’objet d’une
étude récente.4 La consommation de nourriture « inhabituelle » dans la semaine précédant
l’accès de pancréatite aiguë y représente un risque important, de même que les interventions
chirurgicales effectuées peu avant le début des symptômes et la consommation de restes de
table. De plus, des résultats préliminaires ont démontré que l’hypertriglycéridémie est plus
fréquente chez les schnauzers nains ayant souffert de pancréatite, suggérant une association
possible entre l’augmentation de la lipidémie et la pancréatite.7 Pour les pancréatites sévères, la
surcharge pondérale représente probablement un facteur de risque non négligeable,6 peut-être
indirectement puisqu’elle reflète les habitudes alimentaires du chien. Le risque peut aussi être
augmenté par la présence de maladies concomitantes comme le diabète sucré, l’hypercorticisme,
l’hypothyroïdie ou les maladies gastro-intestinales.6
De nombreux médicaments utilisés dans le traitement de pathologies variées sont suspectés
de favoriser le déclenchement de pancréatites aiguës. Par exemple, il convient d’avertir les
propriétaires des risques associés à l’usage de l’azathioprine, l’asparaginase, du bromure de
potassium, des dérivés antimoniaux et de la clomipramine. Ces médicaments sont à utiliser avec
précaution chez les chiens sujets aux pancréatites. A l’heure actuelle, l’administration de
corticoïdes n’est pas considérée être un facteur de risque pour le développement d’une
pancréatite.
L’activation intra-glandulaire des enzymes pancréatiques déclenche une série d’événements
en cascade qui conduit à l’avènement d’un foyer d’inflammation avec production de chimiokines
et cytokines inflammatoires. La perfusion de la glande peut être compromise, ce qui peut
entraîner la production de radicaux d’oxygène réactifs et amplifier démesurément le processus
inflammatoire.
Symptomatologie
Chez le chien, si une légère inflammation du pancréas peut passer inaperçue, les
pancréatites de gravité moyenne à sévère sont accompagnées de symptômes caractéristiques,
même s’ils ne sont pas spécifiques.8 L'anorexie, les vomissements (parfois avec hématémèse),
une déshydratation modérée à sévère, des douleurs abdominales et la faiblesse sont les des
signes cliniques les plus fréquents. La diarrhée, parfois avec hématochézie ou méléna, reflète
l’extension du processus inflammatoire aux structures voisines, comme le côlon. D’autres
symptômes comme la fièvre et l’ictère sont moins fréquents.
Approche diagnostique
Les examens complémentaires les plus souvent utilisés pour confirmer le diagnostic sont les
analyses sanguines et l’imagerie diagnostique. Un large éventail d’anomalies biologiques peut
accompagner la pancréatite aiguë selon l’étendue du processus inflammatoire systémique
secondaire. L’hémogramme peut révéler une leucocytose, souvent avec neutrophilie et
déplacement à gauche, et parfois une thrombopénie. Le chimiogramme peut mettre en évidence
des anomalies électrolytiques comme l’hypochlorémie ou l’hypokaliémie qui sont probablement
la conséquence des vomissements. L’augmentation des concentrations de créatinine et d’urée est
initialement d’origine pré-rénale, associée à la déshydratation, mais peut par la suite refléter une
atteinte rénale ischémique. Une hypoalbuminémie et une hypoprotéinémie sont observées dans
environ 50% des cas graves. Une hyperbilirubinémie peut refléter la compression des voies
biliaires et être accompagnée d’une augmentation de l’activité sérique des enzymes hépatiques
(PAL, gamma-GT, ALT et AST). Rarement, une hyperglycémie due à un diabète sucré peut être
détectée. Elle peut, dans les cas graves, refléter la sévérité de la destruction du tissu
pancréatique. Il faut toutefois se souvenir que la pancréatite est une complication relativement
fréquente du diabète qui conduit souvent à l’acido-cétose, surtout chez les chiens de races naines
et de petites races.
La confirmation du diagnostic clinique de pancréatite a longtemps reposé sur la mise en
évidence d'une augmentation de l’activité amylasique et lipasique du sérum. Or il s’avère que ces
tests ont une piètre sensibilité et spécificité diagnostiques.9;10 Il en va de même de la mesure de
la TLI (immuno-réactivité de type trypsine dans le sérum) qui n’est pas non plus avantageuse.9;10
En revanche, la PLI (immuno-réactivité de la lipase pancréatique) sérique est très prometteuse,
même si une large étude de validation clinique de ce test, particulièrement du kit utilisé en
clinique, manque à ce jour pour en comprendre les avantages et les limitations. Il existe une
zone grise dans laquelle la PLI est augmentée chez des chiens affectés de pancréatite comme
chez ceux qui souffrent d’autres maladies extra-pancréatiques.11
L’imagerie diagnostique demeure un élément central du diagnostic des pancréatites.
Toutefois, l’examen radiographique de l'abdomen est de faible rendement.8 Les changements,
s'ils sont présents, peuvent être caractérisés par une diminution du contraste abdominal, un
effet de masse dans le quadrant proximal droit avec un déplacement latéral du duodénum
descendant qui peut prendre un aspect rigide et contenir du gaz (forme d’iléus paralytique
localisé). L’échographie abdominale est la modalité de choix pour examiner le pancréas. Elle
peut détecter de nombreuses lésions : augmentation du volume de la glande, présence de
nodules, kystes ou abcès pancréatiques, lésions hypo- ou hyperéchogènes du pancréas et du
mésentère péri-pancréatique, présence de liquide ascitique péri-pancréatique etc. La sensibilité
diagnostique de l'échographie abdominale est bonne pour les pancréatites de gravité moyenne à
sévère. Cependant, l’examen échographique détaillé du pancréas (particulièrement celui du lobe
gauche) peut être plus difficile à réaliser chez les chiens obèses, lors de douleurs abdominales
sévères ou en présence de gaz dans l’estomac et les intestins.
Actuellement, le diagnostic clinique de la pancréatite canine aiguë repose sur une
combinaison de 4 éléments : présence des symptômes typiques, élimination des autres
diagnostics différentiels, augmentation de la PLI et lésions échographiques du pancréas et
éventuellement des tissus avoisinants.
Les cas de pancréatite chronique sont de moindre sévérité. En fait, la plupart d’entre eux ne
manifestent probablement pas de symptômes. Toutefois, certaines pancréatites à évolution
chronique récidivante peuvent se déclarer de manière paroxystique et soudaine avec une
symptomatologie de pancréatite aiguë.
Approche thérapeutique
Le traitement des pancréatites aiguës chez le chien repose sur 4 piliers essentiels :
rétablissement rapide de l’équilibre électrolytique et hydrique, contrôle des vomissements,
contrôle de la douleur et nutrition entérale précoce.
Le rétablissement rapide de la perfusion pancréatique est essentiel. La fluidothérapie doit
être agressive et les volumes de solutés intraveineux nécessaires pour atteindre cet objectif sont
souvent copieux en raison des pertes dues aux vomissements et diarrhées. Les troubles
électrolytiques (particulièrement l’hypokaliémie) doivent également être corrigés selon besoin,
alors que les déséquilibres acido-basiques (souvent une acidose métabolique) sont en général
rectifiés par la fluidothérapie. L'utilisation des colloïdes de synthèse (comme l’hydroxyéthyle
d’amidon) en combinaison avec des solutions cristalloïdes est avantageuse chez les chiens en
état de choc hypovolémique ou ceux dont la pression osmotique est compromise (p. ex. en
raison d’une hypoalbuminémie). La transfusion de plasma a été préconisée pour son apport en
anti-protéases naturelles, mais cet apport semble être négligeable selon des données récentes.
Toutefois, le plasma est bénéfique dans le traitement de la CIVD qui peut compliquer les cas
graves de pancréatite.
L’utilisation d’antiémétiques est essentielle, particulièrement en cas de vomissements
fréquents. Les substances disponibles et leur dosage sont décrits dans le chapitre 2. Les
substances pouvant être administrées par voie i.v. sont à préférer chez les patients déshydratés
(p.ex. dolasétron, métoclopramide). Il est à noter que l’efficacité du métoclopramide est
maximale lorsqu’il est administré i.v. en perfusion constante à 1-2 mg/kg/jour. L’ajout de
bloqueurs des récepteurs histaminiques de type 2 pour prévenir les dommages de la muqueuse
gastrique peut être bénéfique. Il est recommandé de poursuivre la thérapie antiémétique au-delà
de l’arrêt des vomissements, car ces médicaments ont un effet anti-nauséeux qui peut s’avérer
avantageux pour la suite du traitement.
Les douleurs peuvent être contrôlées par l’'administration d’antalgiques opiacés. Les
médicaments utilisés par l’auteur sont la buprénorphine (0,01-0,05 mg/kg IV, IM ou SC toutes
les 6 à 8 heures) ou le fentanyl en perfusion constante (2 à 10 microgrammes/kg/h selon effet
après un premier bol intraveineux de 2 a 4 microgrammes/kg). Bien que l’administration
transdermique de fentanyl (patches) peut être utile, 12 à 24 heures sont généralement
nécessaires avant d’atteindre les taux plasmatiques thérapeutiques. Les doses de fentanyl en
perfusion continue peuvent être réduites en améliorant l'analgésie par l'ajout de lidocaïne en
perfusion continue à 0.02-0.04 mg/kg/min. et de kétamine de 2 à 7 microgrammes/kg/min.
En ce qui concerne l’alimentation, La coutume recommande que les chiens affectés d’une
pancréatite aiguë soient privés d’eau et de nourriture par voie orale. Cette approche est utile
dans les premières heures de l’hospitalisation du chien, lorsqu’il est nauséeux et vomit
continuellement. Toutefois, il est imprudent de jeûner un chien pendant plus de 48 à 72 heures
à dater du moment où il a cessé de manger à la maison. La privation prolongée de nourriture
peut conduire à une suppression immunitaire, à un retard de cicatrisation, et augmenter le
risque de translocation bactérienne au travers de la muqueuse intestinale (avec danger de
septicémie). C’est pourquoi le jeûne prolongé conduit généralement à une diminution des
chances de survie. L'alimentation entérale est préférable si l'animal peut la tolérer, car elle
améliore la fonction de la muqueuse intestinale. On choisira un aliment hautement digestible et
à faible teneur en graisses qui sera administré en petites quantités plusieurs fois par jour. Il ne
s’agit pas, dans un premier temps, de couvrir les besoins de l’animal. Il apparait préférable de
court-circuiter l’estomac et le duodénum afin d’éviter de stimuler la sécrétion pancréatique,
toutefois les techniques de placement de tubes jéjunaux sont assez difficiles à maitriser (tube
naso-jéjunal, tube de jéjunostomie). De l’avis de l’auteur, lorsque les vomissements sont
contrôlés, l’alimentation par voie orale ou, chez les chiens anorexiques, par sonde nasoœsophagienne est de loin préférable à un jeûne, même si elle n’est pas forcément idéale. Une
sonde naso-œsophagienne peut être facilement placée et maintenue pendant le séjour à
l'hôpital.
En cas de persistance des vomissements, la mise en place d’une nutrition parentérale (NP
partielle ou totale) est recommandée. Un cathéter i.v. doit être dédié à la perfusion des solutés
de NP et maintenu sous stricte asepsie pour limiter les risques d’infection. Les chiens recevant
une NP doivent être maintenus sous surveillance intensive. Pour plus de détails sur la NP, voir la
section V.
L’utilisation d’antibiotiques est sujette à controverse. En effet, pancréatites et abcès
pancréatiques sont généralement stériles chez le chien. Toutefois, la translocation de bactéries
au travers de la muqueuse intestinale représente un risque sérieux, particulièrement chez les
chiens présentés dans un état critique. C’est ce risque qui motive certains cliniciens à
administrer des antibiotiques à large spectre par voie i.v. pour prévenir une septicémie.
Complications locales
Le pancréas peut développer différentes lésions à la suite d’une inflammation.12 Des foyers
nécrosiques ou phlegmoneux, des abcès et des pseudo-kystes peuvent apparaître sur la glande. Il
peut être difficile de différencier ces séquelles des néoplasmes pancréatiques. Les foyers
nécrosiques sont typiquement associés à une nécrose de la graisse péri-pancréatique. Chez le
chien, la majorité des abcès diagnostiqués sont stériles, bien qu’une étude récente rapporte une
culture positive de l’exsudat péritonéal dans un tiers des cas.13 Les abcès surviennent dans moins
de 6.5% des cas de pancréatite aiguë.12 La symptomatologie de ces complications locales ne
diffère pas de manière significative de celle des pancréatites. Une compression du canal
cholédoque est possible et peut conduire à un ictère et constituer une indication pour une
approche chirurgicale. Le diagnostic repose essentiellement sur l’examen échographique.
L’examen cytologique d’une aspiration à l’aiguille fine échoguidée permet de différencier les
abcès des autres lésions. La vidange des pseudo-kystes peut s’effectuer par ponction échoguidée
ou lors d’une coeliotomie. L’approche thérapeutique des foyers de nécrose et des abcès est plus
délicate. Alors que la plupart des cliniciens s’accordent à penser qu’un débridement est
nécessaire, les interventions chirurgicales sont accompagnées d’une forte mortalité en période
postopératoire. Dans une étude rétrospective récente, 71% des chiens opérés en raison d’un
abcès pancréatique n’ont pas survécu.13
Pronostic
La plupart des cas de pancréatite de gravité légère à moyenne répondent favorablement aux
recommandations thérapeutiques ci-dessus. La mise en place précoce d’un traitement agressif
est souvent nécessaire pour éviter un déraillement systémique. Bien qu’aucune étude ne le
prouve, la mesure de la lactatémie pourrait être utile pour évaluer l’ampleur de l’atteinte
systémique et le pronostic. En effet, une hyperlactatémie sévère indique en général la présence
d’un processus ischémique important.
Dans les cas graves, la pancréatite peut entraîner une cascade incontrôlable de complications
aboutissant à un syndrome inflammatoire systémique et à de multiples défaillances organiques.
Les chiens gravement atteints bénéficient d’être traités dans une clinique disposant d’une salle
de soins intensifs avec monitoring jour et nuit. Le pronostic associé aux abcès ou aux foyers de
nécrose pancréatiques est généralement réservé à défavorable.
PANCRÉATITE FÉLINE
L’importance jusqu’alors oubliée de la pancréatite chez le chat a été rappelée par quelques
études publiées au début des années 1990. Toutefois, en dépit de plus de 15 ans de recherche et
d'expérience accumulée, le diagnostic de la pancréatite féline, particulièrement des formes
chroniques, reste aujourd'hui un défi majeur pour la plupart des vétérinaires.
Prévalence
Sur la base de 2 études recensant les lésions inflammatoires affectant le pancréas de chats
autopsiés, la prévalence de la pancréatite féline est de 1.3 à 3.5%.14;15 Il s’agit donc d’une maladie
relativement fréquente. De plus, 67% des chats autopsiés dans une étude récente présentaient
des lésions histologiques au pancréas. La prévalence des lésions de pancréatite parmi chats
apparemment en bonne santé était de 45%.16 Plus de la moitié des chats autopsiés avait des
altérations de type chronique alors que seulement 6.1% des lésions indiquaient une maladie
aiguë. Certains animaux présentaient simultanément des lésions aiguës et chroniques. Ces
statistiques soulignent l’importance de la pancréatite chronique dans la population féline, même
si la plupart des cas semblent passer cliniquement inaperçus.
Plusieurs pathologies peuvent affecter le pancréas chez le chat. Deux formes de pancréatite
aiguë ont été décrites, les pancréatites nécrosantes et les pancréatites suppurées. La pancréatite
chronique est souvent récidivante et non suppurée, elle peut aboutir à une insuffisance exocrine
du pancréas (v. chapitre 22.3). Les néoplasmes pancréatiques sont peu fréquents. Il faut les
différencier de l’hyperplasie pancréatique nodulaire, une dégénérescence bénigne de la glande.
Etiologie
De nombreuses études expérimentales ont confirmé que le pancréas du chat répond de
manière similaire à celui du chien et de l’homme à une variété d’interventions expérimentales
visant à créer une réaction inflammatoire dans la glande. Toutefois, les causes naturelles de la
pancréatite féline demeurent inconnues dans la majorité des cas, bien que plusieurs associations
aient été décrites. Parmi elles, les traumatismes et l’ischémie qu’ils engendrent (chute verticale,
accident de la circulation), les infections virales ou parasitaires (Toxoplasma gondii, douves du
foie et du pancréas, la PIF et le VIF), et l’intoxication avec certains organophosphorés. Même si
elles ne sont probablement responsables que d'une proportion négligeable des cas, il est
nécessaire d’exclure ces causes connues. En effet, un traitement du processus sous-jacent, s’il
existe, peut suffire à faire disparaitre la pancréatite.
Les chats présentant des troubles inflammatoires pancréatiques sont parfois également
affectés d’inflammations chroniques intestinales (MICI) et hépatiques (cholangiohépatite).17
Ceci est attribué à l'anatomie particulière des canaux cholédoque et pancréatique dans l'espèce
féline qui fusionnent souvent avant leur embouchure dans la papille duodénale. De ce fait, le
pancréas du chat est exposé à un risque augmenté de reflux biliaire ou d'infection ascendante.
Le terme « triadite » décrit la présence simultanée de MICI, cholangiohépatite et pancréatite
chez un chat.17
Symptomatologie
Les pancréatites félines sont fréquemment associées à une symptomatologie vague et
relativement discrète, à l’opposé des pancréatites canines et humaines. La plupart des chats sont
présentés à leur vétérinaire en raison d’un état apathique et d’une perte d’appétit, voire d’une
perte de poids d’apparition progressive. La palette des symptômes accompagnant les
pancréatites félines est peu spécifique, et comprend apathie, dysorexie, déshydratation et
l'hypothermie. La présence de tachypnée, de douleurs abdominales, de vomissements, de
diarrhée et de masses détectées à la palpation abdominale est plus rare. La symptomatologie à
elle seule ne permet pas de différencier les inflammations aiguës des pancréatites chroniques.
Approche diagnostique
Les examens complémentaires les plus utiles dans le diagnostic des pancréatites félines sont
le bilan hémato-biochimique, la PLI et l’imagerie. L’hémogramme peut occasionnellement
présenter des anomalies non spécifiques comme une neutrophilie ou une l'anémie nonrégénérative. Une augmentation de l’activité des enzymes hépatiques (ALT, GGT et PAL), voire
une augmentation de la bilirubinémie et de la cholestérolémie peuvent être mises en évidence
dans une moitié à deux tiers des cas. Ceci peut résulter d’une cholestase due à une atteinte
hépatique concomitante (p.ex. cholangiohépatite ou lipidose hépatique) ou à une compression
du canal cholédoque. Les variations de la glycémie sont souvent dues au stress, mais certains
chats peuvent également présenter un diabète sucré concomitant. L’hypocalcémie représente un
facteur pronostique négatif, particulièrement si le calcium ionisé est inférieur à 1,0 mmol/l
(valeurs de référence 1,2-1,4 mmol/l). Les activités amylasique et lipasique n’ont aucune valeur
diagnostique chez le chat.
Deux tests spécifiques ont été récemment développés et déterminent l’immuno-réactivité
sérique de type trypsine (TLI) et de la lipase pancréatique (PLI). Ces tests sont étroitement
spécifiques à chaque espèce. Si la TLI demeure le test de choix pour l’insuffisance du pancréas
exocrine (IPE), elle n’est utile que dans les cas de pancréatite avancée avec destruction de la
glande conduisant à une IPE. Seul un laboratoire étranger offre le test de TLI féline. Par contre,
la PLI est un test prometteur dans le diagnostic des pancréatites du chat. Bien que les études de
validation clinique sur une large échelle manquent encore, plusieurs travaux préliminaires ont
démontré la valeur diagnostique de la PLI chez le chat. L’accès à ce test est désormais
considérablement amélioré puisqu’il est mis à disposition par un grand laboratoire présent dans
de nombreux pays.
L’imagerie diagnostique est le 2e pilier diagnostique de la pancréatite féline. Toutefois, les
radiographies abdominales ne sont pas véritablement intéressantes dans le diagnostic de la
pancréatite chez le chat, à l'exception des grandes masses pancréatiques qui pourraient être
détectées à la palpation abdominale. Inversement, l’échographie abdominale est un excellent
examen complémentaire. Sa sensibilité et sa spécificité diagnostiques sont bonnes à moyennes
suivant les cas. Toutefois, l’examen détaillé du pancréas, particulièrement du lobe gauche, peut
être rendu difficile chez les chats obèses et ceux dont l’abdomen est douloureux et tendu, ou
encore en présence de grandes quantités de gaz dans les structures environnantes. De plus, la
valeur des informations obtenues dépend fortement de l'expérience de l’échographiste qui doit
avoir une excellente connaissance de l'anatomie abdominale. La pancréatite aiguë est souvent
caractérisée par un grossissement et une apparence hypoéchogène du pancréas. Le mésentère
environnant peut apparaitre hyperéchogène. L’échographie offre également l’avantage
d’explorer l’abdomen à la recherche de pathologies concomitantes du foie, du tube digestif ou
d’autres organes abdominaux. De plus, les techniques avancées de Doppler harmonique de
puissance et l’utilisation de substances de contraste échographiques permettent une évaluation
détaillée du pancréas. Elles semblent prometteuses pour augmenter la sensibilité de
l’échographie et permettre de différentier les pathologies pancréatiques du chat. Enfin, la
tomodensitométrie ne présente pas d’intérêt dans le diagnostic de la pancréatite féline.
L’analyse histologique de biopsies pancréatiques prélevées au cours d’une laparotomie
exploratoire ou d’un examen laparoscopique demeure l’étalon diagnostique auquel les autres
méthodes sont comparées. Toutefois, il a été démontré que les lésions inflammatoires peuvent
être focales et difficiles à identifier au moment de l’intervention chirurgicale. Dans ces
circonstances, on peut imaginer que des foyers inflammatoires cryptiques ne soient pas biopsiés,
et que le résultat histologique soit faussement négatif.
En résumé, le diagnostic des pancréatites félines est souvent difficile. Il est réalisé en
combinant diverses modalités diagnostiques qui sont toutes relativement imparfaites
lorsqu’utilisées séparément. L’avènement du test de PLI féline offre un nouvel outil intéressant
dont il faut encore établir les limites.
Approche thérapeutique
Aucune étude clinique évaluant les protocoles thérapeutiques recommandés pour le
traitement des inflammations du pancréas chez le chat n’est disponible à ce jour. Comme chez le
chien, le traitement de base est symptomatique. Il consiste évidemment à corriger la
déshydratation et les troubles électrolytiques s’ils sont présents. Il est important d’éviter
l’ischémie pancréatique afin d’interrompre le cercle vicieux inflammatoire. Particulièrement lors
de crises aiguës, les chats gravement affectés peuvent développer des complications systémiques
et un traitement énergique s'impose alors avec perfusion de colloïdes synthétiques, voire de
plasma.
Les chats ne manifestent pas leurs douleurs abdominales aussi clairement que les chiens.
Cependant, il est probable que ces douleurs contribuent de manière importante à l’anorexie.
C’est pourquoi un traitement antalgique est souvent recommandable en utilisant de préférence
des opiacés. Le butorphanol (0,1 mg/kg i.v. ou 0,2-0,4 mg/kg s.c. toutes les 4 à 6 h.) et la
buprénorphine (0,01-0,03 mg/kg s.c. ou oralement par absorption transmucosique toutes les 8
à 12 h.) sont des dérivés opiacés intéressants chez le chat.
Un soutien nutritionnel doit être mis en place, de préférence sous la forme d’une
alimentation entérale. Les vomissements doivent être préalablement contrôlés à l’aide
d’antiémétiques. En cas de crise aigüe, une période de jeûne total de 1 à 3 jours peut être
bénéfique, mais n’est pas sans risque de causer une lipidose hépatique ou de péjorer un
problème préexistant. Comme chez le chien, le contournement de l’estomac et du duodénum
visant à éviter la stimulation de la sécrétion pancréatique est théoriquement souhaitable, mais le
placement d’un tube de jéjunostomie nécessite une intervention chirurgicale relativement
lourde. C’est pourquoi les tubes de gastrostomie ou d’œsophagostomie, plus aisés à mettre en
place, offrent une alternative viable et pratique, pour autant que le chat ne vomisse pas. Les
aliments liquides du commerce sont bien tolérés en dépit de leur teneur en graisse. Il est
essentiel de commencer l’alimentation de manière très progressive, de manière à ne pas
surcharger l’estomac. Le but n’est pas de couvrir immédiatement les besoins nutritionnels du
chat, mais d’alimenter la muqueuse intestinale pour prévenir la translocation bactérienne (v.
pancréatite canine). L’alimentation parentérale partielle ou totale est utile chez les chats
gravement débilités.
L’utilisation d’anti-inflammatoires est sujette à controverse. La corticothérapie apparait
contrindiquée en cas de pancréatite aigüe. Toutefois, elle a été utilisée avec succès chez des chats
atteints de pancréatite chronique chez lesquels elle peut entraîner une diminution de la PLI,
suggérant ainsi une diminution du processus inflammatoire. Les doses de prednisolone utilisées
sont de 1 à 2 mg/kg oralement toutes les 12 à 24 h.
La pancréatite peut favoriser l’apparition d’une hypocobalaminémie, car la glande joue un
rôle important dans l’absorption de la vitamine B12. La cobalaminémie peut être aisément
déterminée, et un traitement de substitution doit être instauré en cas de carence. La dose
hebdomadaire est de 250 μg par chat en i.m. pendant 6 semaines, puis il est recommandé de
réévaluer la cobalaminémie tous les mois et adapter le traitement. Il est à relever que les
préparations polyvitaminées ne contiennent pas assez de B12 pour assurer l’apport désiré.
Enfin, les pathologies concomitantes qui ont été identifiées doivent être traitées avec la
même vigueur que la pancréatite. Ainsi, il peut être nécessaire d’administrer des antibiotiques
en cas de cholangiohépatite suppurée, d’offrir un aliment hypoallergénique et une
corticothérapie en cas de MICI ou encore de changer l’alimentation et d’envisager un traitement
aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine chez des chats en insuffisance rénale
chronique.
Pronostic
Le pronostic de la pancréatite féline varie considérablement de cas en cas. Il dépend de la
gravité et de l’étendue du processus inflammatoire, voire de l’importance des foyers nécrosiques.
Les chats atteints de sévère pancréatite aigüe sont sujets à de nombreuses complications et la
mortalité de leur affection peut être assez élevée. Ceux souffrant de pancréatite chronique
récidivante de gravité légère à moyenne bénéficient a l’évidence d’un meilleur pronostic.
Toutefois, il est possible que les pathologies pancréatiques chroniques provoquent finalement
une IPE ou un diabète sucré.
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CONDUITE A TENIR FACE AUX
DIARRHÉES CHRONIQUES DU CHIEN
Frédéric Gaschen, Dr.méd.vét., Dr.habil.
Dip. ACVIM et ECVIM-CA (médecine interne des petits animaux)
Louisiana State University, Baton Rouge, Louisiane, Etats-Unis
__________________________________________________________________
Chez le chien, les diarrhées représentent un pourcentage important des motifs de
consultation vétérinaire. Si les diarrhées d’apparition aiguë répondent souvent bien à un
traitement antiparasitaire ou à une thérapie symptomatique, il n’en va généralement pas de
même des diarrhées chroniques. Les chiens affectés reçoivent parfois de nombreux traitements
diététiques, antibiotiques ou anti-inflammatoires qui n’aboutissent pas aux résultats escomptés.
Un diagnostic préalable est souhaitable, et la coopération étroite des maîtres de l’animal et du
vétérinaire traitant est essentielle pour optimiser les chances de succès du traitement.
Approche diagnostique
Les origines des diarrhées chroniques du chien sont multiples et dépendent de nombreux
facteurs dont la localisation géographique.
Les parasitoses - en premier lieu, il convient de s’assurer que le chien ne souffre pas d’une
parasitose intestinale. L’élimination fécale des œufs ou autres kystes parasitaires n’est pas
continue, c’est pourquoi le résultat négatif de l’analyse coprologique d’un échantillon de selles
ne permet pas de conclure à l’absence de parasites adultes dans le tube digestif. De plus certains
protozoaires peuvent s’avérer particulièrement difficiles à mettre en évidence (p.ex. les Giardia
pour lesquels le test ELISA est plus sensible que l’examen coprologique traditionnel).
Cependant, un résultat négatif suite à l’analyse de 3 échantillons de selles successifs permet
d’assumer l’absence d’une infestation. Certains préfèrent une alternative «pratique » à ce
problème et administrent un vermifuge à large spectre de façon systématique pour éliminer les
parasites courants (p.ex. fenbendazole 50 mg/kg p.o. quotidiennement pendant 3-5 jours).
L’alimentation – l’allergie alimentaire joue un rôle essentiel dans le diagnostic différentiel
des entéropathies chroniques du chien. Dans une étude prospective de 70 chiens référés pour
diarrhée chronique, 39 animaux (56%) ont répondu à une thérapie diététique d’exclusion de 710 jours avec un aliment à base d’une nouvelle source de protéines. Il est probable que la plupart
de ces chiens entéropathiques ayant répondu au régime d’exclusion diététique étaient atteints
d'intolérance alimentaire ou d’une forme légère de MICI. Chez 31 chiens, le retour à une
alimentation non diététique n’a pas provoqué de récidive après 14 semaines de traitement
diététique. Cependant, 8 chiens ont rechuté après l’interruption du régime d'exclusion. Ils ont
ensuite subi une épreuve de provocation avec différentes sources uniques de protéines (p.ex.
viande bœuf ou de poulet, lait, etc.), ce qui a permis de diagnostiquer une allergie alimentaire
chez 2 d’entre eux, alors qu’un diagnostic d’intolérance alimentaire était posé chez les 6 autres.
Les chiens à allergie alimentaire d’expression cutanée sont souvent jeunes (dans plusieurs
études entre ⅓ et la moitié des cas étaient âgés d’un an ou moins). De même, l’âge moyen des
chiens à entéropathie chronique ayant répondu à un régime d’éviction était plus bas que celui
des chiens souffrant de MICI et nécessitant un traitement immunosuppressif (3,5 contre 7,5
ans). Une prédisposition raciale a été identifiée chez le Soft Coated Wheaten Terrier qui
développe une allergie alimentaire avec une entéropathie exsudative. De plus, en Suisse, le West
Highland White Terrier, le carlin, le boxer et le Rhodesian Ridgeback étaient surreprésentés
parmi les chiens affectés de réaction adverse aux aliments d’expression cutanée. Toutefois,
l'héritabilité de l'allergie alimentaire canine n’a pas été clairement mise en évidence.
En conséquence, la prescription stricte 1 d’un aliment de type hypoallergénique (diète
d’éviction) est a recommander chez tous les chiens n’ayant pas répondu au traitement
antiparasitaire. Notre expérience a démontré que 7 à 10 jours suffisent dans la plupart des cas
pour provoquer une amélioration de la qualité des selles et de l’état clinique (chez certains
chiens, cette période peut toutefois s’avérer trop courte). Le changement de diète doit s’effectuer
progressivement. Il existe de nombreux aliments diététiques pour régime d’éviction
recommandables dans le commerce. Ils sont basés sur des protéines d’origine nouvelle ou des
protides hydrolysés. Une fois les symptômes de diarrhée disparus, il est recommandable de
maintenir le régime strict pour éviter des rechutes désagréables.
Entéropathie sensible aux antibiotiques - L’utilisation prolongée de l’oxytétracycline
était recommandée jusqu’il y quelques années dans les cas de prolifération bactérienne ou
colonisation bactérienne chronique du grêle (en anglais SIBO), particulièrement chez les bergers
allemands. L’existence de ce syndrome a été sérieusement remise en question – on préfère
actuellement parler plus prosaïquement de «diarrhée répondant aux antibiotiques ». Quelles
sont les raisons du succès du traitement antibiotique dans ces entéropathies ? Tout antibiotique
administré par voie orale entraîne une modification quantitative et qualitative de la flore
intestinale qui peut s’avérer positive chez un chien diarrhéique. De plus, les tétracyclines ont des
propriétés chélatrices de certaines molécules pro-inflammatoires. Le métronidazole est un agent
antimicrobien aux effets multiples : à haute dose (25 mg/kg p.o. 2x/j. pendant 5-10 jours) il agit
contre Giardia intestinalis, à dose réduite (10-15 mg/kg p.o. 2x/jour), il détruit de nombreuses
bactéries anaérobies et présente des effets modulant l’immunité cellulaire de la muqueuse. Il est
fréquemment utilisé en première intention chez les chiens présentant des diarrhées de type gros
intestin et également pour modifier la composition de la flore intestinale au profit des aérobies.
Enfin, la tylosine (20 mg/kg 2x/jour) est un macrolide qui s’est avéré utile dans plusieurs cas
d’entéropathies chroniques récidivante et réfractaire aux autres antibiotiques et à la
prednisolone. De plus, la tylosine exerce également des effets inhibiteurs sur l’immunité innée.
Toutefois, les véritables infections bactériennes demeurent rares. Un examen
bactériologique des selles est recommandable dans certaines circonstances, p.ex. si l’anamnèse
révèle un récent séjour en chenil. Diverses bactéries sont incriminées (p.ex. Campylobacter,
Clostridium perfrigens, etc.), toutefois il est souvent difficile d’identifier avec certitude si
l’infection bactérienne est responsable de l’entérite ou s’il s’agit d’un épiphénomène (infection
secondaire). Différentes souches de Campylobacter ont été mises en évidence dans un
pourcentage impressionnant de chiens parfaitement sains. Cet état de fait relativise l’importance
d’un résultat positif chez les chiens diarrhéiques. L’approche thérapeutique du chien excrétant
des Campylobacter dépend de son état de santé (sain ou affecté d’une symptomatologie gastrointestinale) et de la proximité d’êtres humains immuno-compromis ou de très jeunes enfants.
Elle repose sur l’antibiothérapie (érythromycine ou fluoroquinolones aux doses usuelles). Le
pronostic pour une guérison totale est généralement bon.
Que faire si les examens diagnostiques esquissés ci-dessus sont négatifs et les
essais thérapeutiques demeurent vains ? - lors de diarrhées du gros intestin (colites avec
symptomatologie typique), on peut envisager immédiatement un essai thérapeutique (p.ex.
métronidazole 25 mg/kg p.o. 2x/jour pendant 5-10 jours ou sulfasalazine 10-25 mg/kg p.o. 23x/jour pendant 2 semaines) ou préférer le prélèvement de biopsies (v. ci-dessous). Toutefois,
particulièrement si l’état général de l’animal est affaibli lors des épisodes diarrhéiques, une
approche globale est indispensable. Celle-ci doit inclure un examen clinique approfondi de
l’animal suivi d’un bilan sanguin avec hémogramme et chimiogramme incluant les paramètres
1
Ceci suppose une explication détaillée de l’importance de n’offrir QUE l’aliment diététique au chien, c’est à dire
de bannir tout autre apport alimentaire (récompenses de toutes sortes, restes de table, etc.)
usuels sans oublier la protéinémie (albumine et globulines), et une analyse des urines. La
symptomatologie typique de l’insuffisance pancréatique exocrine (IPE) congénitale ou acquise
(triade : appétit vorace, cachexie, stéatorrhée) est bien connue, mais la maladie ne s’exprime pas
toujours aussi clairement, particulièrement dans ses stades précoces. C’est pourquoi la
possibilité d’une IPE ne doit pas être négligée, et le cas échéant, elle peut être éliminée en
évaluant la concentration sérique de TLI.
Si les résultats de ces examens sont négatifs, il faut alors procéder à l’analyse histologique
d’un prélèvement de muqueuse intestinale. La méthode de prélèvement la moins invasive est
l’examen endoscopique, toutefois seuls les segments proximaux et distaux de l’intestin peuvent
être ainsi biopsiés. De plus, les biopsies ainsi obtenues sont plus superficielles et leur évaluation
histologique peut être difficile. Une laparotomie exploratrice avec prélèvement de biopsies
« transmurales » des différents segments intestinaux peut s’avérer plus utile dans certains cas.
Plusieurs études ont clairement mis en évidence l’importance de la communication entre le
pathologiste et le clinicien pour obtenir une bonne interprétation des biopsies, permettre de
poser un diagnostic et d’entreprendre une approche thérapeutique adaptée.
Les paragraphes suivants décrivent diverses entités nosologiques d’importance en clientèle
canine. Le rôle des néoplasmes dans les diarrhées chroniques du chien est moindre (en
comparaison de la situation chez le chat), toutefois un lymphome ou un adénocarcinome
intestinaux de type diffus peuvent rarement être à l’origine d’entéropathies chroniques
Les MICI (maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, en anglais « IBD ») – il s’agit
d’un terme emprunté à la médecine humaine, bien que les pathologies canines n’aient que peu
en commun avec les MICI humaines. Dans le jargon vétérinaire, ce terme regroupe de
nombreuses maladies de cause souvent inconnue à l’origine d’entéropathies chroniques. Ces
entérites sont différenciées de manière plus détaillée par leur apparence histologique (entérite à
infiltration lympho-plasmocytique, éosinophilique, neutrophilique ou granulomateuse).
Dans la pratique, il est important de reconnaître certaines pathologies en raison de leur
pronostic ou de traitements spécifiques à mettre en place. Les chiens affectés d’entéropathies
exsudatives avec perte importante de protéines peuvent être présentés en raison d’un syndrome
hypoprotéinémique (forte hypoalbuminémie, souvent pan-hypoprotéinémie) responsable
d’épanchements et d’œdèmes. Souvent, l’examen histologique de la muqueuse intestinale révèle
une lymphangiectasie intestinale souvent accompagnée de dilatation des cryptes et d’une
infiltration inflammatoire. Même si on l’observe plus fréquemment chez certaines races (p.ex.
Yorkshire Terrier), la cause de ce syndrome demeure inconnue. Les grandes lignes du
traitement visent à rétablir la protéinémie en offrant un aliment facilement digeste (pauvre en
graisses) si l’animal accepte encore de manger. Les corticostéroïdes à hautes doses
(prednisolone 1-2 mg/kg 1-2x par jour) sont souvent utilisés. Chez les chiens très affectés,
l’utilisation de colloïdes intraveineux, voire même d’alimentation parentérale en parallèle à une
fluidothérapie adaptée est à envisager afin de soutenir la pression oncotique. Le pronostic
demeure en général réservé lors de symptômes généraux sévères. La colite histiocytique
ulcéreuse affecte particulièrement les races brachycéphaliques (boxer, bouledogue anglais,
etc.) et est une maladie assez rare qu’il était jusqu’ici difficile de soigner. Heureusement, elle a
été l’objet de découvertes récentes qui ont établi une origine bactérienne et de ce fait une bonne
réponse aux fluoroquinolones aux dosages usuels (p.ex. enrofloxacine, marbofloxacine,
ibafloxacine).
Approche thérapeutique des MICI
Elle est centrée sur 2 axes principaux : l’alimentation et le traitement médicamenteux.
L’importance des diètes d’éviction a été discutée plus haut, toutefois une alimentation diététique
très digeste (pauvre en graisses) peut s’avérer préférable, particulièrement chez les chiens à
l’état général diminué (diarrhée de type intestin grêle, perte importante de protéines). Le
traitement médicamenteux vise dans la plupart des cas une immunosuppression par les
corticostéroïdes avec tous les effets secondaires connus (predniso(lo)ne 1-2 mg/kg p.o. 2x p.
jour, planifier un traitement dégressif par étapes de 10-15 jours). Pour les cas réfractaires,
l’utilisation d’autres substances immunosuppressives est envisageable (p.ex. azathioprine,
cyclophosphamide, chlorambucil) avec les risques associés. Enfin, la cyclosporine a été efficace
chez une série de chiens issus de notre étude clinique et réfractaires aux autres traitements (5
mg/kg p.o. quotidiennement).
Conclusion
Face à la multiplicité des causes d’entéropathies chroniques chez le chien, une approche
systématique est indispensable. Les efforts développés par le vétérinaire et les maîtres du chien
portent souvent leurs fruits. Toutefois, particulièrement dans certains cas de MICI, les résultats
des différents protocoles thérapeutiques demeurent frustrants. Ces cas représentent toutefois
plus l’exception que la règle...
CONDUITE A TENIR FACE AUX
DIARRHÉES CHRONIQUES DU CHAT
Frédéric Gaschen, Dr.méd.vét., Dr.habil.
Dip. ACVIM et ECVIM-CA (médecine interne des petits animaux)
Louisiana State University, Baton Rouge, Louisiane, Etats-Unis
__________________________________________________________________
La diarrhée chronique semble être un problème moins fréquent chez le chat que chez le
chien. Elle peut être la conséquence de nombreuses maladies gastro-intestinales ou être due à
des maladies extra-intestinales. Cette conférence se concentrera sur les entéropathies félines
chroniques (EFC) qui comprennent plusieurs maladies intestinales (tableau 1). Les maladies
inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI) sont caractérisées par la présence simultanée de
signes gastro-intestinaux chroniques et d’une infiltration de la muqueuse intestinale par des
cellules inflammatoires sans cause identifiable. Les cellules infiltrantes sont le plus souvent des
lymphocytes et des plasmocytes , parfois des éosinophiles ou d'autres leucocytes. Le diagnostic
de MICI est un diagnostic d'exclusion (figure 1).
Tableau 1: Causes communes d’entéropathies félines chroniques
Processus pathologique
Parasitisme
Réaction alimentaire
MICI
Néoplasme
Infections entériques
Maladie spécifique
Helminthes
Protozoaires (T. foetus, Giardia,
Cryptosporidium sp.)
Intolérance alimentaire
Allergie alimentaire
Infiltration intestinales avec
diverses cellules inflammatoires
Lymphoma alimentaire
Histoplasma, Campylobacter,
FeLV, VIF, PIF
Localisation
Grêle et / ou côlon
Giardia, Cryptosporidium: grêle et côlon
T. foetus : côlon
Grêle et / ou côlon
Grêle et / ou côlon
Grêle et / ou côlon
Grêle (parfois côlon)
Grêle et / ou colon
PRÉSENTATION CLINIQUE
En fonction de la symptomatologie, les ECF peuvent être localisées dans l’intestin grêle, le
côlon ou dans les 2 segments. Les vomissements et la perte de poids évoquent une atteinte du
tube digestif supérieur, alors que des selles sanglantes ou glaireuses et l’urgence à déféquer
révèlent la présence d’une inflammation du côlon. Toutefois, ces symptômes ne suffisent pas à
localiser définitivement la maladie. Par exemple, les chats atteints de MICI du grêle souffrent
souvent d’une inflammation secondaire du côlon. Par conséquent, il est plus prudent d'assumer
la maladie est diffuse lors de la planification des examens diagnostiques et du traitement.
Les infections à Tritrichomonas fœtus représentent une exception à cette règle de prudence,
car elles sont généralement limitées au côlon. Les infections à T. foetus sont plus fréquentes chez
les jeunes chats vivant ou ayant vécu en groupe (par exemple refuge, chatterie, pension,
expositions). Les chats atteints présentent une diarrhée du gros intestin avec sang frais
occasionnel et mucus. Les selles sont généralement semi-formées, malodorantes et leur
consistance est comparable à la bouse de vache. La plupart des chats sont en bon état général.
L'évolution clinique est souvent en dent-de-scie.
Dans les régions endémiques, l’histoplasmose affecte aussi les chats adultes,
majoritairement jeunes (moins de 4 ans). La plupart des chats développent une maladie
disséminée avec implication multi-systémique. Des signes respiratoires sont observés dans plus
de 50% des cas. Une organomégalie abdominale ou des lésions oculaires sont fréquemment
présentes. Des symptômes gastro-intestinaux avec vomissements et diarrhée sont observées
occasionnellement. En conséquence, les chats atteints d'histoplasmose sont généralement
présentées en mauvais état général et avec perte de poids.
Les chats atteints d'autres formes d’ECF comme les MICI et le lymphome alimentaire sont
généralement d'âge moyen ou avancé, mais la tranche d'âge affectée est vaste et comprend aussi
de jeunes animaux. Les réactions alimentaires affectent en général les jeunes adultes. La
symptomatologie classique est caractérisée par vomissements, diarrhée, perte de poids et
anorexie. Cependant, certains chats peuvent avoir un appétit normal à augmenté. De plus,
contrairement aux chiens, de nombreux chats n’ont pas de diarrhée à la présentation. Le cours
de la maladie est souvent en dent de scie et souvent les propriétaires ne consultent le vétérinaire
que tard dans l'évolution de la maladie.
Parmi les résultats anormaux de l'examen clinique observés lors d’ECF, on dénombre la
perte de condition corporelle, la déshydratation, les anses intestinales épaissies ou les douleurs
abdominales.
DIAGNOSTIC
L'approche diagnostique généralement recommandée en cas d’ECF est illustrée à la fig. 1. La
symptomatologie n’est pas spécifique, et la première étape consiste donc à exclure les maladies
qui peuvent présenter une image clinique similaire aux ECF. Les diagnostics différentiels
importants pour la diarrhée et / ou les vomissements chroniques sont les maladies provenant de
l'extérieur du tractus gastro-intestinal telles l'hyperthyroïdie, le diabète sucré, les maladies
rénales chroniques, les maladies du foie, la pancréatite et la dirofilariose. Elles doivent être
exclues préalablement à tout examen plus invasif.
En Nouvelle-Zélande, 16 (29%) de 55 chats qui présentaient des signes gastro-intestinaux
chroniques souffraient d’une entéropathie qui avait répondu à un régime d’éviction. Le retour à
un régime alimentaire normal sans récidive a été possible chez 11 d’entre eux. Il est donc
fortement recommandé de mettre en œuvre un régime d’éviction en utilisant une nouvelle
source de protéine ou un aliment à peptides hydrolysés avant d'envisager des examens
diagnostics plus invasifs. Dans l'étude néo -zélandaise, les signes cliniques ont disparu dans les
4 jours suivant le début du nouveau régime. Par conséquent, si les problèmes subsistent après 5
à 7 jours, des tests supplémentaires ou un autre traitement empirique doivent être envisagés. La
participation des propriétaires est un facteur limitant notoire lors de diètes d’éviction et toutes
les mesures nécessaires doivent être prises pour s'assurer que l'essai est effectué de façon fiable.
Pour le diagnostic de la giardiase, la rentabilité des frottis fécaux direct (mise en évidence
des trophozoïtes) ou de la flottation au moyen de solutions sucrées (kystes) est moindre. Les
tests utilisant des anticorps pour détecter les kystes de Giardia dans les selles sont des outils
diagnostiques plus fiables. Pour les infections à T. fœtus, les frottis de selles fraîches sont faciles
à exécuter et à évaluer mais ont une faible sensibilité (14%). La culture de trichomonades est
plus sensible et utilise une poche d’incubation disponible dans le commerce (37°C pendant 2
jours ou 25°C pendant 12 jours). Cependant, la PCR effectuée sur un échantillon de selles
présente la sensibilité la plus élevée de toutes les méthodes.
Rarement, la culture fécale à la recherche d'entéropathogènes peut révéler une infection à
Campylobacter. Cependant, ces bactéries pourraient être de simples opportunistes profitant de
changements de la flore intestinale secondaire à la maladie intestinale.
Une fois les autres diagnostics différentiels éliminés, l’alternative finale est souvent MICI ou
lymphome alimentaire. Seule l’analyse histologique de biopsies intestinales de qualité
(profondeur et taille) suffisante permet de différencier ces 2 maladies. L’endoscopie et la
céliotomie (ou célioscopie) ont leurs avantages et leurs limitations respectifs. Il s’agit donc de
trouver la méthode qui convient le mieux à chaque patient.
Le lymphome alimentaire (LA) affecte de préférence les chats plus âgés (en général > 7 ans).
Au cours des dernières années, le LA est devenu en de nombreux endroits la présentation la plus
fréquente de lymphome chez le chat. Selon une étude récente, 54% des lymphomes félins
concernent l’abdomen, et 75% de ces derniers impliquent l’intestin. Toutefois, 10 à 46% des
chats atteints ne montrent pas de symptômes gastro-intestinaux (ils souffrent essentiellement
de dysorexie et de perte de poids). Cependant, la diarrhée chronique demeure une cause
fréquente de consultation chez de nombreux chats affectés. Traditionnellement, ces chats
étaient négatifs à la FeLV. Selon une publication récente, le virus FeLV a pu être été identifié par
PCR du tissu lésionnel dans plus de 60% des cas, alors que seulement 38% étaient positifs à la
sérologie. La palpation abdominale peut révéler des nodules de tailles diverses ou des anses
intestinales rigides. L’échographie abdominale peut contribuer à la confirmation du diagnostic,
de même que l’analyse cytologique de ponctions échoguidées de nodules, du foie ou de la rate
(lorsqu’ils sont atteints), ou encore des ganglions mésentériques. Une évaluation histologique de
la muqueuse intestinale est nécessaire pour différencier le lymphome des MICI. Dans certains
cas d’entérite lympho-plasmocytique sévère, cette différenciation peut s’avérer extrêmement
ardue, spécialement en présence des biopsies superficielles.
THÉRAPIE
Traitement des infections à protozoaires – la giardiase répond bien au métronidazole
25 mg / kg deux fois par jour pendant 7 jours. L'efficacité du fenbendazole (50 mg / kg par jour
pendant 5 jours) est probablement inférieure. L’albendazole n'est pas recommandé en raison de
la toxicité idiosyncrasique sur la moelle osseuse et de ses effets tératogènes. La giardiase est un
problème rare chez les chats vivant seuls. Toutefois, le traitement efficace des élevages ou des
refuges présentant un problème de Giardia exige la décontamination de l'environnement avec
des solutions d'ammonium quaternaire. De plus, les chats doivent être baignés afin d'éliminer
les kystes de Giardia présents dans leur pelage. Le traitement des infections à T. fœtus est plus
problématique. La maladie guérit généralement spontanément dans les 2 ans dans près de 90%
des cas, même si beaucoup de chats demeurent PCR positifs. Le ronidazole peut être utilisé à 30
mg / kg PO une fois par jour pendant 2 semaines. Un consentement éclairé doit être obtenu du
propriétaire avant de commencer le traitement puisque que le médicament n'est pas approuvé
pour utilisation chez les chats. Des effets secondaires neurologiques ont été reportés .
Traitement des réactions alimentaires – Un aliment très digeste contenant des
protéines d’une nouvelle source est idéal. Une amélioration de l’absorption de l’aliment entraîne
une meilleure nutrition, une diminution des substrats pour les bactéries intestinales et une
diminution du potentiel osmotique. Certains aliments contiennent des acides gras de type
oméga-3 en concentration augmentée dans l’espoir de diminuer les prostaglandines
inflammatoires et des leucotriènes. L'ajout de probiotiques est une option supplémentaire pour
les chats atteints d’ECF. Bien que les probiotiques puissent influencer la flore intestinale, il
n'existe actuellement pas de données objectives suggérant un effet bénéfique d’importance
clinique chez le chat.
Traitement des MICI - Initialement, un traitement empirique peut être appliqué chez les
chats présentant des signes cliniques de MICI, surtout si, pour des raisons financières ou
médicales, un bilan complet ne peut être effectué. Dans ces cas, il est préférable d’appliquer un
traitement à la fois et de mesurer l’effet obtenu avant d’en changer. Par exemple, un traitement
au fenbendazole pourrait être suivi d'un régime d’éviction. Bien qu’il soit préférable d’avoir un
diagnostic histologique d’infiltration inflammatoire de la muqueuse intestinale avant d’entamer
un traitement immunosuppressif, la corticothérapie est souvent utilisée comme maillon final du
traitement empirique.
Régime alimentaire - voir ci-dessus. L'utilisation d'une alimentation riche en fibres chez les
chats atteints de MICI est controversée, mais peut être judicieuse en cas de colite. Les fibres de
faible solubilité, comme la cellulose, permettent d’augmenter le volume fécal et d’absorber un
surplus de liquide, aidant de la sorte la régulation de la motricité. Les fibres hautement solubles
(p.ex. pulpe de betterave) sont fermentescibles par les bactéries intestinales et conduisent à la
production d'acides gras à chaîne courte. Ceux-ci nourrissent les colonocytes et ralentissent la
croissance des bactéries pathogènes.
Immunomodulateurs et antimicrobiens – les antimicrobiens peuvent être utiles dans le
traitement des bactéries entéropathogènes non reconnues, ou pour diminuer la masse
d'antigènes bactériens qui peuvent entretenir le processus inflammatoire.
L’un des antimicrobiens les plus couramment utilisés dans les MICI félines est le
métronidazole, une molécule qui inhibe également l'immunité à médiation cellulaire. La
posologie recommandée est de 10-15 mg/kg oralement 2x/jour. Parce que les Giardia peuvent
devenir résistantes au métronidazole à faible dose, ce traitement ne devrait pas être engagé sans
préalablement exclure l’existence une giardiase La marge thérapeutique du métronidazole chez
le chat est étroite, et la prudence est justifiée lors d'usage prolongé du médicament. Les effets
secondaires observés sont le plus souvent d’ordre neurologique.
Anecdotiquement, la tylosine a été utilisée pour le traitement des MICI du côlon chez les
chats à un dosage quotidien de 40-80 mg/kg administré en deux doses orales fractionnées. La
tylosine peut aussi avoir des effets anti-inflammatoires. Chez les patients présentant une
maladie de gravité légère, un essai thérapeutique de 3-4 semaines avec des antimicrobiens peut
être mis en place avant d’envisager un traitement immunosuppressif.
Les interactions pathologiques entre la flore bactérienne intestinale et le système
immunitaire inné ou acquis jouent un rôle important dans la pathogénie des MICI. Chez les
chats atteints de MICI, une corrélation entre les coliformes et les clostridies étroitement associés
à la muqueuse et la sévérité clinique de la maladie a été établie. Bien que des études
supplémentaires soient nécessaires pour clarifier cette relation entre les bactéries de la
muqueuse et les MICI félines, l'auteur a vu des chats atteints de MICI répondre de façon
spectaculaire à un traitement aux fluoroquinolones alors que la prednisone, le métronidazole et
un régime d'éviction avaient échoué. Les antimicrobiens sont une modalité de traitement
intéressante avant de passer à une immunosuppression au moyen de médicaments présentant le
risque d'effets secondaires plus importants.
Médicaments immunosuppressifs ou anti-inflammatoires – Ils constituent un pilier du
traitement des MICI félines. La prednisolone est souvent préférée à la prednisone car elle a une
biodisponibilité plus élevée chez les chats. Elle est administrée à la dose de 4 mg / kg par voie
orale (une fois par jour ou divisée en deux doses quotidiennes) pendant 10 jours. Ensuite, la
posologie est réduite de moitié tous les 10-14 jours. L'objectif final est de maintenir le chat à la
dose la plus faible qui demeure efficace, voire d’envisager l'arrêt du traitement aux stéroïdes. Si
le propriétaire est incapable d’administrer des comprimés à son chat, l'acétate de
méthylprednisolone peut être utilisé à 10 mg / kg SC toutes les 2-4 semaines, puis toutes les 4-8
semaines, bien que les stéroïdes à effet dépôt ne semblent pas très efficaces et peuvent causer
plus d'effets secondaires.
Figure 1
Algorithme simplifié pour l'approche diagnostique et thérapeutique de chats avec une
symptomatologie suggérant une ECF (in : Ferguson D et Gaschen F: Les maladies
inflammatoires chroniques de l’intestin chez le chat. Focus vétérinaire (2009), 19, 2, 20-30)
D’autres médicaments immunosuppresseurs comme le chlorambucil et la cyclosporine
sont utilisés dans les cas réfractaires. Le chlorambucil est généralement utilisé seul ou en
combinaison avec la prednisolone à la dose de 2 mg par voie orale par chat tous les deux jours
(chez le chat> 4 kg de poids corporel) ou tous les 3 jours (chez les chats <4 kg de poids corporel),
puis diminué à la dose minimale efficace. Des contrôles hématologiques doivent être effectués
toutes les 2-4 semaines pour détecter d’éventuels signes de myélosuppression. Bien qu'il n'existe
pas de publications sur l’utilisation de la cyclosporine chez les chats atteints de MICI, la dose
généralement recommandée est d'environ 5 mg/kg une fois par jour (25 mg / chat). Une
recherche de maladies infectieuses sous-jacentes comme la toxoplasmose, le FeLV et le VIF est
recommandée avant l'utilisation d'agents immunosuppresseurs.
Administration d’un supplément de vitamines - Il a été démontré que la carence en cobalamine
(vitamine B12) peut être une conséquence de toute maladie gastro-intestinale qui en réduit
l'absorption dans l’iléon. Cette carence peut être facilement confirmée par un dosage de la
cobalamine sérique. La vitamine B12 est impliquée dans plusieurs mécanismes importants du
métabolisme intermédiaire. Les chats déficients en vitamine B12 peuvent avoir plus de peine à
récupérer, la carence peut aussi conduire à un échec apparent du traitement. La cobalamine doit
être administrée par voie parentérale à la dose de 250 μg SC par chat. Les injections sont
administrées une fois par semaine pendant 6 semaines, puis toutes les deux semaines pendant 6
semaines et, enfin, à intervalles mensuels. Il a également été suggéré que l’administration
supplémentaire de vitamine K1 puisse être bénéfique chez les chats souffrant de graves MICI
avec une absorption anormale (1-5 mg / kg SC par jour).
Traitement du lymphome alimentaire - Un traitement par chimiothérapie est possible
et permet une survie moyenne de 6 mois, alors que 40 à 50% des chats survivent une année ou
plus. Les protocoles actuellement recommandés utilisent tous de multiples agents cytostatiques,
par exemple le CVP (cyclophosphamide, vincristine, prednisolone) ou le traitement selon
l’université du Wisconsin à Madison (doxorubicine, vincristine, asparaginase, prednisolone,
etc.). Les tumeurs les mieux différenciées semblent répondre aux schémas de chimio les plus
simples pendant de nombreux mois, alors que les formes blastiques sont plus difficiles à traiter.
En général, le pronostic dépend de la réaction de la tumeur lors des premières semaines de la
chimiothérapie. Si seule une réponse partielle peut être obtenue, le succès de tout schéma de
chimio est compromis.
PRONOSTIC
Dans une étude, 37/47 chats (80%) atteints de MICI traités avec un régime alimentaire la
prednisone ont répondu au traitement. La plupart des propriétaires étaient satisfaits, bien que
les signes cliniques n’aient pas complètement disparu. Les chats affectés de lésions histologiques
sévères ou d’une inflammation à éosinophiles peuvent être plus difficile à gérer. L'absence de
réponse au traitement peut indiquer une MICI réfractaire ou un lymphome. De manière
générale, les propriétaires doivent comprendre que les MICI félines sont une maladie gérable,
mais souvent difficile à guérir.
BIBLIOGRAPHIE
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Ferguson D, Gaschen F. Le maladies inflammatoires chroniques de l’intestin chez le chat. Veterinary
Focus 2009; 19: 20-30
Tolbert MK, Gookin JL.Tritrichomonas foetus: a new agent of feline diarrhea. Compend Cont Educ
Pract Vet 2009; 31: 374-390
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Simpson KW, Fyfe J, Cornetta A et al. Subnormal concentrations of serum cobalamin (vitamin B12) in
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Hart JR, Shaker E, Patnaik AK et al. Lymphocytic-plasmacytic enterocolitis in cats: 60 cases (19881990). Journal of the American Animal Hospital Association 1994; 30: 505-514
Cette journée a été rendue possible grâce à la collaboration de
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