Lombalgie et ski de fond Classique 1/ Définition de la Lombalgie La Lombalgie est un terme générique pour qualifier les douleurs du bas du dos. Les origines des douleurs lombaires sont souvent liées à une inflammation musculaire, ligamentaire ou discale. Cette douleur peut être déclenchée par un effort musculaire trop intense, mal préparé, ou bien, par une technique de ski inadaptée. Nous l’appelleront lombalgie fonctionnelle, par opposition à la lombalgie structurelle qui a un terrain d’origine dégénératif du disque intervertébral ou/et des structures articulaires postérieures. 2/ Anatomie et Physiologie 1/ Le complexe lombo-pelvis-fémoral Il comprend l’ensemble des articulations du rachis lombaire, de la charnière dorso-lombaire à la zone Lombo sacrée, des articulations sacro-iliaques, coxo-fémorales et de la symphyse pubienne. Ces groupes articulaires présentent des liaisons anatomiques et fonctionnelle qui permettent difficilement de les dissocier, En effet les suppléances entre les différents étages permet de compenser les défaillances d’un groupe articulaire pathologique qui se trouve être souvent être la charnière lombosacrée et ses disques L4/L5 ou L5/S1. Fonction du complexe : La charnière Lombo-sacrée assure la mobilité sagittale (avant/arrière), la charnière dorsolombaire la mobilité transversale ou rotatoire et le bassin transmet les forces et des contraintes entre les membres inférieurs et le tronc. La morphologie du complexe articulaire est ’’ jeune’’ dans l’évolution de l’espèce. La charnière Lombo sacrée a subi les contraintes du redressement à une époque récente. C’est certainement une des causes de la fragilité de cette zone de transition lombo sacrée. Il nous faudra protéger cette région dans notre pratique nordique, tant aux travers des programmes de musculation que dans notre technique de ski. 2/ Caisson abdominal C’est un caisson hydrique à rebord essentiellement musculaires. 2A. Topographie Le contenant La paroi supérieure : le diaphragme, paroi antérolatérale : Les muscles grands droits, grand oblique, petit oblique et transverse de l’abdomen. La paroi postérieure : le carré des lombes le rachis lombaire et le psoas, le plancher constitué du diaphragme pelvien. Le contenu est constitué de l’ensemble des viscères maintenues par le péritoine qui est une membrane séreuse en forme de sac sans ouverture dont la surface interne est lisse , cette membrane tapisse la cavité abdominale toute entière se prolonge sur la plupart des organes que cette dernière contient et maintient à leur place au moyen de nombreux prolongements et replis . Le péritoine à un rôle de maintien des viscères créant ainsi une répartition des pressions intra abdominale sur la sangle et le complexe lombo-pelvien, allégeant ainsi les pressions sur le périnée et les disques intervertébraux. 2 B. Rôle du caisson : 1 Dans la mécanique respiratoire : lors de la pratique du ski de fond, les besoins en O2 sont importants et les volumes transférés sont créés par un abaissement maximal du diaphragme créant une surpression abdominale et bien sur une surtension des muscles périphériques qui en fin d’inspiration restituent l’énergie, donnant une expiration peu couteuse. 2 Lors de la phase de poussée en ski de fond : une apnée courte (glotte fermée) et la contraction des muscles périphériques du caisson (diaphragme, abdominaux, périnée) engendre une diminution des contraintes de 50% sur la charnière D12/L1 et de 30 % sur la charnière L5/S1, une économie des muscles spinaux postérieurs de 55% et de plus, une efficacité de propulsion considérable par un gainage plus solide du complexe Lombo-Pelvi-abdomino-thoracique. La contraction du caisson abdominal permet une protection de la charnière lombo sacrée (L5/S1) . La posture lombaire en délordose / rétroversion du bassin lors d’une phase de poussée en ski de fond permet une protection de cette zone. (Schéma de droite) 3/ Le Muscle Psoas-iliaque C’est un complexe musculaire de la région antérieure de l’abdomen et du bassin. Formé par deux muscles le psoas et l’iliaque réunis en un tendon commun volumineux et puissant qui vient s’attacher sur le petit trochanter du fémur en avant et dedans de l’articulation coxo-fémorale. Le psoas s’attache sur la face antérieure des vertèbres et des apophyses transverses de D12 à L4, l’iliaque lui s’insère dans la fosse iliaque interne, sur une partie du sacrum et la face antérieure de l’articulation sacro iliaque. Ses actions sont diverses : Globalement : il réalise une flexion et une rotation externe de cuisse, Avec un point fixe fémoral : il accentue la lordose lombaire. En travail statique : il est un rempart convexitaire antérieur qui assure la statique de la colonne lombaire et du bassin. Il est un ligament actif des articulations coxo-fémorales et sacro iliaques. Par contraction bilatérale : il amène une antéversion du bassin et une lordose. En contraction unilatérale : il amené l’aile iliaque du bassin homolatérale en avant (ce qui en fait un muscle majeur de la phase de shoot en technique alternative de ski de fond) Il est aussi un réceptacle à toxine, la pratique des sports d’endurance est génératrice de déchets, qui sont en partie stockés dans les tissus musculaires des psoas (d’où une bonne hydratation pendant et après l’effort ) 3/ Physiologie du mouvement Définition du pas alternatif : Le pas alternatif est un travail symétrique et alterné des membres supérieurs et inférieurs en opposition, avec un transfert du poids du corps d’un ski sur l’autre. Lors de la phase de poussée du membre inferieur, (shoot) la musculature antérieure est sollicitée dans le début de la phase, puis dans la phase d’appuis unipodale, la chaine musculaire postérieure est mise en action (triceps sural, ischio-jambiers, fessiers). Du côté controlatéral sur le membre supérieur en action c’est la chaine postérieure (fixateurs d’omoplate, rotateurs externe d’épaule, deltoïde postérieur, triceps) qui est en sollicités. Photo de Gauche Delphine Claudel aux Chpts de France 5KM Définition Poussée simultanée C’est un geste ou la propulsion vers l’avant est assurée par la poussée simultanée des membres supérieurs (double poussée/doble pooling) (fixateurs d’omoplate, rotateurs externe d’épaule, deltoïde postérieur, triceps) et la flexion du tronc par contraction musculaire des caissons thoracique et abdominal, les genoux restant gainés en légère flexion et dans l’axe frontal. (voir chapitre 2 anatomie , rôle du caisson ) Poussée simultanée, ici trois U14 Dames où nous constatons un jeu vertical important Définition du pas de un : Il est une gestuelle combinée des deux précédentes techniques avec une impulsion sur un membre inferieur d’appuis coordonnée à une poussée simultanée des deux membres supérieurs image : www.skimco.ca 4/ Epidémiologie D’après la statistique de la direction des risques professionnels portant sur les accidents du travail de la dernière décennie en France, la Lombalgie est un élément important de santé publique. Soit plus de 20% des accidents comprenant un arrêt de l’activité professionnelle sont causées par diverses algies lombaires. Au pays du ski de fond classique, Le ministère de la santé Finlandaise annonce que 12 % de sa population souffre de lombalgies chroniques et elle serait responsable de 25% de l’absentéisme au travail ; néanmoins, peu de chiffres en relation avec la pratique du ski de fond classique dans la littérature, Nous pouvons dire que la pratique du ski de fond dans sa forme traditionnelle peut être à la fois responsable de contraintes néfastes de la charnière lombo sacrée pour une pratique sportive trop intensive ou techniquement inadaptée. Mais nous pouvons aussi penser que l’activité de ski de fond classique régulière et adaptée à chacun, peut être un formidable moyen de lutte contre la lombalgie chronique par : -un meilleur maintient musculaire et - une bonne vascularisation des structures anatomiques de la colonne lombaire. 5/ Physiopathologie Essayons d’analyser et de comprendre les phénomènes de lombalgie chez le « fondeur classique » 5A/ Lors du pas alternatif on note : 1er Une gestuelle en opposition de la ceintures scapulaires (ligne des épaules) par apport à la ceinture pelvienne (bassin) ce qui sollicite beaucoup en torsion la charnière dorsolombaire (D12/L1) et sa musculature paravertébrale. 2eme Lors de l’avancée du pied dans la phase de ‘’shoot’’, une torsion de l’aile iliaque sur le sacrum crée une contrainte transversale importante des articulations sacro-iliaques et lombosacrée (L5/Sacrum). 3eme La position du tronc est source de contraintes engendrant nombres de lombalgies en style classique. L’angle que fait le tronc par apport à l’horizontale doit se situe entre 50 et 60° en phase de glisse et de 45 à 50° en phase d’impulsion E.S.F La Bresse 1er cas Le skieur qui a un tronc trop vertical crée une hyperlordose qui augmente les pressions sur les articulations postérieures lombaires et un cisaillement des disques intervertébraux par une tension excessive du psoas. Sur cette photo nous pouvons voir deux stratégies d’inclinaison du buste déterminées par la morphologie du skieur et de la qualité de son accroche. Adrien Mougel en action sur les 15KM des championnats de France aux Contamines Monjoie 2éme cas Le skieur qui a un tronc trop horizontal va engendrer une forte sollicitation des muscles de la chaine postérieure ( fessiers, dorsolombaires ischio jambiers et triceps sural) créant une dépense énergétique musculaire couteuse, des crampes et des lombalgies en fin de séances et parfois des tendinites chroniques du tendon d’Achille … course de ski dans les années 70 à la Tenine , La Bresse Hautes -Vosges 4eme En cas de fartage trop limite en accroche, l’impulsion ne trouve pas l’appui suffisant du patin du ski sur la neige, engendrant un recul de fuite du ski et un choc violent sur le tendon du psoas-iliaque, la contracture reflexe du muscle crée une raideur lombaire créant une hyperpression des articulations postérieures et des contraintes de cisaillement de la structure discales L4/L5/S1. La technique de montée en ciseaux permet de pallier au manque d’accroche, ici Aurélie Dabudyk du team ATOMIC en action. 5eme Si la phase d’impulsion du pied d’appuis se réalise en posture d’hyperlordose lombaire (bas du dos très creusé en arrière ) nous retrouverons les mêmes phénomènes de contraintes sur la charnière lombosacrée : que ce soit en pas alternatif ou en pas de un. 6eme La poussée trop postérieure du membre inferieur en fin de phase d’appui entraine là encore une contrainte importante en hyperlordose. 7eme La faute technique qui lors du transfert latéral du poids du corps associe un mouvement antéro-postérieure excessif du tronc sollicite exagérément la charnière lombo sacrée . Elle est responsable de nombreuses lombalgies chez le skieur débutant. Bref L’hyperlordose ( bas du dos très creusé ) répétée au long cours dans le pas alternatif qu’elle soit due à un problème de fartage d’accroche ou de niveau technique est évidement une des origines majeure de la lombalgie. 5B/ Lors de la poussée simultanée L’enchainement de mouvements brusques de flexion antérieure poussée et de redressement du tronc engendre de grosses contraintes sur la musculature postérieure du tronc ainsi que des pressions intra discales répétées .C’est une source inflammatoire des structures discales et tendineuses , cause de lombalgies. S’il n’existe pas un bon gainage du caisson abdominal qui va servir de rempart antérieur à la colonne lombaire, les articulations et les disques lombaires subiront nombre de contraintes excessives. Le gainage Abdo pelvien donne efficacité au geste et protection des structures articulaires et discales lombo pelviennes. (Voir chapitre ci avant Rôle du caisson abdominal 2.B ) 5C/ Lors du pas de un Nous retrouverons les contraintes conjuguées du pas alternatif et de la poussée simultanée pour un geste de grande complexité gestuelles. 6/ La conduite préventive Quel que soit le terrain pathologique : structurel ou fonctionnel les méthodes de préventions feront appel aux mêmes notions biomécaniques que nous avons vues plus haut. Voici quelques idées pour diminuer la charge sur les lombaires et augmenter l’efficacité gestuelle 1 La pratique régulière de l’activité physique au long de l’année afin de prévenir les lumbagos des premières sorties mal préparées. Travail de ’’posture classique’’ bassin en position neutre ou ‘rétroversion ‘’ (Bassin en rotation postérieure voir chapitre 2.B ) Pause/Gainage de 3 à 5 secondes sur chaque marche du tremplin. Ici à Le tremplin de Lispach La Bresse Hautes -Vosges 2 Apprentissage rigoureux du Gainage abdominal en position de rétroversion du bassin afin de diminuer les pressions sur la charnière lombo sacrée par la maitrise posturale du bassin. Attaque de la poussée en apnée. Exercice qui consiste à garder le bassin gainé en position neutre ou en rétroversion pendant toute la phase de poussée Travail Technique en ‘’délordose lombaire ‘’ ou rétroversion du bassin lors de l’attaque de l’impulsion Travail de posture du bassin en rétroversion sur plan instable avec flexion /extension de genoux 3 trouver le bon angle du buste par apport à l’horizontale La position de l’angle que fait le dos par apport à l’horizontale sera fonction de la morphologie du skieur et nous rechercherons pour chacun d’eux la posture la plus ergonomique, soit entre 50 et 60°sur la phase de glisse et 45 à 50° sur la phase d’appui propulsive. Le travail à sec l’été permet de voir par des exercices de posture, quelle est la posture naturelle du skieur. Paco Soulié et Betrand Oustry aux Saisies 4 Le travail sans cannes sur le plat sera un merveilleux éducatif pour la correction de problème technique, Il nous donnera de précieuses indications sur l’inclinaison du buste en fonction de la fatigue musculaire que ressent le skieur … 5 Corriger l’excès de mobilité antéro-postérieure du tronc dans la phase de transfert latéral du poids du corps, Le battement de l’amplitude antéro postérieure se situe entre 10 et 15°. 6 Les étirements de la chaine postérieure type ‘’Mézières’’ : Sur le temps expiratoire plaquer le dos au sol, rentrer le menton, ramener les pieds vers soi et tendre les membres inférieurs. La position est alors maintenue associée à une respiration diaphragmatique abdominale (avec le ventre) harmonieuse, ample et calme. 7 Les cours de ski avec moniteur de L’école du Ski français parait être une indication importante de l’apprentissage . On y trouvera le plaisir de la glisse par la technique. 8 penser à l’hydratation durant les sorties, afin de bien drainer les structures biomécaniques : Articulations, le muscle psoas iliaque ainsi que toutes les structures impliquées dans le traitement des déchets (Foie, Rein …) 7/ Consignes préventives pour Le skieur Lombalgique chronique Ou présentant des lésions structurelles des vertèbres lombaires. Il devra tenir compte de ses faiblesse, tant dans l’adaptation de sa technique pour diminuer les contraintes lombaires excessives, que dans la charge de travail lors de la sortie classique, Bref : nous ne chercherons pas la performance mais une technique adaptée à la pathologie afin que la pratique du fond classique améliore le fonctionnement du système locomoteur. Le principe : Par une pratique régulière d’activité physique au long de l’année : avec la marche nordique, le vélo et le ski de fond l’hiver, il est possible de prévenir les récidives de lumbagos (voir chapitre 6) . Quelques ajustements techniques 1 Diminuer les contraintes de rotation de la charnière dorso lombaire par une poussée postérieure de bras réduite en pas alternatif. 2 Diminuer la poussée du pied en avant dans la phase de ‘’shoot’’ afin de soulager les contraintes de torsion des articulations sacro-iliaques et L5/S1 3 Lors de la poussée simultanée garder une position neutre du tronc, le jeu vertical se fera par une légère flexion/extension des genoux afin de diminuer la pression sur les disques intervertébraux. 4 Un échauffement en marche glissée pour aller vers un pas alternatif plus complet en, deuxième partie de séance 5 Le choix du parcours sera évidemment adapté au niveau physique et technique. 3 paramètres à prendre en compte sa longueur, la technicité des descentes et des montées. 6 Hydratation et apport énergétique en glucides, carburants du plaisir !! ESF Samoens 7/ En Conclusion Photo E.S.F Samoëns Le Ski de fond en style classique peut , s’il est mal géré, engendre des contraintes importantes sur le rachis et favoriser les lombalgies, Mais , comme tous les sports de pleine nature , qu’il soit pratiqué seul au milieu des grands espaces et des forêts ou bien en groupe avec la notion sociale de partage et convivialité : il aura un bien fait sur les systèmes physiologiques et psychologiques du corps humain : le système musculaire , articulaire , cardiovasculaire, Une stratégie contre le sur-poids.. L’évacuation des stress du travail et de la vie moderne. La sensation de bienêtre d’après la séance que tout sportif d’endurance recherche !!! Bref que vous soyez coureur de longues distances aguerris ou pratiquant loisir, faites du sport régulièrement, et n’hésitez pas à prendre des cours avec les moniteurs et entraineurs de ski nordique au sein des écoles de ski et des clubs de la Fédération Française de Ski. Yannick BOTET Le 18.12.15 Ostéopathe /Entraineur Ski Nordique