IRD fiche scientifique n°269 - Un nouveau mécanisme symbiotique

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Fiche n°269 - Juin 2007
omment obtenir des
rendements agricoles
satisfaisants sans déverser
de grandes quantités d’engrais chimiques sur les cultures ? Afin de répondre à cette
question, des chercheurs de
l’IRD et leurs partenaires (1)
étudient une relation symbiotique particulière, associant
une légumineuse aquatique,
l’Aeschynomene et une bactérie photosynthétique du
genre Bradyrhizobium. Cette
bactérie, capable de fixer
l’azote de l’air, provoque sur
les racines et les tiges de la
plante la formation de nodules. Une fois colonisés par le
microorganisme, ces nodules
procurent à la plante l’azote
nécessaire à sa croissance.
En étudiant le génome de la
bactérie, les chercheurs ont
découvert qu’elle ne possédait pas les gènes nod, habituellement impliqués dans
les mécanismes symbiotiques chez tous les rhizobiums connus. Ces résultats, publiés dans la revue
Science, remettent ainsi en
cause le dogme actuel reconnaissant l’existence d’un
unique processus de nodulation. La compréhension de
ce nouveau type de dialogue
moléculaire pourrait permettre, à terme, d’améliorer le
rendement des productions
agricoles, notamment dans
les zones tropicales où la
pauvreté des sols en azote
représente un handicap
majeur .
© IRD/Eric Giraud
C
Un nouveau mécanisme
symbiotique plante-bactérie
prometteur pour l’agronomie
Coupe transversale d'un nodule de tige d'Aeschynomene sensitiva
La croissance de la plupart des végétaux
dépend de la présence, dans le sol, d’azote
en quantité suffisante. Cependant une famille
de végétaux, les légumineuses, s’affranchit
partiellement de cette contrainte en s’associant à des bactéries du sol du genre rhizobium, capables de capter l’azote présent dans
l’air. Quand ces bactéries entrent en contact
avec leur hôte végétal, elles provoquent au
niveau des racines l’apparition de nodules au
sein desquels elles se réfugient. Cette relation
étroite appelée symbiose bénéficie aux deux
organismes : la plante fournit des éléments
nutritifs à la bactérie qui lui restitue en retour
l’azote qu’elle a emmagasiné.
Ces interactions améliorent les rendements
agricoles des légumineuses qui occupent une
place centrale dans l’alimentation humaine
(soja, pois, arachides…) et animale (luzerne,
trèfle, sainfoin). De plus, la culture de légumineuses associées aux bactéries participe
aux opérations de revégétalisation des sols
appauvris en azote par exploitation, érosion, désertification…Le couvert végétal ainsi
formé permet une restauration écologique,
enrichissant les sols en azote. Toutefois, les
processus symbiotiques étudiés concernent
surtout les légumineuses des zones tempérées, et peu celles des zones tropicales.
L’équipe du Laboratoire des Symbioses
Tropicales et Méditerranéennes et ses partenaires (1), prenant pour modèle une symbiose entre une légumineuse aquatique tropicale, l’Aeschynomene, et Bradyrhizobium,
une bactérie de la famille des rhizobiums,
>>
Institut de recherche pour le développement - 213, rue La Fayette - F-75480 Paris cedex 10 - France - www.ird.fr
Pour en savoir plus
CONTACTS :
ERIC GIRAUD
IRD UR 040 Laboratoire des
Symbioses Tropicales et
Méditerannéennes ( LSTM )
+33(0) 4 67 59 37 83
[email protected]
RELATIONS AVEC LES MÉDIAS :
+33 (0)1 48 03 75 19 ;
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INDIGO, PHOTOTHÈQUE DE L’IRD
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IRD AUDIOVISUEL
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RÉFÉRENCE :
ERIC GIRAUD ET AL. Legumes
Symbioses : Absence of Nod
Genes in Photosynthetic
Bradyrhizobia, Science, 1er juin
2007.
MOTS-CLEFS :
SYMBIOSE, AZOTE,
BRADYRHIZOBIUM,
AESCHYNOMENE, LÉGUMINEUSES, BACTÉRIES, GÈNE NOD,
NODULES
Les chercheurs ont séquencé (3) le
génome de deux souches bactériennes de
Bradyrhizobium, ORS278 et BTAi1, afin de
connaître leur patrimoine génétique et d’identifier les gènes impliqués dans cette symbiose particulière. Ils ont ainsi découvert que
ces bactéries sont dépourvues des gènes
nod, indispensables à la formation des nodules. Bradyrhizobium utiliserait par conséquent
des mécanismes faisant intervenir d’autres
gènes. Ces résultats surprennent d’autant
plus qu’ils remettent en question le modèle
universellement reconnu de dialogue moléculaire provoquant la symbiose rhizobiums/
légumineuses. Ce modèle commun exige la
présence de plusieurs gènes nod permettant
la synthèse d’un facteur Nod. Ce dernier est
une molécule fabriquée par la bactérie qui
lui permet d’être reconnue par la plante et de
pouvoir rentrer à l’intérieur au niveau de poils
sur les racines. Sans cette molécule signal,
il ne peut y avoir de nodules conduisant à la
symbiose. Quelle voie de signalisation utilise
alors Bradyrhizodium pour s’introduire dans
la plante et induire la nodulation ?
Les chercheurs ont tout d’abord constaté
que la bactérie pénètre dans les racines de
sa plante-hôte non pas par les poils mais en
utilisant des « zones de crack » que l’on peut
comparer à des zones de blessures. Ils ont
ensuite tenté d’identifier les gènes impliqués
dans la fabrication de la molécule signal
inconnue, jouant le rôle du facteur Nod. A
la lumière de l’ensemble des résultats obtenus, ils ont émis l’hypothèse qu’une molécule
proche d’une hormone végétale (4), la cytokinine, pourrait intervenir dans les mécanismes
déclenchant la nodulation.
La découverte de la nature de la molécule
signal elle-même, qui reste encore à déterminer, laisse entrevoir de futures applications
agronomiques.
En effet, de nombreux végétaux vivent en
symbiose avec des bactéries, mais seul le
fonctionnement d’un petit nombre de ces
interactions est connu. La mise en évidence,
chez certains rhizobiums, de voies alternatives
capables de déclencher le signal de nodulation donne l’espoir d’associer ces bactéries à
des plantes différentes des légumineuses. Il
deviendrait alors envisageable d’accroître la
production agricole d’un nombre plus important de plantes, notamment dans les pays
tropicaux, en limitant l’utilisation d’engrais.
(1) Ces recherches ont été conduites au
Laboratoire des Symbioses Tropicales et
Méditerranéennes, UMR 113 (IRD, CIRAD,
AGRO-M, INRA, Université Montpellier 2),
avec la collaboration du Génoscope d’Evry,
du CEA, du DOE Joint Genome Institut, de
l’Université du Minnesota et de l’Université
du Missouri.
(2) Voir fiche n°154 accessible à www.ird.
fr/fr/actualites/fiches/2002/fiche154.htm
(3) séquençage : méthode de biologie moléculaire permettant de connaître toutes les
séquences d’ADN d’un organisme, et donc
ses gènes.
(4) les hormones végétales jouent un rôle
de communication au sein de la plante
Rédaction – IRD : Stéphane Sapolin
© IRD/ Eric Giraud
Fiche n°269 - Juin 2007
viennent de mettre en évidence un nouveau
mode de communication à l’échelle moléculaire entre ces deux organismes. La bactérie
de ce modèle original possède sa propre voie
de photosynthèse, propriété unique chez les
rhizobiums (2). Ce caractère particulier lui
confère la capacité exceptionnelle et rare de
former des nodules sur les tiges de sa plantehôte. Celle-ci acquiert ainsi la possibilité de
fixer des quantités d’azote bien supérieures
à celles mesurées habituellement chez les
légumineuses qui ne possèdent des nodules
que sur leurs racines.
Symbiose A.Sensitiva Bradyrhizobium contrôle (gauche) inoculation racine (droite) et inoculation tige
(milieu)
Marie Guillaume-Signoret, coordinatrice
Délégation à l’information et à la communication
Tél. : +33(0)1 48 03 76 07 - fax : +33(0)1 40 36 24 55 - [email protected]
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