Evreux, le 30 octobre 2009 Un affaiblissement du dynamisme économique de l'Eure Lettre ouverte aux entreprises de l'Eure Madame, Monsieur, ► Je vous écris cette lettre parce que je suis inquiet. Lorsque je me suis engagé en politique, j'étais, comme beaucoup d'autres élus, porté par le mouvement de décentralisation dans lequel la France s'engageait. Or, après 30 ans de progrès continu et de grand succès, la décentralisation est aujourd'hui en passe d'être stoppée et inversée. La réforme territoriale qui sera soumise au Parlement une fois passées les élections régionales (comme par hasard) prépare en effet la reprise en main des territoires par le pouvoir central. J'ai souhaité vous alerter en particulier sur les menaces que fait peser la réforme territoriale sur le dynamisme économique de nos territoires. Depuis 1982, les lois de décentralisation permettent aux collectivités territoriales, et en particulier aux Départements, d'intervenir au-delà de leurs compétences que sont l'action sociale, les routes et les collèges. C'est ainsi que nous menons depuis 2001 une politique volontariste de soutien aux entreprises, au monde agricole et aux structures d'enseignement supérieur et de recherche qui agissent en synergie avec le monde économique. L'Eure, 7e département industriel français, possède un tissu important de PME parfois très innovantes. Mais certains des secteurs dans lesquels l'Eure entreprend, à savoir la soustraitance automobile et les industries de la santé/beauté, sont exposés plus que les autres aux aléas de la conjoncture économique. C'est pourquoi depuis le début de la crise actuelle, nous avons renforcé nos dispositifs de soutien à la croissance économique locale par un maintien de l'effort d'investissement : 84 M€ d'investissement direct pour financer les équipements départementaux, 44 M€ de subventions pour aider les communes à réaliser leurs projets structurants et 1,2 Mrds d'€ disponibles dès cette année pour les projets d'investissement dans le cadre de la contractualisation 276 avec la Région et la Seine-Maritime. Nous avons renforcé également notre soutien direct à l'économie locale : 9,7 M€ dont 4,7 M€ d'aides directes aux entreprises ! Qui plus est, nous avons instauré un assouplissement des règles relatives aux dispositifs existants et créé des mesures exceptionnelles pour soutenir et accompagner les entreprises (aide à la construction/acquisition de bâtiments industriels, prêt départemental de soutien aux entreprises…), sans parler de la mise en place (avec les 3 agglomérations de l'Eure) d'un dispositif de portage immobilier pour l'installation des entreprises. Enfin, nous soutenons la mise en réseau des entreprises, les pôles de compétitivité et l'enseignement supérieur et la recherche (IUT d'Evreux). Or, tout ce que nous avons fait jusqu'ici pour accompagner le développement de l'économie départementale et atténuer les effets de la crise dans l'Eure nous serait tout simplement interdit si la réforme territoriale était adoptée en l'état. Car la suppression de la "clause de compétences générale" nous cantonnerait dans nos compétences régaliennes. De même, la fin des co-financements, impliquant l'exigence d'un financement majoritaire des projets par la collectivité maîtresse d'ouvrage, aurait des conséquences négatives pour les collectivités qui ne disposent pas des moyens suffisants pour financer seules leurs réalisations. Sachant qu'au total, les collectivités territoriales assurent aujourd'hui 75% des l'investissement public. Au-delà de la mise en péril des solidarités territoriales, c'est un secteur très important de notre économie qui serait impacté, à savoir le BTP et l'artisanat. Vous l'aurez compris, la réforme territoriale, si elle était votée en l'état, aurait des conséquences dommageables pour la santé économique de notre département. Il m'apparaissait indispensable de vous alerter sur ce projet de loi contesté par une grande majorité d'élus toutes tendances politiques confondues. J'aime mon Département et je le défendrai. Je n'accepterai pas qu'il soit mis en danger par une opération qui remet en cause les fondements de la décentralisation. Je vous invite à vous intéresser à ce débat, à lire les projets de loi et à vous emparer de ces questions. Je reste bien entendu à votre disposition et vous prie d'agréer, Madame, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées. Jean Louis Destans Président du Conseil général de l'Eure