La guerre 14-18 : pourquoi en célébrer le centenaire ?

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Le 21 novembre 2013
La guerre 14-18 : pourquoi en célébrer le centenaire ?
Axel TIXHON, Professeur d’histoire à l’Université de Namur
On assiste à un véritable mouvement qui cherche à commémorer le centenaire de « la
guerre 14-18 », « la guerre des tranchées », « la grande guerre », « la première guerre
mondiale ».
1. La guerre 14-18
• La tragédie de Sarajevo
Avant 1914, les différents acteurs en Europe sont par ordre d’intervention l’empire ottoman,
l’Autriche-Hongrie, la Serbie, la Russie, la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne.
Ces grands ensembles ont été forgés au 19e siècle. L’Allemagne et L’Autriche-Hongrie sont
les puissances centrales. Le territoire russe est immense ; il englobe la Pologne. L’empire
ottoman est également un acteur important ; il possède des territoires en Europe centrale et
au Moyen-Orient.
Tout commence de l’empire ottoman qui est en crise : pas de révolution industrielle, une
économie conservatrice en déclin. Les différents territoires de l’empire ottoman acquièrent
leur indépendance. La Serbie cherche à réunir autour d’elle des pays « cousins », mais elle
se heurte à l’empire austro-hongrois qui souhaite contrôler cette région. La Bosnie est
annexée par l’Autriche-Hongrie, alors que de nombreux Serbes y vivent ; dès lors, des
groupuscules serbes agitent la Bosnie.
D’autre part, les Balkans sont également visés par les plus puissants (Serbie, Russie).
Quant à la France et la Grande Bretagne, ils ont aussi des intérêts dans la Méditerranée
Orientale.
A l’époque, le monde est dominé par l’Europe, qui est divisée en deux grands blocs : le bloc
britannique et le bloc français.
Cette période est donc caractérisée par une rivalité entre les grandes puissances qui se
partagent le monde et se craignent (crainte d’être mangé par un ou des voisins). Les
puissances ont donc tendance à s’allier pour mieux se protéger (défensif et offensif). Ainsi,
différents blocs apparaissent:
• Un bloc Allemagne-Autriche-Hongrie (et Italie)
• La France - dans un premier temps - est isolée et cherche des alliés (Russie)
• La Grande Bretagne reste très timide
En juin 1914, l’héritier d’Autriche-Hongrie est assassiné à Sarajevo par une Serbe de Bosnie.
L’ensemble des grandes puissances ne vont rien faire pour éviter la guerre, et cette crise
locale va évoluer vers une crise générale lorsque la Russie mobilise ses troupes le long de
ses frontières avec l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie.
L’objectif de l’Allemagne est de battre ses deux ennemis : d’abord la France, et ensuite la
Russie. Mais pour attaquer la France, elle doit traverser la Belgique. Lorsque l’Allemagne
envahit la Belgique, la Grande Bretagne intervient – sous le prétexte de préserver la
neutralité de la Belgique, mais en réalité parce qu’elle est intéressée par le port d’Anvers.
Cette intervention surprend fortement l’Allemagne.
• Le choc de l’invasion allemande
La crise de Sarajevo est une surprise totale pour la Belgique et l’Europe ; Namur prépare la
joyeuse entrée du roi Albert Ier et de la reine Elisabeth. La Belgique se pensait à l’abri grâce
à son statut de neutralité. L’Allemagne envahit la Belgique pour prendre la France par
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l’arrière, plutôt que par l’Alsace. Cette invasion allemande en Belgique est extrêmement
violente : nombreux civils exécutés, localités détruites, déportations massives, etc.
Après les combats en France sur la Marne en septembre 1914 et la remontée vers la Mer du
Nord, le front se stabilise. Mais en 1915 et 1916 : offensives meurtrières sur Verdun,
offensives britanniques dans la Somme, offensives allemandes sur Ypres, première
utilisation des gaz chimiques.
• La guerre des tranchées
L’artillerie allemande est surpuissante. Au début de la guerre, les soldats français sont souséquipés (ex. pantalons rouges, pas de casques de protection). On assiste donc à un
véritable massacre au début de la guerre. Et dans les armées, les responsables sont
indifférents aux des hommes qu’on envoie au combat, sauf en Belgique (zone occupée,
impossible de reconstituer une armée).
• La Belgique occupée
Pendant l’occupation, la Belgique connait de nombreuses interdictions : pas de réunions
politiques, censure des journaux par l’Allemagne, couvre-feu, interdiction d’arborer les
couleurs nationales, imposition de l’heure allemande.
L’occupation entraine l’interruption des importations et des exportations, la Belgique est
condamnée à la famine. Mais la communauté internationale se mobilise ; elle organise l’aide,
surtout pour les enfants. La grippe espagnole attaque les organismes affaiblis à la fin de la
guerre.
Malgré tout, l’occupation allemande favorise le développement d’une certaine forme de
patrimoine.
Enfin, la Flamenpolitik, pratiquée par les autorités d'occupation allemandes, privilégie
régulièrement les revendications flamandes. Le nationalisme flamand fait également son
apparition sur le front (devise AVV-VVK). La 1e université en langue flamande est
revendiquée et créée (Gand). Cependant, seule une minorité flamande adhère à ce
mouvement.
• Bilans
La guerre 14-18 a été à l’origine d’une rupture dans le mouvement démographique en 1923
dans la catégorie d’âge des 15-20 ans (morts et manque de naissances pendant la guerre).
La Société des Nations est créée ; dans un premier temps, elle ne comprend que des
vainqueurs; mais, elle ne fonctionne pas car elle n’a pas d’armée et les Etats Unis n’en font
pas partie.
Lors des Traités de Versailles, la Yougoslavie est donnée en récompense à la Serbie, et des
indemnités sont réclamées à l’Allemagne, qui est considérée comme responsable de la
guerre.
Durant cette période, l’Européen s’exprime de façon très critique sur sa civilisation.
2. Pourquoi célébrer ce centenaire ?
C’est une question d’héritage, de patrimoine. Il n’y a plus de témoins humains, uniquement
des lieux (ex. cimetières militaires, monuments). Il est intéressant de visiter ces lieux.
Il s’agit d’un plaidoyer pour l’Europe et la paix. Cette démocratie est née après la 1e guerre ;
mais il a fallu attendre 1948 pour que les femmes obtiennent le droit de vote.
De nouvelles nations ont surgi.
Cela a également attiré l’attention vers de nouveaux enjeux, comme l’enfance.
Enfin, c’est une prise de conscience douloureuse de la dangerosité de la culture
européenne.
La Belgique a joué un rôle très important dans la construction européenne.
La guerre 14-18 est le début du processus de fédéralisation de la Belgique. Dès 1930, on
décide l’unilinguisme régional (pas de bilinguisme du pays).
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• Quelles commémorations ?
L’Europe joue un rôle très discret. Le pouvoir fédéral est peu présent.
Par contre, la Flandre investit depuis plusieurs années dans les commémorations : Musée
« In Flanders Fields » à Ypres, où tout y est orienté vers le monde anglo-saxon.
En Wallonie, les commémorations sont organisées par les localités.
* * * * *
Questions – Réponses
1. Les Etats Unis étaient neutres au début de la guerre. Ils entrent en guerre en 1917, car le
blocus allemand vis-à-vis des bateaux de commerce entrave le commerce américain. Le
soutien américain est essentiellement matériel.
2. Les carnets de guerre écrits par des soldats dans les tranchées sont des documents
précieux. Mr Tixhon conseille de mettre ces documents scannés sur internet.
3. La réalisation du Mémorial Interallié de Cointe a été commencé dans l’entre deux
guerres, mais le monument est inachevé…
4. Les Allemands ne sont pas les seuls responsables de la guerre. Il s’agit d’une crise à
ricochet. Le comportement de l’Allemagne est provoqué par le comportement agressif
d’autres pays comme la Russie. Il est très difficile de dire qui dans les grandes nations
n’est pas responsable. La Grande-Bretagne a exercé une diplomatie fuyante en assurant
à l’Allemagne qu’elle n’interviendrait jamais, tout en assurant à la France qu’elle
interviendrait toujours.
5. Le Musée Royal de l’Armée dispose de très peu de moyens.
6. Tiédeur des Wallons ? En 1914, l’armée belge est plus nombreuse que prévu, car de
nombreux Belges se portent volontaires (nationalisme, patriotisme élevé). Aujourd’hui,
les Wallons s’investissent plus dans ces commémorations que le fédéral. Mr Tixhon
estime que c’était le devoir du pouvoir fédéral de coordonner les commémorations ; il n’y
avait pas de Flamands ou de Wallons en 1914 !.
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