Mission pour la Science et la Technologie de l’Ambassade de France aux Etats-Unis La Conférence annuelle de TAMEST 2015 sous l’égide du Cancer [partie 2/2] Publié le vendredi 6 février 2015 Voir en ligne : https://www.france-science.org/La-Conference-annuelle-de-TAMEST,4429.html Cette brève fait suite à une première partie présentant la conférence TAMEST 2015 et abordant différents aspects de la lutte contre le cancer, tels que l’épidémiologie, la prévention, et la détection précoce. Cette deuxième partie s’intéresse aux avancées dans la recherche sur le cancer. Recherche L’implication des gènes dans l’apparition du cancer a fait l’objet de 4 présentations. L’objectif de cette recherche sur les gènes causant le cancer ou oncogènes est d’obtenir une vision assez précise des mécanismes génétiques mis en jeu lors de la prolifération du cancer de manière à pouvoir influencer le cycle menant au développement de cellules cancéreuses. Et l’un des plus importants avancements dans le traitement du cancer a été le développement de médicaments qui inhibent des oncogènes. De telles thérapies ont connu certains succès significatifs et la communauté des chercheurs s’est fortement focalisée sur la prospection de nouvelles cibles d’oncogènes par la caractérisation génétique et épigénétique massive des génomes du cancer. Au cours de la conférence TAMEST 2015, le Dr. James Brugarolas de l’Université du Texas - Centre Médical du Sud-Ouest a en particulier discuté de ses travaux concernant le cancer du rein qui est diagnostiqué auprès de plus de 60.000 Américains chaque année [1]. Le Dr. Brugarola s’est intéressé tout particulièrement au plus commun des cancers du rein, le carcinome à cellules claires (ccRCC pour clear-cell cell carcimona). Ce cancer est caractérisé par la perte du gène VHL, un gène suppresseur de tumeurs, une catégorie de gènes qui code les protéines qui limitent la prolifération des cellules. Le groupe du Dr. Burgarolas travaille sur la relation entre les gènes VHL, BAP1 et PBRM1 trois gènes localisés sur le même région du chromosome 3 (3p). Son groupe a en particulier remarqué que les mutations des gènes BAP1 et PBRM1 étaient anti-corrélés et que les patients ayant perdu simultanément les gènes VHL et BAP1 ont des cancers bien plus agressifs que les patients ayant perdu simultanément les gènes VHL et PBRM1. Ils proposent ainsi que les cancers du rein de type ccRCC débutent par une mutation intra-génique du gène VHL suivie par une perte de (3p) et une mutation de PBRM1 ou de BAP1. Le Dr. Brugarolas et son groupe de recherche tentent maintenant d’établir la première classification génétique du cancer du rein de type ccRCC avec l’identification de deux sous-types de ccRCC ayant des conséquences très différentes pour les patients et ainsi présenter un modèle unifié pour le développement des cancers du rein de type ccRCC. Un autre intervenant, le Dr. Frederic de Sauvage, a présenté les recherches de son groupe au sein de l’entreprise Genentech Inc., membre du groupe Roche, dont le siège social est localisé en Californie [2]. Le Dr. de Sauvage et son groupe travaillent sur l’influence de la voie de signalisation nommée Hedgehog sur un type de cancer de la peau, le carcinome basocellulaire (BCC pour basal cell carcinoma), et un type de tumeur du cerveau, le médulloblastome [3]. La famille des protéines Hedgehog (Hh) contrôle la croissance, la survie, et le sort des cellules et façonne presque tous les aspects du corps des vertébrés. La voie de signalisation Hh est donc un élément clé durant l’embryogénèse et est très active durant cette période (gène associé Hh s’exprime) ; a contrario, elle est relativement inactive durant la vie adulte (le gène Hh est inactif). Cependant, certaines cellules cancéreuses semblent avoir la capacité à réactiver la voie de signalisation Hh dans les tissues adultes conduisant au développement de tumeurs malignes. Différentes voies de réactivations ont été identifiées. La première implique la libération par les cellules cancéreuses d’une protéine activant la voie de signalisation Hh de cellules environnantes qui favorise la croissance tumorale. Le groupe du Dr. de Sauvage a également trouvé que la mutation de certains gènes au sein même des cellules cancéreuses résulte en l’activation constante de la voie de signalisation Hh au sein des cellules ce qui conduit à la production d’un signal qui aide directement la croissance de la tumeur. A partir de ces connaissances, un inhibiteur de voie de signalisation Hh, a été synthétisé, le Vismodegib (GDC-0449), et testé chez des patients atteints de BCC en phase avancée dans le cadre de la phase I de tests cliniques. Dans un premier temps, le Vismodegib s’est montré très efficace dans le traitement des patients ; les tumeurs ont diminués pour presque disparaitre. Toutefois, après environ un an de traitement, les tumeurs ont de nouveau réapparu et se sont propagées. Selon le Dr. de Sauvage et son équipe, l’explication se trouve dans la variété des mutations des cellules cancéreuses (cf. figure 1). Figure 1 : Description schématique du mécanisme de reprise de croissance d’une tumeur après traitement avec un inhibiteur de voie de signalisation Hh. La tumeur cancéreuse initiale (à gauche) est composée de plusieurs cellules cancéreuses pouvant avoir subi différentes mutations ; nous ne considèrerons ici que deux mutations par soucis de simplification. Le traitement avec un inhibiteur de voie de signalisation Hh ciblant la mutation "1" va dans un premier temps permettre une réduction de la tumeur (centre) par une réduction des cellules cancéreuses portant la mutation "1" mais laissant intactes les cellules cancéreuses portant la mutation "2". Au cours du temps, les cellules cancéreuses portant la mutation "2" vont se développer et la tumeur grossit à nouveau. Crédits : MS&T Cet exposé démontre la complexité des traitements du cancer et la difficulté à transférer le savoir génomique en stratégies thérapeutiques bénéfiques et viables cliniquement. Cela est d’autant plus vrai que la fonction d’approximativement 90% des gènes de l’Homme est inconnue ce qui rend difficile de prédire comment un changement génétique individuel dans un cancer contribue à la pathogénèse de la maladie ou aux possibilités de traitement. C’est à ce problème que le groupe du Dr. Thomas Westbrook au Baylor College of Medicine s’est attelé depuis une décennie développant des technologies génétiques transformatives qui permettent aux scientifiques de rapidement trouver la fonction d’un gène [4]. Le Dr. Westbrook a été récompensé du prix O’Donnel de médecine lors de la conférence TAMEST 2015 [5]. Ce prix lui a été attribué pour son utilisation intelligente des technologies génétiques pour mettre à jour les circuits génétiques conduisant à la malignité d’une tumeur chez l’Homme et les nouvelles possibilités de thérapies du cancer qui en découlent. L’une de ses plus récentes recherches a conduit à l’identification de nouveaux gènes qui participent au cancer du sein triple négatif (TNBC ou Triple-Negative Breast Cancer), une forme agressive et difficile à traiter de cancer. Ce travail a conduit directement à de nouveaux traitements testé non seulement au Baylor College of Medicine mais également dans d’autres centres hospitaliers des Etats-Unis. D’autres approches au traitement du cancer largement déconnecté de la génétique ont été également discutées durant TAMEST 2015. En particulier, l’intervention du Dr. James Allison de l’Université du Texas Centre du Cancer MD Anderson, et membre de l’Académie Nationale des Sciences des Etats-Unis [6-7]. Le Dr. Allison est crédité de l’une des plus importantes avancées dans l’histoire du cancer ; l’existence de multiples voies non-redondantes inhibitrices qui limitent la réponse les lymphocytes T, une catégorie de leucocytes qui sont responsables de l’immunité cellulaire, face au cancer. La connaissance de ces voies inhibitrices offre de nouvelles possibilités de traitement par la mobilisation du système immunitaire pour attaquer les tumeurs cancéreuses. Le Dr. Allison a en particulier parlé des récepteurs de protéines CTLA-4 et PD-1 qui régulent négativement le système immunitaire. Lors d’un récent essai clinique de phase II, une combinaison d’anti-PD-1 et anti-CTLA-4 dans des mélanomes a entrainé une réponse positive dans environ 50% des patients atteints de mélanomes en phase avancée. Bien que le Dr. Allison reconnaisse que de nombreuses recherches restent à réaliser pour arriver à un traitement efficace et viable, il reste très confiant sur le potentiel de cette approche thérapeutique. Pour ces travaux, certains le verraient bien recevoir un prix Nobel. Conclusions De cette conférence, nous retenons quatre concepts : - la prévention est un élément clé qu’il faut mettre en lien avec les risques génétiques et environnementaux des personnes ; - la détection à un stade précoce de la maladie accroit exponentiellement le taux de survie des patients ; - il n’existe pas une forme de cancer mais de multiples formes de cancer. La conséquence de cette constatation est qu’il sera difficile de trouver un remède unique au cancer. Les scientifiques présents ne voient pas une éradication du cancer dans un avenir proche mais ils promettent une amélioration des soins notamment grâce à la personnalisation du traitement basé en particulier sur l’héritage génétique des patients ; - De nouvelles voies de recherche plus globales semblent prometteuses. — A lire également : La Conférence annuelle de TAMEST 2015 sous l’égide du Cancer [partie 1/2] http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/77801.htm Sources : - [1] Profil du Dr. James Brugarolas - http://profiles.utsouthwestern.edu/profile/80679/james-brugarolas.html - [2] Profil du Dr. Frederic de Sauvage - http://www.gene.com/scientists/our-scientists/frederic-de-sauvage - [3] Vidéo YouTube - Genentech : The Hedgehog Signaling Pathway and Cancer -https://www.youtube.com/watch?v=XVePUTdUdTw [4] Profil du Dr. Thomas Westbrook https://www.bcm.edu/people/view/b26b8e5c-ffed-11e2-be68-080027880ca6 [5] Prix O’Donnell pour la médecine, TAMEST 2015 https://www.bcm.edu/news/awards-honors-faculty-staff/westbrook-tamest-edith-peter-odonnell-award - [6] Profil du Dr. James Allison - http://faculty.mdanderson.org/James_Allison/default.asp?SNID=0 - [7] Profil du Dr. James Allison selon l’American Society of Clinical Oncology (ASCO) http://www.ascopost.com/issues/september-15,-2014/immunotherapy-research-of-james-p-allison,-phd,-has-le d-to-a-paradigm-shift-in-the-treatment-of-cancer.aspx Pour en savoir plus, contacts : - Le site du NCI sur les liens entre obésité et risque de cancer : http://www.cancer.gov/cancertopics/factsheet/Risk/obesity - Le rapport annuel des avancées cliniques des progrès de la lutte contre le cancer de 2015 de la société américaine d’oncologie clinique : http://jco.ascopubs.org/content/early/2015/01/16/JCO.2014.59.9746.full.pdf - Le site du NCI sur les liens entre obésité et risque de cancer : http://www.cancer.gov/cancertopics/factsheet/Risk/obesity - Le rapport annuel des avancées cliniques des progrès de la lutte contre le cancer de 2015 de la société américaine d’oncologie clinique : http://jco.ascopubs.org/content/early/2015/01/16/JCO.2014.59.9746.full.pdf Code brève ADIT : 77802 Rédacteurs : - Christian Turquat, Attaché scientifique, [email protected] ; - Lucile Alexandre, Stagiaire, [email protected] ; - Suivre le secteur Physique, Chimie, Nanotechnologies sur twitter @Fr_US_Nanotechs. 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