Quartier libre A l’ISc Paris et a l’uni © Fotolia Que représente le prix pour les enfants ? À l’aune de la crise et de ses retentissements sur le pouvoir d’achat des consommateurs, la problématique du prix à payer pour un produit est plus que jamais d’actualité. La population des enfants est également concernée car d’une part elle est désormais considérée comme un marché à part entière et dispose d’un réel pouvoir d’achat et, d’autre part, elle représente un vivier important de futurs consommateurs adultes. Si l’on ajoute à cela que l’enfance est une période clé de l’initiation à la consommation, il paraît légitime de s’intéresser à la façon dont les jeunes consommateurs intègrent dans leurs comportements de consommation les différentes variables marketing en général, et le prix en particulier. Vingt-huit entretiens individuels, réalisés auprès d’enfants de 15 à 13 ans, ont permis d’étudier la définition du prix des jeunes consommateurs. Tout d’abord, les résultats obtenus confirment la pertinence qu’il y a à travailler sur le concept de prix et la relation que les enfants entretiennent avec lui. Cette notion est en effet loin d’être étrangère pour eux et même les plus jeunes (5 - 6 ans) (1) ne manquent pas d’idées pour la définir. La variété des définitions offerte par les enfants met en exergue le caractère multi facettes de ce construit. Pour les enfants, le prix n’est pas un concept unique et apparaît plutôt pluridimensionnel. Quatre dimensions principales émergent de leurs définitions : - La forme visuelle du prix : le prix est souvent défini comme un élément visuel que beaucoup d’enfants (de moins de 10 ans) identifient par les chiffres qui le composent « C’est comme 12 €. C’est un numéro avec un signe qui signifie euros » (F2. 8 ans), ou grâce à son emplacement (étiquettes, codes-barres…). Les enfants reconnaissent ainsi le prix par son apparence numérique et manifestent ici leur capacité à trouver l’information-prix au sein des linéaires des magasins ou sur le produit lui-même. Ce résultat confirme la prépondérance des attributs visuels et saillants chez les plus jeunes. - Un élément de la transaction économique : le prix peut aussi être considéré comme une information neutre mais nécessaire « Si on ne mettait pas le prix, les personnes elles seraient obligées de demander au marchand » (G. 8 ans) qui fait partie intégrante d’une transaction entre un client qui souhaite un produit et le marchand qui le propose « Quand on veut vraiment quelque chose, on doit aller quelque part pour l’acheter et le payer » (F. 10 ans). Le prix est au centre d’un mécanisme d’échange équitable qui permet le fonctionnement du marché. Du point de vue du vendeur, le prix est perçu par les enfants comme le résultat d’un travail « Sert à gagner de l’argent pour celui qui vend » (G. 10 ans). Du point de vue de l’acheteur, il représente une indication. Avec l’âge, les termes employés par les enfants évoluent et leurs descriptions deviennent plus économiques « Une somme qui permet de faire un bénéfice sur ce qu’on a dépensé pour construire le produit » (G. 13 ans). - La concrétisation du prix par l’argent : lors d’une transaction monétaire, c’est l’argent qui donne au prix sa dimension matérielle « C’est quelque chose… C’est ce qu’on paie avec l’argent, je crois » (F. 6 ans). Pour les plus jeunes, cela permet la matérialisation d’une notion abstraite. À partir de 10 ans, le prix semble être une notion bien intégrée et les enfants ne font alors plus explicitement référence à l’argent pour le définir. Ces différentes facettes du prix, extraites de propos d’enfants lorsqu’ils sont invités à définir le prix, permettent d’établir plusieurs constats : Le prix est une variable connue des enfants dès 5 - 6 ans Ils savent le définir et lui prêtent plusieurs dimensions qui rendent bien compte de son caractère multi-facettes Les dimensions évoquées semblent varier en fonction de l’âge de l’enfant et de son développement cognitif Dès lors, le prix apparaît comme une variable familière des enfants. Cette familiarité invite chercheurs et professionnels à davantage investiguer, tant la relation qui les lie à elle que les stratégies-prix qui en découlent potentiellement. - La cherté et le coût liés au prix : le prix est synonyme de la valeur du produit « C’est quelque chose qui explique la valeur de la chose qu’on achète » (F. 10 ans). Il est aussi une source d’information pour évaluer la cherté du produit. Dès lors, la notion de sacrifice budgétaire lui est attachée. (1) Cet âge minimum a été dicté par des contraintes pratiques (e.g. la possibilité de dialoguer). G. signifie que la citation est celle d’un garçon, F. celle d’une fille. - 42 - © Fotolia versite paris ¡ pantheon-sorbonne Que représentent le marketing, les marques et la publicité chez les 11-20 ans ? Les jeunes face au marketing La perception du marketing par les jeunes est souvent très parcellaire même si elle se fait plus précise chez les plus âgés d’entre eux. Toutes les définitions convergent vers l’idée de susciter l’envie et la consommation de produits : « C’est l’art de donner envie aux gens d’acheter certains produits » (G. 11,5 ans). Les manifestations qu’ils en retiennent sont surtout sa partie la plus visible : marketing et publicité ne font qu’un et l’objet commun est de « ‘‘marketer’’ un produit, le mettre en valeur pour donner envie d’acheter » (F. 14 ans). Certains évoquent aussi les bons gratuits ou les produits tests. Leur perception du marketing est neutre ou négative, les arguments variant suivant l’âge. Ils n’imaginent pas vraiment un monde sans marketing « tout serait pareil sinon » (G. 12 ans) ; « mais rien ne serait vraiment attirant » (G. 15 ans). Les termes qu’ils utilisent sont cependant souvent sans équivoque : « obliger », « donner envie ». Le marketing peut leur paraître légitime puisqu’il permet à certains de « gagner leur vie » (G. 11,5 ans). Seuls certains plus âgés ont un discours tranché : « piège », « manipulation »… La place des marques © Fotolia Spontanément, la marque est, pour la grande majorité des jeunes, associée aux vêtements. Pour les plus jeunes d’entre eux, la marque est souvent liée à sa provenance « si on n’a pas des marques on sait pas d’où ça provient et on peut pas racheter » (F. 12 ans). Si certains lui associent une fonction de repérage, d’autres la réduisent à ses manifestations visuelles : un nom, un logo ou un imprimé sur un vêtement. Le discours peut chez les plus âgés se faire plus abstrait : « elles ne renvoient pas la même image » (F. 18,5 ans). Certains évoquent sans conviction des différences de prix, qualité, d’autres de style. Il y a les marques hype et les autres, celles qu’il faut avoir au collège ou au lycée sous peine d’être la cible de moqueries. Le discours est cependant ambivalent, les jeunes manifestent parfois une certaine résistance à la dictature de la marque : « il vaut mieux être nous-mêmes » (F. 14 ans) mais y sont finalement plutôt favorables « cela offre une grande diversité, c’est une liberté, chacun est libre de choisir » (F. 18,5 ans). Leur rapport à la publicité La publicité fait évidemment partie de leur quotidien. Tous citent prioritairement la télévision comme canal de transmission mais l’affichage, l’internet et la presse magazine sont également mentionnés, plus rarement le cinéma. A la télévision, beaucoup pensent qu’elle est trop présente « à la télé c’est un peu énervant d’avoir tout le temps des pubs » (F. 14 ans), c’est aussi le cas de l’internet pour les plus âgés « aujourd’hui les pubs nous envahissent, surtout sur internet, c’est vraiment insupportable » (F. 18,5 ans) mais au total l’attitude est plutôt favorable « je trouve ça bien, j’aime bien, c’est comme ça » (F. 14 ans). Pour les jeunes, la publicité a pour objet d’informer les clients potentiels des nouveautés et de manière générale de présenter les produits sous leur meilleur jour pour inciter à l’achat « quand on aime bien la pub, on va aller dans le magasin et ont va acheter » (G. 10 ans), « on dévoile tous les atouts du produit » (G. 11,5 ans). S’ils ne contestent pas son utilité, au contraire, – « c’est un moyen de faire découvrir un produit. C’est un des liens entre le produit et le consommateur». (F. 18,5 ans) –, ils ne sont pas dupes et perçoivent bien que la réalité peut être différente ce qui est annoncé « c’est plus pour attirer, le sandwich dans la pub il est énorme et en - 43 - vrai il est tout petit petit » (G. 11,5 ans). Les annonces publicitaires qu’ils préfèrent sont celles qui les font rire, qui sont « drôles » ou « marrantes », celles « dont la chanson accroche, avec des blagues, c’est plus fun » (F. 18,5 ans), les slogans ou les refrains qu’ils reprennent entre eux, parfois pour parodier les marques. Ils apprécient aussi les publicités originales et interactives « j’aime la publicité sur internet car c’est plus vivant, on peut parfois choisir l’histoire qu’on veut, il y a une distraction ce n’est plus uniquement l’aspect marque » (F. 19 ans). En revanche, ils rejettent les publicités dont ils ne sont pas la cible « les pubs pour la lessive cela n’a pas d’intérêt pour moi » (F. 15 ans). Interrogés sur la possibilité d’un monde sans marketing, marque ni publicité, ils sont partagés, sans doute parce que l’éventualité leur paraît peu réaliste « ça serait compliqué, on n’aurait plus les mêmes repères » (F. 14 ans).Ils se rejoignent sur la perception d’un envahissement publicitaire qui les conduit fréquemment à zapper. nantamay, enseig Par Coralie D ISC Paris, et g, tin ke ar m chercheur en Conférences ard, Maître de Nathalie Guich de Paris 1 ité rs keting, Unive – HDR en mar bonne Panthéon-Sor © Fotolia A l’heure où l’hyperconsommation et le développement durable s’affrontent dans le conscient collectif et où le rôle du marketing est questionné, il paraît pertinent de se tourner vers les jeunes, déjà consommateurs et futur fonds de commerce des firmes, pour connaître leur perception de techniques commerciales côtoyées quotidiennement : le marketing, les marques et la publicité. Dix jeunes âgés de 11 à 20 ans ont ainsi accepté de livrer leurs impressions...