1 Théorème de Brauer Théorème 1. Soit K un corps de caractéristique quelconque. Deux permutations σ1 et σ2 sont conjuguées dans Sn si et seulement si P (σ) et P (σ2 ) sont conjuguées dans GLn (K) ie : ∃ τ ∈ Sn tel que σ2 = τ ◦ σ1 ◦ τ −1 ⇐⇒ ∃ Q ∈ GLn (K) tel que P (σ2 ) = QP (σ1 )Q−1 Démonstration. : Sn −→ GLn (K) étant un σ 7−→ P (σ) morphisme de groupe (cf rappels 1,2), pour τ ∈ Sn tel que σ2 = τ ◦ σ1 ◦ τ −1 , on a : Etape 1 : Supposons σ1 et σ2 conjuguées dans Sn . L’application P (σ2 ) = P (τ ◦ σ1 ◦ τ −1 ) = P (τ )P (σ1 )P (τ −1 ) = P (τ )P (σ1 )P (τ )−1 Ainsi, P (σ2 ) et P (σ1 ) sont conjuguées dans GLn (K). Etape 2 : Supposons maintenant qu’il existe Q ∈ GLn (K) tel que P (σ2 ) = QP (σ1 )Q−1 et montrons que σ2 et σ1 sont conjuguées dans Sn . Méthode 1. Il s’agit de montrer que les décompositions en cycles à supports disjoints de σ1 et σ2 sont du même type, ie font intervenir le même nombre de k-cycles pour k parcourant [[1, n]], les 1-cycles étant les points fixes de la permutation. Notation 1. Soit dk (σ) le nombre de k-cycles figurant dans la décomposition de σ ∈ Sn en un produit de cycles à supports disjoints deux à deux. Objectif de la preuve : Il s’agit donc de montrer que pour tout k ∈ [[1, k]], dk (σ1 ) = dk (σ2 ). On remarque que pour tout m ∈ N, P (σ2m ) = (QP (σ1 )Q−1 )m = QP (σ1 )m Q−1 = QP (σ1m )Q−1 et donc que pour tout m ∈ N, P (σ2m ) et P (σ1m ) sont également conjuguées. Intéressons nous aux cycles des décompositions de σ1m et σ2m et montrons que : ∀m ∈ N , [B-R] n P (k ∧ m)dk (σ1 ) = k=1 n P (k ∧ m)dk (σ2 ). k=1 Lemme 1. Soit ψ un k-cycle de Sn . Alors, pour m ∈ N, ψ m est le produit de k ∧ m cycles à k . supports disjoints, tous de longeurs k∧m Démonstration. ψ est conjugué au k-cycle (1, 2, . . . , k), il suffit donc de montrer le résultat pour le k-cyle (1, . . . , k). Soit donc x ∈ {1, . . . k} et notons cm le cycle de la décomposition de (1, . . . , k)m , k k contenant x. On souhaite montrer que cm est un cycle de longeur k∧m ie est d’ordre k∧m . Alors, (1, . . . , k) est sans point fixe dans [[1, k]], et cm est sans point fixe vue comme une permutation de son support, on a donc pour x ∈ [[1, k]] et i ∈ N : cim = Id ⇐⇒ cim (x) = x ⇐⇒ (1, . . . , k)mi (x) = x ⇐⇒ (1, . . . , k)mi = Id. (1, . . . , k) étant d’ordre k, par définition de l’ordre d’un élément, ceci est équivalent à : k | mi ⇐⇒ k k∧m | i et donc ord(cm ) = k k∧m . Appliquons le lemme précédent. Chaque cycle de longeur k de σ1 , se décompose en un produit de n P k ∧m cycles dans σ1m . Ainsi, le nombre de cycles à support disjoints dans σ1m est (k ∧m)dk (σ1 ) k=1 et de même pour σ2m . Soit v ∈ V = Kn et soit B = (e1 , . . . , en ) la base canonique de Kn . Introduisons alors l’action de Sn sur Kn définie par : Sn × Kn −→ n P (σ, xi ei ) 7−→ i=1 n P Kn xi eσ(i) i=1 Pour une permutation φ, on note V φ = {v ∈ V | φ(v) = v} = Fix(φ). Lemme 2. dimK (V φ ) est le nombre de cycles dans la décomposition de φ en cycles à supports disjoints, en tenant compte des cycles de longeur 1. 2 Démonstration. v = v1 e1 + . . . + vn en est dans V φ = Fix(φ) si et seulement si φ(v) = v ie n n n P P P λi eφ(i) = λ i ei = λσ−1 (i) ei ce qui par unicité de l’éciture dans la base canonique de i=1 i=1 i=1 V = Kn équivaut à λi = λj pour tout (i, j) tels que j = σ(i), soit donc λi = λj si et seulement si i et j sont dans la même orbite sous l’action de < σ > sur [[1, n]]. Ainsi, notant Ω1 , Ω2 , . . . , Ωr les orbites de l’actions de < σ > sur [[1, n]], tout élément de V φ s’écrit donc : P P α1 ei + . . . + αr ei = α1 ω1 + . . . + αr ωr i∈Ω1 i∈Ωr et β = (ω1 , . . . , ωr ) est une famille génératrice de V φ . Elle est également libre, par liberté de la base canonique, d’où dimK (V φ ) = r = nombre d’orbites de l’action de < φ > sur [[1, n]] soit exactement le nombre de cycles à supports disjoints dans la décomposition de φ. On déduit du lemme ci-dessus que : n n P P m m dimK (V σ1 ) = (k ∧ m)dk (σ1 ) et dimK (V σ2 ) = (k ∧ m)dk (σ2 ) k=1 k=1 σ1m Objectif : Montrons que dimK (V ) = dimK (V considérons l’application linéaire bijective : uQ : Kn v σ2m ). Rappelons que P (σ2m ) = QP (σ1m )Q−1 et −→ 7−→ Kn Qv m m Notre objectif est de montrer que uQ est un isomorphisme entre V σ1 et V σ2 . Remarquons que m m v ∈ V σ1 ⇐⇒ Qv ∈ V σ2 . En effet : σ1m (v) = v ⇐⇒ P (σ1m ).v = v ⇐⇒ P (σ2m )(Q.v) = QP (σ1m )Q−1 (Q.v) = Q.v ⇐⇒ σ2m (Q.v) = Q.v σm Comme Q est inversible, l’application ci-dessus est donc isomorphisme entre les espaces V1 1 et m V σ2 , d’où n n P P m m ∀m ∈ N, dimK (V σ1 ) = dim(V σ2 ) et ∀m ∈ N, (k ∧ m)dk (σ1 ) = (k ∧ m)dk (σ2 ) (∗) k=1 k=1 Notation 2. Pour σ ∈ Sn , on note C(σ) le vecteur colonne, dont les composantes sont les dk (σ) pour k ∈ [[1, n]]. [Gou] Soit la matrice symétrique A = (ai,j )1≤i,j≤n = (i ∧ j)1≤i,j≤n . Par (∗), on a donc AC(σ1 ) = AC(σ2 ) et il reste à prouver que A = (i ∧ j)1≤i,j≤n est inversible pour avoir l’égalité C(σ1 ) = C(σ2 ), ce qui donnera le résultat souhaité. Lemme 3. det(A) = ϕ(1) . . . ϕ(n) 6= 0 où ϕ désigne l’indicatrice d’Euler. P Démonstration. Par les propriétés de l’indicatrice d’Euler, i ∧ j = ϕ(d) = P ϕ(d), et d|j puisque d | i ∧ j si et seulement si d | i et d | j. Ainsi, comme i, j ∈ [[1, n]], les diviseurs de i ∧ j n P sont à prendre dans [[1, n]] et on a i ∧ j = ri,k sk,j où d|i∧j d|i k=1 ri,k ( ϕ(k) = 0 si k | i et sk,j = sinon ( 1 0 si k | j sinon Notant R = (ri,j ) et S = (si,j ), on a donc A = RS avec par constrution : • R triangulaire inférieure de déterminant le produit des termes diagonaux i.e ϕ(1) . . . ϕ(n). • S triangulaire supérieure de déterminant le produit des termes diagonaux i.e 1. Ainsi det(A) = det(RS) = ϕ(1) . . . ϕ(n) 6= 0. Conclusion : A inversible =⇒ C(σ1 ) = C(σ2 ), ce qui achève de montrer le théorème. 3 Rappel 1. Pour K un corps commutatif, on note B = (e1 , . . . , en ) la base canonique de Kn . On définit pour σ ∈ Sn , l’application linéaire : σ b: Kn ei −→ 7−→ Kn eσ(i) Alors, σ b ∈ GL(Kn ) car envoie une base sur une base et on note P (σ) ∈ GLn (K) la matrice de σ b dans la base canonique B de Kn . Rappel 2. Une matrice de permutation est composée uniquement de 0 et de 1 avec exactement un seul 1 par ligne et par colonne. De plus si σ ∈ Sn , on a P (σ) = M atB (b σ ) = (ai,j )1≤i,j≤n avec ai,j = 0 si i 6= σ(j) et 1 sinon. Rappel 3. Sn σ −→ 7−→ GLn (K) est un morphisme de groupe. P (σ) = M atB (b σ) Démonstration. Soient σ1 , σ2 ∈ Sn et montrons que P (σ1 ◦ σ2 ) = P (σ1 )Q(σ2 ). Or, • P (σ1 ) = MatB σ c1 = (ai,j )1≤i,j≤n telle que ai,j = 1 si i = σ1 (j) et 0 sinon. • P (σ2 ) = MatB σ c2 = (bi,j )1≤i,j≤n telle que bi,j = 1 si i = σ2 (j) et 0 sinon. n P Notons P (σ1 )P (σ2 ) = (ci,j )1≤i,j≤n où ci,j = ai,k bk,j . Comme ai,k = 0 sauf pour i = σ1 (k) et k=1 bk,j = 0 sauf pour k = σ2 (j), on a ai,k bk,j = 0 sauf pour i = σ1 (σ2 (j)). Ainsi, ci,j = 0 si j 6= σ1 (σ2 (i)) et ci,j = 1 sinon =⇒ P (σ1 )P (σ2 ) = P (σ1 ◦ σ2 ). [B-R] Rappel 4. Tout élément σ ∈ Sn est produit de cycles dont les supports sont deux à deux disjoints et ceci de manière unique à l’ordre près des facteurs. De plus pour obtenir cette décomposition, il suffit de faire agir < σ > sur [[1, n]] de manière usuelle. Démonstration. Soit σ ∈ Sn , on peut restreindre l’action de Sn sur [[1, n]] à < σ > via : < σ > ×[[1, n]] (σ k , i) −→ 7−→ [[1, n]] σ k (i) Soit Ω une orbite de [[1, n]] sous l’action de σ. Comme Ω est l’orbite d’un élément i, il existe un entier k tel que : Ω = {i, σ(i), . . . , σ k−1 (i)} avec σ k (i) = i. et l’orbite de i correspond à un cycle (i0 , . . . , ik−1 ) tel que i0 = i et ij = σ j (i) qui est un des cycles qui intervient dans la décomposition de σ en cycles à supports disjoints deux à deux. Ainsi, la partition de [[1, n]] sous l’action de < σ > est équivalente à la décomposition de σ en cycles à supports disjoints deux à deux. Rappel 5. Deux permutations σ1 , σ2 ∈ Sn sont conjuguées si et seulement si leurs décompositions en cycles à supports disjoints sont du même type, ie dans chaque décomposition apparait le même nombre de k-cycles pour k parcourant [[1, n]]. Rappel 6. Soit (i1 , . . . , iq ) un q-cycle de Sn . Alors pour tout permutation σ, on a : σ ◦ (i1 , . . . , iq ) ◦ σ −1 = (σ(i1 ), . . . , σ(iq )). Ainsi, pour q ≤ n, dans Sn tout q-cycle est conjugué au q-cycle (1, 2, . . . , q), qui pourra servir de q-cycle référent. De manière générale, deux q-cycles sont toujours conjugués. Démonstration. Prendre σ qui envoie ik sur k pour k ∈ [[1, q]] et définir σ sur [[1, n]] \ {i1 , . . . , iq } de sorte qu’elle envoie bijectivement cet ensemble sur [[k + 1, . . . , n]] (il y a (n − q)! façons de le faire). Référence : • Pour le calcul du déterminant à la fin de la démo, voir Gourdon.