Que peut faire Trump contre le Canada?

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Que peut faire Trump contre le Canada?
Le quart de l’économie canadienne repose sur les
exportations vers les États-Unis. Donald Trump peut-il
vraiment fermer la frontière entre les deux pays?
20 Jan. 2017 par Simon Lord
(Photo: Mario Beauregard/La Presse canadienne)
Dans cinq minutes, quand vous aurez terminé de lire cet article, plus de huit millions de dollars
en biens et services auront traversé la frontière canado-américaine. Énorme! En 2015, les
échanges commerciaux des États-Unis avec le Canada, leur deuxième partenaire, s’élevaient à
plus de 575,5 milliards de dollars américains. Par comparaison, les échanges entre les États-Unis
et la Chine, leur premier partenaire commercial, étaient de 598,1 milliards de dollars américains.
Les entreprises canadiennes sont maintenant inquiètes, parce que cette relation pourrait être sur
le point de s’effriter.
« Peu importe le type d’entreprise, tous sont préoccupés par le discours protectionniste de
Donald Trump », dit Stéphane Forget, PDG de la Fédération des chambres de commerce du
Québec, qui regroupe 60 000 entreprises et 150 000 hommes et femmes d’affaires. Le marché
américain est vital pour écouler leur production. Par exemple, les entreprises québécoises ont
vendu pour 59,5 milliards de dollars canadiens de produits aux Américains en 2015, contre 34,7
milliards aux Canadiens des autres provinces.
La situation est la même en Ontario: en dollars, les entreprises ont exporté presque cinq fois plus
de produits vers les États-Unis que vers le reste du pays. En Alberta, c’est deux fois et demie
plus. Au total, presque le quart de la production canadienne est vendue à nos voisins du Sud.
1994: L’ALENA entre en vigueur
2000: Bulle techno
2008: Grande récession
(Statistique Canada)
D’un point de vue commercial, l’économie canadienne est en quelque sorte un 51e État
américain, selon l’économiste Stephen Gordon, de l’Université Laval. L’avantage de cette
intégration: les États-Unis sont une économie prospère, riche en occasions d’affaires. Le
désavantage: Canada inc. ne peut pas faire grand-chose si le gouvernement américain décide de
fermer la porte au commerce.
«Bombardier fait des affaires des deux côtés de la frontière et le Canadien National, qui a son
siège à Montréal, est tout à fait intégré en Amérique du Nord. Son réseau va jusque dans le sud
des États-Unis», dit Patrick Leblond, professeur à l’École supérieure d’affaires publiques et
internationales de l’Université d’Ottawa et spécialiste de l’intégration économique nordaméricaine.
Dans le domaine de l’automobile, en Ontario, les fabricants de pièces Magna et Linamar sont
très dépendants de l’accès au marché américain, puisqu’ils font affaire avec les trois grands
constructeurs automobiles américains: General Motors, Ford et Fiat Chrysler. Dans l’Ouest, les
grandes entreprises du domaine de l’énergie, comme TransCanada et Enbridge, ont elles aussi
des ramifications à l’échelle du continent nord-américain.
«Nous avons seulement un voisin, les États-Unis, dit Stephen Gordon. Pour aller au Mexique, il
faut traverser ce pays. Pour aller ailleurs à l’étranger, il faut franchir des milliers de kilomètres
d’océan. La géographie nous condamne à une certaine dépendance envers les Américains.»
Mais les États-Unis dépendent eux aussi du Canada. Selon des données de l’État canadien, près
de neuf millions d’emplois aux États-Unis seraient tributaires des échanges commerciaux et des
investissements avec le Canada.
Il y a toutefois une grande différence entre les deux pays. Les exportations des États-Unis vers le
Canada représentent environ 1,5 % de l’économie américaine, alors que les exportations du
Canada vers les États-Unis représentent 25 % de l’économie canadienne. Le Canada est donc
beaucoup plus dépendant du commerce avec son voisin que ne le sont les États-Unis.
Serait-il même possible d’imaginer l’économie canadienne sans l’apport des États-Unis?
«Difficilement, parce que notre relation est rentable dans les deux sens», dit Stéphane Forget, de
la FCCQ.
Malgré les craintes des entreprises, il faut selon lui différencier le «candidat Trump», qui a fait
des déclarations-chocs pour être élu, du «président Trump», qui pourrait bien pousser sa
réflexion sur les rapports commerciaux entre les deux pays. «Je crois qu’il sera rattrapé par la
réalité économique», conclut-il.
(Statistique Canada)
7
Nombre de fois qu’une voiture nord-américaine traverse la frontière durant son assemblage.
(Source: Conseil nord-américain de la compétitivité)
25 %
Contenu américain dans les importations des États-Unis en provenance du Canada. (Source:
NAFTA at 20, Congressional Research Service)
1,1 million
Selon le Service commercial américain à l’étranger (USFCS), l’investissement direct américain
soutient 1,1 million d’emplois canadiens.
402 milliards
Les chiffres montrent combien notre relation économique avec les États-Unis surpasse celle avec
les autres pays du monde. En 2015, le Canada a exporté pour 402 milliards de dollars de biens
aux États-Unis, son premier partenaire commercial. C’est 20 fois plus qu’en Chine, son
deuxième partenaire commercial.
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