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Couplages électro-hydro-thermomécaniques dans les sols.
Application à l’électro-osmose.
Yves Berthaud, André Dupas, Raphaelle D’Anna
Laboratoire des Matériaux et des Structures du Génie Civil
UMR 113 LCPC / CNRS
2 Allée Kepler, F-77420 Champs-sur-Marne
Résumé : la mise en évidence du phénomène d’électro-osmose est ancienne et date début du 19e
siècle. Des travaux plus systématiques ont été réalisés dans les années 1930 -1940 puis dans la
période 1960 à 1970. Ces travaux ont essentiellement été des recherches en laboratoire avec
quelques applications sur le terrain (stabilisation de pente). Cette technique entre dans le cadre
des couplages thermodynamiques classiques caractérisés par des lois connues (Loi de Fourier, de
Fick, de Casagrande ...). Cependant, une description correcte à l’échelle macroscopique de ces
couplages ne semble pas encore réalisée et c’est l’objectif final de ce travail.
Mots clés : électro-osmose, argile, modèle macroscopique.
Abstract : electro-osmosis is a well known phenomenon since the early 19 th century. A lot of
work has been done during the decade 1930-40 and then between 1960 and 1970. After
researches have been done in different laboratories, applications have been made concerning the
dewatering of clays or the stabilisation of soils. This technique is one of the classical
thermodynanical couplings (Fourier, Fick or Casagrande law). This study adresses the description
of the microscopical phenomena within the frame of a phenomenological model dealing with all
the state and evolution couplings.
Key words : electro-osmosis, clays, macroscopical model.
1. Introduction
Nous rappelons dans un premier temps les principaux phénomènes observés lorsqu’on applique
sur un matériau tel qu’une argile saturée un champ électrique. Puis nous donnerons les
explications communément admises à l’échelle microscopique ainsi que les paramètres qui
conditionnent une telle expérience. Ensuite nous mettrons en évidence les différents couplages
qui se manifestent et qui justifient une approche systématique et une modélisation dans le cadre
de la thermodynamique des processus irréversibles qui permet de rationaliser le choix des
variables, des couplages d’état et d’évolution. L’objectif non encore atteint et de pouvoir réaliser
des calculs prévisionnels à l’aide d’un code aux éléments finis.
2. Electro-osmose
Ce phénomène a été décrit par F.F. REUSS (1809) dans un mémoire relatif aux effets de
l’électricité galvanique dans un sol. Puis une étude systématique a été faite par Casagrande dans
les années 1930-1940 dont les principaux résultats sont rassemblés dans un article de synthèse
(CASAGRANDE, 1953). Si on considère (Figure 1) un échantillon d’argile (bentonite par
exemple) soumis à un potentiel de l’ordre de 1 volt par centimètre (cas
Figure 1. Système expérimental pour l’électro-osmose.
Figure 1. Experimental set-up for electro-osmosis.
0,75
0,7
0,65
0,6
0,55
0,5
0
50
100
150
200
Tem ps (m in)
Figure 2. Débit d’eau en fonction du temps (D’ANNA et al, 1998).
Figure 2. Discharge of water in function of time.
uniaxial) on peut assez rapidement observer à la cathode une accumulation d’eau. La courbe
(figure 2) du débit d’eau recueilli en fonction du temps fait apparaître un domaine de débit
constant puis une asymptote. De la première partie de la courbe on déduit le coefficient de
perméabilité électro-osmotique dit de Casagrande. On peut se convaincre (Figure 3) que cette
perméabilité est dans une large mesure insensible au matériau que ce soit un sable ou une argile.
Figure 3. Débit d’eau en fonction de la tension appliquée pour différents matériaux
(CASAGRANDE, 1953)
Discharge of water versus electric potential
L’ordre de grandeur de cette perméabilité est de 0,0001 cm2/sV (ou encore 0,0001 cm/s pour une
tension appliquée de 1 V par cm). Son principal intérêt réside dans le fait qu’elle est en première
approximation constante au contraire de la perméabilité hydraulique qui varie dans un rapport 106
au minimum lorsque l’on passe d’un sable à une argile. On peut donc en déduire que cette
technique sera plus rapide pour assécher une argile qu’une méthode traditionnelle (cf D’ANNA et
al, 1998).
3. Couplages
La seconde partie de la courbe (figure 2) fait apparaître une asymptote qui traduit la compétition
à long terme entre les forces électriques et des efforts de succion. Il s’agit là de la manifestation
d’un couplage entre effets électrique et hydraulique. Les premières mesures de pression
effectuées en cours d’essai ont d’ores et déjà permis d’observer des pressions de succion allant
jusqu’à 0,1 MPa (voir Fig. 6) (soit la limite de notre capteur). On peut prévoir d’autres couplages
tels que l’évolution des propriétés électriques en fonction de la teneur en eau et en ions. De la
même manière des essais réalisés au LMSGC ont prouvé que si la désaturation de l’argile est
facile à obtenir, des fissurations suivent le chemin des lignes d’iso-densité de courant électrique
maximale et modifient profondément la répartition des lignes de champ. Il s’agit là de la
manifestation d’un couplage local (propriétés du matériau) et des conditions aux limites
appliquées.
La figure 4 montre la répartition linéaire de tension en début d’essai et ce qu’on observe en fin
d’essai à savoir un gradient important à proximité de l’anode puis une répartition à nouveau
linéaire. Cette chute de tension est imputable au dessèchement important du matériau au
voisinage de l’anode puisque dans notre essai nous ne ré-injectons pas l’eau extraite. Nous
retrouvons un résultat déjà noté par CARON (1968). Ce point est par ailleurs source de difficultés
expérimentales et nous incite à travailler à courant imposé. Dans ce cas on voit sur la figure 5 que
le générateur de tension adapte la tension électrique afin de conserver le courant prescrit qui
impose le débit osmotique. Le phénomène intéressant est que la succion augmente avec l’effet de
l’électro-osmose pour diminuer lorsque l’essai est interrompu. C’est la manifestation de la
compétition entre effets électrique et hydraulique.
4. Effets locaux.
L’électro-osmose provient de l’existence d’une double couche qui provoque au sein de la solution
saline une répartition non uniforme des charges électriques. Différentes théories relient cette
répartition à la valeur du potentiel de la double couche, à la valence des ions à la distance entre
les feuillets (dans le cas de l’argile) ce qui traduit une interaction entre ces derniers.
(MITCHELL, 1991, ISRAELACHVILI, 1985). L’hydratation des ions est couramment invoquée
comme phénomène supplémentaire expliquant l’apparition d’un débit macroscopique d’eau et
d’ions de la solution. On retrouve là l’explication de la sensibilité du cœfficient de perméabilité
électro-osmotique à la température, à la valence des ions, à la concentration de la solution, ... La
variation reste néammoins limitée à un facteur 100.
70
60
24 h EO
24 h EO+ 24 h repos
60 h EO + rep os
50
40
30
20
10
0
0
2
4
6
8
10
12
14
16
D istance (cm)
Figures 4. Evolution de la tension après électro-osmose, arrêt et reprise.
Evolution of the tension after electro-osmosis.
60
14
50
12
10
40
8
30
6
20
Intens ité
10
Tens ion
2
0
0
4
500
10 00
0
1500
T em ps (m n)
Figures 5a, b. Evolution du courant (a) et de la tension (b).
Evolution of the imposed electric current (a) and of the tension (b).
0
-0.5
-1
-1.5
-2
-2.5
0
500
1000
1500
Tem ps (s)
Figures 6. Evolution de la pression.
Evolution of the pression
5. Modélisation macroscopique
Ce point est l’objet du travail en cours au LMSGC. Les différentes théories qui ont été proposées
s’appuient essentiellement sur les travaux d’ONSAGER (1931). Ce dernier prévoit une matrice
de couplage (entre flux d’eau, de courant électrique, de chaleur, d’ions et les forces associées) qui
est symétrique. Le travail est alors d’identifier correctement les variables internes et les forces
associées.
Remarque : on pourra mettre à profit les couplages pour estimer la perméabilité hydraulique
d’une argile en particulier par simple application d’une tension, mesure du courant, du débit et de
la pression que le mouvement fluide provoque. Cette mesure sera très intéressante dans le cas de
matériaux peu perméables car la durée d’un essai d’électro-osmose est nécessairement limitée à
quelques heures pour des échantillons décimétriques.
Références
REUSS F.F. 1809 - Sur un nouvel effet de l’électricité galvanique. Mémoire de la société
impériale des naturalistes de Moscou.
D’ANNA R., BERTHAUD Y. et A. DUPAS 1998 - Désaturation de boues d’injection. Rapport
de contrat SADE/LMSGC.
CASAGRANDE K (1953), Electro-osmosis and stabilization of soils, Journal of Boston
Engineering.
ONSAGER L. (1930) - Reciprocal relations in irreversible process, Phys. Rev., 2nd series, 37, 4,
405-426.
MITCHELL J.K. (1991) - Conduction phenomena: from theory to geotechnical practice,
Géotechnique, 41, 3, 299-340.
YEUNG A.T. and J.K. MITCHELL (1993) - Coupled fluid, electrical and chemical flows in
soil, Géotechnique, 43, 1, 121-134.
ISRAELACHVILI, (1985) - Intermolecular and surface forces, Academic Press.
CARON C, (1968) - Application et essais dans le domaine de l ’électro-osmose des terrains
sableux et argileux, Bulletin technique de la suisse romande, 1, 1-4.
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