Messe de la Nuit de Noël

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Messe de la Nuit de Noël
église Notre-Dame, le jeudi 24 décembre
Chers Frères et Sœurs,
En quelques mots concis, l'apôtre saint Jean nous dévoile la nature même de notre Dieu :
« Dieu est Amour ! » (1Jn 4, 8). Et nous n'en finissons pas de scruter ce mystère dans la nuit de la
foi pour y percevoir cette essence divine dont le propre est de se donner, sans cesse, à l'infini,
éternellement. Cette nuit de Noël voit le ciel s'ouvrir pour laisser les anges annoncer aux bergers la
Bonne Nouvelle d'un enfant né dans une pauvre étable. Pour Dieu, laisser le ciel s'ouvrir, c'est
prendre le risque que les hommes puissent entrevoir de manière fugace ce qui demeurait caché. Ce
que l'homme de l'Ancien Testament ne pouvait pas soupçonner se présente tout à coup : Dieu a un
Fils ! Et avant l'infinité des siècles, sans commencement et pour toujours, Il l'a déjà engendré au ciel
– c'est-à-dire en Lui-même -, dans une procession d'Amour éternelle. L'introït de cette Messe
reprend le psaume : « Le Seigneur m'a dit : ''Tu es mon Fils. C'est moi qui t'engendre aujourd'hui'' ».
C'est dire que les premiers mots de la divine liturgie de cette nuit veulent nous situer résolument
dans le mystère d'éternité qui précède l'événement historique que nous célébrons. La naissance du
Verbe en la chair à Bethléem est intimement liée à sa génération éternelle au ciel. « (Le Verbe) ne
doit pas la vie à sa naissance corporelle. Il existait avant de prendre un corps ; c'est lui qui a créé
sa mère ; il a fait choix de celle qui l'a conçu » (Saint Augustin, Sermon CXIX, 6, in Sermons sur
l’Écriture, Robert Laffont, p. 992).
Comme toujours, le processus de révélation part d'en haut. C'est Dieu qui a l'initiative,
depuis qu'il s'adresse aux hommes, comme nous le rapporte la Sainte Écriture en ses
commencements. Cette fois-ci, Il convoque toutes les puissances célestes. Il réunit « une foule de
l'armée des cieux » car ce qui advient dépasse la mesure de tout ce qui a déjà été révélé jadis.
« Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ». Cette
gloire divine céleste et cachée, c'est celle de la génération éternelle du Verbe (et de la procession de
l'Esprit). Elle est manifestée aux hommes de bonne volonté pour qu'ils accueillent la joie de Dieu
venant parmi eux, d'un Fils qui leur est donné : Fils éternel du Père, Fils d'une humanité qu'Il reçoit
d'une humble Vierge du peuple d'Israël. « Lorsque nous enseignons qu'il y a deux naissances dans
le Christ, dit saint Maxime de Turin, nous ne voulons pas dire que le Fils de Dieu naît deux fois,
mais nous affirmons la dualité de nature en un seul et même Fils de Dieu. D'une part est né ce qui
existait déjà ; d'autre part, a été produit ce qui n'existait pas encore... Ainsi donc, Dieu qui était
auprès de Dieu est sorti de lui et la chair de Dieu qui n'était pas en lui est issue d'une femme. Ainsi
le Verbe est devenu chair, non de telle sorte que Dieu soit dilué dans l'homme, mais pour que
l'homme soit glorieusement élevé en Dieu » (Sermon 10 Sur la Nativité du Seigneur, in L'année en
Fêtes, Migne, p. 78). En cette nuit sainte, cette « lumière, dont le mystère nous est révélé sur la
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terre » (Collecte), nous l'accueillons avec gratitude et grande joie, mêlées de profond respect et
d'adoration. Dieu au mystère lointain se laisse voir dans un Enfant couché dans une mangeoire.
Saint Jérôme imagine l'attitude de saint Joseph : « Sa mère le coucha (dans une mangeoire).
Joseph lui, n'osait toucher à cet enfant qu'il savait ne pas être né de lui. Émerveillé, heureux, il
n'osait toucher à l'enfant » (Homélie sur la Nativité du Seigneur, in L'année en Fêtes, Migne, p. 54).
Cette pieuse révérence du père adoptif de Jésus nous introduit plus avant dans la foi au mystère de
l'Incarnation. Jérôme note encore comment le Sauveur ''naît dans le fumier d'une étable'' pour nous
rejoindre dans la ''fange de nos péchés'' et nous en retirer, selon que le prophétise le psaume : « Du
fumier, il retire le pauvre » (112, 7). C'est ainsi que du mystère contemplé dans l'éternité de la
génération du Fils par le Père, nous passons à la finalité clairement exprimée du mystère du Verbe
fait chair. Le motif affiché de l'Incarnation est le salut de tous les hommes. « Notre grand Dieu et
Sauveur, Jésus, le Christ ; s'est donné pour nous afin de nous racheter de tout péché et de purifier
un peuple qui lui appartienne, un peuple ardent à faire le bien ».
Chers frères et sœurs, cette sainte nuit de Noël prend cette année une tonalité un peu
particulière dans la mesure où elle se situe au début de l'année du Jubilé de la divine Miséricorde,
inauguré par le Saint-Père, ce 8 décembre dernier, avec l'ouverture de la Porte Sainte à Rome.
« Jésus-Christ est le visage de la miséricorde du Père. Le mystère de la foi chrétienne est là tout
entier. Devenue vivante et visible, (la miséricorde) atteint son sommet en Jésus de Nazareth...
Lorsque est venue la ''plénitude des temps'' (Ga 4, 4), quand tout fut disposé selon son dessein de
salut, il envoya son Fils né de la Vierge Marie pour nous révéler de façon définitive son amour. Qui
le voit a vu le Père (cf. Jn 14, 9) » (Pape François, Misericordiae Vultus, 1). L'acte ultime de la
miséricorde du Père se trouve tout entier dans le don de son Fils venu dans notre chair pour nous
délivrer du péché et de la mort. Dieu n'a pu se résoudre à voir son œuvre aller à sa perte définitive.
La miséricorde est donc double puisque le péché est racheté par le Verbe fait chair et que,
par surcroît, Celui-ci nous arrache à notre condition terrestre pour nous introduire dans sa
communion divine. « Le mystère du Verbe incarné a fait briller d'un nouvel éclat aux yeux de notre
âme la lumière de la gloire du Père ; et, tandis que nous contemplons Dieu sous une forme visible,
il nous emporte à l'amour des réalités invisibles » (Préface de Noël). Avançons vers le berceau de
l'Enfant-Dieu avec la simplicité des bergers, l'émerveillement de Joseph et la gratitude adorante de
Marie. Offrons-Lui le présent de notre amour reconnaissant et supplions-Le pour notre monde qui
vit dans l'indifférence ou le mépris de cette extraordinaire nouvelle du Dieu fait homme. Au milieu
des ténèbres de l'homme sans Dieu, meurtris par les errements de la foi en Dieu dans la haine des
hommes, prions Dieu, fait petit d'homme, afin que sa Lumière luise au fond de tous les lieux
obscurs d'une humanité dont Il est le seul salut et la seule espérance. Ainsi-soit-il !
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