Effets fonctionnels de la stimulation électrique du cortex moteur

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Effets fonctionnels
de la stimulation électrique
du cortex moteur dans un modèle
primate de la maladie de Parkinson
ACTUALITÉS
neurosciences
> X. Drouot*, B. Jarraya*, S. Palfi*
> Drouot X, Oshino S, Jarraya B et al. Functional recovery in a primate model of Parkinson’s
disease following motor cortex stimulation. Neuron 2004;44:769-78.
L
e traitement de la maladie de Parkinson consiste à suppléer la déplétion striatale en dopamine par la prise
orale de son précurseur, la L-dopa,
transformée en dopamine par la dopadécarboxylase cérébrale. Si ce traitement corrige remarquablement les
symptômes au début de la maladie, des
effets indésirables surviennent après 5
à 7 ans de traitement. Ces complications
sont principalement des mouvements
anormaux (dyskinésies) et des fluctuations motrices de l’effet de la L-dopa.
Avec le temps, l’effet des prises de
L-dopa s’estompe et les complications
sont responsables d’un handicap compromettant sérieusement la qualité de
vie des patients.
Le traitement du stade avancé de la
maladie de Parkinson repose actuellement
sur des méthodes neurochirurgicales.
Les techniques de stéréotaxie lésionnelle comme la pallidotomie sont efficaces sur les dyskinésies dopa-induites,
mais présentent l’inconvénient de leur
irréversibilité. Les techniques de stimulation électrique chronique à haute fréquence de cibles profondes s’affranchissent de cette contrainte. En particulier,
* Service de neurologie, hôpital Henri-Mondor,
Créteil.
la stimulation à haute fréquence du
noyau subthalamique améliore considérablement l’état moteur des patients.
Toutefois, cette technique souffre de
contraintes qui limitent son extension
à grande échelle. L’implantation d’une
électrode profonde requiert une équipe
multidisciplinaire avec un neurochirurgien
expérimenté en stéréotaxie, un neurologue spécialisé dans les mouvements
anormaux et un électrophysiologiste
qualifié disposant d’un matériel d’enregistrement fiable. Le coût matériel et
horaire de telles interventions fait que
celles-ci restent hors de portée des structures hospitalières de taille moyenne ;
il en résulte un faible nombre annuel de
patients opérés, avec, par conséquent,
des listes d’attentes de plusieurs années.
De nombreux arguments issus de la
recherche expérimentale et clinique ont
récemment montré l’implication fondamentale du cortex moteur primaire (M1)
dans la physiopathologie des symptômes
moteur de la maladie de Parkinson. Ainsi,
les enregistrements unitaires du cortex
moteur primaire ont montré une augmentation de la synchronisation neuronale au repos chez des primates rendus
parkinsoniens par intoxication au MPTP
(1). Des enregistrements comparables ont
montré que l’augmentation de l’activité
La Lettre du Neurologue - Suppl. Les Actualités au vol. X - n° 6 - juin 2006
23
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des neurones de M1 précédant un mouvement était beaucoup moins ample et
plus lente chez les primates parkinsoniens que chez les animaux contrôles
(2). Des anomalies similaires ont été
observées chez les patients à l’aide de la
stimulation magnétique transcrânienne
(TMS) traduisant un défaut d’activité de
M1. De plus, il a pu être observé, lors de
la procédure d’implantation d’électrodes
subthalamiques chez le parkinsonien, que
la TMS réduisait l’hyperactivité pathologique de ce noyau, suggérant un effet
bénéfique de la neuromodulation de M1.
Enfin, la réduction importante de l’activité oscillatoire des neurones du noyau
subthalamique par l’ablation partielle ou
la désynchronisation du cortex moteur
chez des rongeurs ayant une déplétion
en dopamine nous a conduits à tester
l’effet comportemental de la stimulation à haute fréquence du cortex
moteur dans un modèle primate de la
maladie (3).
Après avoir disposé une électrode à
quatre plots en regard du cortex moteur
gauche, nous avons effectué une série
d’injections de MPTP intramusculaires
répétées et prolongées sur plusieurs
mois ; nous avons ainsi obtenu une dégénérescence dopaminergique striatale
progressive chez cinq babouins. Le processus neurodégénératif des neurones
dopaminergiques a été régulièrement
suivi par le biais d’examens mensuels
par tomographie par émission de positons à la 18F-fluorodopa. Tout au long de
la progression de la dégénérescence
dopaminergique, nous avons également
examiné les effets moteurs de la stimulation corticale en mesurant quantitativement les déplacements spontanés des
animaux à l’aide d’un dispositif d’analyse
automatisée des mouvements par enregistrement vidéo, lorsque la stimulation
était allumée et éteinte. La mise en
route du stimulateur (130 Hz) a entraîné
24
une augmentation significative (+ 50 %)
de la distance parcourue spontanément
en 30 minutes et de la vitesse de déplacement lorsque la stimulation était
allumée par rapport à l’absence de stimulation. Cet effet bénéfique était
d’autant plus marqué que la déplétion
dopaminergique était prononcée. Afin
d’explorer les mécanismes d’action de la
stimulation corticale, nous avons réalisé
une étude du métabolisme cérébral par
tomographie par émission de positons
au 18F-fluorodéoxyglucose en comparant
les conditions avec et sans stimulation.
Nous avons ainsi montré que la stimulation s’accompagnait d’une augmentation
significative de l’activité métabolique de
l’aire motrice supplémentaire ipsilatérale
(figure). Enfin, nous avons complété
notre étude en mesurant l’activité électrophysiologique des neurones du noyau
subthalamique et du globus pallidus
ipsi- et controlatéraux. Ainsi, durant la
stimulation, la fréquence de décharge
moyenne des neurones de ces deux
noyaux diminuait significativement pour
atteindre les valeurs normales enregistrées chez deux animaux contrôle sains.
Cet effet était présent pendant la stimulation et se prolongeait sur une
courte période de 4 à 5 minutes après
interruption de la stimulation corticale.
De plus, la stimulation a entraîné une
diminution transitoire significative du
nombre de neurones présentant une
activité oscillatoire alors qu’aucun effet
de la stimulation n’a été observé sur les
neurones du noyau subthalamique et
du globus pallidus chez les animaux
contrôles sains.
Ces résultats précliniques laissent donc
envisager une nouvelle approche neurochirurgicale dans la maladie de Parkinson.
Il reste néanmoins à confirmer les bénéfices potentiels d’une telle approche
thérapeutique chez les patients atteints
d’une forme évoluée de la maladie de
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Parkinson dans le cadre d’un essai biomédical de phase I/II qui a lieu actuellement à l’hôpital Henri-Mondor. La
place de la stimulation corticale reste
donc à établir dans l’arsenal thérapeutique des formes évoluées de la maladie
de Parkinson à la lumière de cet essai
■
biomédical.
Figure. Effet de la stimulation corticale
sur le métabolisme cérébral mesuré par
TEP au FDG. Coupe axiale de la carte statistique superposée à une IRM normalisée
de babouin. Les pixels de couleur sont
ceux pour lesquels l’analyse statistique
détecte une augmentation significative
(p < 0,05) de la consommation de glucose
en condition on par rapport à la condition
off. Ces pixels se projettent en regard de
l’aire motrice supplémentaire ainsi qu’en
regard de la pars dorsalis du cortex cingulaire moteur. L’intersection des lignes
bleues indique l’aire motrice supplémentaire. La flèche blanche indique la position
du cortex moteur primaire stimulé.
Références bibliographiques
1. Goldberg JA, Boraud T, Maraton S et al.
Enhanced synchrony among primary motor cortex neurons in the 1-methyl-4-phenyl-1, 2, 3, 6tetrahydropyridine primate model of Parkinson’s
disease. J Neurosci 2002;22(11):4639-53.
2. Doudet DJ, Gross C, Arluison M, Bioulac B.
Modifications of precentral cortex discharge
and EMG activity in monkeys with MPTP-induced lesions of DA nigral neurons. Exp Brain Res
1990;80(1):177-88.
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