Prescriptions inappropriées Dr Xavier Lainé – Département MG Lyon Document sous licence Creative Commons Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 1 Etude PAAIR Prescription Ambulatoire des Antibiotiques dans les Infections Respiratoires • Conçue et réalisée par des médecins généralistes ( Prof. Claude Attali) • Entre 2000 et 2003. • Méthode du « praticien réflexif » • Technique dite de l’incident critique Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 2 Etude PAAIR « praticien réflexif » • Pour mieux comprendre les déterminants de la prescription d’ATB dans des situations où cette prescription n’est pas justifiée, le fonctionnement médecin/patient « in vivo » a été étudié • Les praticiens acceptaient de tenter « en situation » des transformations de leur pratique de prescription. Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 3 Etude PAAIR « incident critique » • Incident critique à issue favorable ICF – Celui qui abouti à une non prescription d’ATB après une adaptation stratégique • Incident critique à issue défavorable ICD – Celui qui conduit à une prescription d’ ATB du fait • Du renoncement • Ou de l’échec de la mise en place d’une stratégie de non prescription • Prescription différée: soit ICF soit ICD Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 4 Etude PAAIR facteurs influençant l’issue vers ICD résultats quantitatifs • Les ATB ont été davantage prescrits: – – – – Le patient semblait fatigué ou très fatigué S’il était perçu comme ayant un risque En cas de faible certitude sur l’origine virale Si le médecin avait l’intime conviction que les ATB étaient une bonne réponse au problème posé par le patient ou la maladie Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 5 Etude PAAIR facteurs influençant l’issue vers ICF résultats quantitatifs • A l’inverse le médecin prescrivait d’autant moins d’ ATB que: – Le patient semblait en forme – Que le médecin était capable d’expliquer sa décision Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 6 Analyse contexte du recours • La grande majorité des recours concerne les viroses hautes, plus rarement basses • Pas de différences assez importante entre les différentes plaintes, symptômes, syndromes et pathologies qui puissent expliquer la prescription ou non d’ATB. • En cas de bronchite la prescription semble plus importante. Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 7 Etude PAAIR facteurs influençant l’issue vers un ICD résultats qualitatifs • • • • • • Le patient souhaite des ATB Le patient fait référence à des expériences passées, avec notion d’échec Le traitement ATB est déjà commencé Le patient renvoi à des épreuves personnelles ou familiales douloureuse La prescription d’ATB n’est pas le principal motif de consultation Il s’agit du 2° ou 3° contact pour cet épisode • • • • • Plusieurs médecins sont mis en concurrence Le patient paraît fatigué ou très fatigué Le malade est perçu à risque Le médecin doute de l’origine virale La conviction du médecin est forte et opposée aux recommandations Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 8 Analyse contexte du recours • La prescription est plus importante: – En cas de faible certitude de l’origine virale par le médecin – Ou lorsque le patient était perçu comme fatigué – La perception de « patient à risque » va au delà des critères habituels en infectieux et inclus: • • • • Antécédents ORL Maladies graves anciennes Difficultés personnelles ( professionnelles et/ou familiales) Troubles psychiques et / ou de la personnalité Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 9 Analyse contexte du recours • les motifs de pression du patient – – – – – Personnels 60% Professionnels 35% Familiaux 22% Évènementiels, voyage, examen 22% Mais le motif évènementiel est celui qui pèse le plus en faveur de la prescription – La référence à des expériences passées considérées ou non comme un échec Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 10 Analyse contexte du recours • La fatigue et le manque de temps du médecin est très en faveur d’une évolution défavorable de l’incident critique Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 11 Total ICF ICD p Patients perçus comme plutôt en forme 66,1% 76,7% 57,5% <0,005 Patients perçus comme plutôt fatigués 33,9% 23,3% 42,5% <0,005 Patients perçus comme à risque 13,1% 7,1% 17,9% <0,005 Faible certitude de l’origine virale 7,9% 1,3% 15% <0,005 Prescription par conviction personnelle du médecin 27,4% 14,9% 37,2% <0,005 Explications de la décision au patient 77,5% 95,3% 62,9% <0,005 Satisfaction de sa décision par le médecin 68,2% 94,2% 47,2% <0,005 Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 12 Analyse la relation médecin-malade • 5 types de relations ont été étudiées: – – – – – 1er contact avec niveau d’empathie variable Relation occasionnelle Paternaliste Ancienne à type d’investissement mutuel Franchement amicale ou conflictuelle • N’est pas un facteur prédictif de la prescription ou non d’ ATB Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 13 Indice de satisfaction médecin ICF ICD Satisfait 77 44 Mitigé 5 9 Mécontent 0 37 Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 14 Satisfaction des patients ressentie par le médecin ICF ICD Satisfait 57 82 Mitigé 15 6 Mécontent 10 0 Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 15 Les représentations • Médicaments • Médicaments puissants puissants • Plus d’avantages • Plus d’avantages que de risques que de risques • Intuitivement plus de • Intuitivement plus de pouvoir que ce qui pouvoir que ce qui est reconnu dans est reconnu dans les les recommandations recommandations ( placebo) placebo) Infectieux ORL chez (enfant, 16 FORGENI, nov 2012 Et si on essayait d’être « satisfait » Dr Xavier Lainé Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 17 La décision de prescription • Émergence de l’incident critique, c’est à dire le moment où le médecin perçoit que la non prescription risque de poser un problème – dans 50% des cas dès le début – dans 50% au cours de la consultation – en cas d’ICD souvent en fin de consultation Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 18 La décision de prescription • Le processus de prescription effective s’élaborait durant toute la consultation – Pendant ou à la fin de l’examen en cas d’ICF – Majoritairement soit tout au début soit tout en fin de consultation en cas d’ICD Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 19 Les stratégies mises en œuvre • DEUX SITUATIONS: – NON PRESCRIPTION – PRESCRIPTION Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 20 Les stratégies mises en œuvre NON PRESCRIPTION • La mise en place d’une stratégie est indispensable à la non prescription. – Stratégie de conviction délibérément mise en place – Rendant possible la stratégie d’application du référentiel Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 21 Les stratégies mises en œuvre NON PRESCRIPTION • Nécessite toujours une explication • Ne pose pas de problème particulier aux médecins • Nécessite d’utiliser le temps pour – écouter – et décoder les raisons de la demande d’antibiotiques • Cependant pas de différence entre la durée des consultations entre ICF et ICD ( ni avec les consultations habituelles du médecin) Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 22 Les stratégies mises en œuvre NON PRESCRIPTION • • • • Ritualisation et théatralisation de l’examen Explications générale sur les maladies virales Inefficacité des ATB voire effet délétère Explications sur la santé individuelle des patients plutôt que sur les recommandations de santé publique • Le référentiel parfois montré • Recours au contexte épidémiologique local Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 23 Les stratégies mises en œuvre NON PRESCRIPTION • Explication non suffisante pour ne pas prescrire • Imposait de proposer, de négocier des stratégies alternatives à la prescription des ATB – Alternative thérapeutique – Proposition de surveillance à court et moyen terme – Prescription différée Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 24 Ce qui ne fonctionne pas Ce qui fonctionne Pas de mis en place de stratégie Mise en place de stratégie de conviction Repérage tardif de l’incident critique Repérage tôt de l’émergence de l’incident Explication à minima Intention de ne pas prescrire précoce Mais position ouverte et négociée Décision de prescription en toute fin de consultation Examen ritualisé et commenté dès le début: organisation inverse de la consultation orientée vers la non prescription Pas d’explication Explication précise sur les virus et bactéries Explication sur l’action des ATB Explication des effets nocifs des ATB Travail à partir des craintes / représentations des malades Proposition d’une étiologie de « rechange » non infectieuse Proposition d’une alternative thérapeutique Proposition de mise en place d’un suivi Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 25 Et bien c’est pas fini.. Que s’est-il passé au cours de l’étude ? Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 26 Lors des premiers mois • ICD – Aucune stratégie n’est mise en place – Tout au plus information « a minima » – Sans y croire vraiment ( se sentant obligé de le faire) – Percevait tôt l’émergence de l’incident – Sans possibilité de modifier l’issue – Risque de perturber la consultation – Arrivée trop tardive de la prise de conscience de l’incident Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 27 Dans les trois derniers mois • Travail sur les premières convictions et évitent la prescription • Ritualisation de l’examen persiste • Mise en place de stratégies de plus en plus tôt • Explications plus personnalisées • Intérêt pour les représentations des malades. Rôle probable de la réflexivité sur leur pratique Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 28 Dans les trois derniers mois • Interrogation sur la réalité de la pression subie • Différence entre ressentie et demande formulée • La demande d’un traitement n’était pas obligatoirement synonyme d’une demande d’ATB • Impose de travailler sur ses propres représentations • Surpris que les malades acceptent une prescription sans ATB Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 29 Un incident critique à évolution favorable… • Prendre rapidement la décision de ne pas prescrire • Repérer tôt que la décision prise risque de poser problème • Ensuite faire expliciter la demande • Travailler sur les raisons profondes • Enfin ritualiser et négocier la non prescription tout au long de la consultation Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 30 Un incident critique à évolution favorable… • Architecture contraire à ce qui est conseillé habituellement dans une orientation prescriptive – Signe – Diagnostic – Traitement • Ne rallonge pas le temps de la négociation Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 31 Et la relation… • Pas prédictive du résultat final • 2 types de phénomènes qui se neutralisent – Ne pas prendre le risque de remettre en cause une bonne relation – La qualité et la confiance réciproque ont permis la non prescription d’ATB – Mais c’est quoi une bonne relation…? Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 32 Et la relation… • Il s’agit d’un investissement élaboré au fil du temps par le médecin et le malade pour tenter de résoudre les problèmes qui se posent à eux. • Les tentatives de résolution de ces derniers enrichissent et nourrissent peu à peu cette relation • Chacun apprend ce qu’il peut dire et surtout attendre de l’autre. Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 33 • Attali C. Rola S. Renard V. Roudot-Thoraval F. Montagne O. Le Corvoisier P. Médioni M. Cittée J. Compagnon L. Situations cliniques à risque de prescription non conforme aux recommandations et stratégies pour y faire face dans les infections respiratoires présumées virales. exercer 2008;82:66-72 • Le Reste JY. Cadier S. Kerusoré B et al. Concordance des déterminants non cliniques de la prescription d’antibiotique avec les pratiques des médecins généralistes. exercer 2010,90(suppl 1):485-95 • Précastaing JB. Prouff B. Gay B. Etude de l’influence des facteurs non cliniques sur la décision de prescription d’antibiotiques en médecine générale. exercer 2009;85 (suppl 1) 64 Infectieux ORL chez enfant, FORGENI, nov 2012 34