Actualités diverses en neurosciences et en neuropharmacologie Vincent Seutin Plan • Nouvelles méthodes d’étude des relations entre activité électrique cérébrale au niveau cellulaire et comportement – Optogénétique – Chémogénétique • Actualités sur l’utilisation de la kétamine en psychiatrie Etapes d’une expérience d’optogénétique Précision temporelle ++ Optogénétique: principe • Utilisation d’opsines excitatrices (channelrhodopsine-2, ChR2) ou inhibitrices (halorhodopsine, eNpHR), éventuellement couplées à une protéine fluorescente pour visualiser les neurones transfectés (transfection par virus de type AAV [adeno-associated virus] ou lentivirus) • Plusieurs méthodes disponibles pour s’assurer d’une sélectivité neuronale de la transfection – animaux transgéniques dans lesquels la « Cre recombinase » est présente uniquement dans certains types neurochimiques de neurones: p.e. souris « TH-Cre » – « construction plasmidique » qui permet que seuls certains neurones expriment la protéine de l’opsine (p.e. dans le cortex, la mise de la transcription du gène de ChR2 sous le contrôle du promoteur d’une kinase, la CaMKIIa, assure que la protéine ne sera synthétisée que par les neurones pyramidaux (et pas les interneurones) • Illumination à la longueur d’onde appropriée (473 nm pour ChR2 et 589 nm pour NpHR); fréquence d’illumination variable Principe de la Cre-recombinase Sites loxP de même sens Sites loxP de sens opposé Exemple Exemple d’application Peut-on moduler la prise compulsive de drogue en augmentant le frein comportemental exercé par le cortex préfrontal ? Création de rats consommateurs compulsifs de cocaïne 30% de rats deviennent consommateurs compulsifs : continuent malgré les chocs électriques Signes d’hypoactivité des neurones pyramidaux du PFC des rats compulsifs Effet de la stimulation de ChR2 chez les rats compulsifs… Effet de l’inhibition neuronale par eNpHR chez les rats non-compulsifs (sensibles aux chocs électriques) Conclusions I • L’activité des neurones pyramidaux du cortex préfrontal (appelé prélimbique chez le rat) semble moduler le degré de compulsivité de la prise de cocaïne • De manière intéressante, la modulation de la prise de drogue ne semble pas exister lors de la prise de drogues en conditions basales, mais uniquement en cas de nécessité de choix décisionnel (continuer à consommer versus éviter un choc électrique) Chémogénétique: utilisation de DREADDS • Designer Receptors Exclusively Activated by Designer Drugs – « designer receptor »: récepteur artificiel qui a été « fabriqué pour des besoins spécifiques – « designer drug » : molécule qui a été synthétisée avec l’objectif d’activer le « designer receptor » Le CNO est dénué d’action sur les récepteurs « natifs » Plusieurs types de DREADDS peuvent être activés par le CNO Exemples de résultats expérimentaux Un exemple de résultat PVH neurons specifically express SIM-1 and Sim1-Cre transgenic mice are available Brain slice recording Des protocoles plus sophistiqués permettent une transfection spécifique de neurones projetant vers une zone donnée du SNC From Urban and Roth, 2015 Un nouveau DREADD: récepteur k rendu sensible à la salvinorine B KORD: k opioid DREADD Possibilité de modulation bidirectionnelle de l’activité neuronale par la chémogénétique CNO SalB Conclusions II • Optogénétique et chémogénétique sont de nouveaux outils intéressants en neuropsychopharmacologie • Tous deux ont leurs intérêts et leurs limitations • Une des principales limitations dans les deux cas est la difficulté à imiter avec précisions le pattern naturel d’activité neuronale La kétamine • • • • Historique Années 50 : développement de la phencyclidine comme anesthésique, mais abandon suite aux hallucinations/délire lors du réveil Années 60: développement de la kétamine (proche de la phencyclidine) – Anesthésique « dissociatif », pas anesthésique au même sens que le propofol, mais indifférence à la douleur, état proche d’une catalepsie, avec analgésie et amnésie antérograde (induction : ~1mg/kg IV ou ~5 mg/kg IM) – En raison de problèmes hallucinatoires au réveil, réduction de l’utilisation en anesthésiologie à des situations cliniques très spécifiques (p.e. bronchospasme ou choc hypovolémique [la kétamine stimule le système OS]) Années 80-90: – Mise en évidence d’un potentiel d’abus important (« Special K ») – Démonstration du site d’action moléculaire: blocage du canal couplé aux récepteurs NMDA du glutamate; antagoniste non-compétitif au niveau des récepteurs NMDA Années 2000-2010: – Mise en évidence d’un effet antidépresseur rapide – 2010: hypothèse d’activation de mTOR dans le PFC (idée générale: le blocage préférentiel de récepteurs NMDA d’interneurones GABAergiques du PFC désinhiberait les neurones pyramidaux glutamatergiques – 2016: l’effet antidépresseur de la kétamine serait dû à un de ses métabolites, modulateur positif des récepteur AMPA Effet antidépresseur aigu de la kétamine Après 1 jour Après 1 semaine “The antidepressant efficacy of ketamine, and perhaps Dcycloserine and rapastinel, holds promise for future glutamate-modulating strategies; however, the ineffectiveness of other NMDA antagonists suggests that any forthcoming advances will depend on improving our understanding of ketamine’s mechanism of action. The fleeting nature of ketamine’s therapeutic benefit, coupled with its potential for abuse and neurotoxicity, suggest that its use in the clinical setting warrants caution”. Newport et al., Am J Psychiatry, 2015 L’effet antidépresseur de la kétamine ne semble pas lié à son effet antagoniste NMDA Les hydroxynorkétamines ne sont pas des antagonistes NMDA Les HNK modulent sans doute les récepteurs AMPA et leur effet antidépresseur dépend de cet effet Moins de potentiel d’abus des HNK ? Conclusions III • La kétamine a une histoire longue et tortueuse • Il existe plusieurs autres histoires de molécules anciennes dont on découvre de nouvelles propriétés, l’avantage étant qu’on connaît bien leurs effets indésirables et leur tolérabilité (thalidomide, ceftriaxone, acide valproïque,….).